Indicateurs et conjoncture


AAA

SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE :

L’Egypte se caractérise par sa démographie avec plus de 105 M d’habitants (+1,7 % par an, 3e pays le plus peuplé d’Afrique), ainsi que par sa position géographique stratégique, au carrefour de trois continents et de deux mers reliées par le canal de Suez. La superficie de son territoire est de 1 M km² découpés administrativement en 27 gouvernorats, dont Le Caire, Giza et Alexandrie qui regroupent près du quart de la population et concentrent la majeure partie de l’activité économique (plus de 95% de la population est ainsi concentrée sur 7 % du territoire).

Le PIB de l’Egypte, le deuxième d’Afrique, s’élève à 475 Mds USD sur l’exercice budgétaire 2021/22 (juillet à juin). Ce dernier résulte d’une économie diversifiée, structurée autour des secteurs de l’immobilier et de la construction (18 %), manufacturier (15 %), commerce de gros et de détail (13 %), agricole, forestier & pêche (10,8 %) et extractif (8,8 %). Le secteur public occupe une place prépondérante dans l’économie et représente 27 % de l’activité et 74 % des investissements. L’inclusion du secteur informel, qui représenterait entre 30 et 60 % de l’emploi total, augmenterait le PIB d’au moins 40 %.

Pour l’exercice 2023/24 (juillet à juin), le FMI a revu à la baisse sa prévision de croissance à 3,6 % après 4,2 % en 2022/23 et 6,6 % en 2021/22. L’économie réelle ne parvient toujours pas à décoller, avec un indice PMI s’inscrivant durablement sous la barre des 50 pour le 36e mois consécutif en novembre 2023. La croissance du PIB égyptien est ainsi principalement tirée par l'investissement public dans les grands projets d'infrastructure et la consommation intérieure (essentiellement privée). Si la consolidation budgétaire reste manifeste à moyen terme avec un excédent primaire maintenu autour de 1,7 % du PIB, le déficit et la dette publics sont attendus à 6 % et 95,6 % selon les dernières estimations pour l’exercice budgétaire 2022/23.

L’économie égyptienne est structurellement dépendante de l’évolution de trois rentes :

  • Les transferts de la diaspora (de 18,4 Mds USD en 2013/14 à 22,1 Mds USD en 2022/23),
  • Le tourisme (les revenus affichent un record historique avec 13,6 Mds USD en 2022/23 ),
  • Les redevances d’utilisation du Canal de Suez (5,5 Mds USD en moyenne depuis 2014/15 ; 8,8 Mds USD en 2022/23).

Graph rentes

Ces dépendances sont porteuses de vulnérabilités fortes et participent de la fragilisation brutale de sa position extérieure à chaque retournement de conjoncture, alors que les besoins courants de financement sont élevés (déficit commercial structurel à 31,2 Mds USD en 2022/23 soit 7,8% du PIB ).

A la suite de la modernisation de son économie au milieu des années 2000, l’Egypte a connu des taux de croissance record (7 % entre 2005 et 2008). Toutefois, la crise financière de 2008 et l’instabilité politique en lien avec les épisodes révolutionnaires du début des années 2010 ont durablement affaibli l’économie.

L’élection à la présidence de la République d’Abdel-Fatah Al-Sissi en juin 2014 (puis sa réélection en 2018) a marqué le retour de la stabilité politique alors que le processus de transition s’est achevé par l’élection du Parlement en janvier 2016. Le 2 avril 2018, le président Sissi a été réélu pour un mandat de quatre ans. Les prochaines élections présidentielles ont été avancées à décembre 2023.

La croissance économique est l’une des plus dynamiques de la région ANMO. Elle est néanmoins insuffisante pour compenser le poids des dépenses publiques qui se sont multipliées par 2 en 5 ans. Celles-ci se décomposent principalement en remboursement des intérêts de la dette (35 % du total), en salaires et traitements des fonctionnaires (20 %), et en subvention et dépenses sociales (19 % du total). En 2020/21, 14% du budget a été consacré aux dépenses d’investissement. La croissance est également insuffisante pour absorber de façon inclusive les quelques 800 000 jeunes qui rejoignent chaque année le marché du travail et réduire de façon durable la pauvreté (29,7 % des égyptiens vivraient sous le seuil de pauvreté en 2019/20 – fixé à environ 1,7 USD par jour par les autorités - contre 16,7 % vingt ans plus tôt).

AAA

En termes d’ouverture économique, l’Egypte souffre d’un déficit commercial structurel (31,2 Mds USD en 2022/23, 7,8 % du PIB) en raison de la faiblesse de son appareil exportateur et d’une part conséquente d’importations incompressible (l’Egypte étant par exemple le 1er importateur de blé au monde, sa production manufacturière et industrielle dépend à 40 % d’intrants importés). D’un point de vue conjoncturel, les exportations égyptiennes n’ont pas profité de la dépréciation massive de la devise nationale de 2016, car l’effet-prix a surtout impacté négativement les achats de biens intermédiaires importés. Et en tout état de cause, l’avantage change a été largement compensé par l’inflation qui en est résulté et le surenchérissement du coût des intrants.

Sur le plan des infrastructures, le gouvernement a lancé une série de méga projets dont les plus emblématiques sont le doublement du canal de Suez, le développement de la région économique attenante et la construction d’une nouvelle capitale administrative. Parmi les autres grands projets dits « nationaux » en cours de développement ou finalisés, on pourra citer : 36 complexes urbains touristiques, 13 villes nouvelles, de nouveaux centres industriels dans 22 villes, une centrale nucléaire, la bonification de terres désertiques ou encore 8000 km de nouvelles routes et les premières lignes à grande vitesse. 

La situation économique et financière de l’Egypte a été marquée ces dernières années par plusieurs programmes d'ajustements macroéconomique déployé par les autorités sous l’égide du FMI, en échange d’une facilité de crédit de 12 Mds USD sur trois ans, (2016/19). En décembre 2022 une nouvelle facilité de 3 Mds USD a été accordée par le FMI pour 46 mois. Les objectifs du programme visent à remédier aux vulnérabilités macroéconomiques et assurer une croissance inclusive à travers :

  • une politique monétaire permettant, entre autres, le maintien d’un taux de change flexible ;
  • la poursuite de la consolidation budgétaire tout en renforçant les dépenses sociales
  • des réformes structurelles importantes visant à réduire l'empreinte de l'État et à accroître le rôle du secteur privé.

Les services du FMI font aujourd’hui état de résultats mitigés sur tous les volets du programme en cours.

Alors que l’Egypte était dans une phase de reprise économique, la guerre entre la Russie et l'Ukraine a renforcé les risques et les inquiétudes sur l’équilibre économique du pays, parmi lesquels : la soutenabilité de sa dette publique et du service de ses intérêts sur les finances de l’Etat en particulier (10% du PIB et un tiers du budget en moyenne ces cinq dernières années) ; son appareil exportateur peu développé et ses importations incompressibles importantes (blé, intrants, etc.), sa forte dépendance aux recettes rentières volatiles (tourisme, canal de Suez, capitaux spéculatifs) et la poursuite de la dégradation de la situation socio-économique d’une majeure partie de sa population (salaires réels au plus bas depuis 30 ans, taux de pauvreté multiplié par deux en 20 ans, hausse des emplois précaires et informels, …) que le manque chronique d’investissement public dans les secteurs sociaux ne parvient pas à enrayer. Les conséquences du conflit sont ainsi nombreuses et affectent principalement :

  • Le tourisme : l’enlisement du conflit risque d’être lourd de conséquence pour ce secteur qui venait tout juste de se rétablir avec la levée des restrictions de voyage, la réouverture progressive des frontières et la reprise, en août dernier, des vols charter en provenance de Russie. Les touristes d’origine russe et ukrainienne représenteraient 35 à 40 % des touristes qui visitent l’Egypte chaque année. En 2021, l'Ukraine était le premier pays d’origine des touristes en Egypte (1,3 million) contre environ 700 000 Russes.  
  • L’inflation : L’Egypte a atteint un niveau record d’inflation depuis plus de quatre ans avec une moyenne de 23,5 % sur l'exercice 2022/23 en glissement annuel. En septembre 2023, l'inflation s'établissait à 38 % en glissement annuel. L’Ukraine et la Russie représentent en moyenne 50 % des achats de la General Authority for Supply of Commodities (GASC) dont le blé est destiné pour moitié à la filière publique du pain subventionné que consomment chaque jour près de 70 millions d’Egyptiens. Bien que l'Egypte dispose d’autres sources d’approvisionnement, la hausse du coût du blé est marquée. La hausse du prix des engrais devrait également s’accélérer, alimentant ainsi les pressions inflationnistes sur les produits alimentaires. 
  • Les finances publiques : La guerre a des conséquences importantes sur les finances publiques égyptiennes à plusieurs égards. L'augmentation du prix du blé pénalise le plus grand importateur de blé au monde qu'est l'Egypte, la dévaluation de la monnaie renchérit le coût des importations et le poids de la dette libellée en devises étrangères. 
  • Les comptes extérieurs : La pression sur la position extérieure de l’Egypte, déjà fragile, s’est accentuée avec la guerre en Ukraine. Les flux nets d’investissement de portefeuille (investissements étrangers sur les titres de dette souveraine égyptienne) ont poursuivi leur chute dans une moindre mesure en 2022/23. Après une chute de -21 Mds USD en 2021/22, ces flux nets de portefeuille accusent une baisse de 3,8 Mds. Cette baisse continue de refléter les inquiétudes des investisseurs concernant le conflit russo-ukrainien (sortie nette de 14,8 Mds USD entre janvier et mars 2022), la dépréciation significative de l’EGP (près de 100 % depuis février 2022 et plus de 50 % depuis octobre 2022), ainsi que les répercussions du resserrement monétaire mondial.

Enfin, le conflit entre Israël et le Hamas qui a débuté le 7 octobre 2023 constitue un nouveau choc externe sur une économie égyptienne dégradée conjoncturellement et fragile structurellement. Si le conflit n’a pas entrainé de réelle dégradation de la situation sécuritaire de l’Égypte à ce stade, le pays pâtit déjà du ralentissement de l’activité économique d’Israël (exportations gazières) et des flux touristiques vers la région, sources précieuses de devises.

L’activité économique de l’Égypte demeure marginalement affectée, en lien avec l’absence de réelle dégradation de la situation sécuritaire nationale depuis le déclenchement du conflit. Le terrain d’affrontement entre Israël et le Hamas est très éloigné de la population égyptienne concentrée sur 7 % du territoire autour du Nil. Si la mobilisation renforcée des services de police et de l’armée doit être soulignée, l’impact du conflit sur les finances publiques serait nettement plus marqué en cas d’engagement de l’armée égyptienne dans le conflit ou encore d’accueil de réfugiés alors que la marge de manœuvre budgétaire du gouvernement demeure limitée (la dette publique atteindrait 91,3 % du PIB et le service de la dette compte pour 73,2 % des recettes fiscales). Toute perturbation des chaines logistiques régionales pourrait par ailleurs renforcer les pressions inflationnistes (32,4 % attendus en 2023/24) et sur les comptes extérieurs (les recettes du canal de Suez s’élèvent à 8,8 Mds USD en 2022/23, en hausse de 25,2 % en g.a.). 

L’impact du conflit sur l’industrie touristique se confirme alors que la saison hivernale constitue le pic de l’activité en Égypte et que le secteur constitue l’une des principales sources d’entrée de devises pour le pays (13,6 Mds USD en 2022/23, +26,8 % en g.a.). Israël a appelé ses ressortissants à quitter l’Égypte à deux reprises depuis le début du conflit (le nombre de ressortissants israéliens se rendant en Égypte chaque année est estimé à 600 000). Si les touristes actuellement en Égypte n’auraient pas décidé de quitter prématurément le pays et que les annulations de séjours touristiques à court terme demeurent limitées (en l’absence de dégradation de la situation sécuritaire, les conditions générales de vente s’appliquent avec des frais d’annulation importants pour les clients), les voyagistes font en revanche état d’un ralentissement du rythme des ventes à compter de mi-octobre. 

Depuis juillet 2023, soit avant le conflit, l’Égypte fait face des coupures d’électricité quotidiennes liées à un déficit de production locale de gaz et de réduction des volumes importés d’Israël. L’éclatement du conflit le 7 octobre induisant une suspension de l’exploitation de la plateforme israélienne Tamar par Chevron et de la fermeture des gazoducs vers l’Egypte, a temporairement aggravé cette situation. De fait, les importations égyptiennes de gaz israélien ont fortement chuté dans les semaines qui ont suivi (250 millions de pieds cubes/jour début octobre, contre 870 millions de pieds cubes/jour en moyenne sur les huit premiers mois de 2023 – la primature ayant même annoncé fin octobre que les importations étaient tombées à zéro, justifiant ainsi un renforcement des délestages). Ces importations connaissent toutefois un net rebond depuis début novembre, avec le redémarrage de l’exploitation de Tamar mi-novembre suivi de la réouverture du gazoduc East Mediterranean Gas (EMG). Les volumes en provenance d’Israël ont quasiment regagné les niveaux d’avant conflit, s’établissant d’après le MEES à 800 millions de pieds cubes/jour.

Enfin, sur les marchés de capitaux, le conflit vient renforcer le déficit de confiance des investisseurs étrangers (sortie nette des investissements de portefeuille de 24,7 Mds USD sur les deux derniers exercices budgétaires). Au-delà du seul risque de propagation régionale du conflit qui pèserait sur l’activité économique et le budget de l’État, son enlisement éventuel porte le risque d’un retard dans la mise en œuvre des réformes structurelles portées par le FMI.

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