DJIBOUTI
Contribution encore marginale des remittances dans l’équilibre de la balance des paiements djiboutienne
Conséquence d’une conjoncture économique mondiale moins porteuse sur une économie fortement ouverte, le solde de la balance courante djiboutienne se détériore en 2021, tendance qui se confirmerait en 2022 selon le FMI. Djibouti reste vulnérable aux chocs externes ayant notamment entrainé une hausse du coût des importations ainsi qu’une perturbation des activités issues de la rente djiboutienne (portuaires et de réexportation). La contribution des remittances à l’équilibre de la balance des paiements, semble faible et difficilement mesurable en l’état (peu de données précises, consolidées et actualisées sont disponibles) et constitue en tout état de cause un enjeu économique très secondaire pour les autorités. Le gouvernement djiboutien inclut toutefois la diaspora dans le plan de développement du pays.
Un compte courant détérioré en 2021, reflétant l’exposition du pays aux chocs externes
Après un solde excédentaire durant trois années (+450,8 MUSD en moyenne entre 2018 et 2020), le compte courant djiboutien accuse un déficit de -22,0 MUSD en 2021, représentant 0,7 % du PIB du pays. En cause, la balance commerciale, excédentaire en 2020 (+264 MUSD), est redevenue déficitaire en 2021 (-71,0 MUSD) sous l’effet d’une forte augmentation des importations de biens (+56 %) et, dans une moindre mesure, de services (+19 %), sans compensation suffisante au niveau des exportations de biens (+46 %) et services (+12 %). Cette fluctuation de la balance commerciale est le reflet de la forte exposition de Djibouti aux chocs externes (crise sanitaire, conflit en Ethiopie, guerre en Ukraine notamment) compte tenu de sa dépendance aux recettes de sa rente portuaire (ports par lesquels transitent 80 % des importations éthiopiennes) et de sa forte vulnérabilité à la volatilité des prix internationaux, notamment ceux des hydrocarbures (qui représentent 7 % de ses importations en 2021). Notons que l’activité de réexportation vers l’Ethiopie permet à Djibouti d’équilibrer voire de gonfler artificiellement son excédent commercial. En effet, si le solde commercial djiboutien apparait positif entre 2018 et 2020, il demeure largement négatif une fois les réexportations exclues sur la même période (Banque mondiale, 2022).
En 2022, le déficit du compte courant devrait suivre la tendance haussière observée en 2021 et atteindre -5,0 % du PIB, selon le FMI. Au cours des premiers mois de l’année, la croissance des importations, notamment des hydrocarbures (hausse de 30 % en g.a. à fin juin 2022), a surpassé celle des exportations, confirmant la détérioration de la balance commerciale. Cette dernière devrait contribuer à la dégradation du compte courant en venant s’ajouter à la détérioration du solde de la balance des revenus - causée notamment par l’augmentation du service de la dette publique (x3 en 2022 selon la Banque mondiale). Le stock de réserves de Djibouti reste stable en 2022 (3,9 mois d’importation contre 4,5 en 2021) selon le FMI. A noter que ce dernier avait transféré à Djibouti en août 2021 une allocation de DTS (équivalent à 40 MUSD) pour éviter une mise sous tension du compte financier.
S’agissant des transferts courants et plus particulièrement des transferts de fonds de la diaspora, le FMI ne publie pas de données sur les volumes reçus. Néanmoins, le solde entre transferts de fonds personnels reçus et envoyés serait égal à 11 MUSD en 2021, soit une contribution minime à l’équilibre de la balance des paiements djiboutienne (en comparaison, le solde des IDE représentait 168 MUSD en 2021). Une différence existe entre les chiffres publiés par le FMI sur les transferts de fonds personnels dans le cadre de la balance des paiements et les chiffres de la Banque mondiale sur les remittances [1] : en 2020, cette dernière rapportait un volume de 64 MUSD de remittances envoyées en direction de Djibouti.
Faiblesse structurelle des remittances malgré un appel du gouvernement à la diaspora pour contribuer au développement économique du pays
Selon les estimations de la Banque mondiale, le montant des remittances reçues par Djibouti a doublé au cours de la dernière décennie (de 32 MUSD en 2010 à 64 MUSD en 2020). L’absence de données consolidées et actualisées sur le sujet rend difficile la détermination précise de l’origine géographique des remittances. Les principaux pays émetteurs[2] de ces transferts seraient, en premier lieu, les pays européens : France (53,6 % en 2017), Suède (2,4 %), Pays-Bas, Belgique (1,0 %), et Italie (0,8 %), l’Ethiopie (16,6 %), la Lybie (8,5 %), le Canada (5,0 %), le Kenya (3,5 %), l’Egypte (3,2 %), l’Algérie (1,9 %), et l’Australie (1,1 %) [3].
La quasi-totalité de ces remittances (plus de 99 %) passerait par les bureaux de transfert de fonds (Western Union, Money Gram, et Dahabshil notamment). Ce monopole est permis par un maillage optimal du territoire par ces derniers (en particulier pour Dahabshil) ainsi que la pratique de coûts relativement inférieurs à ceux du secteur bancaire (le taux de bancarisation est de 25 % en 2021 à Djibouti). Des circuits informels sont aussi utilisés par certains migrants pour effectuer les transferts ; les facteurs économiques, culturels, historiques et comportementaux ainsi que la rapidité du transfert pouvant expliquer le choix de ces circuits.
Les transferts de la diaspora couvriraient des montants moyens allant de 300 USD à 400 USD envoyés mensuellement. Le pic des transactions serait atteint pendant les périodes de fêtes et notamment pour le mois de Ramadan (montant moyen de 1200 USD). Comme dans la plupart des pays africains, les transferts de fonds seraient destinés essentiellement, mais pas uniquement, aux dépenses courantes des ménages (scolarité, loyers, électricité, consommation, etc.).
Afin d’accroître l’engagement de la diaspora dans le développement du pays, le gouvernement a établi une stratégie nationale sur la période 2021-2025. Une assistance technique a également été financée par l’ACP-EU Migration Action pour la production d’une étude sur le renforcement des capacités sur les mécanismes de transfert de fonds de la diaspora. L’association Global Diaspora Djibouti, créée en 2014 mais opérationnelle depuis 2018 a, quant à elle, pour ambition de promouvoir les initiatives portées par la diaspora, notamment sur le territoire.
Février 2023.
[1] Ces derniers chiffres se basent sur des estimations de la Banque mondiale, ce qui peut expliquer les divergences constatées avec les chiffres du FMI
[2] EL ELJ Moez, Renforcer les capacités sur les mécanismes de transfert de fonds vers un investissement productif de la Diaspora Djiboutienne, 2018.
[3] En 2017, la Banque mondiale estimait que le nombre de migrants djiboutiens était égal à 18 082, un chiffre contesté par l’association Global Djibouti Diaspora qui évalue la diaspora djiboutienne à 50 000 personnes. Cette diaspora résiderait principalement en France (37%), en Ethiopie (22%), au Canada (8,5%), en Libye (8%), en Belgique (7%), au Kenya (4%) et en Egypte (3%).