Le développement de l’industrie automobile ghanéenne

Le Ghana représente un important marché pour l’industrie automobile et importe près d’un demi-milliard de dollar de voitures par an, dont 90 % de véhicules d’occasion. Conscient de cette force, le gouvernement souhaite développer une filière industrielle automobile pour soutenir l’économie du pays, tout en renouvelant la flotte automobile ghanéenne, jugée trop vétuste d’un point de vue sécuritaire et environnemental. Pour ce faire, le plan stratégique pour l’industrie automobile prévoit d’importantes exemptions fiscales pour les sociétés qui installeront des sites, dont une exemption totale de frais de douanes pour les kits d’assemblages ainsi que pour les équipements industriels. Il prévoit aussi l’interdiction d’importation des véhicules anciens, âgés de plus de 10 ans, et des véhicules accidentés. Cette mesure a été inscrite dans la loi en mars 2020 mais elle risque de mettre à mal la filière de réparation automobile qui subsistait dans le pays. La volonté gouvernementale aura permis d’attirer Toyota et Volkswagen, dont les usines d’assemblage doivent ouvrir en 2020, tandis que les marques françaises restent distribuées par des partenaires locaux. 

 

1 – Le Ghana importe près de 100 000 voitures par an, dont une majorité d’occasions.

En 2018, les importations de véhicules s’élevaient à 1,2 Mds USD, soit 8,2 % des importations ghanéennes. On estime que le Ghana importe entre 10 000 et 12 000 autos neuves et entre 80 000 et 100 000 voitures d’occasion. Les importations de voitures (hors camions et bus) comptent pour 470 M USD en 2018 (3,1% des importations), faisant de ces véhicules le premier poste d’importations du pays après les hydrocarbures raffinés. Majoritairement siglées Toyota[i], elles proviennent des Etats-Unis (37,1 % en 2019), des Emirats Arabes Unis (18,7 %) du Canada (7,6%) et de Corée du Sud (5,6 %)[ii]. Parmi les véhicules importés, près de 70 % sont âgés de 5 à 12 ans et sont réparés pour être revendus d’occasion sur le marché ghanéen. Le nombre de véhicules pour 1000 personnes est ainsi passé de 50 à 73 en 2017, soit un total de près de 2,1 M de véhicules. Le directeur général de Volkswagen Ghana, Jeffery Oppong Peprah, estime qu’avec une population de 30 M d'habitants, le Ghana représente un marché potentiel à long-terme de 300 000 voitures neuves par an.

Le Ghana a derrière lui un début d’historique industriel dans l’automobile. En 1969, une usine Nissan installée à Accra commençait à assembler voitures, bus et camions et d’autres groupes ont alors suivi ce mouvement, dont UAC Motors du groupe Unilever, la Société commerciale de l'Ouest africain (SCOA), GAMOT[iii] et la société manufacturière ghanéenne GHAMOT. L’entreprise publique National Investment Corporation (NIC) a également créé une usine et un atelier de montage dans le cadre de la politique d'industrialisation du pays. Actuellement, Kantanka est la seule société automobile encore en service. Elle assemble des véhicules en petite série à partir de pièces chinoises importées[iv] et emploie 250 personnes dans l’ouest d’Accra, pour une production annuelle d’environ 1000 voitures.

Le gouvernement souhaite relancer cette filière industrielle. Conscient du déficit de production du Ghana, le gouvernement souhaite industrialiser le pays avec la mise en place d’un cadre favorable à l’industrie automobile. Son développement permettra de participer à l’atténuation de différentes difficultés économiques rencontrées actuellement par le pays :

  1. Participer au développement du pays et à son industrialisation dans le cadre du programme gouvernemental 1 District 1 Factory[v]. Le gouvernement espère que cette filière permettra la création d’emplois directs et indirects qualifiés.
  2. La production locale de véhicules doit aussi permettre de se substituer aux importations et d’améliorer l’excédent commercial, permis uniquement par les exploitations aurifères et pétrolières, et ainsi de réduire la déficit de la balance des paiements.
  3. Enfin, la plus grande distribution de véhicules neufs et récents doit permettre de transformer la flotte automobile nationale pour participer à la sécurité routière[vi].

 

2 – Le gouvernement souhaite développer une filière industrielle automobile.

Le plan pour l’industrie automobile du Ghana prévoit l’installation progressive d’une filière autonome ghanéenne, avec une mise en place progressive, en commençant par l'assemblage de kits semi-démontés (semi-knocked-down kits - SKD)[vii], puis par la fabrication avec assemblage de kits entièrement démontés (completely-knocked-down kits - CKD). Avec ce dernier mode d’assemblage, une partie de la production de composants serait faite au Ghana afin d’élargir la valeur ajoutée locale.

Différentes agences doivent être établies, dont un centre de soutien au développement de l'industrie automobile qui coordonnera l’octroi des licences aux industriels et contrôlera la conformité des véhicules aux normes industrielles. Il devra aussi assurer la gestion du programme de financement des véhicules, afin de développer l’offre de financements bancaires pour l’achat de véhicules assemblés au Ghana par des particuliers[viii]. Par ailleurs, le gouvernement va mettre en place un comité technique de coordination interministérielle sur ce sujet ainsi qu’une direction en charge de l’industrie automobile au sein du ministère du Commerce et de l’Industrie.

Le gouvernement prévoit une série de mesures fiscales favorables à l’installation d’usines d’assemblage. Les usines d'assemblage de kits semi-démontés bénéficieront d’une exemption d’impôt complète sur une période de 5 ans à compter de leur installation, alors que les usines d’assemblage de kits entièrement démontés, plus bénéfiques à l’industrialisation ghanéenne, bénéficieront de 10 ans d’exemptions fiscales. Le régime fiscal doit permettre la mise en place d’une différenciation fiscale favorable aux véhicules assemblés au Ghana. La machinerie et les équipements destinés à ces usines seront exemptés de droits de douanes, ainsi que les kits de fabrication des véhicules tandis que les véhicules importés seront taxés à hauteur de 35 %  ad valorem, contre 20 % actuellement[ix].

En mars 2020, le Parlement ghanéen a adopté l’amendement du Custom Act visant à interdire l’importation de voitures accidentées et de véhicules de plus de 10 ans. Cette mesure s’inscrit dans la volonté de renouvellement du parc automobile ghanéen mais elle pourrait être néfaste pour les revendeurs et mécaniciens ghanéens. La première année, elle pourrait faire perdre 802 M GHS (env. 120 M EUR) de recettes douanières au pays, soit 13,8 % du niveau de recettes douanières prévu dans la loi de finances initiale et 1,6% de la mobilisation fiscale ghanéenne. Toutefois, une clause de l'amendement habilite le ministre des Finances à préciser la date d'entrée en vigueur de l'interdiction. La révision à la baisse des recettes douanières dans le budget de mi-année pourrait entrainer le report de cette mesure.

Le chef de cabinet du bureau du président, Akosua Frema Osei-Opare, a émis une directive à l'intention de l’Administration ghanéenne ainsi qu’à l'autorité des marchés publics qui encourage en priorité l'acquisition de véhicules assemblés localement.

 

3 – Cette politique a permis l’installation d’usines Volkswagen et Toyota.

La mise en place de ce plan a permis d’attirer l’intérêt de différents groupes pour la construction d’un site de production, dont Volkswagen qui a ouvert la première usine d’assemblage en avril 2020. Tandis que Toyota construit une usine d’assemblage dont l’ouverture est prévue en 2020, Nissan et le constructeur de camions chinois Sinotruck seraient aussi intéressés.

Lors de la visite de la Chancelière allemande Angela Merkel au Ghana en août 2018, un accord a été conclu entre le gouvernement ghanéen et Volkswagen pour la construction d’une usine d’assemblage. Retardée par le COVID-19, la production a pu débuter pour l’inauguration du premier véhicule[x] au mois d’août par le Président Nana Akufo-Ado.  L’usine située à Accra aurait une capacité d’assemblage de 5000 véhicules par an. Avec les exemptions fiscales prévues, les véhicules assemblés au Ghana seraient de 10 % moins chers que les véhicules neufs importés.

Mais l’interdiction d’importation de véhicules accidentés pourrait être néfaste à l’activité des réparateurs ghanéens. Une partie des véhicules anciens ou endommagés qui sont importés au Ghana sont par la suite réparés localement avant leur revente sur le marché d’occasion ghanéen. Les pièces des véhicules irrécupérables sont récoltées par les ferrailleurs ghanéens. L’arrêt des importations de tels véhicules pourrait donc réduire leur activité, sans plan d’accompagnement et d’emploi pour les filières concernées. Les opérateurs du secteur estiment que l’amendement de la loi douanière pourrait entrainer la destruction de 20 000 emplois, dont une partie se concentre à Ashaiman, dans la banlieue d’Accra. Le Syndicat des concessionnaires de véhicules et de pièces du Ghana (Vehicle and Asset Dealers Union of Ghana - VADUG) souhaiterait une modification de la loi pour permettre l’importation des véhicules réparables, dont une partie serait réexportée après la remise en conditions des véhicules.

 



[i] L’une des raisons expliquant le succès de la marque en Afrique repose dans la grande disponibilité de ses pièces de rechange à travers le continent.

[ii] Ainsi que du Japon (5,6 %), d’Inde (5,1 %) et d’Allemagne (4,0 %). La France ne constitue que 0,3 % des importations de véhicules au Ghana. 

[iii] Le groupe appartient actuellement à Toyota Ghana.

[iv] Parmi les véhicules proposés, on retrouve des 4x4 et des Pick-up pour un tarif compris entre 16500€ et 32000€. Une partie de la police ghanéenne en est équipée après la commande de 500 véhicules par le gouvernement ghanéen. La marque a récemment lancé une gamme de petits véhicules à destination du marché ghanéen.

[v] Qui prévoit l’installation d’une usine dans tous les territoires administratifs du pays.

[vi] Le Ghana compte plus de 2000 morts et 10 000 blessés par an dans des accidents de la route, dont 67 % impliquent des voitures ou des minibus.

[vii] A ce stade, les véhicules seraient démontés en fin de ligne de production avant d’être envoyés au Ghana pour être à nouveau assemblés, en raison du faible volume de véhicules assemblés au Ghana.

[viii] Selon la Ghana Automobile Dealers Association, moins de 5 % des voitures seraient financées par un prêt banciare, ceux-ci devant être systématiquement appuyés par un collatéral important.

[ix]Le Service économique avait alors été approché par ses homologues japonais, italien et américain pour une démarche commune auprès des autorités ghanéennes afin que ce projet jugé discriminatoire pour les importations soit amendé. Dans l’attente des réactions des opérateurs français du secteur interrogés, aucune réponse n’y a été apportée.

[x] Cinq modèles Volkswagen y sont assemblés à destination du marché ghanéen : Tiguan, Amarok Pickup, Passat, Polo et Teramon

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