Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon et en Corée du Sud du 6 au 10 octobre.

Faits saillants 

  • Réactions divergentes des marchés après la victoire de S. Takaichi à la tête du PLD : entre records boursiers et yen au plus bas.
  • Les salaires réels en contraction pour le 8ème mois consécutif au Japon
  • Inquiétudes des sidérurgistes coréens après l’annonce de mesures de protection pour l'industrie sidérurgique européenne

Japon 

Macroéconomie 

  • Élection de S. Takaichi à la tête du PLD | Perçue comme dovish au plan monétaire et hawkish sur le plan sécuritaire, l’élection vraisemblable, en dépit des difficultés à constituer une coalition avec le Komeito, de Sanae Takaichi aux fonctions de Première ministre s’est traduit par des réactions divergentes des marchés. Si au plan boursier, l’indice Nikkei a accéléré ses gains avec un seuil record atteint le 10 octobre à 48 089 points, poussés par les performances des valeurs technologiques et de défense, en revanche le yen s’est nettement déprécié sur la semaine (cf. infra) alors que les rendements obligataires se sont à nouveau tendus, notamment pour les obligations à 5 ans, au plus haut depuis 2008. Le programme économique de Mme Takaichi, qui pourrait devenir la 1ère femme à devenir Première ministre dans l’histoire du pays, suscite de nombreuses interrogations. Bien que moins interventionniste et plus consensuel que ses engagements passés ne le laissaient présager, son programme pourrait se traduire par un virage plus ferme en matière de renforcement de la souveraineté industrielle pour le Parti libéral démocrate (PLD). Il s’articule autour de 3 axes principaux : (i) le soutien au pouvoir d’achat des ménages, (ii) l’investissement dans les secteurs critiques, et (iii) la gestion maîtrisée des finances publiques. La candidate Takaichi a promu des mesures ciblées pour atténuer l’impact de l’inflation : baisse de l’impôt sur le revenu et transferts directs aux ménages les plus vulnérables. En revanche, elle a écarté l’option d’une réduction généralisée de la TVA. En matière de finances publiques, serait privilégiée une trajectoire de stabilisation de la dette (à ce jour à 235 % du PIB, en brut) grâce à la croissance et à l’élargissement de la base fiscale.

  • Indice des salaires réels | Selon le Ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales (MHLW), les salaires réels ont reculé de -1,4 % en glissement annuel (g.a.) en août, marquant une 8ème contraction consécutive et la plus forte en 3 mois. La hausse des prix sur ce mois, notamment s’agissant des denrées alimentaires dont le riz (+69 % en août, après un prix doublé en juin), a ainsi dépassé la progression des salaires nominaux. Cette érosion des salaires réels - loin de l’objectif d’une boucle vertueuse prix-salaires affiché par la Banque du Japon (BoJ) -, complique la trajectoire de normalisation monétaire envisagée par la BoJ alors que l’inflation (à +2,7 %) demeure supérieure à sa cible de +2 %. La BoJ rendra sa prochaine décision de politique monétaire le 30 octobre.

  • Emploi | En août, le taux de chômage au Japon a augmenté à 2,6 % (après 2,3 % en juillet), son plus haut niveau depuis plus d’un an. Le ratio offres d’emploi/demandeurs a reculé à 1,20, un point bas depuis 2022, signalant un léger essoufflement du marché du travail. Ce ralentissement s’explique notamment par la baisse des ouvertures de postes, en particulier à temps partiel, dans un contexte de tensions persistantes sur l’emploi et de hausse continue des salaires nominaux (+5,25 % lors des négociations salariales du printemps 2025 - le Shuntō).

Secteur financier 

  • Taux de change | L’élection de S. Takaichi à la présidence du PLD s’est soldée par une nette dépréciation du yen, au plus bas depuis 8 mois par rapport au dollar US et à un point bas historique contre l’euro. Les marchés ont interprété cette victoire, associée à une ligne budgétaire et monétaire plus accommodante, comme réduisant la probabilité d’un relèvement rapide par la Banque du Japon de son taux directeur (actuellement à 0,5 %). S. Takaichi a reconnu les « avantages et inconvénients » d’un yen faible : soutien aux exportateurs touchés par les droits de douane américains, mais facteur de hausse de l’inflation importée subie par les ménages. Le 10 octobre, la paire USD/yen s’établissait à 152,7 JPY pour 1 USD, tandis que la paire euro/yen oscillait autour de 176,7 JPY pour 1 EUR. Depuis le début de l’année, le yen s’est déprécié de -8,4 % par rapport à l’euro, mais il s’est apprécié de +3,1 % face au dollar US.

Secteurs non financiers 

  • Énergie | JERA - la plus grande entreprise de production d'électricité du Japon (environ 33 %) et l'un des plus grands acheteurs de GNL au monde avec des volume de transaction de 35-40 Mt/an (équivalent à 50 % de la consommation nationale) - a annoncé fin septembre l’achèvement du démantèlement de 5 unités de production thermiques d’électricité, 4 au gaz et 1 au fioul d’une puissance de 3,3 GW. Ces centrales thermiques étaient localisées dans les préfectures de Chiba (unités 5 et 6 de la centrale thermique d’Anegasaki ; unité 1 de la centrale thermique de Sodegaura), d’Aichi (unité 5 de la centrale thermique de Chita) et de Fukushima (unité 2 de la centrale thermique d’Hirono). Si JERA affiche un objectif de neutralité carbone d’ici 2050, la dimension climatique de l’annonce de ce démantèlement (et son traitement médiatique) doit largement être nuancé : ces unités vieillissantes (plus de 40 ans de fonctionnement) n’étaient déjà plus en service ni pris en compte dans les capacités de production d’électricité de JERA. Ces démantèlements s’inscrivent en effet dans un plan long-terme d’arrêt des centrales thermiques obsolètes, au profit d’un remplacement progressif par des nouvelles installations plus efficaces, que JERA entreprend depuis 2020 avec déjà +7,3 GW de nouvelles unités thermiques construites et la planification d’unités supplémentaires dans les centrales de Chita (+1,3 GW d’ici 2029 – en cours de construction) et de Sodegaura (2,6 GW d’ici 2032 - en cours de délibération). JERA pourrait également profiter de l’augmentation de la demande électrique dans l’ASEAN pour renforcer ses activités de fourniture d’énergie fossile dans la zone, en particulier au Vietnam. Pour autant, l’entreprise ne semble pas renoncer à faire de la décarbonation un levier de croissance et maintient, pour l’heure, ses perspectives d’investissements de 6 à 13 Mds USD sur la période 2024-2035 dans les technologies de co-combustion (combustion d’hydrogène ou d’ammoniac décarbonés avec du gaz/charbon) avec un premier investissement majeur de 1,4 Mds USD réalisé en avril 2025 aux États-Unis dans la plus grande usine de production d’ammoniac bas-carbone au monde.

  • Cyberattaque visant le groupe Asahi | Une cyberattaque (de type ransomware), revendiquée par le groupe de hackers russe Qilin, a paralysé durant plusieurs jours une partie des systèmes informatiques du brasseur japonais Asahi Group Holdings, entraînant l’arrêt de la majorité de sa production et des retards importants dans les commandes et livraisons de ses produits depuis le 29 septembre. L’incident a aussi perturbé la distribution des marques concurrentes Kirin Holdings et Sapporo Breweries, dont les stocks transitent par les entrepôts d’Asahi. Le groupe, plus grand brasseur du pays, à l’origine d’un chiffre d’affaires de 17 Mds EUR l’an dernier, a intégralement repris ses activités depuis le 6 octobre. Cette cyberattaque pourrait avoir des conséquences financières significatives pour le groupe ; depuis le 3 octobre, l’action Asahi s’est repliée d’environ 4 %, atteignant son niveau le plus bas depuis février. La cybersécurité constitue un enjeu majeur au Japon, fortement ciblé par les cyberattaques. Selon une étude de Teikoku Databank, près d’un tiers des entreprises japonaises auraient subi une cyberattaque entre janvier et mai 2025. Relativement en retard sur les questions de cybersécurité, le Japon a promulgué une loi relative à la cybersécurité le 16 mai dernier visant à renforcer les forces de défense en autorisant le gouvernement à mettre en œuvre des mesures de défense préventives en vue de contrer les cyberattaques. En outre, une loi sur la cybersécurité offensive, qui devrait entrer en vigueur en 2027, prévoit d’autoriser les forces d’autodéfense nippones à accéder aux serveurs étrangers suspects.

Corée du Sud

Macroéconomie 

  • Regain de popularité du président | Le taux d’approbation du président LEE Jae-myung est reparti ces dernières semaines à la hausse, atteignant 53,5 % mettant fin à trois semaines consécutives de repli, selon un sondage réalisé du 29 septembre au 3 octobre publié par Realmeter. Cette amélioration s’expliquerait par (i) la rencontre du Président Lee avec le Premier Ministre japonais Shigeru Ishiba, (ii) la signature d’un protocole d’accord avec OpenAI, et (iii) des signaux économiques positifs dont la hausse de l’indice boursier coréen Kospi, la bonne tenue des exportations, et la stabilisation des prix malgré des risques inflationnistes associés aux mesures de soutien aux ménages. En septembre, l’inflation s’est établie à +2,1 % en g.a et sa composante sous-jacente, à +2,0 %, toutes deux conformes à la cible d’inflation de la Banque de Corée.

Secteurs non financiers 

  • Droits de douane européens sur l’acier | La Corée du Sud a exprimé ses préoccupations en convoquant une réunion d’urgence suite à la proposition de la Commission européenne de réduire de moitié les quotas d’importation d’acier sans droits de douane, assortie d’un tarif de 50 % au-delà de ces seuils. Séoul estime que cette mesure, si elle venait à être appliquée, pourrait affecter significativement ses exportations vers l’Union européenne, qui constitue son 2ème marché d’exportation pour l’acier. Le gouvernement, pressé par les sidérurgistes du pays, souhaite engager des consultations bilatérales avec Bruxelles et l’OMC afin de défendre leurs intérêts. L’Union européenne a toutefois précisé que les quotas tiendront compte des accords de libre-échange existants.