Indicateurs et conjoncture


AAA

SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE :

L’Egypte se caractérise par sa démographie avec plus de 105 M d’habitants (+1,6 % par an, 3e pays le plus peuplé d’Afrique), ainsi que par sa position géographique stratégique, au carrefour de trois continents et de deux mers reliées par le canal de Suez. La superficie de son territoire est de 1 M km² découpés administrativement en 27 gouvernorats, dont Le Caire, Giza et Alexandrie qui regroupent près du quart de la population et concentrent la majeure partie de l’activité économique (plus de 95% de la population est ainsi concentrée sur 7 % du territoire).

Le PIB de l’Egypte, le deuxième d’Afrique, s’élève à 373 Mds USD sur l’exercice budgétaire 2022/23 (juillet à juin). Ce dernier résulte d’une économie diversifiée, structurée autour des secteurs de l’industrie manufacturière (16 %), du commerce de gros et de détail (15 %), de l’agriculture, forêt et pêche (12 %) ou encore du tourisme (10%). Le secteur public occupe une place prépondérante dans l’économie et représente 27 % de l’activité et 74 % des investissements. L’inclusion du secteur informel, qui représenterait entre 30 et 60 % de l’emploi total, augmenterait le PIB d’au moins 40 %.

Pour l’exercice 2023/24 (juillet à juin), le FMI a revu à la baisse sa prévision de croissance à 3,0 % après 3,8 % en 2022/23 et 6,7 % en 2021/22. L’économie réelle ne parvient toujours pas à décoller, avec un indice PMI s’inscrivant durablement sous la barre des 50 pour le 40e mois consécutif en mars 2024. La croissance du PIB égyptien est ainsi principalement tirée par l'investissement public dans les grands projets d'infrastructure et la consommation intérieure (essentiellement privée). Si la consolidation budgétaire reste manifeste à moyen terme avec un excédent primaire maintenu autour de 7,1 % du PIB, le déficit et la dette publics sont attendus à 6,3 % et 96,4 % selon les dernières estimations pour l’exercice budgétaire 2023/24.

L’économie égyptienne est structurellement dépendante de l’évolution de trois rentes :

  • Les transferts de la diaspora (de 18,4 Mds USD en 2013/14 à 22,1 Mds USD en 2022/23),
  • Le tourisme (les revenus affichent un record historique avec 13,6 Mds USD en 2022/23 ),
  • Les redevances d’utilisation du Canal de Suez (5,5 Mds USD en moyenne depuis 2014/15 ; 8,8 Mds USD en 2022/23).se

Ces dépendances sont porteuses de vulnérabilités fortes et participent de la fragilisation brutale de sa position extérieure à chaque retournement de conjoncture, alors que les besoins courants de financement sont élevés (déficit commercial structurel à 31,2 Mds USD en 2022/23 soit 7,8% du PIB ).

A la suite de la modernisation de son économie au milieu des années 2000, l’Egypte a connu des taux de croissance record (7 % entre 2005 et 2008). Toutefois, la crise financière de 2008 et l’instabilité politique en lien avec les épisodes révolutionnaires du début des années 2010 ont durablement affaibli l’économie.

L’élection à la présidence de la République d’Abdel-Fatah Al-Sissi en juin 2014 (puis sa réélection en 2018) a marqué le retour de la stabilité politique alors que le processus de transition s’est achevé par l’élection du Parlement en janvier 2016.  Les deux mandats ont été caractérisés par une croissance tirée par l’investissement public, dans un contexte où les efforts réels de stabilisation macroéconomique ont été mis à rude épreuve par trois chocs externes (Covid 19, guerre en Ukraine, conflit Israël-Hamas). Le Président Sissi a été réélu pour un troisième mandat en décembre 2023, mandat débuté le 2 avril 2024.

La croissance économique est l’une des plus dynamiques de la région ANMO. Elle est néanmoins insuffisante pour compenser le poids des dépenses publiques qui se sont multipliées par deux en 5 ans. Celles-ci se décomposent principalement en remboursement des intérêts de la dette (35 % du total), en salaires et traitements des fonctionnaires (19 %), et en subvention et dépenses sociales (21 % du total). En 2022/23, 13% du budget a été consacré aux dépenses d’investissement. La croissance est également insuffisante pour absorber de façon inclusive les quelques 800 000 jeunes qui rejoignent chaque année le marché du travail et réduire de façon durable la pauvreté (29,7 % des égyptiens vivraient sous le seuil de pauvreté en 2019/20 – fixé à environ 1,7 USD par jour par les autorités - contre 16,7 % vingt ans plus tôt).

AAA

En termes d’ouverture économique, l’Egypte souffre d’un déficit commercial structurel (31,2 Mds USD en 2022/23, 7,8 % du PIB) en raison de la faiblesse de son appareil exportateur et d’une part conséquente d’importations incompressible (l’Egypte étant par exemple le 1er importateur de blé au monde, sa production manufacturière et industrielle dépend à 40 % d’intrants importés). D’un point de vue conjoncturel, les exportations égyptiennes n’ont pas profité de la dépréciation massive de la devise nationale de 2016, car l’effet-prix a surtout impacté négativement les achats de biens intermédiaires importés. Et en tout état de cause, l’avantage change a été largement compensé par l’inflation qui en est résulté et le surenchérissement du coût des intrants.

Sur le plan des infrastructures, le gouvernement a lancé une série de méga projets dont les plus emblématiques sont le doublement du canal de Suez, le développement de la région économique attenante et la construction d’une nouvelle capitale administrative. Parmi les autres grands projets dits « nationaux » en cours de développement ou finalisés, on pourra citer : 36 complexes urbains touristiques, 13 villes nouvelles, de nouveaux centres industriels dans 22 villes, une centrale nucléaire, la bonification de terres désertiques ou encore 8000 km de nouvelles routes et les premières lignes à grande vitesse. 

La situation économique et financière de l’Egypte a été marquée ces dernières années par plusieurs programmes d'ajustements macroéconomique déployé par les autorités sous l’égide du FMI, en échange d’une facilité de crédit de 12 Mds USD sur trois ans, (2016-19). En décembre 2022 une nouvelle facilité de 3 Mds USD a été accordée par le FMI pour 46 mois (montant porté à 8 Mds USD en mars 2024). Les objectifs du programme visent à remédier aux vulnérabilités macroéconomiques et assurer une croissance inclusive à travers :

  • une politique monétaire permettant, entre autres, le maintien d’un taux de change flexible ;
  • la poursuite de la consolidation budgétaire tout en renforçant les dépenses sociales
  • des réformes structurelles importantes visant à réduire l'empreinte de l'État et à accroître le rôle du secteur privé.

Alors que l’Egypte était dans une phase de reprise économique, la guerre entre la Russie et l'Ukraine a renforcé les risques et les inquiétudes sur l’équilibre économique du pays, parmi lesquels : la soutenabilité de sa dette publique et du service de ses intérêts sur les finances de l’Etat en particulier (10% du PIB et un tiers du budget en moyenne ces cinq dernières années) ; son appareil exportateur peu développé et ses importations incompressibles importantes (blé, intrants, etc.), sa forte dépendance aux recettes rentières volatiles (tourisme, canal de Suez, capitaux spéculatifs) et la poursuite de la dégradation de la situation socio-économique d’une majeure partie de sa population (salaires réels au plus bas depuis 30 ans, taux de pauvreté multiplié par deux en 20 ans, hausse des emplois précaires et informels, …) que le manque chronique d’investissement public dans les secteurs sociaux ne parvient pas à enrayer. Les conséquences du conflit sont ainsi nombreuses et affectent principalement :

  • Le tourisme : l’enlisement du conflit risque d’être lourd de conséquence pour ce secteur qui venait tout juste de se rétablir avec la levée des restrictions de voyage, la réouverture progressive des frontières et la reprise, en août dernier, des vols charter en provenance de Russie. Les touristes d’origine russe et ukrainienne représenteraient 35 à 40 % des touristes qui visitent l’Egypte chaque année. En 2021, l'Ukraine était le premier pays d’origine des touristes en Egypte (1,3 million) contre environ 700 000 Russes.  
  • L’inflation : L’Egypte a atteint un niveau record d’inflation depuis plus de quatre ans avec une moyenne de 23,5 % sur l'exercice 2022/23 en glissement annuel. En septembre 2023, l'inflation s'établissait à 38 % en glissement annuel. L’Ukraine et la Russie représentent en moyenne 50 % des achats de la General Authority for Supply of Commodities (GASC) dont le blé est destiné pour moitié à la filière publique du pain subventionné que consomment chaque jour près de 70 millions d’Egyptiens. Bien que l'Egypte dispose d’autres sources d’approvisionnement, la hausse du coût du blé est marquée. La hausse du prix des engrais devrait également s’accélérer, alimentant ainsi les pressions inflationnistes sur les produits alimentaires. 
  • Les finances publiques : La guerre a des conséquences importantes sur les finances publiques égyptiennes à plusieurs égards. L'augmentation du prix du blé pénalise le plus grand importateur de blé au monde qu'est l'Egypte, la dévaluation de la monnaie renchérit le coût des importations et le poids de la dette libellée en devises étrangères. 
  • Les comptes extérieurs : La pression sur la position extérieure de l’Egypte, déjà fragile, s’est accentuée avec la guerre en Ukraine. Les flux nets d’investissement de portefeuille (investissements étrangers sur les titres de dette souveraine égyptienne) ont poursuivi leur chute dans une moindre mesure en 2022/23. Après une chute de -21 Mds USD en 2021/22, ces flux nets de portefeuille accusent une baisse de 3,8 Mds. Cette baisse continue de refléter les inquiétudes des investisseurs concernant le conflit russo-ukrainien (sortie nette de 14,8 Mds USD entre janvier et mars 2022), la dépréciation significative de l’EGP (près de 100 % depuis février 2022 et plus de 50 % depuis octobre 2022), ainsi que les répercussions du resserrement monétaire mondial.

Enfin, le conflit entre Israël et le Hamas qui a débuté le 7 octobre 2023 constitue un nouveau choc externe sur une économie égyptienne dégradée conjoncturellement et fragile structurellement. Si le conflit n’a pas entrainé de réelle dégradation de la situation sécuritaire de l’Égypte à ce stade, le pays pâtit principalement des perturbations en mer Rouge qui ont entrainé une baisse de 50 % du trafic sur le canal de Suez. Les revenues du canal de Suez constituent cependant une des principales rentes de l’économie égyptienne (8,7 Mds USD en 2022/23), pesant ainsi sur les réserves de devises déjà très faibles (35 Mds en septembre 2024).

L’impact du conflit sur l’industrie touristique a entaché la saison hivernale, qui constitue le pic de l’activité en Égypte dans un secteur étant également l’une des principales sources d’entrée de devises pour le pays (13,6 Mds USD en 2022/23, +26,8 % en g.a.). Israël a appelé ses ressortissants à quitter l’Égypte à deux reprises depuis le début du conflit (le nombre de ressortissants israéliens se rendant en Égypte chaque année est estimé à 600 000). Depuis le mois de décembre cependant, les conséquences sur les flux touristiques semblent s’être atténuées, avec une croissance de 3 à 4 % au premier trimestre 2024 (comparé à la même période l’année précédente, déjà année record) d’après les autorités locales.

Les flux énergétiques ont été perturbés pendant 50 jours en Egypte suite à l’arrêt de l’exploitation de gisement de Tamar et à la division par deux des importations de gaz israélien. Les livraisons de gaz entre Israël et l’Egypte ont cependant rapidement rebondi après leur diminution de moitié au début du conflit, dépassant pour la première fois en décembre les 1 Md pieds cubes/jour, et maintenant ce niveau pour les deux premiers mois de 2024. Cependant, les besoins croissants en gaz de l’Egypte (notamment pour soutenir ses exportations) ne pourront être soutenus par Israël à court terme en raison des retards enregistrés - liés au conflit – pour les travaux sur le réseau israélien nécessaires à l’augmentation des volumes d’exportations. Avec une augmentation de 2 % de la demande de gaz en Égypte et une baisse équivalente des niveaux de production en février 2024 (en glissement mensuel) les coupures d'électricité planifiées, suspendues depuis janvier 2024 ont repris depuis mi-mars. Pour pallier ces difficultés, le gouvernement a décidé de reprendre ses importations de GNL pour la première fois depuis 2018.

Enfin, sur les marchés de capitaux, le conflit vient renforcer le déficit de confiance des investisseurs étrangers (sortie nette des investissements de portefeuille de 24,7 Mds USD sur les deux derniers exercices budgétaires). Au-delà du seul risque de propagation régionale du conflit qui pèserait sur l’activité économique et le budget de l’État, son enlisement éventuel porte le risque d’un retard dans la mise en œuvre des réformes structurelles portées par le FMI.

Depuis mi-février 2024 cependant, le pays connait une séquence très positive, marquée par l’annonce de l’investissement du fonds souverain émirien ADQ de 35 Mds USD, le lancement de plusieurs réformes attendues (flottement de la monnaie, consolidation budgétaire), l’adoption des deux premières revues du programme FMI et l’augmentation du montant de 3 à 8 Mds USD le 29 mars, qui ont permis un regain de confiance. Après avoir abaissé la note souveraine de l’Égypte à plusieurs reprises ces derniers mois, trois agences de notation ont répercuté ces annonces en revoyant à la hausse leurs perspectives, tout en demeurant prudentes quant à mise en œuvre effective des réformes promises par le gouvernement sur la durée.

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