Le secteur bancaire

Malgré un secteur informel important (estimé à 40% du PIB), le taux de bancarisation au Gabon, de l’ordre de 30%, est élevé comparé aux standards africains (10% en moyenne). Jeune, comptant peu d’acteurs (7 banques commerciales), le secteur bancaire gabonais a pâti, comme les autres pans de l’économie gabonaise, de la crise de 2014. Dans ce contexte, le secteur bancaire, encore très sensible aux risques, reste frileux et les banques peinent à accorder des crédits.

Le secteur bancaire gabonais est jeune et concentré autour d’un acteur dominant.

Intégré dans un marché régional (le siège de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) est à Libreville), le secteur bancaire gabonais est jeune (la 1ère activité bancaire du pays remonte aux années 1945) et dénombre peu d’acteurs : BGFI, BICIG, Orabank, Ecobank, Citibank Gabon, United Bank for Africa Gabon (UBA Gabon) et l’Union Gabonaise de Banque (UGB)[1]. Des établissements financiers sont aussi présents : Finatra (filiale de BGFI), Alios Finance, Bicig-Bail (filiale de BICIG).

Trois banques, BGFI Bank, BICIG et UGB, dominent le marché et concentrent plus de 75% des emplois. BGFI Bank est le leader du marché suivi par la BICIG et UGB. Sur les 1 764 Mds XAF de crédits en février 2019, BGFI Bank concentre 40% des parts de marché, loin devant UGB (19%), BICIG (19%) et les quatre autres banques qui totalisent ensemble 22%. Néanmoins, s’agissant du nombre de comptes ouverts dans les banques, la situation varie : UGB occupe la 1ère place avec 36% des comptes bancaires ouverts au Gabon, suivi de BICIG avec 28%, Ecobank (12%) et BGFI Bank qui ne revendique « que » 11% des comptes.

Les banques gabonaises ont, en effet, adopté des stratégies différentes, chaque établissement semblant cibler un créneau précis.

- Ainsi, sur le segment des entreprises, BGFI domine le marché avec plus de 3.000 entreprises clientes et 47% des parts de marché des dépôts des entreprises. Ecobank et UBA totalisent respectivement 3.900 et 1.650 entreprises clientes mais ne possède chacune que 4% des parts de marché des dépôts des entreprises. Les deux banques sont effectivement plutôt tournées vers les petites entreprises qui ont des montants de dépôt moins élevés. Citibank se démarque avec un dépôt moyen par entreprises élevé, de 362.000 XAF (55,5 M XAF de dépôts en février 2019 pour 153 entreprises). Sa clientèle d’entreprises est en effet constituée majoritairement de grandes entreprises internationales issues du secteur pétrolier.

- S’agissant des particuliers, en nombre de clients, UGB et BICIG dominent largement le marché avec respectivement 111 000 et 103 000 clients particuliers et professionnels chacun sur les 312 000 que l’on compte au Gabon. Cependant, BGFI est leader du marché s’agissant des dépôts des particuliers (46% des PDM) suivi par la BICIG (22% des PDM) et UGB (22% des PDM). BGFI Bank est en effet spécialisé dans les particuliers grands comptes alors que la BICIG et UGB accueillent des particuliers plus standards (essentiellement les fonctionnaires pour BICIG).

Un secteur rentable, en surliquidité, mais qui prête difficilement aux entreprises.

Le secteur bancaire, en tant que marché concurrentiel, est peu compétitif. Il y a peu d’acteurs comparé à d’autres pays africains (28 en Côte d’Ivoire, 25 au Sénégal). Les banques affichent souvent de très bons résultats. UBA a, par exemple, vu son résultat net passer de 1,3 Md XAF en 2017 à 3,5 Mds XAF en 2018. Le bénéfice net après impôt de la BICIG a augmenté de 14,3% en 2018. Le bilan agrégé des banques a progressé de 11% entre le 31 mars 2018 et le 31 mars 2019, il s’établie actuellement à 2 688 Mds XAF. Cette hausse est due à l’augmentation des capitaux permanents (+16,9%) ainsi qu’à celle des dépôts (+11,5%).

Le secteur bancaire gabonais se caractérise également par une situation de surliquidité avec un excédent de trésorerie s’élevant à 714 Mds XAF (plus d’1 Md €) marquant ainsi une progression de 7,7% entre avril 2018 et avril 2019. Outre l’effet ‘rapatriement des avoirs extérieurs’, cet état est surtout le signe d’un secteur bancaire qui peine à trouver des entreprises et des projets à financer.

Ainsi, l’encours des crédits a augmenté de 3,2% entre le 31 mars 2018 et le 31 mars 2019. Le montant des crédits accordés aux entreprises a quant à lui augmenté de 9,7% sur la même période et représente 67,7% du total des crédits. Il reste néanmoins difficile pour les banques de financer le secteur privé car les entreprises, lorsqu’elles sont déclarées, présentent des documents peu fiables et souvent incomplets. Par ailleurs, les taux des prêts proposés par les banques sont très élevés, de l’ordre de 15%, et découragent bien souvent les particuliers et les entreprises d’en faire la demande. Néanmoins, au 2nd semestre de 2018, la majorité des nouveaux crédits octroyés sont des crédits à court terme pour des entreprises privées. Les crédits octroyés aux administrations publiques ont diminués de 5,2% au 1er trimestre 2019. La couverture des crédits par les dépôts ne cesse d’augmenter, elle s’établissait à 158% en février 2019 alors qu’elle était de 141% en juillet 2018.

Les dépôts ont augmenté de 1,3% entre le 31 décembre 2018 et le 30 avril 2019 (les dépôts des entreprises ont notamment augmenté de 4%). Cette hausse s’explique par la nouvelle réglementation des changes qui oblige les entreprises à rapatrier leurs avoirs extérieurs. De fait, cette mesure a contribué à compenser l’application d’une recommandation du FMI concernant la mise en place d’un compte unique du Trésor devant conduire à la fermeture des comptes de l’Etat dans les banques commerciales.

Un secteur en mutation.

Depuis les années 2000, l’actionnariat des banques gabonaises s’est diversifié avec l’arrivée d’acteurs régionaux et le retrait progressif des banques françaises. En effet, dans le sillage de la montée en puissance du secteur pétrolier (années 1970), les banques françaises étaient, traditionnellement, les principaux investisseurs étrangers dans le secteur bancaire gabonais (Crédit Lyonnais puis Crédit Agricole chez UGB, Parisbas qui deviendra BGFI, Banque Gabonaise et Française Internationale). On observe toutefois, depuis les années 2000, l’arrivée d’autres acteurs internationaux : UGB est désormais détenue par le groupe Attijariwafa bank, 6ème banque africaine détenue par la holding de la famille royale du Maroc. Citibank Gabon est quant à elle rattachée à la banque américaine Citibank. UBA (Nigéria), Ecobank et Orabank, banques d’origine togolaise, complètent ce panorama international. La cession en cours des parts de BNPP dans BICIG marquerait, pour la 1ère fois, l’absence de banques françaises au Gabon.

Autre tendance de fond, l’essor rapide de la finance mobile en fait une alternative au secteur bancaire traditionnel qui a bancarisée une partie importante de la population. Les banques étant très concentrées dans les centres urbains de Libreville, Port-Gentil et Franceville, les institutions financières traditionnelles n’ont pas réussi à toucher la clientèle à faible revenu, en particulier des zones les plus éloignées. Grâce à la large couverture téléphonique (taux de pénétration de 195%) ainsi qu’à sa facilité d’utilisation, la finance mobile a touché des populations éloignées et fragiles, des commerçants et des salariés. La valeur totale des transactions sur le mobile banking a connu au Gabon une progression fulgurante en très peu de temps, concurrençant les banques traditionnelles en pratiquant des tarifs agressifs face à des banques commerciales peu soumises à la concurrence et profitant de marges élevées. Le mode de rémunération de chaque société de finance mobile varie en fonction des accords avec les partenaires commerciaux. Ainsi, une commission sur les opérations de retrait/transfert (prélevée aux clients) et sur les règlements de factures (prélevée aux partenaires) peut être prise par l’opérateur.

De façon plus conjoncturelle, la nouvelle réglementation CEMAC des changes a été adoptée fin 2018 emporte des conséquences immédiates pour les banques. Celle-ci vise à rapatrier et domicilier en zone CEMAC les devises ainsi qu’à accroître la transparence pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). Dans ce nouveau cadre réglementaire, les banques ont l’obligation de rétrocéder les devises à la BEAC (à hauteur de 70%). Les banques commerciales doivent aussi demander l’autorisation à la BEAC pour importer des devises et effectuent des rapports périodiques pour l’importation de devises.

La mise en œuvre de cette nouvelle réglementation repose en grande partie sur les banques qui sont désormais astreintes à un travail de reporting accru, avec toutes les conséquences que cela implique en termes d’organisation et de ressources humaines.

 

 



[1] Par ailleurs, 3 établissements publics sont en liquidation : la Banque Gabonaise de Développement (BGD), la Banque Gabonaise de l’Habitat (BGH) et Poste Bank Gabon.

Publié le