Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon du 17 au 21 novembre.

Faits saillants

  • Approbation du plan de relance massif du Japon de 21 300 Mds JPY (135 Mds USD)
  • Contraction de l’économie japonaise au T3 2025 sous l’effet des droits de douane américains
  • Recul du Tokyo Stock Exchange, nouvelle baisse du yen, et rendements des JGBs en nette hausse
  • Investissements massifs des conglomérats sud-coréens dans l’IA, la robotique et les semi-conducteurs

Japon

Macroéconomie

  • Tensions sino-japonaises | Les propos de la Première ministre S. Takaichi, qui avait déclaré en séance parlementaire qu’une intervention militaire de Pékin à Taïwan pourrait constituer pour le Japon une situation « menaçant sa survie », justifiant le recours à la défense collective, continuent de susciter une vive réaction des autorités chinoises. Pékin a ainsi mis en garde ses ressortissants contre les voyages au Japon, à l’origine d’une nette correction boursière des valeurs liées au tourisme, à l’instar de l’action du groupe Isetan Mitsukoshi chutant de -10,6 % après ces déclarations. Si les compagnies aériennes japonaises rapportent pour l’heure un impact limité sur les réservations (prises il y a parfois plusieurs mois), le Nomura Research Institute a estimé à -0,36 % l’impact négatif sur le PIB d’un possible boycott prolongé des voyageurs chinois vers le Japon. Les Chinois représentent, de loin, la principale source de flux de touristes au Japon, avec près d’un quart du trafic entrant. En parallèle, la Chine a annoncé également envisager de réinstaurer ses restrictions à l’import sur les produits de la mer japonais, alors que Pékin avait progressivement levé les limitations imposées en août 2023 à la suite du rejet en mer des eaux traitées de la centrale de Fukushima. Le retour de ces mesures affecterait de nouveau un débouché majeur pour la filière nippone – 611 Mi EUR de produits de la mer exportés en Chine en 2022 – et constituerait un retour en arrière sur un dossier sensible.

  • Plan de relance | Le gouvernement japonais a validé ce jour le nouveau plan de relance, massif, de 21 300 Mds JPY (soit 135 Mds USD) de dépenses budgétaires, soit 27 % de plus que celui annoncé un an plus tôt par son prédécesseur. Ce plan, qui doit également engendrer des dépenses supplémentaires du secteur privé, vise à répondre aux nombreux défis auxquels le Japon fait face : une inflation persistante – le taux d’inflation en octobre, hors produits frais, a atteint +3,0 % (après +2,9 % en septembre), enregistrant de façon inédite un 43ème mois consécutif de hausse des prix –, des risques géopolitiques et sécuritaires en rapide hausse, et une activité en repli (cf. infra). Le plan inclut des baisses de taxes, des aides aux ménages pour soutenir le pouvoir d’achat, des investissements stratégiques dans 17 secteurs visant à rehausser la politique d’offre, et un renforcement des capacités de Défense. Le financement du plan impliquera une émission supplémentaire d’obligations dans un contexte de dette publique particulièrement élevée, supérieure à 230 % du PIB selon le FMI. Cette perspective pourrait alimenter la hausse des rendements obligataires et la dépréciation du yen.

  • Croissance | D’après les estimations préliminaires publiées par le Cabinet Office, l’économie japonaise s’est contractée au 3ème trimestre 2025 de -0,4 % par rapport au trimestre précédent et de -1,8 % en rythme annualisé, une première depuis six trimestres. Le repli de l’activité était attendu, reflétant essentiellement l’impact négatif des droits de douane américains, à l’origine d’un recul de -1,2 % des exportations sur le trimestre (contribution du commerce extérieur de -0,2 ppt à la croissance trimestrielle). Bien que positive grâce à la hausse de l’investissement des entreprises (+1 %) et de la consommation privée (+0,1 %), la demande domestique est restée insuffisante pour compenser le repli de l’activité. L‘investissement résidentiel a ainsi subi une contraction de -9,4 %. Ces résultats fragiles interviennent alors que la Banque du Japon prépare une reprise graduelle de son cycle de normalisation de sa politique monétaire, tout en restant attentive aux annonces concernant les négociations salariales du printemps 2026 (le Shuntō), ainsi qu’à l’impact des barrières commerciales américaines sur l’activité nippone.

Secteur financier

  • Bourse | En réaction à la publication des mauvais chiffres d’activité du 3ème trimestre 2025 et suite à l’approbation du plan de relance massif, l’indice Nikkei 225 s’est à nouveau contracté au cours de ces derniers jours. L’indice, lourdement retombé sous le seuil des 50 000 points (-3,48 % sur une semaine), est pénalisé par (i) les craintes autour des conséquences macroéconomiques du budget supplémentaire, en particulier s’agissant du yen, (ii) les tensions soudaines et très fortes entre le Japon et la Chine, et (iii) les doutes de plus en plus marqués autour de la solidité des valeurs technologiques au plan mondial. L’évolution des rendements obligataires souverains a traduit ces craintes à travers une hausse significative des rendements des obligations d’État (JGBs) de long terme, de +3,6 pbs pour les obligations à 20 ans et de +4,5 pbs pour celles à 30 ans, quand le taux d’emprunt à 40 ans a temporairement dépassé 3,77 % le 20 novembre – un record historique –, traduisant le comportement généralisé des investisseurs de « sell Japan ».

Secteurs non financiers

  • Start-ups | La startup japonaise Sakana AI a annoncé cette semaine avoir réussi une levée de fonds de 20 Mds JPY (135 Mi USD), portant sa valorisation à 400 Mds JPY (2,63 Mds USD) et faisant de celle-ci la start-up non cotée la plus valorisée du Japon. L’opération, soutenue par Mitsubishi UFJ Financial Group, Shikoku Electric Power, la banque espagnole Banco Santander et plusieurs sociétés de capital-risque américaines, vise à accélérer le développement de grands modèles de langage (LLM) ainsi que le recrutement de talents. Fondée en 2023, l’entreprise se positionne sur des solutions d’« IA souveraine », combinant plusieurs LLM, indépendantes des infrastructures chinoises ou américaines et adaptées au contexte local japonais ainsi qu’à divers secteurs, dont la finance et, à terme, la Défense. Si cette annonce est très significative au plan domestique, elle reste toutefois assez modeste par rapport au marché mondial. Elle illustre néanmoins l’attractivité accrue de l’écosystème technologique japonais pour les investisseurs internationaux en matière d’IA.

  • Automobile | Régulièrement présenté par le Président américain comme un marché fermé, protégé par des barrières non tarifaires (standards et normes de sécurité), l’ouverture accrue du marché japonais aux véhicules américains (qui représentent moins de 0,5 % des ventes au Japon) constitue un point important de l’accord conclu entre Tokyo et Washington D.C. Le Ministère des Transports japonais prévoirait ainsi d’introduire dès 2026 un régime dérogatoire permettant d’homologuer les voitures particulières fabriquées aux États-Unis sur simple examen documentaire, sans essai physique au Japon, dès lors qu’elles respectent les normes fédérales américaines. Les éléments non couverts par ces normes (bruit, protection des piétons, etc.) seraient vérifiés via les rapports d’essais fournis par les constructeurs. Malgré ce geste d’ouverture, l’impact commercial devrait demeurer limité, l’offre américaine à l’export (SUV et pickups) restant très peu adaptée aux besoins du marché domestique nippon, dominé par les petits véhicules type kei-cars (32 % des ventes) et les modèles compacts/hybrides (≈40 %), majoritairement produits par les constructeurs japonais.

Corée du Sud

Secteurs non financiers

  • Décarbonation | La Corée du Sud entend intensifier sa politique de décarbonation, avec l’implication conjointe de l’État et du secteur privé. Le gouvernement a ainsi annoncé lors de la COP30, qui s’est tenue à Belém du 10 au 21 novembre, son adhésion à l’Alliance Powering Past Coal (PPCA), devenant ainsi le 2ème pays asiatique, après Singapour, à rejoindre cette coalition visant à éliminer progressivement le charbon non équipé de technologies de réduction des émissions. Le gouvernement s’est engagé, de façon ambitieuse, à ne plus construire de nouvelles centrales au charbon et à fermer 40 unités d’ici 2040, tandis qu’un plan pour les 20 restantes sera présenté d’ici 2026 après consultation publique. Par ailleurs, Hyundai Motor et Kia ont signé le 17 novembre un protocole d’accord (MOU) avec les ministères compétents (Ministry of Trade, Industry and Resources – MOTIR, Ministry of Startups and SMEs – MSS), des institutions publiques et leurs fournisseurs, pour accélérer la décarbonation de la chaîne d’approvisionnement automobile. Le gouvernement coréen avait annoncé le 10 novembre un nouvel objectif climatique pour 2035 visant une réduction de -53 à -61 % des émissions par rapport à 2018.

  • Deeptech | Les quatre principaux conglomérats coréens – Samsung, Hyundai Motor, SK et LG – ont lancé une vague d’investissements en Corée du Sud visant à faire du pays un pôle mondial de l’IA, de la robotique et des semi-conducteurs avancés : Samsung a relancé la construction de son usine P5 à Pyeongtaek, un projet d’au moins 60 000 Mds KRW (environ 35 Mds EUR) destiné aux technologies mémoire les plus avancées, avec une production prévue en 2028 ; Hyundai Motor Group devrait investir 125 000 Mds KRW (75 Mds EUR) d’ici 2030, principalement dans l’IA, la robotique, les véhicules autonomes et électriques, avec de nouvelles capacités de production en Corée ; SK Group a annoncé un plan massif de 128 000 Mds KRW (77,5 Mds EUR) d’ici 2028, avec la possibilité d’accroître le montant à 600 000 Mds KRW (353 Mds EUR) pour son cluster de Yongin, consacré aux semi-conducteurs et aux infrastructures d’IA, le plus grand projet industriel du pays ; LG Group investira de son côté 60 000 Mds KRW (35 Mds EUR) dans la chaîne nationale des matériaux et composants pour renforcer la résilience industrielle. Cette dynamique marque un recentrage stratégique sur le territoire national afin de sécuriser les chaînes d’approvisionnement, consolider les technologies clés et renforcer la compétitivité manufacturière de la Corée à long terme.

  • Accord Corée du Sud–EAU | La Corée du Sud et les Émirats arabes unis ont signé cette semaine 7 MOU à l’occasion du sommet entre les présidents Lee Jae-myung et Mohammed ben Zayed à Abou Dhabi, destinés à renforcer leur coopération dans les industries de pointe : IA, espace, bio-santé, propriété intellectuelle et nucléaire. En particulier, ils ont convenu de coopérer davantage en matière d’IA, ouvrant la voie à la participation coréenne au projet Stargate UAE, un vaste campus de données et d’IA soutenu notamment par OpenAI, Oracle et SoftBank. La collaboration en matière de réacteurs modulaires (Small Modular Reactor – SMR) devrait être renforcée via le partenariat conclu entre KEPCO et ENEC, d’intégration de l’IA dans le nucléaire et de chaînes d’approvisionnement énergétique. Les discussions ont également porté sur l’industrie de Défense, avec un potentiel de contrats dépassant 15 Mds USD, et une coopération accrue en matière de développement conjoint, production locale et exportations vers des pays tiers. Cette visite d’État – la première du Président Lee au Moyen-Orient – vise à consolider le partenariat stratégique « spécial » établi en 2023 et à poser les bases d’une relation économique et technologique de long terme entre la Corée du Sud et les Émirats.