Mines : Un secteur prioritaire, rare vecteur d’attractivité pour les IDE malgré les sanctions

Le secteur minier a toujours été un secteur porteur pour l'Érythrée, pays particulièrement pauvre et isolé. Les principaux minerais produits sont le cuivre, le zinc, l’or, l’argent, et la potasse. Les minerais représentent une part importante du commerce (65,4 % des exportations en 2019) et une source importante d'investissements directs étrangers (IDE). Malgré les efforts du gouvernement pour rendre ce secteur attractif et l’avantage d’un régime juridique stable et transparent, les investissements se trouvent confrontés à diverses difficultés dont des sanctions internationales, compliquant entre autres leur financement.

 Un des secteurs les plus porteurs en Erythrée

L'exploitation minière avait commencé par les Italiens pendant la période de colonisation (1891-1941) sur les veines de quartz aurifères avec la technologie limitée de l'époque. Après l'indépendance, le gouvernement a encouragé les activités d'exploration et d'exploitation minière en proposant des opportunités aux investisseurs étrangers avec des lois minières adaptées et flexibles depuis 1996.

Les principaux minerais produits en Erythrée sont le cuivre, le zinc, l’or, l’argent et la potasse (200 ans de réserves, à une faible profondeur et facilement exploitable). Les trois principales mines exploitant cuivre, zinc, or et argent à ce jour sont celles de Bisha et Zara au nord, et Asmara. Malgré le manque de données pour estimer la variété et quantité des ressources potentielles, le pays a produit en 2020 : 320 ktonnes de sel (0,12 % de la production mondiale) et 122 ktonnes de zinc (0,96 %). Le pays a également produit des métaux précieux : 65 tonnes d’or (0,25 %), 22k tonnes de cuivre (0,10 %). Les exportations de minerais (essentiellement du zinc et du cuivre) s’élevaient en 2021 à 501 MUSD. Les minerais[1] (cuivre et zinc) représentaient 65,4 % des exportations en 2019 et les métaux et pierres précieuses 33,6 % (or et argent essentiellement), faisant du secteur une des principales sources de devises étrangères. Les principaux importateurs des minerais érythréens sont la Chine (79,3 %) et la Corée du Sud (20,7 %).

L’exploitation minière est aussi une source non négligeable d'investissements directs étrangers (IDE). Alors que l'Érythrée a toujours eu du mal à attirer d’importants investissements en raison de son climat des affaires défavorable, les ressources minérales de l'Érythrée ont attiré plusieurs investisseurs, dont en provenance de Chine - le plus grand investisseur, créancier et partenaire commercial du pays. Les flux d'IDE en Érythrée ont augmenté au cours des cinq dernières années, à un taux de croissance annuel moyen de 6 %, passant de 41 MUSD à 52 MUSD. Il n'y a eu qu'un seul investissement greenfield en Érythrée en 2017 dans le secteur minier. Plusieurs mines ont déjà été mises au jour et exploitées, en partenariat avec des entreprises étrangères en joint-venture (JV).

Les entreprises chinoises sont très présentes dans le secteur, notamment à la mine de Bisha contenant du cuivre et du zinc. L’entreprise canadienne qui avait investi dans le projet a dû le vendre à la société chinoise Zijin (1,6 Md USD en 2018) après avoir été accusée d’utiliser le national service (qualifié de travail forcé). La mine d’Asmara également a été rachetée par l’entreprise chinoise Sichuan Chinese co, comportant 4 dépôts de cuivre, d’or et de zinc. L’exploitation doit débuter en 2022, retardée par les exigences environnementales du gouvernement. Le principal projet en cours de développement est celui de la mine de potasse de Colluli développé par la société Danakali, entreprise australienne, qui a investi dans la JV Colluli mining à 50 % avec ENAMCO, pour un projet d’exploitation de la potasse initié il y a 11 ans. Après la guerre (1998-2018) et le Covid (2020-2021), les sanctions américaines fin 2021[2] compliquent encore les opportunités de financement, en coupant le pays des financements bancaires en dollar (aversion au risque des banques), obligeant l’entreprise à avoir un compte en Euro pour contourner les sanctions et à recourir à des financements en fonds propres. L’entreprise est en cours de recherche d’un investisseur stratégique mais peine à conclure le closing, les investisseurs potentiels occidentaux étant réticents à s’engager en raison des sanctions américaines, bien qu’officiellement celles-ci exemptent le secteur minier. De ce fait, il y a de fortes chances que l’investisseur stratégique retenu soit chinois. Le délai d’investissement du projet après sécurisation des fonds propres devrait être de deux ans et 3 mois. Dans un premier temps, l’entreprise envisage de faire partir les exportations de Massawa (phase 1) puis dans un second temps (phase 2) depuis son propre port à construire à 30km au sud. Le total de l’investissement prévu sur le projet est de 350 MUSD pour la phase 1 (hors port). Le projet bénéficie du doublement du prix de la potasse depuis la guerre en Ukraine.

Afin de maximiser les recettes minières, le pays s’est doté d’un code et d’un règlement minier avantageux qui impliquent très fortement l’Etat

Le cadre juridique régissant la conduite de toutes les opérations minières sur le territoire de l'Érythrée est inscrit dans la Proclamation sur les minéraux n° 68/1995, Mineral Proclamation 165/2011 ainsi que la réglementation sur les opérations minières - Avis juridique n° 19/1995. (MoEM, 2014). Ainsi, toutes les ressources minérales de l'Érythrée sont propriété publique. L'État a le devoir d'assurer la conservation et le développement durable de ces ressources au profit des populations.

Le ministère de l'Énergie et des Mines (MoEM, le ministère) est l'organisme de délivrance des licences autorisé et est responsable de l'administration, de la réglementation et de la coordination de tous les types d'activités dans le secteur énergétique et minier de l'Érythrée. Les types de licence disponibles sont une licence de prospection (valable 1 an et non renouvelable), d'exploration (valable pour une durée initiale de 3 ans, mais qui peut être renouvelée deux fois pour des durées de 1 an et avec d'autres renouvellements possibles dans certaines circonstances) et un permis minier (valable pour une période de 20 ans avec des renouvellements facultatifs de 10 ans).

Au sein du ministère, le Département des Mines (DoM) est chargé de la gestion du secteur minier et englobe le Service géologique (EGS), Développement des ressources minérales (MRD) et gestion des ressources minérales (MRM). Le pays dispose également d’un système de licence simple « à guichet unique » permettant toutes les formalités pour tous les types de licences pour que les opérations minières soient réalisées par un seul organisme gouvernemental, le MoEM.

Toutes les ressources minérales doivent bénéficier à l’Etat : la société publique National mining company (ENAMCO) possède 40% de parts au moins dans toutes les opérations. L’Etat perçoit un impôt (income tax) de 38 % minimum avec une garantie de stabilité sécurisante pour les investisseurs (contrairement à d’autres pays où l’insécurité juridique est plus forte, le droit minier est stable depuis plus de 15 ans en Erythrée) ainsi que des royalties (3,5 % pour les minerais ou 5 % pour les métaux précieux). Un taux nominal de droit d'importation (0,5 %) est appliqué sur tous les intrants nécessaires aux opérations minières.

En phase avec le caractère prioritaire du secteur, le gouvernement érythréen a mis en place des incitations fiscales. Ainsi, la loi érythréenne prévoit : un amortissement accéléré (méthode linéaire sur 4 ans) de tout le capital et de la préproduction, une affectation de réinvestissement (5 % du revenu brut), aucun impôt sur les dividendes ainsi qu’un rapatriement libre et sans restriction des gains à l'étranger sur des comptes extérieurs. Par ailleurs, les entreprises minières peuvent obtenir directement et facilement du carburant alors que les autres secteurs sont rationnés.



[1] Données TradeMap, catégorie minerais, scories et cendres

[2] En raison de l’implication de l’Érythrée dans le conflit au nord de l’Éthiopie.

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