Indicateurs et conjoncture

 

 Élements structurels de l'économie

Avec un PIB estimé à 2,9 Md USD en 2024 selon la Banque mondiale[1], l’Érythrée est l’une des économies africaines les plus embryonnaires, se classant en dernière place au sein des 13 pays de l’AEOI. Le revenu par habitant reste très faible, à environ 822 USD, ce qui reflète un faible niveau de développement humain : en 2022, le pays occupait la 175ᵉ place mondiale (sur 189) au regard de l’IDH, un classement en dégradation depuis plusieurs années.

L’économie repose principalement sur le secteur des services (52 % du PIB), mais ceux-ci restent largement tournés vers le marché intérieur, avec des services financiers naissants et un accès limité aux technologies modernes. Le secteur industriel contribue à hauteur de 32 % au PIB, principalement grâce aux industries extractives. L’exploitation minière – concentrée sur l’or, le cuivre, le zinc, mais aussi la potasse et le fer – constitue la principale source de devises étrangères. Ces ressources minérales représentent plus de 90 % des exportations nationales, rendant l’économie vulnérable aux fluctuations des prix des matières premières et à la demande extérieure, notamment de la Chine, principal partenaire commercial du pays. Cependant, le développement du secteur extractif reste entravé par des infrastructures insuffisantes, qu’il s’agisse des routes, des ports ou des réseaux de communication. Par ailleurs, le secteur manufacturier reste très marginal, contribuant à moins de 10 % du PIB. L’agriculture, qui mobilise près de 62 % de la population active, pèse peu relativement dans l’économie (17,6 % du PIB), en raison de sa faible productivité, de la dépendance aux précipitations, de l’absence d’irrigation (nombre de rivières limité) et de l’accès limité aux intrants agricoles.

L’économie reste largement dominée par l’État, qui contrôle les principales entreprises, y compris le système bancaire, limité à trois banques publiques. Le secteur privé est encore embryonnaire et concentré sur de petites structures locales. Par ailleurs, les transferts financiers de la diaspora constituent une ressource clé, bien que difficilement mesurable, notamment via la « taxe de redressement » de 2 % imposée aux expatriés. Les perspectives de diversification restent limitées, bien que le gouvernement mise, à travers sa Vision 2030, sur des secteurs tels que l’agriculture, la pêche, le tourisme ou les activités portuaires, dont le potentiel reste conditionné à une ouverture politique et économique encore incertaine.

 

 Conjoncture économique, finances publiques et dettes publiques

Après une décennie de croissance instable, puis une récession en 2020 (-0,5 %), l’économie érythréenne a amorcé une reprise modérée (+2,7 % en moyenne sur 2021–2023), tirée par les secteurs minier (cuivre, or, zinc) et des services. Cette dynamique reste toutefois en deçà des niveaux d’avant-pandémie (+5,3 % sur 2010–2019).

Le réengagement avec certains bailleurs s’est traduit en 2023 par des projets structurants, comme la centrale solaire de Dekemhare (30 MW) et l’entrée de la Chine au capital de la mine de potasse de Colluli (50 %). Ces projets ont soutenu la reprise du BTP.

En 2024, la croissance s’est établie à +2,9 %, portée par la hausse de la production minière, les cours favorables des métaux et le dynamisme de la construction. La demande intérieure a aussi contribué, grâce à la baisse de l’inflation (+4,1 % en 2024, après +6,4 %) et à la stabilité du Nakfa, arrimé au dollar. La croissance devrait se maintenir autour de +3,1 % en 2025 et +3,4 % en 2026, soutenue par la consommation privée, les investissements publics et l’entrée en production de la mine de Colluli fin 2026, qui pourrait représenter 10 % du PIB.

Le déficit public reste élevé (-4,8 % du PIB en 2024), mais devrait légèrement reculer en 2025 (-4,3 %) avec la hausse des recettes minières, grâce à la montée en charge de la production et à des prix favorables. La mise en exploitation de Colluli pourrait générer environ 200 M USD par an à moyen terme.

La dette publique érythréenne demeure insoutenable depuis 2018. En 2024, celle-ci s’élevait à 211,8 % du PIB, bien qu’en nette baisse par rapport à 2011 (-33 pts), et devrait poursuivre cette tendance (177,2 % du PIB attendu en 2027 selon la Banque mondiale). Elle est très majoritairement domestique (80 % en 2023). Le service de la dette externe est restreint aux seuls revenus générés en devises (essentiellement par le secteur minier). Ainsi, la Chine est le seul partenaire financier encore actif (via China Exim Bank), tandis que la Banque africaine de développement poursuit ses projets sous forme de dons. Une restructuration de la dette serait nécessaire pour garantir la viabilité de la trajectoire budgétaire. Depuis mai 2024, l’Érythrée figure au stade préliminaire du processus d’inscription à l’initiative en faveur des pays très endettés (PPTE), première étape en vue d’une éventuelle éligibilité. Toutefois, le pays n’a pas engagé les réformes nécessaires pour y accéder et l’absence d’un programme formel avec les créanciers officiels empêche tout allègement pour l’instant.



[1] Données issues de la Banque mondiale, seule source accessible ; en l’absence de statistiques officielles fiables publiées par l’Érythrée, ces estimations peuvent diverger sensiblement des données réelles. 

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