Lettre Agro Japon-Corée du Sud — Août 2025
Lettre AGRO Japon – Corée du Sud
N° 84 - Ao 2025
L'IMAGE DU MOIS : Rizières dans la périphérie de Shimoda, préfecture de Shizuoka
Sommaire
Japon
- Le gouvernement japonais réoriente sa politique agricole en relançant la production rizicole face aux tensions sur l’offre intérieure
- Le Ministère de l'Agriculture, des Forêts et de la Pêche publie son rapport sur les résultats des exportations agro-alimentaires du 1er semestre 2025
- Le fonds d’investissement L. Catterton, co-fondé par LVMH, prend le contrôle d’une chaîne japonaise de bœuf de Kobe
- La banque d’investissement Daiwa Securities Group s’engage dans la financiarisation du système agricole japonais
- Les groupes japonais de l’agroalimentaire s’allient pour décarboner leurs chaînes d’approvisionnement
Corée du Sud
- Inquiétudes des producteurs coréens de fruits et légumes suite à l’accord commercial entre Séoul et Washington
- Hausse marquée des prix alimentaires au mois de juillet
Japon - Corée du Sud
- Réunie en Corée, l’APEC adopte une déclaration pour renforcer la sécurité alimentaire dans la région Asie-Pacifique
- Reprise du sommet ministériel agricole Japon–Corée du Sud–Chine après sept ans d’interruption
Le chiffre à retenir : 7 ans
Le temps qu’aura duré la pause du sommet ministériel agricole Japon–Corée du Sud–Chine, réuni à nouveau ce mois-ci.
Japon
Le gouvernement japonais réoriente sa politique agricole en relançant la production rizicole face aux tensions sur l’offre intérieure.
Le 6 août 2025, le Premier ministre Shigeru Ishiba a annoncé une inflexion majeure de la politique rizicole nationale, mettant un terme à près d’un demi-siècle de restrictions sur la production instaurées dans les années 1970 en raison d’une surproduction chronique. Cette réorientation fait suite à la reconnaissance explicite d’erreurs de prévision de la demande intérieure, ayant conduit à une pénurie et à une flambée des prix contraignant les autorités à ouvrir les stocks publics. Le gouvernement a reconnu avoir sous-estimé plusieurs facteurs déterminants, notamment l’impact de l’essor du tourisme sur la consommation, l’évolution de l’anticipation inflationniste des ménages et les dommages liés aux vagues de chaleur (baisse des rendements, accroissement du taux de grains de riz brisés lors de la transformation etc.). Pour stimuler la production, l’exécutif entend favoriser la remise en culture des terres agricoles abandonnées et soutenir les agriculteurs souhaitant augmenter leur production rizicole, dans le cadre d’une riziculture industrielle et intelligente. Le gouvernement souhaite également accroître les exportations de riz. Ce changement de paradigme contraste fortement avec les orientations antérieures, qui privilégiaient la diversification par le biais de subventions à la reconversion des cultures — notamment vers le riz destiné à l’alimentation animale, le blé ou le soja. Entre 2008 et 2009, alors qu’il était ministre en charge de l’agriculture dans le gouvernement de Taro Aso, S. Ishiba avait déjà défendu une augmentation des capacités de productions rizicoles du pays. Nikkei, The Japan Times, Kyodo News
Le Ministère de l'Agriculture, des Forêts et de la Pêche publie son rapport sur les résultats des exportations agro-alimentaires du 1er semestre 2025.
Selon le ministère japonais de l’Agriculture, des Forêts et des Pêches (MAFF), la valeur des exportations de produits agricoles, forestiers, halieutiques et alimentaires a atteint 809 milliards de yens (environ 4,7 Mds€) au premier semestre 2025, soit une progression de +15,5 % par rapport à la même période en 2024. Les exportations de produits agricoles et de produits de la pêche ont respectivement augmenté de +14,4 % et +20,1 % en glissement annuel (g.a). Les États-Unis, Hong Kong et la Chine demeurent les trois premières destinations des exportations japonaises, comme l’année précédente. En particulier, malgré l’instauration de mesures tarifaires par Washington en avril 2025, les exportations vers les Etats-Unis ont enregistré une hausse de +22 %, portées notamment par la hausse des ventes de coquilles Saint-Jacques, de thé vert et de sériole. Le MAFF attribue cette hausse des exportations à plusieurs facteurs : la multiplication des restaurants japonais à l’étranger, l’intérêt croissant pour la gastronomie nippone, l’essor du tourisme entrant qui renforce la notoriété des produits, ainsi qu’une tendance mondiale en faveur d’une alimentation plus saine. MAFF
Le fonds L. Catterton, co-fondé par LVMH, prend le contrôle d’une chaîne japonaise de bœuf de Kobe.
Le fonds américain de private equity, L. Catterton – co-fondé par Catterton, le conglomérat du luxe LVMH et la holding de la famille Arnault (Groupe Arnault) – a acquis une participation majoritaire dans Kisshokichi Holdings, exploitant l’une des principales chaînes japonaises de restaurants de bœuf de Kobe (environ 50 établissements). L’opération, dont le montant n’a pas été rendu public, est estimée à plusieurs dizaines de millions d’euros. Le fonds souhaite développer la chaîne de restaurants dans des zones à forte fréquentation touristique et envisage, à terme, d’ouvrir également des établissements à l’extérieur du Japon afin de capitaliser sur la notoriété mondiale du bœuf de Kobe. Avec 37 Mds$ (31,7 Mds€) d’actifs sous gestion dans le monde, L. Catterton dispose en particulier d’un fonds de rachat doté de 45 Mds¥ (260,4 M€) destiné à investir dans des sociétés japonaises. Cette acquisition constitue le premier investissement du fonds dans le secteur de la restauration japonaise. Nikkei
La banque d’investissement Daiwa Securities Group s’engage dans la financiarisation du système agricole japonais.
La banque d’investissement japonaise Daiwa Securities Group prépare le lancement d’un fonds dédié à l’agriculture, avec l’objectif de mobiliser l’épargne pour moderniser un secteur frappé par le sous-investissement et le vieillissement de la main-d’œuvre. Pour illustrer cette stratégie, le groupe entend transformer certaines productions, comme le poivron – dont il contrôle environ 20 % des ventes nationales, en tant que 2e producteur du pays – en véritables produits financiers. Les capitaux levés serviraient à financier la modernisation des équipements et à accroître la production, tout en proposant aux investisseurs un produit alternatif à forte valeur ajoutée.
Selon la FAO, les investissements dans les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche au Japon ont chuté de 40 % en vingt ans, pour s’établir à environ 8,9 Mds€ en 2023, alors qu’ils ont doublé à l’échelle mondiale. Le Japon se distingue ainsi comme le seul pays du G7 à enregistrer une telle baisse, en raison d’un environnement réglementaire particulièrement contraignant — à l’image du contrôle étatique strict exercé sur la production rizicole. Cette stratégie de Daiwa Securities illustre la tendance croissante à la financiarisation de l’agriculture japonaise, perçue comme un levier de modernisation indispensable pour répondre à la demande domestique. Nikkei
Les groupes japonais de l’agroalimentaire s’allient pour décarboner leurs chaînes d’approvisionnement.
Quatre conglomérats japonais – Suntory Holdings, Ajinomoto Co., Kirin Holdings et Meiji Holdings – ont formalisé une alliance visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans leurs chaînes d’approvisionnement. Un travail sera notamment engagé avec leurs fournisseurs, afin d’accélérer la décarbonation de leur production. En particulier, les fournisseurs de matières premières seront incités à adopter des technologies réduisant le recours aux engrais azotés, fortement émetteurs de GES. En outre, Ajinomoto et Kirin mettront en place un système partagé de gestion des émissions des fournisseurs, destiné à alléger la charge administrative et financière liée aux obligations de reporting extra-financier. Actuellement, les entreprises japonaises du secteur alimentaire émettent entre 600 et 800 millions de tonnes d’émissions de CO₂ par an, selon Boston Consulting Group ; atteindre la neutralité carbone pour l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement devrait nécessiter un investissement de 5 000 à 6 000 milliards de yens (soit entre 29 et 35 Mds€ environ). Cet effort conjoint s’inscrit dans un contexte de durcissement imminent des normes environnementales (ESG). Au Japon, à compter de l’exercice fiscal clos en mars 2027, l’Agence des Services Financiers exigera des grandes entreprises cotées (≥17,4 Mds€ de capitalisation boursière) qu’elles publient les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement. A titre de comparaison, à compter du 1er janvier 2028 (exercice fiscal 2027), la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) imposera aux grandes entreprises européennes (≥250 salariés, 40 M€ de CA et/ou 20 M€ de bilan) la publication d’un rapport extra-financier mentionnant les émissions de Scope 3 (incluant toute la chaîne d’approvisionnement). Nikkei
Corée du Sud
Inquiétudes des producteurs coréens de fruits et légumes suite à l’accord commercial entre Séoul et Washington.
Dans le cadre de l’accord commercial conclu le 31 juillet 2025, la Corée du Sud et les États-Unis se sont accordés sur l’amélioration des procédures de quarantaine applicables à certains fruits et légumes américains, notamment les pommes et les pommes de terre, suscitant de vives inquiétudes parmi les producteurs sud-coréens. Ces derniers redoutent que ces dispositions ne précipitent l’ouverture du marché domestique aux produits américains. La procédure sud-coréenne d’analyse des risques à l’importation (IRA) pour les produits végétaux agricoles comporte huit étapes visant à identifier les parasites ou maladies susceptibles d’être introduits. Actuellement, des procédures sont en cours pour quinze produits agricoles américains. Si les pommes de terre devraient prochainement pouvoir accéder au marché coréen (étape 6), les pommes, considérées comme le produit le plus sensible par les agriculteurs coréens, restent bloquées à l’étape 2 depuis 32 ans. Afin de rassurer les agriculteurs, le gouvernement a précisé que l’accord ne visait qu’à instituer un guichet spécialement dédié aux États-Unis au sein de l’Agence coréenne de quarantaine animale et végétale, afin de fluidifier les échanges d’informations — le guichet actuel s’occupant de toute la zone Etats-Unis, Canada et Mexique. Pour mémoire, le délai moyen de traitement des 76 produits approuvés par le passé s’établit à 8,1 ans. Korea JoongAng Daily
Hausse marquée des prix alimentaires au mois de juillet.
En juillet 2025, les prix des produits alimentaires et des boissons sans alcool en Corée du Sud ont enregistré leur plus forte progression depuis un an (+3,5 %). Selon la Banque de Corée (BOK), cette dynamique accentue le sentiment d’inflation perçue – en particulier au sein des catégories les plus vulnérables – alors même que l’inflation globale se maintient autour des 2 %. La volatilité des prix serait due aux vagues de chaleur et aux fortes pluies ayant affecté les récoltes, ainsi qu’au vieillissement des travailleurs agricoles. Les produits les plus touchés comprennent les poissons et fruits de mer (+7,2 %), avec des hausses marquées sur le calmar séché (+42,9 %), la courbine jaune (+13,4 %) et le maquereau (+12,6 %). Il en va de même pour le chou nappa (+9,3 %), contraignant le gouvernement à ouvrir les stocks publics de choux afin de stabiliser les prix. Le pain et les produits céréaliers enregistrent également une hausse de +6,6 %, tandis que le riz a vu ses prix grimper de +7,6 %. Enfin, les nouilles instantanées ont poursuivi leur progression (+6,5 %) pour le troisième mois consécutif. Structurellement, les prix alimentaires en Corée du Sud se situent déjà à des niveaux supérieurs à ceux observés dans les autres économies développées : en 2023, les prix des fruits, légumes et viandes y étaient supérieurs de plus de 50 % à la moyenne des pays de l’OCDE, selon la BOK. Korea JoongAng Daily
Japon - Corée du Sud
Réunie en Corée, l’APEC adopte une déclaration pour renforcer la sécurité alimentaire dans la région Asie-Pacifique.
La réunion ministérielle de la Coopération Economique pour l'Asie-Pacifique (Apec) sur la sécurité alimentaire, qui s’est tenue à Incheon (Corée du Sud) les 10 et 11 août 2025, a rassemblé les ministres en charge de l’agriculture de ses 21 membres — dont les États Unis, la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Sous la présidence de la ministre sud-coréenne Song Mi-ryung, les participants ont adopté une déclaration commune appelant à renforcer la sécurité alimentaire dans la région Asie-Pacifique, en vue d’assurer une prospérité partagée. Dans ce cadre, les différents ministres ont réaffirmé l’importance de promouvoir des systèmes alimentaires durables et résilients à travers une gestion efficace des ressources agricoles. De surcroît, ils ont souligné le rôle essentiel du commerce pour assurer la sécurité alimentaire. Enfin, les ministres ont appelé à renforcer l’utilisation des nouvelles technologies du numérique dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture, afin d’accroître la production et de renforcer les chaînes d'approvisionnement. A ce titre, la ministre Song Mi-ryung s’est dit prête à partager l’expérience de son pays en matière d’agriculture intelligente et à développer des modèles commerciaux agricoles basés sur l'IA avec ses partenaires étrangers. Dans le cadre de plusieurs entretiens bilatéraux – notamment avec la Chine, le Japon, le Vietnam et la Malaisie – elle a également affirmé sa volonté d’accroître les exportations de K-Food. La prochaine réunion ministérielle de l’Apec sur la sécurité alimentaire aura lieu en Chine en 2026. APEC 1,2, Yonhap
Reprise du sommet ministériel agricole Japon–Corée du Sud–Chine après sept ans d’interruption.
Le lendemain du sommet de l’APEC s’est tenu, également à Incheon (Corée du Sud), le sommet tripartite des ministres de l’Agriculture du Japon, de la Corée du Sud et de la Chine. Les trois pays y ont réaffirmé leur volonté de conjuguer leurs efforts pour développer des technologies d’agriculture intelligente, accompagner la transition vers une agriculture durable, renforcer la coopération en matière de lutte contre les maladies animales et favoriser l’installation de jeunes agriculteurs dans les zones rurales en déclin. À l’issue des échanges, les ministres ont adopté une déclaration conjointe appelant à promouvoir une croissance durable du secteur agricole, à renforcer la sécurité alimentaire et à tenir des réunions régulières – la dernière rencontre de ce format remontant à 2018 à Pékin, soit sept ans auparavant. En marge du sommet, le ministre japonais de l’Agriculture, Shinjiro Koizumi, a demandé à la Corée du Sud de lever les restrictions imposées depuis 2011 (Fukushima) sur les importations de produits de la mer en provenance de huit préfectures japonaises. À titre de comparaison, la Chine a partiellement rouvert en mai 2025 son marché aux produits de la pêche japonais (à l’exception de 10 préfectures autour de Fukushima), alors qu’elle imposait un embargo total depuis 2 ans (août 2023). S. Koizumi a également demandé la levée des restrictions coréennes d’importation de bœuf japonais, interdiction en vigueur depuis 2001 en raison de foyers d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) au Japon, alors que la Chine et le Japon ont conclu le mois dernier un accord sanitaire (« Animal Health and Quarantine Agreement ») préfigurant la reprise des exportations de bœuf japonais vers la Chine, après 24 ans de suspension. Korea JoongAng Daily, MAFF, The Japan Times, Japan Agricultural News (13/09/2025)
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Jina AHN, Attachée économique, SE de Séoul | jina.ahn@dgtresor.gouv.fr
Illustration : Pôle Agriculture & Alimentation, SER de Tokyo, Août 2025.