Lettre Agro Japon-Corée du Sud — Juillet 2025
Lettre AGRO Japon – Corée du Sud
N° 83 - Juillet 2025
L'IMAGE DU MOIS : Le Parc mémorial d'Arisugawa-no-miya à Minato City, Tokyo
Sommaire
Japon
- Les États-Unis et le Japon concluent un accord commercial prévoyant une hausse des exportations agricoles des Etats-Unis vers le Japon
- Le gouvernement poursuit ses mesures visant à endiguer la montée des prix du riz
- Un accord sanitaire préfigure la reprise des exportations de bœuf japonais vers la Chine après 24 ans de suspension
- Le producteur et importateur japonais Mercian met fin à l’importation de Beaujolais Nouveau au profit des vins japonais
- Les opérations de fusion-acquisition des entreprises agroalimentaires japonaises se poursuivent, entre impératifs de sécurité intérieure et de croissance extérieure
Corée du Sud
- Les dispositions en matière agricole de l’accord commercial annoncé entre la Corée et les Etats-Unis restent incertaines
- Le gouvernement engage une opération coordonnée de baisse des prix aux côtés des industriels pour contenir l’inflation alimentaire
- Le système agroforestier des pins d’Uljin inscrit au registre des systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) de la FAO
Le chiffre à retenir : 15 %
Montant des droits de douane « réciproques » applicables aux exportations du Japon et de la Corée vers les Etats-Unis selon les accords commerciaux bilatéraux conclus respectivement le 23 juillet (JP) et le 30 juillet (KR) 2025.
Japon
Les États-Unis et le Japon concluent un accord commercial prévoyant une hausse des exportations agricoles des Etats-Unis vers le Japon.
Alors que le 7 juillet, dans une lettre adressée au Premier ministre Shigeru Ishiba, le président Donald Trump avait annoncé que les États-Unis appliqueraient des droits de douane de 25 % sur les produits importés du Japon à compter du 1er août 2025, les deux pays ont annoncé le 23 juillet avoir défini les termes d’un accord commercial, prévoyant la réduction des droits de douanes « réciproques » appliqués au Japon à 15%. La date d’entrée en vigueur de cet accord, qui n’est pas encore formellement signé, n’a pas été précisée. Selon le porte-parolat de la Maison-Blanche, le Japon se serait engagé à importer 8 Mds$ (environ 7,3 Mds€) de produits agricoles et agroalimentaires depuis les Etats-Unis, dont du maïs, du soja, des engrais, du bioéthanol et du carburant d’aviation durable (SAF). Par ailleurs, concernant le riz, qui concentre l’attention au Japon dans un contexte d’inflation persistante (doublement du prix du riz en juin en glissement annuel), les deux pays seraient convenus d’un accroissement de 75% des importations de riz en provenance des Etats-Unis. Cette hausse s’inscrirait dans le cadre tarifaire existant, qui prévoit une exemption de droits de douane pour 770 000 tonnes de riz importé par an – soit de l’ordre de 8 à 10% des besoins du pays – en vertu d’un accès minimum aux marchés (AMM) conformément aux engagements du Japon auprès de l’OMC. Au-delà, des droits de douanes de 341 yens par kilogramme (environ 1,98€, soit environ 400% selon les cours actuels) s’appliquent mais ne concernent qu’une quantité négligeable allant de 100 à 200 tonnes de riz par an. En 2024, environ 346 000 tonnes du riz de ce quota provenaient des États-Unis ; une augmentation de 75% porterait ce chiffre à environ 600 000 tonnes, et pénaliserait en particulier la Thaïlande, 2ème utilisateur de ce quota avec 324 000 tonnes en 2024. Enfin, les produits dont les droits de douane étaient déjà supérieurs ou égaux à 15 % avant l'entrée en vigueur de l’accord ne seront pas soumis à des droits de douane supplémentaires. Le taux applicable à la viande bovine reviendrait donc à son niveau antérieur de 30%. En revanche, certains produits jusque‑là non soumis à des droits réciproques, comme le thé vert, seraient désormais taxés à un taux uniforme de 15 %. Nikkei, Nihon Nogyo Shimbun (presse écrite, 24/07/2025), TDM.
Le gouvernement poursuit ses mesures visant à endiguer la montée des prix du riz.
Lors d’une conférence de presse, le ministre en charge de l’agriculture, M. Shinjiro Koizumi, a déclaré que le gouvernement procéderait à la vente d’une partie des stocks publics de riz au bénéfice d’entreprises du secteur des aliments et des boissons transformés tels que le miso, les biscuits de riz ou les alcools (saké, shōchū). Si le volume de riz et les modalités pratiques n’ont pas encore été définis, il a été précisé que l’attribution des contrats se ferait à la discrétion du gouvernement. Cette annonce s’inscrit dans la continuité de la vente à prix réduit des stocks publics décidée il y a quelques mois par Shinjiro Koizumi pour le riz destiné à la consommation courante. Cette fois-ci, la mesure vise exclusivement le secteur des produits transformés, confronté à une baisse anticipée des récoltes pour l’année 2025. L’objectif est d’empêcher les entreprises concernées de se détourner du riz japonais au profit du riz importé et, en parallèle, de contribuer à la baisse des prix du riz. Selon la dernière enquête sur l’offre et la demande de riz publiée par le ministère en charge de l’Agriculture, le prix moyen d’un sac de 5 kg de riz a diminué de plus de 3 % par rapport à la semaine précédente, pour s’établir à 3 672 yens. Cette diminution semble confirmer l’effet stabilisateur de l’ouverture des stocks publics. Néanmoins, malgré cette correction récente, le prix du riz demeure supérieur de 63% par rapport à l’année précédente, ce qui pourrait entraîner un ajustement à la hausse des projections d’inflation sous-jacente à venir de la Banque du Japon (BOJ). Japan Times, MAFF, Japan Times
Un accord sanitaire préfigure la reprise des exportations de bœuf japonais vers la Chine après 24 ans de suspension.
Le Ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche (MAFF) a confirmé l’entrée en vigueur, le 11 juillet, d’un accord sanitaire (« Animal Health and Quarantine Agreement ») avec la Chine, marquant une avancée décisive pour la reprise des exportations de bœuf japonais, suspendues depuis 2001 en raison de foyers d’encéphalopathie spongiforme bovine au Japon. Bien que les deux pays aient déjà signé l’accord en 2019, les progrès ont été freinés par le retard pris par la Chine pour ratifier le texte. Le MAFF a précisé que des discussions techniques restent en cours avec les autorités chinoises, notamment en matière de sécurité sanitaire et d’analyse de la radioactivité des aliments, si bien que la date effective de reprise des expéditions reste à ce jour indéterminée. Cette avancée s’inscrit dans un contexte marqué par les tensions commerciales avec les Etats-Unis, incitant le Japon à diversifier ses débouchés. Par ailleurs, il fait suite à la réouverture partielle du marché chinois aux importations de produits de la pêche japonais, décidée le mois dernier après deux années d’embargo liées au rejet d’eaux de refroidissement traitées de la centrale nucléaire de Fukushima.Nikkei, Asahi
Le producteur et importateur japonais Mercian met fin à l’importation de Beaujolais Nouveau au profit des vins japonais.
Introduit au Japon dans les années 1980, le Beaujolais Nouveau avait connu un pic de popularité dans les années 2000. Si le Japon reste aujourd’hui le premier importateur mondial de Beaujolais Nouveau – représentant entre 30% et 40% des volumes exportés, devant les Etats-Unis avec 15% des volumes), la demande subit une baisse constante depuis les années 2010, en raison notamment de l’arrivée massive des « vins du nouveau monde », jugés plus abordables. C’est dans ce cadre que la société Mercian, filiale du groupe Kirin spécialisée dans la production et la distribution de vins, a annoncé la cessation de ses importations de Beaujolais Nouveau à compter de l’automne 2025. Cette décision vise à recentrer l’offre commerciale sur les vins produits localement, en réponse à l’évolution des préférences des consommateurs japonais, la société Mercian évoquant l’augmentation du coût financier (avec la dépréciation du yen) et l’impact écologique de ce produit– les importations de Beaujolais Nouveau se faisant par avion. Les vins japonais – i.e. produits à partir de raisins cultivés localement – ne représentent encore que de faibles volumes (5% de la consommation domestique) mais offrent selon la société Mercian un fort potentiel de croissance du fait de leur coût de production compétitif et de l’amélioration de leur image au Japon comme à l’international. Plus globalement, le marché japonais du vin a enregistré une contraction de 5% en volume par rapport à l’année précédente, incitant les producteurs à adapter leur offre pour cibler des consommateurs plus jeunes, au budget plus modeste et moins acquis à la consommation de vin. En dépit de ce contexte, les vins français se maintiennent sur les cinq premiers mois de 2025 à un niveau dynamique, avec des parts de marché en hausse en glissement annuel en valeur (57%, +2 points) comme en volume (21%, +1,4 pts). Nikkei, TDM
Les opérations de fusion-acquisition des entreprises agroalimentaires japonaises se poursuivent, entre impératifs de sécurité intérieure et de croissance extérieure.
Près d’un an après avoir formulé une première proposition, le détaillant canadien Couche-Tard a officiellement renoncé à son projet d’acquisition de la holding japonaise Seven & i Holdings, maison-mère de la chaîne de konbini 7-Eleven. L’opération, dont l’offre initiale était de 46 milliards de dollars, aurait constitué la plus importante acquisition étrangère jamais réalisée sur une entreprise japonaise, et soumise à l’aval du gouvernement japonais. Ce retrait -– que Couche-Tard justifie par un manque de transparence et de coopération de la part du groupe japonais -– met en lumière les résistances profondes que rencontrent les offres publiques d’achat (OPA) étrangères au Japon ainsi que les difficultés entourant les restructurations des grands conglomérats nippons, ébranlés par la faible croissance domestique. Si l’acquisition de Seven & i par un acteur étranger se heurte à de fortes résistances, les groupes japonais, quant à eux, multiplient les acquisitions hors de leurs frontières pour pallier la contraction du marché intérieur, notamment liée à l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. A ce titre, la maison de commerce japonaise Mitsubishi Corporation a annoncé, via sa filiale norvégienne Cermaq, l’acquisition des activités piscicoles de l’entreprise norvégienne Grieg Seafood en Norvège et au Canada pour un montant d’environ 1 milliard de dollars. Avec cette acquisition, Mitsubishi entend porter sa production annuelle à 280 000 tonnes d’ici 2027 et se positionner ainsi comme le deuxième producteur mondial de saumon. Parallèlement, les entreprises japonaises cherchent à capitaliser sur l’engouement pour la gastronomie japonaise afin de consolider leur présence dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Les groupes japonais de condiments Kikkoman et Kewpie construisent ainsi de grandes usines aux États-Unis afin d’étendre leur présence sur les marchés occidentaux. De même, la maison de commerce japonaise Marubeni a annoncé le mois dernier l’acquisition de Bubbies, une entreprise américaine de glace mochi basée en Arizona, dans le but de pénétrer le marché américain des glaces individuelles estimé à 9 milliards de dollars. Nikkei, FT, Nikkei
Corée du Sud
Les dispositions en matière agricole de l’accord commercial annoncé entre la Corée et les Etats-Unis restent incertaines.
Les administrations sud-coréenne et américaine ont annoncé le 30 juillet être parvenues à un accord commercial, qui permettra un alignement des conditions tarifaires de la Corée sur le marché américain avec celles obtenues par le Japon et l’UE (droits « réciproques » de 15%) en contrepartie d’engagements de la Corée à investir sur le marché américain. Le contenu de l’accord dans le domaine agricole reste toutefois incertain : alors que le président américain a indiqué avoir obtenu l’ouverture du marché coréen dans ce domaine, le gouvernement coréen indique de son côté n’avoir rien concédé en la matière. Le Ministre délégué au commerce extérieur YEO Han-koo avait déclaré le 14 juillet que le gouvernement était disposé à envisager certaines concessions, tout en réaffirmant que la souveraineté alimentaire reste une priorité pour la nouvelle administration coréenne. Parmi les demandes formulées par les États-Unis figurent : l’autorisation d’importer du bœuf issu de bovins âgés de plus de 30 mois (interdiction mise en place en 2008 suite à l’épidémie d’ESB), l’élargissement de l’accès au marché coréen pour les pommes et le riz américains, la levée des restrictions sur les pommes de terre génétiquement modifiées, ainsi qu’un assouplissement des règles phytosanitaires sur des fruits tels que les myrtilles ou les cerises. Les exportations de produits agroalimentaires sud-coréens continuent de croître, en dépit des tensions commerciales : selon le communiqué du MAFRA publié le 14 juillet, les exportations de « K-Food » ont atteint 5,16 Mds USD (soit environ 4,7 Md EUR) au premier semestre 2025, en hausse de 8,4% en glissement annuel, avec une progression particulièrement marquée vers les États-Unis (+28,6 % en g.a. au T2 2025). Cette dynamique conforte la position de Séoul dans la défense de ses intérêts économiques agricoles, tout en soulignant également l’importance d’une diversification de ses secteurs d’exportations. JoongAng Daily, Korea Times, MAFRA
Le gouvernement engage une opération coordonnée de baisse des prix aux côtés des industriels pour contenir l’inflation alimentaire.
Le gouvernement coréen a annoncé s’associer à de grandes entreprises de l’agroalimentaire (Nongshim, Ottogi, SPC, Dongseo, Jonga…) et des distributeurs sud-coréens pour lancer une vaste opération de baisse des prix - allant jusqu’à 50 % - sur une sélection de produits transformés (plats préparés, nouilles instantanées, café, pain etc.). Prévue pour les mois de juillet et août 2025, cette mesure vise à atténuer la pression inflationniste pesant sur les consommateurs, alors que l’indice des prix à la consommation a enregistré en juin une hausse de 4,6 % en g.a des prix des aliments transformés, la plus forte augmentation depuis novembre 2023. Le gouvernement a indiqué qu’il continuerait de suivre l’évolution des prix dans les semaines à venir et qu’il envisageait de nouvelles campagnes de réduction des prix. Parallèlement, il a réaffirmé sa volonté de maintenir un dialogue avec les acteurs du secteur autour des problématiques agroalimentaires structurelles, telles que la sécurisation des approvisionnements en matières premières et le développement des exportations. À cet effet, plusieurs mesures de soutien ont été reconduites ou élargies : prolongation jusqu’à la fin de l’année de l’exonération de TVA sur les importations de 21 ingrédients alimentaires clés (dont le café et le cacao), maintien des contingents tarifaires applicables à ces produits et élargissement des dispositifs publics d’accompagnement à l’achat de matières premières pour les transformateurs. Aux côtés des produits transformés, les produits alimentaires de base sont aussi fortement touchés par l’inflation ; en raison des mauvaises récoltes de 2024 liées aux vagues de chaleur, le prix du riz a atteint 59 088 wons (env. 37€) pour 20kg, soit 10 % de plus que l’année précédente. Cette hausse des prix met en tension une industrie alimentaire déjà fragilisée par l’inflation, qui pourrait se voir contrainte de répercuter les surcoûts sur le consommateur si la tendance se poursuit. JoongAng Daily, The Chosun Daily
Le système agroforestier des pins d’Uljin inscrit au registre des systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) de la FAO.
Le 8 juillet 2025, le système agroforestier des pins situé dans le comté d’Uljin (province de Gyeongsangbuk-do) a été officiellement inscrit au registre des « Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial » (SIPAM, ou GIAHS en anglais) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Les SIPAM ont été mis en place en 2002 par la FAO, dans le but de protéger et de gérer des systèmes agricoles remarquables riches en diversité biologique et évoluant en coadaptation avec une communauté humaine et ses traditions. Cette reconnaissance vient consacrer un système coréen ancestral associant sylviculture et agriculture de montagne, développé autour des forêts de pins. Les habitants y pratiquent depuis des générations la récolte de champignons sauvages, l’aménagement de canaux d’irrigation, la gestion collective des forêts et l’agriculture de pente. Ce classement porte à sept le nombre de systèmes coréens reconnus par la FAO dans le cadre du programme SIPAM. Le MAFRA entend désormais intégrer ce patrimoine dans ses politiques de revitalisation des zones rurales, via le développement de l’écotourisme et la création de zones thématiques autour des paysages agro-sylvicoles traditionnels. MAFRA
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Illustration : Pôle Agriculture & Alimentation, SER de Tokyo, Août 2025.