Japon-Corée du Sud - Veille économique et financière du 4 au 7 novembre 2025
Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon du 4 au 7 novembre.
Faits saillants
- Repli des salaires réels japonais pour le neuvième mois consécutif
- Vers une révision de la loi japonaise sur l’investissement étranger et un contrôle plus précis des risques
- Reconduction de l’accord de swap de devises entre la Chine et la Corée pour un montant équivalent à 50 Mds USD
Japon
Macroéconomie
- Salaires | Pour le 9ème mois consécutif, les salaires réels japonais ont reculé en septembre (-1,4 % en glissement annuel – g.a. – après -1,7 % en août), la progression nominale des revenus (+1,9 % en g.a.) ne suffisant pas à compenser l’inflation (+2,9 % en g.a en septembre). Le nouveau gouvernement de Sanae Takaichi prévoit un budget supplémentaire d’automne (estimé à plus 10 000 Mds JPY, soit 65 Mds USD) pour financer notamment des mesures de soutien du pouvoir d’achat des ménages (suppression de la taxe provisoire sur l’essence cf. infra, subvention des factures de gaz et d’électricité). Lors de sa conférence de presse à l’issue de la décision de maintien du taux directeur de la Banque du Japon le 30 octobre, le Gouverneur Ueda a souligné que la dynamique salariale resterait déterminante pour la reprise de la normalisation de la politique monétaire.
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PMI Services et Manufacturier | L’indice PMI des services au Japon s’est établi à 53,1 en octobre, après 53,3 en septembre, selon S&P Global. Il demeure ainsi au-dessus du seuil d’expansion (50,0) pour un 7ème mois consécutif, traduisant une activité toujours solide malgré un ralentissement de la demande. Cependant, la croissance des nouvelles commandes est au plus bas depuis 16 mois, tandis que la demande étrangère a reculé pour le 4ème mois consécutif. Sur le plan des prix, les pressions inflationnistes se sont renforcées, tirées par la hausse des coûts des intrants (travail, énergie, matières premières). À l’inverse, le PMI manufacturier s’est à nouveau replié à 48,2 (après 48,5 en septembre), son plus bas niveau depuis mars 2024, pénalisé par le repli des commandes dans les secteurs de l’automobile et des semi-conducteurs. Les nouvelles commandes ont en effet enregistré leur baisse la plus marquée en 20 mois, tandis que l’inflation des coûts a atteint un pic sur les quatre derniers mois. L’indice composite s’est établi à 51,5 (contre 51,3 en septembre), témoignant d’une croissance globale modérée de l’activité économique en octobre.
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Finances publiques | Six partis – de la coalition au pouvoir et de l’opposition – sont parvenus à un large consensus pour supprimer dès le 31 décembre la surtaxe sur l’essence et dès le 1er avril 2026 la surtaxe sur les transactions de diesel qui s’élèvent respectivement à 25,1 JPY/L et 17,1 JPY/L. Afin d’éviter les perturbations du marché que pourrait causer une baisse soudaine du prix de l’essence, le gouvernement augmentera progressivement les subventions sur le carburant jusqu’à atteindre un montant équivalent aux surtaxes, avant leur suppression. Ces décisions – qui assureraient à ce stade une économie d’environ 7 600 JPY (42 EUR) par ménage en moyenne par an selon une estimation du think-tank Dai-Ichi Life, doivent encore être adoptées d’ici mi-décembre par le Parlement. Elles devraient être complétées par un ensemble d’autres mesures visant à lutter contre l’inflation. La suppression de ces taxes devrait grever les recettes de l’Etat à hauteur de 1 500 Mds JPY par an (environ 8,5 Mds EUR). Si les partis sont convenus de s’accorder sur des sources de revenus compensatoires d’ici un an – dans le cadre des révisions annuelles du système fiscal –, les incertitudes planent pour l’instant sur la nature des moyens à mobiliser pour stabiliser le budget national.
Secteur financier
- Change | Le taux de change USD/Yen a atteint cette semaine son point le plus bas depuis 8 mois à 154,48 pour un dollar US. En dépit des récentes déclarations du Gouverneur de la Banque du Japon, laissant entendre qu’une hausse des taux pourrait se rapprocher (les marchés estimant à 50 % la probabilité d’un relèvement dès le prochain comité de politique monétaire de décembre), les marchés n’ont pas semblé convaincus, le yen poursuivant sa tendance baissière. Si la faiblesse du yen à l’égard du dollar provient essentiellement – et structurellement – du différentiel de taux d’intérêts entre les Etats-Unis et le Japon, qui se reflètent au niveau des bons du Trésor américain et des JGBs, plusieurs facteurs ont joué ces derniers mois sur la baisse des positions longues sur le yen, allant du commerce et des incertitudes géopolitiques, à l’impact des tarifs douaniers américains sur la croissance japonaise et, dans la période la plus récente, à une forme de spéculation des marchés sur les plans à venir de dépenses budgétaires du pays. Le Vice-Ministre des Finances en charge des affaires internationales, M. Mimura, a ainsi indiqué cette semaine, en marge du Forum mondial du crédit de Bloomberg à Tokyo, que l’évolution du yen ces dernières semaines tendait à s’écarter quelque peu des fondamentaux, au risque de se traduire par davantage de volatilité sur la devise.
Secteurs non financiers
- Sécurité économique | La suspension des livraisons de semi-conducteurs de Nexperia, entreprise à capitaux chinois basée aux Pays-Bas, perturbe fortement la production des constructeurs automobiles japonais suite aux tensions entre la Chine et les Pays-Bas. Le constructeur Honda a ainsi été contraint de mettre à l’arrêt sa production dans son usine basée au Mexique alors que Nissan a déjà réduit la production dans ses usines d’Oppama et de Kita-Kyushu. Selon ce dernier, la pénurie de semi-conducteurs pourrait devenir un problème majeur pour l’industrie automobile japonaise, alors que la part de ces composants atteint aujourd’hui près de 40 % du coût d’un véhicule (d’après le groupe de recherche Yole Intelligence) et que le secteur dépend fortement des semi-conducteurs de Nexperia. Compte-tenu de l’urgence pour le pays de renforcer sa souveraineté technologique et sécuriser ses approvisionnements stratégiques, les autorités pourraient lancer prochainement une version japonaise du Comité américain sur l’investissement étranger (CFIUS). Dirigé par le secrétaire au Trésor et rassemblant 11 agences fédérales, le CFIUS est en charge d’examiner de façon précise les risques potentiels liés à des investissements étrangers, en étudiant notamment, au-delà de l’actionnariat, les risques liés à l’exposition potentielle de secrets militaires ou la fuite de technologies sensibles. L’initiative s’inscrirait dans le cadre du projet de révision de la loi sur le filtrage des investissements étrangers destinée précisément à rationaliser le processus d’examen et assurer des évaluations plus ciblées des risques pour la sécurité nationale.
- Relance industrielle | A l’occasion de l’inauguration du siège de la stratégie économique de la Première ministre, avec pour finalité la dynamisation de la croissance du pays via des investissements publics ciblés, le gouvernement Takaichi a désigné en début de semaine 17 secteurs industriels stratégiques destinés à bénéficier de ces soutiens publics à venir. L’IA, les semi-conducteurs, l’aérospatial, la construction navale ou encore la défense figurent parmi les domaines jugés essentiels pour renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement et stimuler la croissance. Des objectifs précis seront fixés pour chaque secteur d’ici l’été prochain.
Corée du Sud
Macroéconomie
- Sommet Corée-Chine et accord de swap BoK–PBoC | En marge du sommet de l’APEC à Gyeongju, le président sud-coréen LEE Jae-myung et le dirigeant chinois XI Jinping – première visite en Corée depuis 2014 – ont tenu leur premier sommet bilatéral, considéré par les deux parties comme une remise « sur les rails » de la relation sino-coréenne. L’annonce la plus emblématique a porté sur la reconduction jusqu’en 2030 de la ligne de swap de devises entre la Banque de Corée et la Banque populaire de Chine. D’un montant inchangé de 70 000 Mds KRW (400 Mds CNY, soit environ 50 Mds USD), cet instrument vise à sécuriser les besoins de liquidité en won et en yuan, à soutenir les échanges bilatéraux et à offrir à Séoul un filet de sécurité en cas de tensions financières. Six Memorandums of Understanding (MoU) complètent cet accord, couvrant (i) la relance d’un dialogue stratégique de haut niveau, (ii) la coopération économique jusqu’en 2030, (iii) les services et les investissements, (iv) l’innovation et les start-ups, (v) l’agroalimentaire et (vi) la lutte contre la fraude transfrontalière.
- Exportations et indice PMI | En octobre, les exportations coréennes ont progressé de +3,6 % sur un an à 59,6 Mds USD, en ralentissement après le pic de 66,0 Mds USD en septembre (leur plus haut niveau depuis mars 2022), en raison notamment d’un nombre réduit de jours ouvrés lié aux congés de Chuseok. Il s’agit du 5ème mois consécutif de croissance des ventes à l’étranger, toujours portées par la forte demande de semi-conducteurs, dont les exportations ont bondi de +25 % pour atteindre 15,7 Mds USD, et de navires (+131 % à 4,7 Mds USD). Par destination, si les exportations se sont contractées vers les États-Unis (-16 %) et la Chine (-5,1 %), elles ont progressé vers l’Amérique latine (+99 %), Taïwan (+46 %), et l’Asie centrale et la Russie (+34 %). Malgré la solidité du commerce extérieur, l’activité industrielle demeure fragile : en octobre, l’indice PMI manufacturier est passé en zone de contraction pour la 8ème fois en neuf mois, à 49,4, après l’expansion exceptionnelle de septembre (50,7).
- Inflation | En octobre, l’inflation a crû de +2,4 % en g.a (+0,3 point), enregistrant une deuxième hausse consécutive et son plus haut niveau depuis juillet 2024. Cette hausse s’explique principalement par l’augmentation des prix des services personnels, liée à la forte demande de voyages et de loisirs pendant Chuseok, ainsi que par l’accélération des prix des produits agricoles, de l’élevage et de la pêche. Cette évolution devrait conforter la posture prudente de la Banque de Corée à l’approche de sa décision de novembre, l’institution ayant déjà laissé son taux directeur inchangé lors des trois dernières décisions de politique monétaire.
Secteurs non financiers
- Intelligence artificielle | Lors du sommet de l’APEC de Séoul, Nvidia a annoncé la fourniture de 260 000 cartes à puce (GPU Blackwell) au gouvernement sud-coréen (50 000) ainsi qu’à plusieurs grands groupes sud-coréens dont Samsung Electronics (50 000), SK Group (50 000), Hyundai Motor Group (50 000) et Naver Cloud (60 000). En cas de matérialisation, la Corée du Sud pourrait devenir le 3ème plus grand détenteur de GPU au monde, après les États-Unis et la Chine. Ces annonces sont conformes au récent discours du Président LEE Jae-myung sur le développement de l’IA : le budget destiné à l’IA serait triplé à 10 100 Mds KRW (6,1 Mds EUR) en 2026 (contre 3 300 Mds KRW, soit 2 Mds EUR, en 2025), dont 7 500 Mds KRW (4,1 Mds EUR) dans la formation humaine et le développement des infrastructures, et 2 600 Mds KRW (1,6 Md EUR) dans l’intégration sectorielle de l’IA (industriel, public, vie quotidienne). L’administration LEE prévoit en outre d’investir 6 000 Mds KRW (3,6 Mds EUR) sur 5 ans pour faire de la Corée un pays pionnier en « IA physique » via un déploiement dans la robotique, l’automobile, la construction navale, l’électroménager, les semi-conducteurs et les usines intelligentes.