Pays exposé à la mer rouge, frontalier à l’Éthiopie, l’Érythrée exploite peu ses opportunités logistiques

L’Érythrée est le 49ème pays sur 54 en termes de développement des infrastructures de transport, selon l’index de développement des infrastructures de la Banque Africaine de développement en 2020. Depuis son indépendance en 1991, l’Érythrée développe activement son réseau de transports routiers. Selon le gouvernement érythréen, 1/5 des routes du pays seraient goudronnées et 85 % de la population serait desservie. Par ailleurs, le pays dispose de 2 ports et d’une ligne de chemin de fer non-opérationnelle reliant Massawa et Asmara. Voisin de l’Éthiopie, pays enclavé de 110 M d’habitants, des projets de corridors reliant l’Éthiopie aux infrastructures portuaires érythréennes (port d’Assab) pourraient renforcer les échanges commerciaux entre les 2 pays.

Political Map of EritreaLes ports érythréens : stratégiques mais peu exploités

D’une superficie d’environ 117 600 km2, l'Érythrée est entourée par le Soudan à l'ouest, l'Éthiopie au sud et Djibouti au sud-est et bénéficie d’un accès direct à la mer rouge (nord-est et est du pays). L’Érythrée pourrait bénéficier davantage de sa position stratégique sur la Mer Rouge, qui constitue l’une des routes maritimes mondiales les plus fréquentées, mais l’exploitation de ses ports reste très limitée. Les principales infrastructures portuaires du pays sont les ports d’Assab et de Massawa.  Massawa, le principal port, dessert l'Érythrée et le nord de l'Éthiopie voisine, grâce à des installations capables d'accueillir 5 à 6 gros navires. Depuis 2017, l’activité de ce port s’est intensifiée ce qui a entraîné une hausse (x2,25) du volume des conteneurs traités (12 000 conteneurs en 2017 à 27 000 en 2019 contre presqu’1 M pour Djibouti)[1]

La paix établie avec l’Éthiopie en 2018 devait entraîner des échanges commerciaux plus importants, en partie en raison de la position stratégique des ports érythréens qui intéressent l’Éthiopie enclavée.[2] Néanmoins, bien que le gouvernement érythréen ait investi dans la rénovation des ports (58 MUSD depuis 1991) avec le soutien de la Banque Mondiale (30,3 MUSD engagés), les performances logistiques du pays restent très faibles puisque d’après l’Index de performance logistique[3] de la BM, en 2016, l’Érythrée se situait à la 144ème position sur 160 pays, puis rétrogradait à la 155ème position en 2018.

L’Érythrée dispose d’infrastructures routières et ferroviaires limitées au marché intérieur  

Depuis son indépendance en 1991, l’Érythrée développe activement son réseau de transports routiers, à travers des projets de réhabilitation de routes, dont un projet soutenu par la Banque Mondiale (6,3 MUSD). A l’échelle nationale, les principaux axes routiers[4] sont asphaltés mais ces routes sont régulièrement endommagées en raison d’un manque de maintenance. Toutefois, d’après le gouvernement érythréen, 1/5 des routes du pays seraient actuellement goudronnées et 85 % de la population serait desservie : 1 900 villages seraient connectés à la capitale grâce à ces routes. L’Érythrée dispose également d’une ligne de chemin de fer, étendue initialement sur 317 km (reliant Agordat et Asmara au port de Massawa). En 1978, seul un tronçon de 5 km était toujours opérationnel. En 2003, des travaux de réhabilitation des infrastructures avaient permis de rétablir la ligne entre Massawa et Asmara[5]. Néanmoins, celle-ci n’est plus fonctionnelle - seul un tronçon à vocation touristique l’était encore avant la pandémie entre Asmara et Nefasit,. Après plus d’un an d’interruption, même ce tronçon me parait impraticable désormais et nécessite un gros travail de restauration.

L’Érythrée ne dispose pas à ce stade de liaisons ferroviaires avec les pays limitrophes, bien que l’Éthiopie ambitionne d’étendre la ligne en cours de construction Awash-Woldia à la frontière érythréenne, puis à Port Soudan.

Peu d’opportunités pour le renforcement des activités logistiques

Si la paix avec l’Éthiopie en 2018 avait constitué un espoir d’ouverture internationale, la plupart des bailleurs se voient limités dans leurs actions. Ils évoquent l’impossibilité de contractualiser leurs engagements en raison du refus du gouvernement érythréen de répondre aux conditionnalités imposées par ces derniers. En effet, le pays refuse de mettre en œuvre les réformes proposées en matière de droits civils, politiques, sociaux et culturels et continue de pratiquer des détentions arbitraires, du travail forcé au sein du « service national » et limite les libertés fondamentales (expression, association, religion).

Ainsi, bien que la position géographique du pays soit un atout pour les activités logistiques et portuaires, il reste difficile d’envisager des opportunités dans ce secteur pour le secteur privé étranger pour les raisons suivantes : étroitesse du marché (environ 4 M d’habitants), faible développement des infrastructures portuaires, performances logistiques limitées, marché structurellement dominé par l’État et cadre des affaires décourageant (Doing Business 2018 –189/190). Ainsi, les entreprises françaises spécialisées dans la réalisation ou la gestion d’infrastructures portuaires ont peu d’opportunités de développement en Érythrée. Le conflit en cours dans la région du Tigray de l’Ethiopie voisine, risque de limiter durablement ces possibilités de développement. Néanmoins, une sortie de crise en Éthiopie pourrait avoir un effet de relance sur les corridors économiques de Massawa et Assab.


[1] D’après les données de la Banque Mondiale : https://data.worldbank.org/indicator/IS.SHP.GOOD.TU?locations=ER

[2] Fin janvier 2021, les travaux de construction de la route reliant l’Éthiopie au port d’Assab (route Melodone- Manda-Bure de 72 km) ont été lancés.

[3] Cet index évalue les performances logistiques de 160 pays suivant les critères suivants : procédures douanières, infrastructures, expéditions internationales, compétences logistiques, système de suivi, durée : https://lpi.worldbank.org/international/global/2016

[4] Il s’agit des 4 axes routiers suivants : Asmara – Massaoua ; Asmara – Keren – Aqordat – Barentou – Tesseney ; Asmara – Mendefera – Adi Kwala ; Asmara – Deqemhare – Adi Qeyeh

[5] Néanmoins, des sources locales nous indiquent qu’il est difficile d’envisager que des travaux aient été faits en 2003 ou qu’ils aient permis de relancer la liaison. En 20 ans cela n’aurait pas pu se détériorer autant et surtout des passages de rails ne sont même plus visibles, et semblent pas avoir été rénovés.

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