Attractivité des investisseurs : la France face aux super funds australiens
Le Service économique régional de Canberra a réuni, autour de l'Ambassadeur et du Premier sous-gouverneur de la Banque de France, Denis Beau, les principaux investisseurs institutionnels australiens. Cette rencontre a confirmé leur intérêt croissant pour la France et la nécessité de structurer un dialogue approfondi autour de la transition énergétique, des infrastructures et du numérique.
Le Service économique régional de Canberra a réuni le 2 octobre autour du Premier sous-gouverneur de la Banque de France, Denis Beau, les principaux investisseurs institutionnels australiens, parmi lesquels les plus grands fonds de pension – Aware Super, AustralianSuper, Future Fund, NSW TCorp – ainsi que des acteurs majeurs tels que Macquarie et IFM Investors. Cette table ronde, présidée par l’Ambassadeur de France en Australie, s’est tenue avec le soutien de BNP Paribas.
Les fonds de pension australiens : des investisseurs incontournables pour les années à venir
La première leçon à tirer de cette rencontre est la place déterminante que les fonds de pension australiens sont appelés à occuper les prochaines années. En effet, fort de près de A$ 4100 mds (€2300 mds, soit 150% du PIB) d’actifs sous gestion , le système australien de retraite par capitalisation s’impose déjà comme l’un des plus puissants au monde. D’après les projections des analystes, il est appelé à devenir le deuxième système mondial dans les dix prochaines années, derrière les Etats-unis [2025-02-20-SMC-Research-Note-Global-Pension-System-Rankings.pdf]
Ces fonds disposent notamment d’une capacité d’investissement de long terme considérable et cherchent désormais activement à diversifier leurs portefeuilles vers l’Europe continentale. En effet, près de 40 % des nouveaux investissements devront désormais se faire hors Australie, alors que l’exposition au marché intérieur atteint les plafonds réglementaires et que les Etats-Unis perdent en attractivité relative. La France, forte d’un cadre institutionnel stable, d’un mix énergétique unique en Europe et de projets d’infrastructure de grande ampleur, a une carte à jouer. Plusieurs fonds – AustralianSuper, Aware Super, IFM Investors, Macquarie ou encore NSW TCorp – ont exprimé leur volonté d’approfondir le dialogue avec la France, afin d’identifier des opportunités d’investissement alignées sur leurs priorités : transition énergétique, infrastructures, numérique, et potentiellement défense. L’enjeu est désormais d’organiser ce dialogue en profondeur : apporter des réponses claires sur les modalités de financement de l’économie et les dispositifs accessibles aux investisseurs étrangers, mais aussi rassurer quant à la prévisibilité à long terme et à la stabilité de notre cadre. Il s’agit, en définitive, de transformer cet intérêt exprimé en flux tangibles de capitaux.
L’appétit des super funds pour la France : un signal à capter
Dans ce contexte, l’intervention de Denis Beau a apporté une lecture macroéconomique rassurante. L’inflation est revenue sur cible, démontrant l’efficacité de la politique monétaire européenne malgré des chocs externes et internes qui continuent de tester le système. L’exposition de la France et de la zone euro à l’économie américaine demeure limitée, ce qui réduit le risque d’un effet de contagion directe. Le Premier sous-gouverneur a également insisté sur la robustesse du système bancaire européen, capable d’absorber de nouveaux chocs, et sur l’absence de changements majeurs attendus en matière de politique monétaire. Sur le plan budgétaire, il a rappelé le consensus sur la nécessité de mesures d’assainissement des finances publiques. L’Ambassadeur a complété cette analyse en mettant en avant les priorités françaises en matière de transition énergétique et climatique. L’engagement sur le nucléaire, inscrit dans la feuille de route net zéro 2050, s’accompagne d’efforts pour renforcer l’intégration européenne du marché de l’énergie, diversifier les approvisionnements, et déconnecter le prix de l’électricité de celui du gaz. Les besoins croissants des data centres, qui exigent des investissements massifs en énergie, illustrent l’urgence de ces transformations et la pertinence des choix français.
Les échanges avec les investisseurs ont confirmé un intérêt réel pour la France, mais aussi certaines attentes précises. AustralianSuper, déjà très actif en Europe, notamment à Londres, s’intéresse aux secteurs des data centres, de l’intelligence artificielle et de la logistique, et interroge sur les opportunités liées à l’augmentation des dépenses de défense. IFM Investors, focalisé sur les infrastructures et les greenfields, exprime des inquiétudes sur les risques de construction et la variabilité des coûts en Europe, tout en cherchant des garanties de prévisibilité à long terme. Aware Super, dont l’exposition à la France reste limitée, a reconnu la cohérence et la solidité de notre cadre économique, tout en manifestant une attention particulière aux évolutions du contexte politique. Macquarie, présent en France depuis près de vingt ans, insiste également sur l’importance de la prévisibilité et de la stabilité du cadre réglementaire et fiscal. NSW TCorp explore ses premières options d’investissement non coté en France et a exprimé son intérêt pour les objectifs énergétiques français sur le long terme.
Les attentes exprimées par les investisseurs australiens doivent désormais guider et permettre de structurer une stratégie de dialogue. Leur volonté de mieux connaître l’écosystème économique français, d’engager des discussions directes avec les principaux acteurs (Trésor, APE, BpiFrance etc.) et d’identifier les dispositifs de soutien aux investissements constitue une opportunité qu’il nous appartient de structurer et d’accompagner. En définitive, la rencontre a confirmé une double réalité : la confiance des investisseurs australiens dans le modèle français et européen, et leur volonté d’engager des discussions plus poussées avec les autorités françaises. Compte tenu du poids grandissant des superannuation funds, il devient clef pour la France de capter une part plus importante de ces flux d’investissement, afin de financer sa transition énergétique, ses infrastructures et ses priorités industrielles.