RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Situation économique et financière - quatrième trimestre 2024
L’économie tchèque a retrouvé le chemin de la croissance en 2024 avec un PIB en hausse de 1 % sur l’année, après une récession en 2023 (-0,1 %). La décrue de l’inflation, à 2,4 % en moyenne contre 10,7 % en 2023, a permis une première progression des salaires réels depuis le T4 2021, et une reprise de la consommation des ménages, sans toutefois permettre un retour au niveau de pouvoir d’achat et de consommation pré-pandémie. La croissance a également été portée par les dépenses gouvernementales et le commerce extérieur, quand l’industrie et les investissements ont une nouvelle fois décru cette année. L’assouplissement monétaire continu de la banque nationale tchèque (CNB), le taux directeur passant de 7 % en décembre 2023 à 4% en novembre 2024, a entrainé une légère dépréciation de la couronne tchèque.
1/ Economie réelle et croissance : une reprise principalement portée par la consommation et les services
Situation conjoncturelle : Après une année 2023 de récession (- 0,1 %), 2024 marque un cycle de reprise économique, avec une croissance de 1 % sur l’année (quatre trimestres de hausse : + 0,3% au T1, +0,5 % au T2, +1,4 % au T3 et +1,6 % au T4 en g.a.). Celle-ci a principalement été portée par (i) la consommation des ménages[i] (+2 % en moyenne sur l’année), résultant de la hausse des salaires réels (+4,6 % sur l’année) et d’une légère baisse du taux d’épargne (18,8 %), et (ii) les dépenses gouvernementales (+3,8%). La consommation reste toutefois inférieure au niveau de 2018, les salaires réels bruts demeurant inférieurs de 4,5% au T4 2019, du fait des neuf mois de baisse entre les T4 2021 et 2023 (-12 %). La production industrielle[ii] et la construction[iii] continuent de marquer le pas avec des productions en baisse de 1,4 % et 2,4 % sur l’année faute de demande[iv]. Les investissements ont diminué de 4,7 % tout en restant inférieurs aux trois années précédentes. Les services[v] et les ventes au détail[vi] ont connu des croissances respectives de + 2,2 % et de + 4,6 % sur l’année. Enfin, la fréquentation touristique a dépassé son niveau pré-covid de 2019.
Au plan structurel, les crises successives et leurs répercutions ont interrompu la croissance tendancielle dynamique qui prévalait jusqu’en 2019 (+3 % par an en moyenne depuis 2000). Celle-ci avait permis une convergence économique soutenue[vii], mais le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat (PPA) est revenu à 89 % de la moyenne UE en 2023[viii] après le pic à 93 % de 2020. La Tchéquie fait ainsi face à des défis multiples : le modèle de croissance économique actuel, fondé sur une industrie manufacturière de sous-traitance de moyenne valeur ajoutée bénéficiant de coûts de production compétitifs, est en difficulté.
Du côté de l’offre, une montée en gamme qualitative de la production, fondée sur l’innovation, et le développement des compétences sont nécessaires pour renforcer l’attractivité et préserver la compétitivité de l’économie. Néanmoins, si les marges des entreprises apparaissent élevées, la faiblesse des investissements est de nature à grever la compétitivité future du pays. Si le pays se dote de différentes stratégies pour accroitre les synergies de ses entreprises, capter les financements européens en R&D[ix] et attirer les investissements étrangers, la matérialisation concrète sur la croissance reste à l’horizon. Par ailleurs, la Tchéquie ne profite pas de sa position centrale en Europe du fait d’infrastructures vieillissantes, de délais administratifs longs pour de nouvelles implantations industrielles, quand sa main d’œuvre est plus chère que les autres pays du V4 et voit la quotité d’heures travaillées diminuer[x]. Concernant l’approvisionnement énergétique, la stabilisation des cours et la diversification des sources d’approvisionnement ont permis de modérer les coûts de production constatés en 2024 par rapport à 2022 et 2023[xi].
Enfin, si la Tchéquie dispose d’un taux de chômage parmi les plus faibles de l’UE (2,6 % au T4[xii]), cela se traduit par une pénurie de main d’œuvre contraignant le développement des entreprises[xiii]. Cette situation s’explique par un solde naturel négatif depuis 2020, et une population vieillissante où le nombre et la part des actifs diminuent tendanciellement. L’apport de travailleurs étrangers est ainsi devenu essentiel jusqu’à représenter près d’un cinquième des actifs du pays (1 M)[xiv]. Cette contrainte en main d’œuvre favorise l’entrée sur le marché du travail des femmes[xv], ainsi que la hausse du taux d’emploi des seniors.
2/ Equilibres externes : un excédent commercial record en 2024
Sur l’année, si le volume d’échanges des biens n’a progressé que de 1,5 % par rapport à 2023, l’excédent commercial des biens s’est élevé à 27,9 Md€[xvi], en hausse de 28 % (+6Md€) porté principalement par la hausse de l’excédent concernant les machines et matériels de transports (+5 Md€) et la baisse du gaz importé (-1,1 Md€ à 2,6 Md€ en 2024 contre 3,7 Md€ en 2023). Sur les trois premiers trimestres, la balance des services est excédentaire de 3,6 Md€ quand le solde des revenus est déficitaire (-13,3 Md€) du fait de la position extérieure nette déficitaire des investissements étrangers (- 136,5 Md€) alimentant les sorties de dividendes. Au total selon la CNB, le solde courant s’élève à 3,3 Md€ entre le T1 et T3 2024.
Si la position extérieure nette globale est déficitaire (~50 Md€ soit 18,3 % du PIB[xvii] ), les actifs de réserve de la banque centrale demeurent élevés (140 Md€ fin décembre, en hausse de 6 Md€ sur un an, soit 45 % du PIB[xviii]). La CNB s’est lancée dans une politique d’achat d’or avec l’objectif de disposer de 100 tonnes fin 2028, soit 5 % de ses réserves, contre 51 tonnes fin 2024 et 30,7 tonnes fin 2023[xix]. La dette externe représente quant à elle ~201 Md€ soit 64 % du PIB[xx].
3/ Finances publiques : poursuite de la réduction du déficit public en 2024, le gouvernement conserve le cap du rétablissement des comptes publics
Après une année 2023 où le déficit et la dette publique ont atteint 3,8 % et 42,4 % du PIB (soit ~11,5 Md€ et ~129 Md€), le gouvernement a poursuivi en 2024 son objectif d’assainissement des finances publiques. Le budget 2024 devrait être déficitaire à hauteur de 2,5 % du PIB, avec le solde public toute administration confondue déficitaire de 3 % du PIB. Le niveau de dette s’établirait à 43,7 % du PIB du fait du ralentissement de la croissance du PIB nominal. Les inondations survenues en septembre ont eu un impact sur le déficit public avec des dépenses supplémentaires estimées pour le seul budget de l’Etat à 30 Md CZK (~1,2 Md€) en 2024. Enfin le taux de prélèvements obligatoires s’élève à 40 %, stable depuis 2004, et s’avère bien inférieur à la moyenne européenne de 46 %.
4/ Inflation, politique monétaire et taux de change : la CNB a initié un cycle d’assouplissement monétaire compte tenu d’une inflation proche de la cible de 2%
L’inflation moyenne s’est élevée à 2,4 % en 2024, contre 10,7 % en 2023. La hausse des prix a connu une décélération dès janvier (2,3 % en g.a.) pour finir à 3 % en décembre. Compte tenu de cette évolution positive, la CNB a réalisé huit baisses consécutives de son taux directeur entre décembre 2023[xxi] et novembre 2024, le ramenant à 4 %. Après des baisses de 50 points de base en début d’année, la CNB a ralenti son assouplissement monétaire entre août et novembre ne faisant que des baisses de 25 points de base. Si le Conseil des gouverneurs maintient l’objectif d’une inflation à 2 %, des pressions inflationnistes persistent, notamment dans les services (+5%) et avec les hausses de salaires dans les secteurs public et privé.
Compte tenu de la baisse des taux amorcée par la CNB, le taux de change de la couronne tchèque s’est déprécié par rapport à l’euro en depuis décembre 2023, avec 1€ pour 25,1 CZK actuellement contre 1€ pour 24 CZK en 2023.
5/ Secteur financier : un secteur bancaire solide qui bénéficie de la reprise
Concentré et largement contrôlé par des groupes étrangers (dont les 5 premières banques, qui représentent 73% des actifs et 78% des dépôts), le secteur bancaire est rentable, sain et bien capitalisé[xxii]. Une taxe exceptionnelle (windfall tax) est appliquée sur leurs bénéfices exceptionnels réalisés en 2023-2025[xxiii]. Les risques macro-financiers domestiques sont limités au marché immobilier[xxiv]. Sur les trois premiers trimestres 2024 ; les principaux indicateurs bancaires ont progressé : les actifs (+ 6,5 %), les dépôts (+6,8 %), les prêts (+5,5 %),
[i] Selon les données de l’office tchèque des statistiques.
[ii] Selon les données de l’office tchèque des statistiques la production a baissé aux T1, T2 et T4, elle a stagné au T3. La production dans le secteur automobile a ainsi baissé de 6,5 % au T4 en glissement annuel. Les ventes ont augmenté de 0,9 % en moyenne en 2024, quand la valeur de celles-ci est en hausse de 2,8 %, légèrement supérieur à l’inflation. Le nombre d’employés dans le secteur a baissé de 2 % sur l’année quand les salaires nominaux ont progressé de 6,7%.
[iii] Selon les données de l’office tchèque des statistiques, la production a baissé sur les trois premiers trimestres avant de reprendre au T4.
[iv] Selon l’office tchèque des statistique et la KB : la faiblesse de la demande est la principale contrainte pour 53 % des entreprises du pays.
[v] Selon les données de l’office tchèque des statistiques.
[vi] Selon les données de l’office tchèque des statistiques.
[vii] Selon Eurostat, le PIB/hab en PPA est passé de 84 % de la moyenne UE en 2010 à 93% en 2019, avant de redescendre à 90 % en 2022.
[ix] Concernant la facilité européenne pour la reprise et la résilience, sur les 8,4 Md€ de subventions accordées, la Tchéquie n’en a reçu que 2,69 Md€. Aucun prêt n’a pour le moment été versé sur 818 M€ accordés. Sur ces montants 222 M€ doivent permettre d’améliorer l’environnement économique des entreprises, 662 M€ sont dédiés à la transformation numérique des entreprises, à la création de cluster dédiés aux innovations numériques, etc.
[x] Selon l’office tchèque des statistiques, le volume d’heures travaillées a baissé de 0,2 % en 2024 par rapport à 2023.
[xi] La crise énergétique a par ailleurs démontré la nécessité de disposer d’un approvisionnement sûr et d’une source de production stable offrant une meilleure compétitivité coût-énergie. Le remplacement de l’approvisionnement en gaz et pétrole russe a été réalisé avec succès, mais avec un renchérissement des coûts de production par rapport aux années avant crise.
[xiii] Enquête du ministère du travail et des affaires sociales publiée le 5 octobre 2023 : “Companies in the Czech Republic lack up to 249,000 employees, with one out of five companies surveyed being short of workers and one out of seven citing this as the main barrier to growth, according to an analysis of job vacancies and employment of foreigners by the Labour and Social Affairs Ministry” : un cinquième des entreprises éprouvent des difficultés de recrutement qui constituent un frein à leur croissance pour un septième d’entre elles ; le nombre d’emplois non pourvus, estimé à 249 k, entrave la croissance d’une entreprise sur sept. Pour comparaison, le nombre de demandeur d’emplois est estimé par l’office tchèque des statistiques à 135 k personnes.
[xiv] Les travailleurs étrangers représentent près d’un actif sur 5 en 2023, soit près de 825 000 personnes sur les 4,23 millions d’actifs du pays.
[xv] Selon les données de l’office tchèque des statistiques, le nombre de femmes disposant d’un emploi s’est accru de 114 k entre les T3 2023 et 2024. Par ailleurs, 70,3 % des 483,3 k emplois à temps partiel recensés sont occupés par les femmes, soit un total de 340 k, contre 143,3 k hommes. Si 14,4% des femmes actives ont un emploi à temps partiel, cela ne concerne que 5 % des hommes actifs.
[xvi] Selon les données de l’office tchèque des statistiques concernant les mouvements transfrontaliers de marchandises.
[xvii] Selon les données de la CNB :-47,5 Md€ au premier trimestre 2024, -46,3 Md€ au deuxième trimestre et -45 Md€ au troisième trimestre.
[xx] Selon les données de la CNB, la position est stable sur les deux premiers trimestres 2024 : 194,3 Md€ au T1 et 195,4 Md€ au T2 et 201,5 Md€ au T3.
[xxi] Mettant fin au taux de 7 % maintenu depuis juin 2022, voir Annexe 7.
[xxii] Voir note relative au secteur bancaire tchèque
[xxiii] Selon le ministère des finances, la windfall tax a rapporté un total de 36,7 Md CZK, soit 1,47 Md€, en 2024.
[xxiv] Selon la CNB, les prix des appartements seraient surévalués de 24% à la fin du deuxième trimestre 2024. Après une hausse de près de 20% en 2021 et 35% sur 3 ans, les prix de l’immobilier se sont néanmoins stabilisés entre juin 2022 et juin 2023 avec des baisses fortes sur l’ancien, la CNB estime que le risque d’un éclatement à moyen terme de la bulle immobilière a diminué.