RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Situation économique et financière
Résumé :
Fortement intégrée aux chaînes de valeur industrielles et dépendantes des énergies fossiles, l’économie tchèque est particulièrement exposée à la crise actuelle. C’est l’un des rares pays de l’UE à ne pas avoir encore retrouvé son niveau d’activité d’avant-Covid, perspective à nouveau retardée par la légère récession observée au 2d semestre 2022, et par une prévision de croissance 2023 relativement atone (entre +0,1% et +0,6%). Même si l’inflation recule depuis janvier (passant de 17,5% en janvier à 12,7% en avril), elle demeure soutenue, pénalisant le pouvoir d’achat et la consommation, alors que la politique monétaire restrictive (principal taux directeur à 7,00%) pèse sur le financement de l’économie et l’investissement. Du côté de l’offre, certains secteurs sont entravés par des pénuries de main d’œuvre (taux de chômage le plus faible d’Europe) et l’industrie manufacturière reste encore touchée par des pénuries d’intrants et les coûts de l’énergie. L’économie tchèque est structurellement confrontée au défi de la préservation de sa compétitivité à long terme, alors que la convergence économique connaît un coup d’arrêt depuis 2020 (PIB/tête en PPA = 91% de la moyenne UE en 2022, contre 93% en 2019). Face à ces vulnérabilités émergentes, la Commission européenne conduit cette année une analyse approfondie au titre de la procédure pour déséquilibres macroéconomiques.
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1/ Economie réelle et croissance : une économie très industrielle et énergivore, qui peine à sortir de la récession technique observée au 2ème semestre 2022
Situation conjoncturelle : après le choc du Covid (récession de -5,5% en 2020), le rebond de l’activité est resté modéré en 2021 (+3,5% contre +5,4% pour l’UE), freiné par les difficultés d’approvisionnement de l’industrie qui pèse 30% du PIB (ratio le plus élevé de l’UE), notamment en raison des pénuries de semi-conducteurs dans le secteur automobile (9% du PIB et 25% des exportations). La guerre en Ukraine et la hausse des prix énergétiques ont accentué ces difficultés, conduisant à un net ralentissement de la croissance. Si celle-ci est restée robuste au premier semestre 2022 (+0,6% en v.t. au T1 et +0,5% au T2), les 3ème et 4èmetrimestres 2022 ont connu un recul de l’activité (respectivement -0,4% et -0,3% en v.t.). Cette récession résultait principalement du recul de la production manufacturière du côté de l’offre, et du recul de la consommation des ménages lié à la baisse du pouvoir d’achat du côté de la demande (recul des salaires réels sur un an de 7,8% au T4 2022, soit l’une des plus fortes baisses dans l’OCDE). Au total, la croissance a atteint +2,4% en 2022, et devrait rester atone en 2023. Après un premier trimestre 2023 de retour en territoire positif (+0,1% en v.t), les prévisions de croissance sur l’ensemble de l’année 2023 oscillent entre +0,1% et +0,6%. Le retour au niveau d’activité d’avant COVID serait ainsi reporté à la fin 2024.
Au plan structurel, la croissance tendancielle était relativement dynamique jusqu’en 2019 (+3% par an en moyenne depuis 2000), permettant une convergence économique soutenue (le PIB/hab en PPA est passé de 84% de la moyenne UE en 2010 à 93% en 2019) et l’atteinte du plein-emploi (taux de chômage à 2,6% en mars 2023, le plus faible de l’UE), mais les crises du Covid puis d’Ukraine ont interrompu cette trajectoire (PIB/hab en PPA a reculé en 2021 à 91% de la moyenne UE), tandis que se pose la question du modèle de croissance économique à long terme, jusqu’alors fondé sur une industrie manufacturière de sous-traitance de moyenne valeur ajoutée bénéficiant de coûts de production compétitifs. Alors que le taux de change effectif réel de la couronne tchèque s’est apprécié par rapport à l’euro en 2021 et 2022, le rattrapage des coûts de production et salaires, favorisé par les tensions sur le marché du travail, s’accompagne d’un ralentissement des gains de productivité du travail[i], ce qui se traduit par une hausse des coûts salariaux unitaires relativement plus rapide que dans les autres pays du V4[ii] ; cette évolution met en question la pérennité des avantages comparatifs de l’économie tchèque, et invite à une montée en gamme de la production, par l’innovation, l’attractivité et le développement des compétences, afin de préserver la compétitivité de l’économie
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2/ Equilibres externes : la baisse de l’excédent commercial a entraîné l’apparition d’un déficit courant qui s’est creusé en 2022
Le solde commercial (biens et services) est tendanciellement excédentaire mais a connu une forte dégradation depuis le T3 2021 (14 Md€ en 2020, puis 7 Md€ en 2021) et est même devenu déficitaire en 2022 à près de -400 M EUR, sous l’effet d’une baisse des exportations de biens manufacturés, en particulier du secteur automobile, et d’une hausse de la facture énergétique. Le solde des revenus est quant à lui structurellement déficitaire (-4 à -6% du PIB), reflétant la position extérieure nette déficitaire des investissements étrangers (- 130 Md€) qui alimente des sorties de dividendes vers l’étranger. Au total, le solde courant, qui était excédentaire entre 2013 et 2020 (2% du PIB en 2020), est devenu déficitaire en 2021 (- 2,8% du PIB) et a continué à se creuser à –6,1 % du PIB en 2022.
Si la position extérieure nette est globalement déficitaire (environ 40 Md€ soit 15,6% du PIB), les actifs de réserve de la banque centrale atteignent le niveau encore très élevé de 127 Md€ fin avril (47% du PIB ou 9 mois d’importations) offrant des marges pour assurer la stabilité externe de la couronne tchèque (régime de change flottant) par des interventions sur le marché des changes. La dette externe représente quant à elle 66% du PIB (dont ¾ de dette privée).
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3/Finances publiques : une série de réformes pour rétablir la trajectoire à partir de 2024.
La dette publique, qui s’élevait à 30% du PIB en 2019, a augmenté rapidement avec la crise du covid puis le conflit en Ukraine pour atteindre 44% fin 2022. Le solde public, qui présentait un surplus entre 2016 et 2019, s’est quant à lui nettement dégradé à -5,8% du PIB en 2020, -5,1% en 2021 puis -3,6% en 2022. Afin de rétablir la soutenabilité des finances publiques menacées par un déficit structurel supérieur à 2%, les autorités ont présenté le 11 mai une série de mesures de consolidation budgétaire (paquet « Tchéquie en forme »), dont la mise en œuvre à compter du 1er janvier 2024, se traduira par un effort d’ajustement budgétaire annuel de 147,5 Md CZK (6,18 Md EUR, soit environ 2 points de PIB) à horizon 2025 (dont 62 Md CZK dès 2024), permettant d’abaisser le déficit public de 3,5% du PIB en 2023 à 1,2% en 2025. Une réforme des retraites a également été présentée pour rétablir l’équilibre du régime obligatoire par répartition.
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4/Inflation et politique monétaire : inflation en recul mais encore soutenue et maintien de la politique monétaire restrictive par la banque centrale.
Tirée par les prix de l’énergie et de l’alimentation (42% du panier de consommation), l’inflation a atteint un pic à 18,0% en g.a en septembre 2022. Depuis le début de l’année 2023, elle recule et s’est établie à 12,7% en avril ; elle devrait repasser sous les 10,0% en milieu d’année selon les prévisions. La banque centrale (CNB) maintient à ce stade une politique monétaire restrictive, avec des taux directeurs à 7,00% depuis juin 2022 (contre 0,75% en septembre 2021).
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5/ Secteur financier : un secteur bancaire solide qui bénéficie de la hausse des taux d’intérêt.
Concentré et largement contrôlé par des groupes étrangers (dont les 5 premières banques, qui représentent 73% des actifs et 78% des dépôts), le secteur bancaire est rentable, sain et bien capitalisé[iii]. Une taxe exceptionnelle (windfall tax) s’appliquera sur leurs bénéfices exceptionnels réalisés en 2023-2025. Les risques macro-financiers domestiques sont limités au marché immobilier[iv].
[i] Données 2021 : total des actifs bancaires : 340 Md€ soit 160% du PIB, dont 74% de dépôts ; ratio prêts/dépôts : 73% (moyenne UE : 92%) ; RoE moyen de 17% sur la période 2016-2019 ; ratio NPL : 1,5% ; ratio CET1 : 22%.
[ii] Les prix des logements seraient surévalués de 25%, après une hausse de près de 20% en 2021 et 35% sur 3 ans.
[iii] Selon les données Eurostat, le PIB par heure travaillée, qui reflète la productivité du travail, a progressé de 11% entre 2015 et 2021, contre +19% en Pologne par exemple, +14% en Hongrie et +17% en Slovaquie (+4,5% en zone euro).
[iv] Selon les données Eurostat, les coûts salariaux unitaires (CSU), qui reflètent le coût du travail en tenant compte de sa productivité, ont connu une accélération sur la période récente, augmentant de 25% entre 2016 et 2021 contre seulement +6% sur les cinq années précédentes (2011 à 2016). A titre de comparaison sur la période 2016-2021, les CSU ont augmenté de 15% en Pologne et de 6% en France.