Japon-Corée du Sud - Veille économique et financière du 10 au 14 novembre 2025
Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon du 10 au 14 novembre.
Faits saillants
- Réflexions sur un possible fonds souverain japonais
- Les stratégies de la Banque du Japon et du gouvernement Takaichi sous pression face à la dépréciation du yen
- Le won accélère sa trajectoire baissière, au plus bas depuis 9 mois
Japon
Macroéconomie
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Finances publiques | Principale brique de son programme économique, le gouvernement Takaichi devrait présenter le 21 novembre son plan de relance économique via un budget supplémentaire, qui serait supérieur à 14 000 Mds JPY (soit environ 90 Mds USD). Ce plan de relance devrait comprendre des mesures de court terme de soutien aux ménages (baisses d’impôts ciblées, subventions des factures énergétiques, possibles coupons d’achat pour le riz), tout en visant à plus long terme le renforcement de l’autonomie stratégique du pays (tant sur le plan de la défense, avec des dépenses rehaussées à 2 % du PIB, qu’au niveau sectoriel via des dispositifs fiscaux en soutien de 17 secteurs stratégiques, parmi lesquels les semi-conducteurs, l’aérospatiale, l’intelligence artificielle ou la construction navale). Rompant avec l’objectif d’excédent primaire annuel de ses prédécesseurs – maintenu mais maintes fois reporté –, S. Takaichi entend faire adopter un objectif pluriannuel destiné à offrir davantage de flexibilité aux dépenses publiques, ces dernières étant censées être financées par le surcroît de croissance attendue sur moyen terme. Ce plan de relance, qui supposerait de « mettre l’économie sous pression » pour dégager un output gap de l’ordre de 2 %, devrait être financé par l’émission de dette, alors que le marché obligataire nippon est marqué depuis février par une nette augmentation des taux, en particulier sur les maturités longues, traduisant les inquiétudes des investisseurs quant à la soutenabilité de la trajectoire des finances publiques de l’Archipel. Alors que les dernières émissions d’obligations souveraines japonaises (JGBs) de long terme se sont révélées décevantes, les investisseurs faisant preuve d’attentisme, les circonstances actuelles pèsent sur la charge de la dette, déjà alourdie par l’engagement de la Banque du Japon (détentrice de 52 % de l’encours des JGBs) à réduire graduellement ses achats mensuels.
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Politique monétaire | Désireuse de conserver un environnement monétaire accommodant (nécessaire, selon le co-Président du Parti Ishin, F. Fujita, à l’heure où le gouvernement souhaite encourager l’investissement privé dans 17 secteurs économiques clés) et ce, en dépit d’un taux d’intérêt réel toujours négatif selon la Banque du Japon (BoJ), S. Takaichi a appelé la Banque centrale à une conduite prudente de sa stratégie de politique monétaire. La Première ministre a indiqué cette semaine devant la Diète attendre de la BoJ une politique monétaire susceptible de conduire à une inflation stable de 2 % (niveau cible de la BoJ), « non pas par le biais de facteurs de hausse des coûts, mais par des hausses salariales » – un objectif depuis confirmé par le Gouverneur K. Ueda. En parallèle, le plan de relance, qui devrait être présenté en fin de semaine prochaine, souligne de nouveau l’intention du gouvernement de confier à la BoJ un mandat élargi à l’objectif de croissance, insistant sur le besoin d’orienter la politique monétaire sur un double objectif de croissance forte et de stabilité des prix.
Secteur financier
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Fonds souverain | Un groupe de travail transpartisan, rassemblant des élus du Parti libéral-démocrate, du Kōmeitō et du Parti démocrate constitutionnel, étudiera prochainement la création d’un fonds souverain japonais. Ce groupe parlementaire, dont la première réunion est attendue avant la fin de l’année, serait dirigé par l’ex-ministre des Finances Katsunobu Katō (PLD) et Mitsunari Okamoto (Kōmeitō). Le futur « Japan Fund » se verrait confier la gestion d’actifs publics majeurs – notamment le fonds de pension national (GPIF), le Foreign Exchange Fund Special Account, ou encore les ETF détenus par la Banque du Japon – pour les investir dans des obligations et actions, au Japon comme à l’étranger. Initiative saluée par la Première ministre, ce fonds doté potentiellement de 500 000 Mds JPY (soit 2 780 Mds EUR) viserait à accroître les rendements publics tout en soutenant certaines priorités budgétaires.
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Marché des changes | Depuis l’élection de S. Takaichi, le yen s’est sensiblement déprécié, atteignant cette semaine son point le plus bas depuis 9 mois face au dollar US (154,5 JPY pour 1 USD) et un creux historique face à l’euro (179,9 JPY pour 1 EUR). La faiblesse persistante du yen exerce une contrainte supplémentaire sur la politique monétaire de la Banque du Japon, rendant plus urgente une hausse du taux directeur. Pour sa part, le gouvernement Takaichi s’est engagé dans un jeu d’équilibriste, entre une parité à 150 JPY pour 1 USD jugée propice à absorber une partie du choc tarifaire américain par un regain de compétitivité des exportations nippones, et le risque d’une dépréciation plus importante à venir qui serait susceptible d’engendrer une hausse de l’inflation importée. Ce que la Ministre des Finances, S. Katayama, a reconnu en fin de semaine indiquant que les aspects négatifs [sur l’économie] étaient devenus plus prononcés. Les analystes de marché s’interrogent sur l’éventualité d’une intervention sur le marché des changes du Ministère des Finances – un mécanisme utilisé à plusieurs reprises au cours de l’année 2024, alors que la paire yen/dollar US avoisinait les 160 JPY pour 1 USD –, et sur son efficacité dans un contexte macroéconomique changeant, le cas échéant.
Secteurs non financiers
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Automobiles | Toyota a annoncé un investissement de 10 Mds USD aux États-Unis sur cinq ans, son plus grand engagement depuis le retour de D. Trump à la Maison-Blanche. Ce plan d’investissement vise à renforcer la production locale de véhicules hybrides et électriques ainsi que de leurs composants clés dans ses usines américaines. Le constructeur japonais cherche, par ce biais, à réduire les importations de véhicules finis en provenance du Japon pour contourner l’impact des tarifs douaniers et profiter de la forte demande américaine pour les hybrides, stimulée par la suppression des crédits d’impôt pour les véhicules 100 % électriques. L’augmentation de la production aux États-Unis devrait permettre au groupe d’améliorer ses résultats dans le sillage de l’instauration des droits de douane américains. En avril, Toyota avait annoncé un plan d’investissement de 88 M USD dans son usine de Virginie-Occidentale pour accroître la production de composants hybrides. En parallèle, Toyota a annoncé la mise en service de sa première usine de batteries à Greensboro, en Caroline du Nord, via un investissement de 13,9 Mds USD, soit l’investissement le plus élevé du groupe aux États-Unis.
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Sécurité économique | Dans le cadre du Conseil pour la promotion de la sécurité économique, la Première ministre a annoncé en fin de semaine dernière l’ouverture d’un processus de révision de la Loi de promotion de la sécurité économique de 2022 (Economic Security Promotion Act - ESPA), en raison de l’évolution rapide du contexte international et de l’environnement sécuritaire. Le gouvernement souhaite plus particulièrement renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement et la protection des données. Un focus devrait viser l’installation de câbles sous-marins qui bénéficieraient d’un soutien financier accru. En outre, dans le cadre de cette réforme, le gouvernement envisage d’élargir le périmètre des infrastructures considérées comme critiques en intégrant les services médicaux à la liste en raison de la cybermenace qui pèse sur les institutions médicales. La révision comportera un important volet consacré à la protection renforcée des données sensibles, notamment contre les risques de fuite vers des pays jugés préoccupants comme la Chine. Le gouvernement projette enfin la création d’un think tank national dédié à la sécurité économique et rattaché au NSS. Le projet de loi devrait être présenté en 2026.
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Minerais | Mitsubishi Materials Corporation (MMC) a annoncé cette semaine la signature d’un protocole d’accord avec JX Advanced Metals, Mitsui Kinzoku et Marubeni Corp. destiné à regrouper certaines de leurs activités liées au cuivre au sein de Pan Pacific Copper (PPC). La mise en œuvre du projet, envisagée d’ici mars 2026, concernerait les fonctions d’approvisionnement en concentrés, de commercialisation des cathodes et de gestion des sous-produits métallurgiques. Cette initiative s’inscrit dans le besoin accru de mutualisation des moyens de la filière japonaise du cuivre, confrontée à une érosion des marges de traitement (TC/RC) et à la pression accrue des fondeurs chinois, dont les capacités excédentaires et les coûts compétitifs fragilisent les équilibres régionaux. La Chine, qui absorbe plus de 50 % de la demande mondiale, a renforcé son intégration verticale, accentuant le resserrement du marché des concentrés de cuivre. Au-delà des synergies commerciales espérées (négociation groupée, optimisation logistique et réduction des coûts), cette réorganisation pourrait laisser présager une dynamique de rationalisation des capacités de traitement au Japon, nécessaire au maintien sur le territoire d’une industrie stratégique pour le pays, ce dernier étant un des principaux producteurs de cuivre affiné (4e à 5e producteur mondial selon les années).
Corée du Sud
Macroéconomie
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Politique énergétique | La Corée du Sud a confirmé cette semaine son objectif de réduction des émissions inscrit dans sa Contribution déterminée au niveau national (NDC) pour 2035, visant une baisse de -53 % à -61 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 2018 de 742,3 MtCO₂. Cette trajectoire renforce les exigences de décarbonation dans les secteurs les plus émetteurs : acier, ciment, pétrochimie, automobile, production d’électricité et certaines industries avancées, très dépendantes d’une électricité stable et peu coûteuse. En réaction, les organisations industrielles ont fait part de leurs inquiétudes quant au risque de perte de compétitivité, dans un contexte où les technologies clés de décarbonation ne sont pas encore assez matures et où la conjoncture mondiale reste incertaine. Elles appellent à un cadre davantage incitatif, alliant soutien budgétaire, stabilité des prix de l’électricité, renforcement des réseaux électriques, accélération du déploiement des énergies propres et appui ciblé aux secteurs stratégiques. En parallèle, le gouvernement a annoncé la mise en place de 297 Mds KRW (205 M USD) de prêts bonifiés en soutien de 16 projets industriels et énergétiques liés à la réduction des émissions. Les entreprises retenues -parmi lesquelles S-Oil, Hanwha Ocean Ecotech, HD Hydrogen et SK Plug Hyverse - investiront 666 M USD dans des secteurs tels que le raffinage, la construction navale, l’hydrogène ou les piles à combustible, avec un soutien pouvant atteindre 34 M USD par projet, sur une durée maximale de 10 ans.
Secteurs financiers
- Marché des changes | Le won a atteint cette semaine son niveau le plus faible depuis le pic de tensions tarifaires d’avril et l’un des plus bas depuis la crise des subprimes voici 15 ansDepuis début juillet, le won s’est déprécié de -9 % en rythme nominal face au dollar US (taux KRW/USD culminant à 1475 le 13 novembre) et de -8 % vis-à-vis de l’euro (le KRW/EUR franchissant 1700 le même jour, un niveau inédit depuis 2009). Selon les analystes, le recul du won s’explique principalement par des sorties nettes de capitaux liées à des prises de bénéfices sur les actions coréennes et à une augmentation des investissements à l'étranger réalisés par les résidents coréens. De son côté, le Gouverneur de la Banque de Corée, RHEE Chang-yong, a relativisé cet affaiblissement, l’attribuant principalement à des facteurs externes tels que la politique monétaire américaine et les tensions commerciales, tout en indiquant que les autorités restent prêtes à intervenir en cas de volatilité excessive.
Secteurs non financiers
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Quantique | La startup française Quandela, fondée en 2017 et spécialisée dans la photonique quantique, a signé le 12 novembre un accord de protocole (MoU) avec la ville de Séoul, portant sur l’installation d’un centre de R&D assorti d’un investissement de 50 M€ (80 Mds KRW) par Quandela ainsi qu’un soutien de la ville. Pour mémoire, Quandela fait partie des lauréats de la 1ère édition du programme French Tech 2030. L’entreprise a réalisé en novembre 2023 une levée de 50 M€, rejoignant ainsi le cercle restreint des startups françaises d’informatique quantique ayant franchi le cap des 100 M€ de valorisation, aux côtés de Pasqal et Alice&Bob. L’accord conclu par Quandela marque le 2ème partenariat d’investissement majeur de Séoul avec une entreprise française du quantique en l’espace de quelques semaines. La ville avait déjà signé le 29 octobre un accord avec Pasqal, startup française spécialiste du quantique à atomes neutres.