Devenue membre des BRICS en janvier 2024, après avoir intégré la Nouvelle Banque de Développement en 2021, l’Égypte y voit une opportunité pour stimuler les échanges, attirer des IDE et réduire sa dépendance au dollar. Si cette adhésion ne bouleversera pas la structure de son commerce extérieur, elle consolide le rapprochement amorcé depuis une décennie, notamment avec la Chine.

I. Des gains économiques liés à l’approfondissement des relations bilatérales existantes

Les perspectives de renforcement des échanges commerciaux se dessinent au regard des liens existants

Nœud stratégique pour le commerce mondial (le canal de Suez concentre 12 % du trafic maritime mondial), l’Égypte a vu ses échanges évoluer significativement. Sur la dernière décennie, la part des pays du G7 dans le volume total des échanges s’est dégradée (-22 % entre 2014 et 2022 pour représenter seulement 21,3 % du volume total), au profit en particulier de la Chine (+23 % atteignant 10,3 % du total en 2022) et des pays du Golfe (+61 % avec l’Arabie saoudite et +27 % pour les EAU, atteignant respectivement 7,4 et 3,5 % des échanges). Les membres historiques des BRICS se placent ainsi juste derrière les pays du G7 avec 20 % du total des échanges extérieurs de l’Égypte (+6 % dans la part du volume total), alors que la part des nouveaux membres des BRICS a atteint 11 % des échanges (+45%), portant le poids des BRICS+ à 31 %. Les échanges semblent avoir lieu pour une grande majorité en dehors d’accords commerciaux bilatéraux, inexistants pour certains pays (Arabie saoudite, EAU), anciens pour d’autres (Chine, Russie, Inde respectivement en 1994, 1997 et 1978), à l’exception de quelques accords régionaux comme le MERCOSUR (Brésil) ou encore la Grande zone arabe de libre-échange (EAU et Arabie saoudite). Alors que la perspective d’un accord de libre-échange entre les membres demeure à ce jour embryonnaire, l’accent est mis sur la réduction des barrières aux échanges. Les bénéfices pour l’Égypte devraient donc à court terme correspondre au renforcement entamé des relations commerciales bilatérales existantes. La structure de l’appareil exportateur égyptien constitue toutefois un frein au développement de ces échanges en des termes favorables à l’Égypte, comme l’illustre le déficit commercial observé avec les principaux partenaires du groupe (-16 Md USD avec la Chine, -6 Md USD avec la Russie en 2022). Un renforcement du tissu industriel égyptien et une diversification des produits destinés à l’export s’alignant avec les avantages comparatifs apparait ainsi comme un événement nécessaire pour permettre un développement accéléré des échanges avec le groupe des BRICS+.

L’augmentation attendue des IDE en provenance des pays membres des BRICS+

Les pays membres historiques des BRICS sont déjà des acteurs majeurs de certains projets emblématiques sur le territoire égyptien. Les entreprises chinoises et russes sont intégrées au sein de grands projets nationaux, notamment la Zone économique du canal de Suez, où est installée la Zone chinoise de développement économique et technologique de Tianjin (TEDA), mais également à travers le projet du quartier financier de la nouvelle capitale administrative dont la construction est assurée par l’entreprise chinoise CSCEC, ou encore la centrale nucléaire d’El Dabaa bâtie par l’entreprise publique russe Rosatom. Si une dynamique positive dans les relations bilatérales avec les principaux membres historiques des BRICS est indéniable sur la dernière décennie, moins de 3 % (3,6 Md USD) des investissements entrants en Égypte depuis dix ans proviennent de la Chine, de la Russie et de l’Inde. En revanche, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis représentent eux 20 % du total sur cette même période, avec une volonté de pénétrer certains marchés stratégiques (grande distribution, secteur hôtelier, énergies renouvelables, infrastructures portuaires, etc.). La signature le 23 février 2024 d’un mégaprojet d’investissement touristique sur la côte méditerranéenne de 35 Md USD avec le Fonds souverain émirati ADQ rappelle la trajectoire d’investissements sur le territoire engagée par les pays du Golfe. L’adhésion commune de ces deux partenaires clés de l’Égypte aux BRICS+ ne devrait ainsi pas modifier les dynamiques en cours.

II.  La coopération financière concentre les attentes

L’Égypte a des avantages à tirer du développement de la coopération financière entre les membres

A contrario des relations commerciales déjà acquises et stables avec certains membres des BRICS, les relations financières ne se sont développées que récemment. La Chine, dont le poids dans la dette égyptienne s’est accentué ces dernières années (5 % de la dette extérieure à la fin de mois de septembre 2023), multiplie les opérations financières avec l’Égypte : swaps de devises (18 Md RMB contre l’équivalent en EGP entre les deux banques centrales en 2016), accord de conversion de dette (environ 100 M USD en 2023), émission par l’Égypte d’une obligation Panda verte en 2023 d’une valeur de 3,5 Md RMB (500 M USD), ou encore par le biais de l’AIIB (1,6 Md USD de financement de projets depuis 2017). La coopération financière avec la Russie est également développée (prêt souverain de 25 Md USD pour la centrale de Dabaa). En revanche les partenariats financiers avec les autres membres historiques sont de plus faible envergure ou inexistants, quand l’Arabie saoudite et les EAU constituent des partenaires financiers historiques du pays (environ 11 Md USD chacun de dépôts à la Banque centrale d’Égypte et un accord de swap de devises d’1,4 Md USD avec les EAU). Par ailleurs, compte tenu de la difficulté de construire un positionnement unifié entre les membres sur la question de la réduction de la dépendance au dollar, les discussions se concentreraient sur la multiplication des échanges en monnaie locale pour les transactions financières et commerciales intra-BRICS+.

La Nouvelle Banque de développement est vue comme le bras financier des BRICS

L’Égypte est devenue membre de la Nouvelle Banque de développement en décembre 2021 (avec la participation la plus élevée d’un pays non fondateur à 2,3 %), aux côtés des membres fondateurs des BRICS ainsi que du Bangladesh et des EAU. Cette adhésion répond aux besoins croissant de l’Égypte en matière de financement extérieurs, et représente pour le pays une opportunité de diversifier ses sources de financement en dehors des institutions traditionnelles (le FMI, la Banque mondiale et la BEI représentent à elles seules 70 % de la dette extérieure égyptienne). La première visite officielle du vice-président de la NDB au Caire en janvier 2024 a été l’occasion d’étudier les moyens de soutenir l’initiative phare « Haya Karima » (vie décente) lancée en juillet 2021 avec pour objectif majeur de réduire le taux de pauvreté dans les zones rurales du pays.