Efficacité énergétique des bâtiments en Corée du Sud
Dépendante d’importations pour sa consommation énergétique, la Corée du Sud cherche à concilier les enjeux de développement économique avec son objectif d’atteindre son objectif de neutralité carbone à horizon 2050. Le secteur du bâtiment joue un rôle central dans cet objectif, et la Corée du Sud s’est engagée à une réduction de 45 millions de de tonnes de CO₂ des émissions du secteur du bâtiment d’ici 2030, à travers une politique d’efficacité énergétique qui se structure progressivement.
Les défis de l’efficacité énergétique en Corée du Sud
A l’instar d’autres pays, la Corée du Sud a mis en place sa politique d’efficacité énergétique dans les années 70, suite aux chocs pétroliers. Dès 1977, un premier code du bâtiment impose une isolation thermique minimale, puis en 1979, le pays adopte l’Energy Use Rationalization Act, fondement législatif de sa stratégie nationale. Pour structurer la mise en œuvre de ces politiques, la Corée crée en 1980 la Korea Energy Management Corporation (KEMCO), qui deviendra en 2015 la Korea Energy Agency (KEA), chargée de promouvoir les normes techniques, les audits énergétiques et les aides financières. A noter que son équivalent français, l’ADEME, a également été créé pendant cette période (1974). Au fil des années, le pays introduit des dispositifs comme les certifications G-SEED et BEEC, puis en 2012 une loi dédiée aux bâtiments verts intégrant la notion de bâtiment zéro-émission (ZEB).
La Corée du Sud dispose d’un parc bâti relativement plus énergivore que la moyenne. Parallèlement à son développement économique, la consommation énergétique finale du secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire) a augmenté de 64 % en 30 ans alors qu’elle est restée stable (+2 %) en France. En outre, elle reste sur une pente ascendante sur les 10 dernières années, alors qu’elle diminue tendanciellement dans la plupart des autres pays. Elle s’établit en 2023 à 158 kWh/m²/an, un niveau supérieur à celui de la France (140 kWh/m²/an) et très au-dessus des références visées par les pays nordiques (<100 kWh/m²/an)[i].
La raison d’un parc bâti si énergivore se trouve en partie dans l’histoire de son urbanisation. A partir des années 70, l’exode rural provoque une forte tension sur le logement dans la région de Séoul, allant jusqu’à l’apparition de bidonvilles. L’État, en collaboration avec les groupes coréens de BTP, amorce une politique de construction massive de grands ensembles d’immeubles. Ces bâtiments, souvent réalisés avec des matériaux peu durables et une isolation thermique insuffisante, présentaient une durée de vie limitée à environ 25 ans[ii]. La pression immobilière et l’évolution des normes faisaient que ces bâtiments étaient souvent détruits avant leur fin de vie, créant une logique de destruction-reconstruction qui est devenu un moteur économique à part entière jusque dans les années 90 (12 à 13% du PIB sud-coréen). Aujourd’hui, bien que cette logique ne soit plus dominante, les freins restent nombreux : attrait pour le neuf synonyme d’ascension économique, manque de sensibilisation du public à la sobriété énergétique, absence de valorisation des performances énergétiques dans le marché immobilier sud-coréen, ou encore prix de l’électricité historiquement faible qui rend moins attrayant un investissement en efficacité énergétique.
Quelles perspectives pour le bâti sud-coréen ?
Face à ce contexte des dispositifs d’incitations à la rénovation énergétique sont progressivement mis en place. À l’échelle nationale, le gouvernement sud-coréen pilote un programme Green Remodeling, qui prend en charge entre 50 et 100 % des coûts, selon les cas, en mobilisant à la fois des fonds publics et des garanties de prêt. En 2024, le budget alloué atteignait environ 88 M€. À l’échelle locale, la ville de Séoul a lancé le Building Retrofit Project, qui propose des prêts à taux zéro aux particuliers et copropriétés à hauteur d’environ 10 000 €, assortis d’incitations complémentaires telles qu’une réduction de 24 % sur les primes d’assurance. En 2024, ce programme bénéficiait d’un budget de 10 M€. Sur le plan réglementaire, la certification environnementale G-SEED constitue aujourd’hui l’outil principal d’évaluation, tant pour les constructions neuves que pour les projets de rénovation.
Depuis début 2025, des engagements plus ambitieux sont pris en faveur de la rénovation énergétique. Le 13 janvier 2025, le 3e plan de base pour les bâtiments verts (2025-2029) a été présenté officiellement par le ministère de l’aménagement du territoire. Ce plan a pour objectif faire du label ZEB (bâtiment zéro-émission) la nouvelle norme, avec des obligations spécifiques pour les bâtiments publics neufs. Une manière de montrer l’exemple et favoriser une démocratisation progressive des bâtiments à haute performance énergétique. En parallèle, une révision de la réglementation énergétique applicable aux bâtiments neufs du secteur privé est engagée. Avec une première étape en 2025 : les bâtiments de plus de 1 000 m² devront respecter les critères ZEB, avant un élargissement aux bâtiments de plus de 500 m² d’ici 2030. Cela concerne à terme 20 % du parc immobilier national. De plus, l’État prévoit la rénovation énergétique de 30 000 bâtiments publics par an, dans toutes les régions du pays. Cette initiative s’inscrit dans la continuité du Green New Deal lancé en 2020, mais vise désormais à structurer un véritable marché de la rénovation verte.
L’efficacité énergétique pourrait en outre bénéficier d’un contexte national favorable. Le nouveau Président Lee Jae Myung, élu en juin 2025, a indiqué vouloir renforcer la politique de verdissement du pays, ce qui couvre un retour en grâce des énergies renouvelables, mais mentionne aussi l’efficacité énergétique. Selon les déclarations de campagne du candidat, les actions en faveur des petites entreprises et des ménages à faible revenu incluent des mesures incitatives pour l’efficacité énergétique. Des détails restent attendus à ce sujet, sachant qu’en parallèle le candidat a fixé l’objectif de construire 1 million de nouveaux logements. Cette dynamique est à mettre en résonnance avec la hausse du prix de l’électricité en Corée du Sud (+46% entre janvier 2022 et décembre 2023)[iii], susceptible de faire reconsidérer positivement le retour sur investissement d’une baisse de consommation résultant d’une amélioration de l’efficacité énergétique.
[ii] Sustainable Building Legislation and Incentives in Korea : A Case-Study-Based Comparison of Building New and Renovation, Sustainability, 2021
[iii] Panorama 2024 des énergies bas carbones en République de Corée, Service Energies et Nouvelles Technologies de l’Ambassade de France en République de Corée.