Situation économique et financière
Après 22 mois de guerre, les fondamentaux de l’économie israélienne demeurent solides. La stabilité du système financier a été éprouvée et attestée.
L’État hébreu a déployé conjointement une politique budgétaire expansionniste, facilitée par un faible niveau d’endettement pré-guerre, et une politique monétaire restrictive pour lutter contre l’inflation et soutenir une activité économique endommagée. La croissance économique a atteint 0,9% en 2024, essentiellement nourrie par les dépenses publiques. Le redressement de l’activité se poursuit lentement alors que l’environnement des affaires souffre de l’incertitude ambiante et que le marché du travail pâtit de la mobilisation renouvelée des réservistes. La croissance devrait dépasser les 3% en 2025 et l’endettement se stabiliser à 70% du PIB.
1. Après une année 2024 modeste, la croissance devrait atteindre 3,3% en 2025 malgré la guerre
L'activité économique se rétablit lentement en dépit de contraintes structurelles. L'activité économique et commerciale est inférieure au niveau observé avant le 7 octobre, principalement en raison de facteurs liés à l'offre, tels que les pénuries de main-d'œuvre causées par l'absence des travailleurs palestiniens et les préjudices économiques subis ces deux dernières années par les entreprises dans le Nord et l’enveloppe de Gaza. Si les secteurs de la construction, de l’agriculture et du tourisme ont été sévèrement touchés, l'économie a toutefois continué de fonctionner presque sans entrave, y compris dans les secteurs du commerce, des services et de l'industrie. Le secteur de la haute technologie continue de jouer un rôle prépondérant dans la création de valeur (19,7% du PIB). Le premier semestre 2025 s’est achevé sur une note positive en matière d’investissements en capital : 200 opérations ont été recensées, représentant 5,2 Mds USD de levées de fonds. Seule la « guerre des douze jours » avec l’Iran a conduit à une interruption brutale de l’activité économique (avec un pic ponctuel de chômage, passant de 3,4% à 9,4% en raison de suspensions momentanées de contrats), à l’exception des secteurs dans lesquels le recours au télétravail est resté envisageable. Au total, l’activité a progressé à un rythme modéré cette année (+3,4% au T1 2025 en glissement annuel) tandis que le marché du travail est resté tendu, porté par un faible taux de chômage (3%) et une dynamique salariale soutenue (+4% en juin en g.a.). Après une croissance de 0,9% en 2024, la Banque Centrale (BoI) s’attend à un taux de croissance de 3,3% en 2025, sous condition cependant de deux hypothèses optimistes : un cessez-le-feu à Gaza cet été et un maintien durable du cessez-le-feu avec l’Iran.
Les pressions inflationnistes sont contenues par une politique monétaire restrictive, dans un contexte d’incertitude géopolitique due à la guerre. Au cours du premier semestre 2025, le Comité monétaire de la BoI a maintenu le taux directeur à 4,5% à chacune de ses réunions, après avoir envisagé de le fixer à 3,75% avant le mois de juin. Alors que l’inflation refluait vers la fourchette cible de la BoI (1-3%), elle est légèrement repartie à la hausse au mois de juillet à 3,3% en rythme annuel. La BoI anticipe un repli de l’inflation sous le seuil des 3 % dès le troisième trimestre 2025, avec une stabilisation attendue autour de 2,6% en 2026. Sur le marché du logement, l’activité immobilière est modérée : le nombre de transactions diminue et le stock de logements invendus augmente. Le rythme des mises en chantier reste élevé, mais les achèvements de projets ont baissé de 8,8% au cours des douze derniers mois. L’indice des prix des logements a progressé de 5,1 % en juin en g.a. (contre 7,7% en 2023) et les loyers ont crû de 4%. Les frappes de missiles iraniens sur certaines zones résidentielles, notamment dans la région de Tel-Aviv, devraient perturber l’offre et aggraver la pression sur les loyers, en particulier ceux dotés d’abris modernes.
2. Les dépenses liées à la guerre ont accru le risque sur les finances publiques, qui reste maîtrisé
Si le déficit public s’est creusé au cours de la première année de guerre, il se résorbe en 2025. Après 18 mois de hausse successive, le ratio déficit/PIB s’est contracté pour la première fois en octobre 2024 et est en baisse depuis lors. Il s’établit désormais à 5,0% depuis le mois de juin. L’amélioration des finances publiques s’explique notamment par la baisse des dépenses publiques (hors défense) et l’augmentation significative des recettes fiscales, actée par le budget 2025 adopté fin mars. Ce dernier vise un objectif de déficit public à 4,9% du PIB d’ici la fin de l’année mais la reprise de la guerre et son expansion devraient compromettre son atteinte. Le coût budgétaire de la guerre contre l’Iran est estimé à environ 1 % du PIB (dépenses de défenses et offensives, dommages directs et indirects) et la mobilisation des réservistes avec l’extension du conflit à Gaza s’avère de plus en plus coûteuse.
Le stock de dette publique devrait passer de 68% à 70% du PIB en 2025, en raison de l’accroissement des dépenses liées à la guerre. Ce niveau est jugé soutenable par le gouvernement, qui dispose encore de marges de manœuvres suite au faible niveau d’endettement pré-guerre. Le risque que le ratio dette/PIB atteigne 80%, décrit selon le scénario d’une guerre à haute intensité sur plusieurs fronts et modélisé par la division macroéconomique de la BoI, semble à ce stade écarté, malgré la persistance du conflit à Gaza. Toutefois, la capacité du gouvernement à contrôler ce ratio et à maîtriser les dépenses de défense, qui pèsent indirectement sur les ménages, sera cruciale pour rassurer les marchés. La lente détérioration du profil d’endettement du pays pourrait entraîner une révision à la baisse de la note souveraine par les principales agences de notations. À ce jour, Fitch et S&P créditent Israël d’un A avec perspective négative et Moody’s lui attribue Baa1, également assorti d’une perspective négative.
3. Des points de vigilance au niveau du financement de l’économie
La volatilité initiale des marchés financiers s’est progressivement atténuée.
- La prime de risque de l’économie israélienne, mesurée par le prix des CDS à cinq ans et les écarts sur les obligations souveraines en dollars, est restée sensiblement plus élevée qu’avant le conflit. Après une baisse relative au premier trimestre, elle a connu de fortes fluctuations au second trimestre, atteignant un pic à la mi-avril (CDS à 120 pb) puis à nouveau à la mi-juin (CDS à 123 pb), avant de régresser nettement à la fin du semestre (CDS à 75 pb, écart obligataire à 1,0 %). Parallèlement, les rendements obligataires à 10 ans en shekels ont diminué de 0,4 point de pourcentage, traduisant un regain de confiance des investisseurs.
- Sur le marché des changes, le shekel a connu des évolutions contrastées : affaibli face à l’euro et à plusieurs devises, il s’est néanmoins apprécié face au dollar, enregistrant un gain cumulé d’environ 9% sur le semestre. Cette appréciation s’est accélérée à la suite de la « guerre des douze jours » avec un renforcement de 6,6 % face au dollar en seulement quelques semaines, notamment grâce à la vente de devises étrangères pour renforcer la monnaie israélienne opérée par la BoI, dont les réserves s’élevaient à 228 Mds USD en juin 2025 (41,6% du PIB).
- Les marchés boursiers domestiques ont également bien réagi avec une progression des indices TA-35 et TA-125 d’environ 27 % sur l’ensemble du premier semestre, les portant à de nouveaux records historiques.
La stabilité financière pourrait être fragilisée par le canal du crédit et les vulnérabilités macroéconomiques. Depuis le déclenchement de la guerre, l'encours des crédits aux entreprises continue de croître, principalement dans le secteurs de la construction. La dette des entreprises a augmenté d’environ 7,5 % entre 2023 et 2024 et s’élève à 1 404 Mds ILS. Plusieurs signaux d’alerte apparaissent concernant l’endettement des ménages, qui atteint 845 Mds ILS en 2024, dont 72 % liés au logement. Les prêts hypothécaires repartent à la hausse dans un contexte de prix immobiliers élevés et les indicateurs de risque se dégradent : fin 2024, 25 % des nouveaux emprunts cumulent un taux de financement supérieur à 60 % et un ratio remboursement/revenu au-delà de 30 %, contre 21 % un an plus tôt. Le crédit à la consommation, en hausse après une année de repli, est tiré par les sociétés de crédit non bancaires et les cartes de crédit, ce qui soulève des inquiétudes pour les emprunteurs les plus vulnérables. Au plan macroéconomique, les paiements d’intérêts de l’État devraient fortement augmenter dans les années à venir. Entre 2026 et 2030, ils atteindraient en moyenne 2,5 % du PIB, soit 0,5 point de plus qu’en 2023. Cette hausse résulte à parts égales de l’alourdissement de la dette, lié aux déficits creusés par la guerre, et de la hausse des rendements, qui découle d’un environnement de taux plus élevé et d’un risque perçu accru. Cette situation pourrait peser sur le budget de l’État et limiter le financement des services publics, alors que le délaissement des ministères civils (éducation, affaires sociales, santé), d’ores et déjà sous-dotés, pourrait s’avérer néfaste pour le pays à moyen terme.