L'essor des énergies renouvelables en Égypte
En 2024, les renouvelables ont atteint 12,5 % du mix électrique égyptien, portées par des projets solaires et éoliens soutenus par bailleurs et investisseurs privés. La dynamique devrait se poursuivre avec 18,3 GW annoncés, mais leur intégration nécessitera d’importants investissements réseau, dans un contexte de recul gazier et d’importations accrues de GNL.
I. État des lieux des capacités d'énergies renouvelables en Égypte
En 2024, l’Égypte a porté ses capacités en énergies solaires et éoliennes à 4,6 GW, enregistrant une progression de 24 % par rapport à l'année précédente. Cette dynamique se confirme après une progression de 11,4 % en 2023. Le pays dispose également de 2,8 GW d’énergie hydraulique, notamment grâce à trois principaux barrages sur le Nil – deux à Assouan et un à Esna, ce qui porte la capacité totale des énergies renouvelables à environ 7,4 GW, représentant 12,5 % des capacités électriques nationales, contre 11 % en 2023 et 10,3 % en 2019/2020. Plusieurs projets majeurs ont ainsi été raccordés au réseau sur l’année passée, dont deux parcs éoliens opérés par ENGIE dans le Golfe de Suez, d’une capacité respective de 263 MW et 505 MW, le premier ayant bénéficié d’un financement de l’AFD (50 M EUR). Par ailleurs, deux nouveaux parcs solaires ont été mis en service à Kom Ombo (Haute Égypte), d’une capacité respective de 200 MW et 500 MW, développés par les entreprises émiriennes AMEA Power et saoudienne ACWA Power. Ces installations renforcent considérablement les capacités photovoltaïques du pays, qui étaient jusque-là principalement concentrées sur le site de Benban, la plus grande centrale solaire d’Afrique (1,8 GW).
II. Un secteur en forte expansion, stimulé par des projets majeurs soutenus à la fois par les bailleurs et les acteurs privés
Le développement des énergies renouvelables devrait se poursuivre dans les années à venir, avec un portefeuille de projets annoncé d’une capacité totale de 18,3 GW, comprenant 5,3 GW de solaire et 13 GW d’éolien. Ces projets sont intégralement développés dans le cadre de partenariats public-privé (PPP), principalement par des développeurs des pays du Golfe (ACWA, AMEA, Masdar, Alcazar) et, dans une moindre mesure, européens (Engie, Voltalia, Scatec), positionnés en partenariat avec des entreprises égyptiennes (Orascom, Infinity Power, Taqa Arabia, etc.). La mise en œuvre des projets annoncés à date pourrait porter la part des énergies renouvelables à 35 % du mix énergétique d’ici 2030, une cible proche de l’objectif de 42 % annoncé par les autorités égyptiennes.
Les projets annoncés sont toutefois à des phases de maturité divergentes. Deux projets de ferme éolienne sont dès à présent en phase de construction et devraient être finalisés au cours de l’année 2025 (extension de Golfe of Suez par ENGIE dans la région du Canal de Suez - 650 MW ; construction d’Amunet 2 par l’émirien AMEA Power – 500 MW). Trois projets éoliens d’une capacité cumulée de 1,3 GW ont atteint la phase de clôture financière ; mais la majorité a récemment obtenu les accords des autorités égyptiennes (octroi du terrain et conclusion des accords de PPA) et est encore en phase d’étude.
Il convient de souligner le dimensionnement croissant des projets ENR, illustré notamment par le mégaprojet de ferme solaire à Sohag, porté par un consortium constitué de l’entreprise saoudienne ACWA Power, l’émirati Masdar, et l’égyptien Infinity Power. Ce projet vise à développer une capacité de 10 GW, mais fait face à plusieurs défis, notamment la sécurisation de financements dont les sources demeurent incertaines à ce jour. Par ailleurs, Voltalia, en partenariat avec le groupe égyptien Taqa Arabia a signé, en novembre 2024, un protocole d’accord avec les autorités égyptiennes pour le développement d’une centrale hybride éolienne et solaire d’une capacité de 3 GW sur le site de Zafarana (intégrant la reprise d’un parc éolien vieillissant d’une capacité de 500 MW). L’accord prévoit l’allocation du terrain et le lancement des phases d’études qui ont depuis débutés.
Le développement du secteur a largement bénéficié du soutien financier des bailleurs internationaux, au premier rang desquels figure la BERD, avec le financement de huit projets d’énergies renouvelables en Égypte, dont quatre sont déjà opérationnels, et cumulant 1,7 Md USD d’investissements sur les dix dernières années (dont 1,1 Md USD destinés au développement du parc de Benban). L’AFD et PROPARCO ont apporté un soutien notable, avec des engagements respectifs de 170 M EUR et 166 M EUR, souvent aux côtés de l’Union européenne. La JICA et l’IFC sont également particulièrement actif dans le secteur.
III. Le pays devra néanmoins relever plusieurs défis pour concrétiser ses ambitions en matière d’énergies renouvelables
La multiplication rapide des capacités renouvelables nécessite toutefois de répondre au défi majeur de la modernisation et montée en capacité du réseau électrique pour pouvoir intégrer ces nouvelles sources d’énergie (modernisation des centres de contrôle et distribution, construction de nouvelles lignes de transmissions pour acheminer l’électricité vers les centres de consommation, etc.). Les besoins d’investissements sont estimés à plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Ces investissements interviennent dans un contexte où l’Égypte, fortement dépendante du gaz naturel, fait face à une chute de sa production gazière, ayant contraint le pays à reprendre massivement ses importations de GNL en 2024. Au cours de l’années 2024, le pays a ainsi importé 2,78 M t (35 cargaisons de GNL pour un coût estimé à 1,6 Md USD pour le budget de l’Etat). Le pays a donc été contraint de progressivement mettre un terme à ses exportations pour la première fois depuis 2018, ce qui représentait une source de devises non négligeable pour l’économie égyptienne (7,2 Md USD en 2022/23, 6,6 Md USD en 2021/22). Alors qu’un appel d’offres pour l’importation de nouvelles cargaisons de GNL est en cours pour le premier trimestre 2025, le gouvernement vise une relance des exportations de gaz d’ici fin 2027 et mise sur les énergies renouvelables pour répondre à la demande intérieure à plus long terme.