Infrastructures aéroportuaires : l’ouverture au secteur privé se précise
L’Égypte dispose d’un large réseau aéroportuaire dont le trafic a fortement progressé depuis les années 2000, notamment avec la croissance touristique. Face à la saturation de certaines plateformes, les autorités prévoient d’ouvrir le secteur aux investisseurs privés via des concessions, avec des appels d’offres attendus pour une dizaine d’aéroports.
I. Un réseau aéroportuaire en développement mais sous tension
L’Égypte compte 23 aéroports commerciaux actifs, ayant accueilli près de 400 000 vols et 50 millions de passagers en 2024.
L’aéroport international du Caire constitue la principale plateforme aéroportuaire du pays et du continent africain, avec un trafic de 28 millions de passagers. Le pays compte également plusieurs aéroports régionaux de plus petite envergure, qui desservent les principaux pôles touristiques, notamment Hurghada (principale station balnéaire sur la mer Rouge - 8,7 millions de passagers en 2023), Sharm el-Sheikh (Sinaï - 5,9 millions) et Louxor (Haute-Egypte – 1,3 million). L’exploitation des infrastructures aéroportuaires constituait près de 30 000 emplois dans le pays en 2023, et un revenu de l’ordre de 500 M USD. Ces dernières années, l’État égyptien a engagé des investissements importants pour le développement du secteur aéroportuaire. Entre 2010 et 2020, plusieurs infrastructures majeures ont ainsi bénéficié de financements des bailleurs internationaux permettant notamment la modernisation et la construction de nouveaux terminaux (Le Caire, Hurghada, Sharm El Sheikh, Brog el Arab). Par ailleurs, afin de mieux répartir le trafic dans l’agglomération du Caire, deux nouveaux aéroports ont été construits : l’aéroport de Sphinx, mis en service en novembre 2022 et spécifiquement dédié au trafic low cost, et l’aéroport de la Nouvelle Capitale Administrative, mis en service en 2020 principalement destiné à la clientèle d’affaires et aux vols gouvernementaux. D’une manière générale, le trafic demeure centré sur le Caire, hub de la compagnie aérienne nationale Egyptair, et largement dominé par les flux touristiques qui représentent environ 80% des flux de passagers. A noter toutefois l’émergence progressive d’un modèle plus décentralisé, avec le développement de liaisons directes entre aéroports régionaux, évitant le passage systématique par la capitale. Parallèlement, les infrastructures dédiées au fret aérien demeurent peu développées – terminal dédié à l’aéroport du Caire et de Borg el Arab.
Malgré les efforts notables en matière d’investissement, les capacités aéroportuaires actuelles sont insuffisantes pour répondre à la forte croissance du secteur touristique, secteur stratégique et source majeure de devises pour l’économie nationale
Le nombre d’arrivées dans les aéroports égyptiens a ainsi enregistré une reprise marquée après la pandémie de Covid-19 qui s’est nettement accélérée depuis 2022, accentuant la dynamique de croissance enregistrée depuis le début des années 2010, nonobstant l’impact de la guerre en Ukraine et à Gaza. En 2024, le trafic passagers a ainsi affiché une nouvelle progression de 6%, après une hausse de 28% en 2023, portant le niveau d’activité à plus de 30% au-dessus de celui observé pré-covid (2019). Cette dynamique de croissance concerne la quasi-totalité des plateformes aéroportuaires, en particulier celle du Caire, aujourd’hui proche de ses capacités maximales d’accueil. Alors que les autorités égyptiennes misent sur une nouvelle extension du tourisme (objectif de 30 millions de touristes à l’horizon 2030 contre 15 millions actuellement), l’augmentation du trafic dans les aéroports devrait se poursuivre mais se heurte à des capacités ayant atteint leur limite.
En réponse à cette pression croissante, le gouvernement a annoncé l’objectif de porter à près de 110 millions de passagers les capacités des infrastructures aéroportuaires à l’horizon 2030
Plusieurs projets d’extension sont en cours d’étude, notamment la construction d’un Terminal 4 à l’aéroport du Caire, qui permettrait de doubler sa capacité annuelle à 60 millions de passagers, tout en réduisant la congestion au sein des trois terminaux existants. Ce projet devrait mobiliser un investissement de l’ordre de 4 Md EUR.
II. Une gestion publique centralisée
L’Egyptian Holding Company for Airport and Air Navigation (EHCAAN), entité rattachée au ministère de l’Aviation civile, est responsable de la gestion des aéroports et de l’espace aérien civil égyptien
Dotée d'une autonomie financière pour mener ses activités sur une base commerciale, l’EHCAAN se décompose elle-même en plusieurs sous-entités : la National Air Navigation Services Company (NANSC) - autorité responsable du trafic civil de l’espace aérien égyptien, de la Cairo Airport Company (CAC) et l’Egyptian Airports Company (EAC) – entités respectivement responsables de la gestion et de l’opération de l’aéroport du Caire et des autres aéroports du pays.
L’État est donc propriétaire et exploitant de la quasi-totalité des infrastructures aéroportuaires égyptiennes
Seuls deux aéroports sont actuellement exploités par des opérateurs privés. Toutefois, selon la Banque mondiale, l’exploitation actuelle des aéroports par l’État ne permet pas d’atteindre la rentabilité. L’amélioration des revenus non aéronautiques (boutiques et zones de restauration), principaux moteurs de la rentabilité des aéroports, est clef pour l’Égypte alors que ses aéroports ne proposent qu’une offre de zone commerciale limitée par rapport à ses pairs régionaux. De même, les tarifs aéroportuaires égyptiens sont plus faibles que la moyenne régionale. A noter que le pays dispose d’une expérience de participation du secteur privé à la gestion des infrastructures aéroportuaires dans les années 2000, lorsqu’ADP était en charge de l’exploitation de plusieurs aéroports régionaux dont Sharm El Sheikh et Hurgahda, et Fraport AG de celle de l’aéroport du Caire.
III. Une ouverture au secteur privé
Dans ce contexte, les autorités égyptiennes ont fait de l’ouverture des infrastructures aéroportuaires au secteur privé une priorité
Le projet, évoqué depuis plusieurs années, s’est récemment précisé. Accompagné par la SFI (groupe Banque Mondiale), le ministère de l’Aviation civile prévoit de privatiser la gestion et maintenance de 11 aéroports commerciaux du pays. Selon un accord signé le 24 mars 2025, un premier appel d'offres international portera sur la modernisation, l’entretien et l'exploitation de l'aéroport de Hurghada (mer Rouge), sans transfert de propriété qui demeure auprès d’EHCAAN. Par la suite, 10 aéroports régionaux seront mis en concession sous forme de partenariats public-privé, possiblement dans le cadre de lots pour permettre des économies d’échelle dans la gestion, selon une répartition qui sera définie dans une feuille de route dédiée (Sphinx, Sharm El Sheikh, Borg El Arab, Louxor, Assouan, Sohag, Assiout, Abou Simbel, El Alamein, Marsa Matruh). Aucune précision n’a toutefois été apportée concernant le calendrier de mise en œuvre.
En parallèle de ce programme, plusieurs autres initiatives stratégiques sont à l’étude
Le projet de construction d’un nouveau terminal à l’aéroport du Caire, ainsi que son exploitation et sa maintenance est en projet. Ce dernier pourrait être octroyé en gré à gré alors que les autorités se sont montrées ouverte à ce modèle, si les conditions financières proposées par les développeurs étaient jugées favorables. En parallèle, le développement des infrastructures aéroportuaires liées aux grands complexes touristes et résidentiels tel Ras el Hekma seront également laissés à des développeurs et opérateurs privés. Le développement du fret aérien n’a pas été spécifiquement évoqué alors que les perspectives sont réelles.