Un système éducatif caractérisé par des taux de scolarisation en progression, mais une qualité relativement faible

Grâce à la suppression des frais de scolarité dès 1994 et la construction massive d’écoles dans le pays, les taux bruts de scolarisation au primaire ont connu une nette progression pour atteindre 105,4 % en 2022/23. Malgré cela, de nombreux défis persistent : les disparités régionales et de genre sont importantes, tandis que le taux d’alphabétisation progresse peu (51,7 % en 2017). Les compétences acquises par les élèves dans le secondaire et le supérieur ne semblent par ailleurs pas répondre pleinement aux besoins du marché de l’emploi. Si le secteur reste une priorité pour le gouvernement (3ème poste de dépense en 2023/24), la part et le montant alloués à l’éducation dans les dépenses publiques est en diminution depuis quelques années. Les bailleurs, et la Banque mondiale en particulier, demeurent actifs.

D’importants progrès constatés ces dernières années dans l’accès à l’éducation primaire et secondaire, mais des disparités régionales et de genre qui persistent

Le système éducatif éthiopien est majoritairement public et l’enseignement est laïc depuis le début du 20ème siècle. Le parcours éducatif se déroule par l’accession à l’école primaire à partir de 7 ans qui est obligatoire (grade 1 – 6), collège (middle school grade 7 – 8), et le lycée (secondary grade 9 – 12). L’école est gratuite jusqu’au milieu du lycée (grade 10). De plus, en 2023, le gouvernement a révisé l’Education and Training Policy pour y introduire deux ans de scolarité gratuite et obligatoire supplémentaire pour les enfants de 5 et 6 ans. Le taux d’accès à l’école primaire a considérablement augmenté depuis les années 2000, sous l’effet notamment de la suppression des frais de scolarité dès 1994 et la construction massive d’écoles dans le pays.

Le taux brut de scolarisation (TBS) au primaire a fortement progressé au cours des deux dernières décennies, passant de 76,4 % en 2005 à 105,4 % en 2022/2023. Un écart important est à relever entre les TBS primaire et secondaire (65,9 % en 22/23), indiquant une faible transition des élèves entre ces niveaux, liée à l’accès aux établissements d’enseignement secondaire, aux contraintes économiques des ménages les plus pauvres pour lesquels le coût d’opportunité d’envoyer les enfants à l’école est très élevé et aux barrières sociales, en particulier pour les filles.

Les disparités d’accès entre les filles et les garçons persistent, avec des TBS au primaire de 100,6 et 110,0 % respectivement, et de 65,1 et 66,6 % pour le collège. Les différences régionales sont par ailleurs importantes, les régions Afar et Amhara sont celles ayant les TBS primaires les plus faibles, respectivement de 69,2 % et 90,6 %. L’Ethiopie comptait en juin 2023 près de 37 000 écoles (+560 par rapport à l’année précédente), concentrées en région Oromia et dans l’ouest du pays. Si à l’échelle nationale, 91,7 % des écoles primaires sont publiques, les écoles privées sont majoritaires à Addis-Abeba (543 contre 257).

Les chocs récents qu’a connus le pays (conflit au Tigré, sécheresse) ont eu des impacts négatifs majeurs sur la scolarisation. Près de 4,2 millions d’enfants et 200 000 instituteurs auraient été affectés par le conflit, et environ 9 000 écoles ont été intégralement ou partiellement détruites au Tigré et en Amhara[1].

Les défaillances du système éducatif ne permettent pas d’améliorer sensiblement le niveau d’éducation et l’adéquation avec les besoins du marché du travail

Si le taux de redoublement est relativement faible (2 % à l’école primaire, 3 % au collège et 1 % au lycée en 2021/2022), le taux de décrochage scolaire est lui plus élevé, s’élevant à 16 % pour le primaire et 15 % pour le collège à l’échelle nationale. Les garçons sont plus nombreux à quitter le système scolaire (14,1 %) que les filles (12,2 %). Ce taux est en augmentation depuis 2012/2013 (+7 points de pourcentage, ou pp). Les raisons expliquant ces décrochages scolaires sont multifactorielles : i) la participation aux activités rémunérées et travaux du foyer ; ii) la mauvaise qualité des établissements scolaires, tant en matière d’enseignement (professeurs absents ou en retard, peu ou pas qualifiés) que d’infrastructures (accès à l’eau potable et installations sanitaires, électricité) ; et iii) la malnutrition et les maladies des enfants et de leurs parents. Les retards ou le non-paiement des instituteurs et professeurs, communs depuis 2019, causent par ailleurs de nombreuses perturbations de l’enseignement.

En dépit d’un taux de scolarisation élevé au niveau national, l’UNESCO estime que 90 % des enfants de 10 ans ne savent pas lire et comprendre un texte approprié pour leur âge, reflétant les lacunes éducatives dans le pays[2]. En 2017, le taux d’alphabétisation de la population adulte était de seulement 51,7 %, largement inférieur à la moyenne d’Afrique subsaharienne (65 %). Le taux d’alphabétisation des femmes (44,4 %) reste bien inférieur à celui des hommes (59,2 %), mais l’écart tend à se réduire (20,2 pp en 2007).

Aujourd’hui le pays compte 51 universités publiques et plus de 300 universités privées. Le passage de l’examen de fin de lycée est obligatoire pour accéder à l’université publique mais peu d’élèves accèdent à l’éducation supérieure chaque année. En 2023, seuls 3,2 % des élèves en fin de secondaire (soit 27 267) ont obtenu des résultats suffisants. La région du Tigré s’est démarquée par un taux de réussite très élevé (68 %). Au niveau national, ce taux très faible semble relever : i) d’une inadéquation forte entre les programmes et l’examen proposé, pourtant élaborés par le ministère de l’Education ; ii) d’un nombre de places limitées dans l’éducation supérieure, et iii) d’une qualité de l’éducation insuffisante.

En 2008, le gouvernement a imposé une répartition stricte des filières d’études pour les élèves intégrant le supérieur, 70 % devraient étudier les sciences et technologies et 30 % les sciences sociales. Face à l’échec de cette mesure à créer des emplois et réduire le chômage des jeunes, ce ratio a été révisé à 55/45 en 2019. Près de 150 000 étudiants obtiendraient un diplôme de licence chaque année, mais beaucoup disposeraient de compétences inadaptées pour accéder au marché du travail formel, trop restreint pour les absorber[3]. Le développement d’établissements de formation professionnelle technique (TVET) pourrait être plus pertinent et plus adapté au marché du travail éthiopien. Le PNUD recommande à ce titre le développement de formations axées sur les compétences agricoles, manufacturières, et relatives à l’économie numérique. Les étudiants éthiopiens sont de plus en plus nombreux à aller étudier à l’étranger : ils étaient 8 873 inscrits dans des universités étrangères en 2021 (contre 6 827 en 2011), principalement en Amérique du Nord et Europe occidentale (52,8 %) et Europe centrale et orientale (16,7 %)[4].

Un secteur qui reste prioritaire pour le gouvernement et les partenaires au développement

L’éducation représente le 3ème poste de dépenses publiques sur le budget 23/24, avec 9,7 % des dépenses (55,8 Mds ETB), derrière le remboursement du service de la dette (159,2 Mds ETB, 27,8 %) et les routes (68,4 Mds ETB ; 11,9 %). La part et le montant alloués au secteur de l’éducation dans les dépenses sont en baisse depuis quelques années (66,1 Mds ETB en 21/22 ; 64,8 Mds ETB en 22/23), la priorité étant donné aux remboursements du service de la dette. Depuis 1997, l’Ethiopie a mis en place une série de plans quinquennaux intitulés Education sector development Programme (ESDP), qui ont pour objectif d’améliorer l'accès à une éducation plus équitable, égalitaire et pertinente. La 6ème version de ce plan est en vigueur (2020-2025) et porte les objectifs d’accès à l’éducation et d’amélioration générale de la qualité des enseignants et des établissements scolaires.

L’éducation est également un secteur d’intervention majeur pour les bailleurs, multilatéraux et bilatéraux (BM, BAD, USAID). La Banque mondiale est en première ligne avec douze projets ciblant intégralement ou partiellement le secteur de l’éducation, pour un montant de 932 MUSD. Deux importants programmes ont été approuvés en 2023, l’un destiné à améliorer l’apprentissage et la nutrition à l’école (2023/28 ; 405 MUSD) ; et un second pour l’amélioration de la formation des TVET (2023/28 ; 200 MUSD).



[1] PNUD, 2022. Crisis, Resilience and Opportunity: Poverty, Human Development and the Macro-Economy in Ethiopia, 2020-23

[2] UNESCO, 2023. Ethiopia: Education Country Brief

[3] PNUD, 2022. Ethiopia 2030 : A Country Transformed? Options for a Next Generation of Reforms.

[4] Données UNESCO

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