RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Situation économique et financière
Résumé :
L’économie tchèque est la dernière de l’UE à ne pas avoir encore retrouvé son niveau d’activité de 2019, ayant été freinée par les difficultés d’approvisionnement de son industrie manufacturière, très dépendante des chaînes de valeur mondiales, et par la crise énergétique de 2022. Après une récession technique au 2ème semestre 2022, puis un 1er semestre 2023 de stagnation, la croissance devrait repartir au 2èmesemestre 2023 (prévision de croissance 2023 entre +0,1% et +0,5%) puis en 2024 (+1,8%) grâce à la reprise de la consommation des ménages dont le pouvoir d’achat s’améliorerait. En effet, l’inflation est en passe d’être maîtrisée et poursuit une trajectoire baissière depuis le début de l’année (de 17,5% en janvier à 9,7% en juin) qui conduirait à la cible de 2% début 2024, permettant à la banque centrale d’assouplir sa politique monétaire (le principal taux directeur est à 7,00% depuis juin 2022) au bénéfice du financement de l’économie et de l’investissement, tandis que la poursuite des hausses de salaires nominaux permettrait de combler la perte de salaires réels enregistrée pendant la crise inflationniste. A plus long-terme, et bien que ses fondamentaux macroéconomiques et financiers soient sains, l’économie tchèque est structurellement confrontée au défi de la préservation de sa compétitivité et de sa montée en gamme, alors que la convergence économique connaît un coup d’arrêt depuis 2020 (PIB/tête en PPA = 91% de la moyenne UE en 2022, contre 93% en 2019) et que les facteurs de production sont contraints (pénuries de main d’œuvre dans certains secteurs, ralentissement de la productivité, conditions de financement moins favorables qu’en zone euro, faible profondeur des marchés de capitaux).
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1/ Economie réelle et croissance : très industrielle et énergivore, l’économie tchèque est la dernière de l’UE à ne pas avoir encore retrouvé son niveau d’activité de 2019 (avant-Covid)
Situation conjoncturelle : après le choc du Covid, le rebond de l’activité est resté modéré (+3,5% en 2021 contre +5,4% pour l’UE), freiné par les difficultés d’approvisionnement de l’industrie (30% du PIB soit le ratio le plus élevé de l’UE), notamment en raison des pénuries d’intrants dans le secteur automobile (9% du PIB et 25% des exportations). La guerre en Ukraine et la hausse des prix énergétiques ont accentué ces difficultés en 2022, conduisant à un ralentissement de la croissance (+2,4% pour 2022) et une récession technique au 2nd semestre, en lien avec le recul de la production manufacturière du côté de l’offre, et du recul de la consommation des ménages lié à la baisse du pouvoir d’achat du côté de la demande (recul des salaires réels sur un an de 7,8% au T4 2022, soit l’une des plus fortes baisses dans l’OCDE). Après un 1er semestre de stagnation, la croissance 2023 serait légèrement positive (+0,1% selon la prévision la plus récente), avant une reprise en 2024, portée par la consommation, permettant enfin de revenir au niveau de PIB de 2019 (prévisions 2024 la plus récente : +1,8%).
Au plan structurel, la croissance tendancielle était relativement dynamique jusqu’en 2019 (+3% par an en moyenne depuis 2000), permettant une convergence économique soutenue (le PIB/hab en PPA est passé de 84% de la moyenne UE en 2010 à 93% en 2019) et l’atteinte du plein-emploi (taux de chômage à 2,4% en mai 2023, le plus faible de l’UE), mais les crises du Covid puis d’Ukraine ont interrompu cette trajectoire (PIB/hab en PPA a reculé en 2021 à 91% de la moyenne UE), tandis que se pose la question du modèle de croissance économique à long terme, jusqu’alors fondé sur une industrie manufacturière de sous-traitance de moyenne valeur ajoutée bénéficiant de coûts de production compétitifs. Alors que le taux de change effectif réel de la couronne tchèque s’est apprécié par rapport à l’euro en 2021 et 2022, le rattrapage des coûts de production et salaires, favorisé par les tensions sur le marché du travail, s’accompagne d’un ralentissement des gains de productivité du travail[i], ce qui se traduit par une hausse des coûts salariaux unitaires relativement plus rapide que dans les autres pays du V4[ii] ; cette évolution met en question la pérennité des avantages comparatifs de l’économie tchèque, et invite à une montée en gamme de la production, par l’innovation, l’investissement, l’attractivité et le développement des compétences, afin de préserver la compétitivité de l’économie.
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2/ Equilibres externes : la baisse de l’excédent commercial a entraîné l’apparition d’un déficit courant qui s’est creusé en 2022 mais devrait se résorber en 2023
Le solde commercial (biens et services) est tendanciellement excédentaire mais a connu une forte dégradation depuis le T3 2021 (14 Md€ en 2020, puis 7 Md€ en 2021) et est même devenu déficitaire en 2022 à près de -400 M EUR, sous l’effet d’une baisse des exportations de biens manufacturés, en particulier du secteur automobile, et d’une hausse de la facture énergétique. Le solde des revenus est quant à lui structurellement déficitaire (-4 à -6% du PIB), reflétant la position extérieure nette déficitaire des investissements étrangers (- 130 Md€) qui alimente des sorties de dividendes vers l’étranger. Au total, le solde courant, qui était excédentaire entre 2013 et 2020 (2% du PIB en 2020), est devenu déficitaire en 2021 (- 2,7% du PIB) et surtout en 2022 (–6,1 % du PIB).
Si la position extérieure nette est déficitaire (environ 40 Md€ soit 15,6% du PIB), les actifs de réserve de la banque centrale atteignent un niveau encore très élevé (127 Md€ fin avril soit 47% du PIB ou 9 mois d’importations) malgré les ventes de devises (26 Md€ au total) par la banque centrale entre octobre 2022 et septembre 2023 pour soutenir la couronne tchèque (régime de change flottant). La dette externe représente quant à elle 66% du PIB (dont ¾ de dette privée).
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3/ Finances publiques : une série de réformes prévues pour rétablir la trajectoire à partir de 2024.
La dette publique, à 30% du PIB en 2019, a augmenté rapidement pendant la pandémie puis la crise énergétique pour atteindre 44% fin 2022. Le solde public, qui présentait un surplus entre 2016 et 2019, s’est quant à lui nettement dégradé à -5,8% du PIB en 2020, -5,1% en 2021 puis -3,6% en 2022. Afin de rétablir la soutenabilité des finances publiques menacées par un déficit structurel supérieur à 2%, le gouvernement a présenté un paquet de consolidation budgétaire dont les mesures, qui entreraient en vigueur à partir de 2024, représenteraient un effort d’ajustement budgétaire annuel de 147,5 Md CZK (6,18 Md EUR, soit environ 2 points de PIB) à horizon 2025 (dont 62 Md CZK dès 2024), permettant d’abaisser le déficit public de 3,5% du PIB en 2023 à 1,2% en 2025. Une réforme des retraites est également en cours de discussion parlementaire pour rétablir l’équilibre du régime obligatoire par répartition.
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4/ Inflation et politique monétaire : une inflation en voie d’être maîtrisée, et un assouplissement de la politique monétaire attendu début 2024.
Tirée par les prix de l’énergie et de l’alimentation (42% du panier de consommation), l’inflation a atteint un pic à 18,0% (en g.a) en septembre 2022. Depuis janvier 2023, elle recule progressivement (9,7% en juin 2023, 8,7% pour l’inflation sous-jacente). La cible de 2% pourrait ainsi être atteinte début 2024 selon les prévisions. La CNB maintient pour l’heure une politique monétaire restrictive, avec le principal taux directeur à 7,00% depuis juin 2022, et pourrait commencer à abaisser celui-ci début 2024.
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5/ Secteur financier : un secteur bancaire solide qui bénéficie des taux d’intérêt élevés
Concentré et largement contrôlé par des groupes étrangers (dont les 5 premières banques, qui représentent 73% des actifs et 78% des dépôts), le secteur bancaire est rentable, sain et bien capitalisé[iii]. Une taxe exceptionnelle (windfall tax) s’appliquera sur leurs bénéfices exceptionnels réalisés en 2023-2025. Les risques macro-financiers domestiques sont limités au marché immobilier[iv].
[i] Selon les données Eurostat, le PIB par heure travaillée, qui reflète la productivité du travail, a progressé de 11% entre 2015 et 2021, contre +19% en Pologne par exemple, +14% en Hongrie et +17% en Slovaquie (+4,5% en zone euro).
[ii] Selon les données Eurostat, les coûts salariaux unitaires (CSU), qui reflètent le coût du travail en tenant compte de sa productivité, ont connu une accélération sur la période récente, augmentant de 25% entre 2016 et 2021 contre seulement +6% sur les cinq années précédentes (2011 à 2016). A titre de comparaison sur la période 2016-2021, les CSU ont augmenté de 15% en Pologne et de 6% en France.
[iii] Données 2021 : total des actifs bancaires : 340 Md€ soit 160% du PIB, dont 74% de dépôts ; ratio prêts/dépôts : 73% (moyenne UE : 92%) ; RoE moyen de 17% sur la période 2016-2019 ; ratio NPL : 1,5% ; ratio CET1 : 22%.
[iv] Les prix des logements seraient surévalués de 25%, après une hausse de près de 20% en 2021 et 35% sur 3 ans..