Les relations économiques entre la France et l'Allemagne

En 2024, l’Allemagne demeure de loin le premier partenaire commercial de la France, malgré un repli tendanciel des échanges franco-allemands dans le total des échanges de biens de la France. Le déficit commercial de la France avec son voisin d’Outre-Rhin est stable (à -8,7 Md€) en dépit d’un net recul des exportations automobiles. Les échanges de services entre les deux pays évoluent peu en 2023 (dernières données disponibles) après une forte hausse observée en 2022. Les stocks d’investissements directs bilatéraux se montrent également stables en 2023 (dernières données disponibles).

En dépit d’un recul des échanges de biens franco-allemands en 2024, l’Allemagne demeure de loin le premier partenaire commercial de la France.

Les échanges de biens franco-allemands reculent en 2024. Selon les Douanes françaises, la valeur des échanges bilatéraux diminue de 5% en 2024 par rapport à 2023[i], Le recul des échanges franco-allemands reflète tant celui des exportations françaises vers l’Allemagne (-5,3%, à 78 Md€ contre 82 Md€ en 2023) que celui des importations françaises en provenance d’Allemagne (-4,6%, à 87 Md€ contre 91 Md€ en 2023) (cf. graphique 1). La décomposition sectorielle des échanges bilatéraux est globalement inchangée : les matériels de transport représentent le premier poste d’échanges franco-allemands (25% de ces échanges au total : 11% de fabrication automobile, 4% d’équipements automobiles, 9% de matériel aéronautique), suivis des produits chimiques, parfums et cosmétiques (12%), des machines (11%), des produits métallurgiques et métalliques (9%) et des produits agroalimentaires (8%)[ii].

Pour autant, l’Allemagne reste de loin le principal partenaire commercial de la France. Les échanges de biens franco-allemands diminuent dans la même proportion que l’ensemble des échanges français avec l’UE (-5%), mais davantage que la totalité des échanges français (-3%)[iii]. La part de l’Allemagne dans les échanges mondiaux de la France diminue ainsi légèrement, à 12,9% (contre 13,1% en 2023) – s’inscrivant dans une dynamique baissière de long terme (elle atteignait presque 17% de 2013 à 2016). L’Allemagne reste toutefois loin devant les autres partenaires de la France (par ordre décroissant : États-Unis, Italie, Belgique et Chine, qui ne représentent chacun que 7% à 8% des échanges totaux de la France). L’Allemagne est à la fois le premier client et le premier fournisseur de la France : elle représente 13,2% des exportations françaises (contre 13,8% en 2023), devant les États-Unis et l’Italie (à 8,2% chacun en 2024) et 12,6% des importations françaises (comme en 2023), devant la Chine (à 10,3% en 2024).

La France demeure quant à elle le quatrième partenaire commercial de l’Allemagne. Selon Destatis, les échanges de biens franco-allemands représentent 6,4% des échanges totaux de l’Allemagne en 2024 (contre 6,5% en 2023, ou 8% en moyenne entre 2014 et 2016), juste derrière les États-Unis, la Chine et les Pays-Bas (représentant chacun 7 à 9% des échanges totaux de l’Allemagne). Dans le détail, la France constitue le 6ème fournisseur de l’Allemagne (5,1% des importations allemandes comme en 2023) et son 2ème client (7,5% des exportations allemandes contre 7,6% en 2023).

Le déficit des échanges de biens de la France vis-à-vis de l’Allemagne se stabilise en 2024, malgré une dégradation sensible du solde commercial du secteur automobile.
Le déficit commercial de la France avec l’Allemagne se maintient, comme en 2023, à son plus bas niveau depuis 2016. Les exportations et les importations de la France avec l’Allemagne s’étant contractées dans des proportions équivalentes en 2024, le déficit commercial de la France vis-à-vis de l’Allemagne est resté stable, à -8,7 Md€ selon les Douanes françaises. Il demeure ainsi à son plus faible niveau depuis 2016, bien qu’il représente le 2ème plus important déficit français après celui enregistré avec la Chine (-46,5 Md€) (cf. graphique 1). Le déficit commercial de la France vis-à-vis de l’Allemagne se creuse dans le secteur des matériels de transport, passant de 2,5 Md€ en 2023 à 5,1 Md€ en 2024 : le rebond des importations aérospatiales françaises depuis l’Allemagne (+18% en 2024) s’ajoute au net repli des exportations françaises vers l’Allemagne de la construction automobile et des équipements automobiles (-24% et -19% respectivement en 2024). Le déficit du secteur des matériels de transports se rapproche ainsi de celui du secteur des machines, en légère diminution mais demeurant le premier déficit sectoriel de la France avec l’Allemagne (à -5,7 Md€ en 2024 contre -6,1 Md€ en 2023). Par ailleurs, la France n’enregistre structurellement que peu d’excédents sectoriels avec l’Allemagne. Parmi les dix premiers secteurs d’échanges franco-allemands[iv], seuls celui des équipements électriques et ménagers et celui des produits informatiques, électroniques et optiques affichent un solde positif en 2024 (respectivement +1,1 Md€ et +1,3 Md€). 
Les échanges de services bilatéraux se maintiennent en 2023 après une hausse record en 2022.  
Les échanges bilatéraux de services se stabilisent à un niveau record en 2023. Selon Eurostat[v], les recettes de services de la France vis-à-vis de l’Allemagne se stablisent à 33,9 Md€ en 2023 (dernières données disponibles), après une hausse exceptionnelle observée en 2022 (+26%). Les dépenses de services affichent en revanche une hausse de 3%, passant de 33,2 à 34,4 Md€ (cf. graphique 2). Le solde des échances de services redevient ainsi légèrement négatif (-0,4 Md€), à un degré toutefois bien moindre qu’entre 2015 et 2021, années marquées notamment par un faible niveau des recettes de voyages. Dans le détail, le repli des recettes de transports en 2023 (-2 Md€, dans un contexte de ralentissement économique et de baisse des prix de l’énergie) a été contrebalancé par la hausse des recettes de la quasi-majorité des autres catégories de services ; l’augmentation des dépenses liées aux services non-financiers aux entreprises (services de recherche, de conseil, techniques…), qui constituent de loin le principal secteur d’échanges bilatéraux, a été en grande partie compensée par la baisse des dépenses de rémunérations pour usage de la propriété intellectuelle (brevets, marques, franchises, logiciels…). L’Allemagne reste le deuxième partenaire d’échanges de services de la France derrière les États-Unis (68 Md€ avec l’Allemagne contre 72 Md€ avec les Etats-Unis), son troisième client de services derrière les États-Unis et le Royaume-Uni, et son premier fournisseur.
Les stocks d’investissements directs bilatéraux restent stables en 2023.
Le stock d’investissements directs allemands en France reste sensiblement plus élevé que le stock d’investissement français en Allemagne. Selon la Banque de France, l’Allemagne est, avec un stock d’investissement de 112 Mrd€ fin 2023 (dernières données disponibles ; approche par investisseur ultime[vi]), le 3ème investisseur en France derrière les États-Unis et la Suisse. La valeur du stock allemand en France, qui avait atteint un pic en 2021 (119 Md€), s’est quelque peu contractée depuis mais reste bien supérieure aux niveaux atteints au cours de la décennie 2010. Inversement, l’Allemagne est le 8ème pays d’investissement de la France, avec un stock français en Allemagne de 61 Mrd€, stable sur longue période [vii].La relation franco-allemande est marquée par un nombre élevé d’opérations d’investissement bilatéral. De manière générale, les flux d’investissements allemands en France sont – à l’instar des stocks –   tendanciellement supérieurs aux flux français en Allemagne selon la Banque de France. Au-delà d’opérations d’envergure dans des secteurs stratégiques (automobile/batterie, énergie, pharmacie, ferroviaire notamment – cf. annexe 1), la relation bilatérale se caractérise également par de nombreux projets de plus petite taille, notamment en zone frontalière. Au total, selon Business France, l’Allemagne a été à l’origine de 232 décisions d’investissement en France en 2024[viii], ce qui la place au 2ème rang des investisseurs, juste derrière les États-Unis. Parmi les facteurs d’investissement en France, les entreprises allemandes citent notamment la disponibilité d’emplois qualifiés, la qualité des infrastructures et la situation géographique. Selon la GTAI, la France, avec 82 nouveaux projets d’investissement en Allemagne, se situe en 7e position des investisseurs étrangers en 2024 (cf. annexe 2).
 
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Si le faible dynamisme des échanges franco-allemands en 2023/2024 s’explique en partie par une conjoncture allemande dégradée, il pourrait également traduire une perte de vitesse de la relation bilatérale vis-à-vis d’autres partenaires – le recul des échanges franco-allemands de biens en 2024 contrastant avec la progression de ceux réalisés avec les États-Unis d’avant-Trump II, aussi bien par la France (+4% selon les Douanes françaises) que par l’Allemagne (+2,2% selon Destatis). L’assouplissement budgétaire annoncé par la nouvelle coalition allemande (notamment via la création d’un fonds infrastructures[ix]) pourrait néanmoins ouvrir des nouvelles opportunités pour les entreprises françaises à moyen terme – voire contribuer à rééquilibrer en partie l’asymétrie structurelle des échanges bilatéraux.
 
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Graphique 1 : évolution des échanges de biens franco-allemands de 2016 à 2024 (en milliards d’euros)

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 Source : données des douanes françaises (hors matériel militaire), comptabilisant les échanges au passage de la frontière (exportations FAB, importations CAF).

 

Graphique 2 : évolution des échanges de services franco-allemands de 2014 à 2023 (en milliards d’euros)

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 Source : Eurostat (déclarant : France).  

 

Annexe 1 : exemples de grandes opérations d’investissement bilatéral récentes

En Allemagne, on peut citer, dans le secteur automobile/batterie, la création emblématique de la JV franco-allemande ACC dont une des trois gigafactories doit entrer en service en 2025 à Kaiserslautern (malgré les difficultés à la suite de la baisse des ventes de voitures électriques) ou l’acquisition de l’équipementier automobile allemand Hella par son homologue français Faurecia en 2022, donnant naissance au groupe Forvia. Dans le secteur ferroviaire, Alstom a finalisé en 2021 le rachat de Bombardier Transport et l’acquisition des sites allemands correspondants. Plus récemment, dans le secteur de l’énergie, Vinci a remporté deux contrats d’envergure en Allemagne : un pour la construction de plateforme de conversion électrique en Mer du Nord et un (via sa filiale Cobra IS) pour réaliser les travaux d’une partie du site sidérurgique à l’hydrogène de Thyssenkrupp Steel Europe à Duisbourg et EnBW et Total ont remporté les appels d’offres pour des surfaces éoliennes offshore. Siemens Energy et Air Liquide ont également inauguré en 2023 leur usine visant à produire des électrolyseurs pour la production d’hydrogène bas carbone. Enfin, dans le secteur pharmaceutique, Sanofi a annoncé investir 1,3 Mrd€ d’ici 2029 pour remplacer son usine d’insuline à Francfort.

En France, on peut citer des coopérations dans les mêmes secteurs : le groupe franco-allemand ACC a inauguré, en 2023, sa gigafactory dans le Pas-de-Calais pour la production de batteries ion lithium liquide, la JV franco-allemande Innoplate (entre l’équipementier automobile Schaeffler et l’entreprise française Symbio) a inauguré en juin 2024 son premier site de production de plaques bipolaires de piles à combustible à Haguenau (Bas-Rhin) ; Merck, fabricant pharmaceutique, poursuit son investissement à Molsheim ; Hager, spécialiste des installations électriques, a annoncé à Choose France 2024 poursuivre son investissement sur son site de production Obernai dans le Bas-Rhin. Enfin, le groupe sidérurgique allemand Saarstahl a repris en 2021 deux sites en France (Hayange et Saint-Saulve) qui ont l’ambition de devenir des modèles d’industrie décarbonée.

Choose France 2025 : Parmi les 53 annonces, 4 projets concernent l’Allemagne :

  • EnBW : 280 M€ sur les 2 prochaines années pour la production d’électricité verte dans les territoires en France.
  • HY2GEN- H2V : 1,5Md€ à Fos-sur-Mer/ JV franco-allemande dédiée à la production de carburant d’aviation durable (e-SAF). Opérationnelle en 2030, l’usine produira 75 000 tonnes/an, évitant 240 000 tonnes de CO₂
  • DAIMLER TRUCKS, avec plus de 92M€ d’investissement d’ici à fin 2026, agrandit son usine historique de Ligny-en-Barrois (Région Grand Est) afin d’augmenter les volumes de production d’autobus électriques, rénove et modernise ses centres SAV implantés sur le territoire français. 600 emplois sont à la clé.
  • VORWERK ajoute un nouvel élément à son complexe industriel en Eure-et-Loir avec la création d'un centre de stockage, d'assemblage final et de conditionnement à la Chapelle-du-Noyer, dont l’ouverture est prévue en septembre 2027, pour un montant d'environ 30M€. 

 

Annexe 2 : dispositifs d’accompagnement des entreprises françaises sur le marché allemand

Les entreprises françaises intéressées par le marché allemand peuvent s’appuyer sur un dispositif d’accompagnement étoffé. Les équipes de Business France (BF), installées à Düsseldorf, organisent à la fois des accompagnements individuels et des pavillons sur les grands salons présents en Allemagne. BF prospecte les investisseurs allemands en liaison avec le Service économique régional de l’Ambassade à Berlin tandis que le bureau de BPI France, également situé à Düsseldorf, assure la promotion des instruments financiers mis à la disposition des PME/ETI. Par exemple, BPI a lancé en avril un accélérateur franco-bavarois avec une promotion d’excellence d’entreprises de France et de Bavière. BF de son côté accompagne par ailleurs, les quelques mille Volontaires Internationaux employés dans des filiales allemandes d’entreprises françaises. La Chambre de commerce franco-allemande de Sarrebruck propose des prestations en aval (implantation, domiciliation, conseils juridiques). Les conseillers du commerce extérieur français en Allemagne (une centaine répartie sur tout le territoire) sont disponibles pour apporter leur expertise et leur connaissance du terrain aux PME intéressées. Des clubs d’affaires franco-allemands sont également présents dans la plupart des grandes métropoles allemandes. Enfin, des communautés French Tech se sont constituées à Berlin, Munich et Düsseldorf pour faciliter l’implantation de start-ups françaises sur le marché allemand. Fort du succès de ces communautés, des projets de labellisation French Tech à Hambourg et Francfort sont envisagés pour 2025. Plusieurs « licornes » allemandes et françaises et des fonds de capital-risque ont porté et soutenu l’initiative Scale up Europe (fonds européen pour financer le late stage du développement des start-ups) lancée pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne. La France et l’Allemagne ont d’ailleurs contribué à ce titre à l’initiative « champions technologiques européens » (ICTE), lancée en février 2022 dans le cadre de Scale-up Europe, pour améliorer le financement d’entreprises européennes innovantes.

 

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[i] -3,8% selon Destatis.

[ii] En 2023 : 24% pour les matériels de transport ; 11% pour les produits chimiques, parfums et cosmétiques ; 12% pour les machines ; 10% pour les produits métallurgiques et métalliques ; 8% pour les produits agroalimentaires.
[iii] Seules les données en valeur sont décomposées par pays. Les données disponibles ne permettent pas en revanche d’estimer l’évolution par pays des volumes échangés. Au vu des niveaux d’inflation observés, le recul des échanges en volume est potentiellement plus prononcé qu’en valeur : pour mémoire, l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) a progressé de 1,8% en France et de 2,8% en Allemagne en 2024 selon Eurostat.
[iv] La France est structurellement excédentaire avec l’Allemagne dans le secteur du textile et de l’habillement (+2,2 Md€ en 2024) et dans le secteur des produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture (+1,6 Md€ en 2024), secteurs pesant toutefois relativement peu dans les échanges franco-allemands.
[v] Selon les données déclarées par la France (les données Eurostat diffèrent légèrement en fonction du pays déclarant retenu). 
[vi] Cette approche filtre les pays de transit que sont notamment le Luxembourg et les Pays-Bas.
[vii] Selon la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie (AHK), quelque 2 600 entreprises françaises emploient environ 330 000 personnes en Allemagne et 3 000 entreprises allemandes emploient 350 000 personnes en France. Sept groupes allemands comptent parmi les 25 principaux groupes étrangers implantés en France (Aldi, Allianz, HeidelbergCement, Mercedes-Benz-Group, SAP, Sartorius, Volkswagen AG).
[viii] Selon Business France, ces investissements devraient créer ou maintenir plus de 4 400 emplois.
[ix] Fonds spécial extra-budgétaire de 500 Md€ sur 12 ans destiné au financement d’« investissements supplémentaires » en faveur des « infrastructures » ou de l’atteinte de « la neutralité climatique d’ici 2045 ». Le fonds a été créé dans le cadre d’une révision du cadre budgétaire constitutionnel adoptée en mars 2025, à la suite des élections fédérales du 23 février. La réforme comprend également un assouplissement sur les dépenses de défense (exemption du « frein à la dette » pour les dépenses excédant 1% du PIB), et sur les finances publiques locales (rehaussement du déficit structurel autorisé pour les Länder, porté de 0% à 0,35 % du PIB).
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