Brèves économiques d'Espagne Nº03/2025
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Le gouvernement espagnol a autorisé, le 24 juin 2025, l’OPA hostile de BBVA sur Banco Sabadell, tout en l’assortissant de conditions visant à préserver l’autonomie de la banque catalane pendant au moins trois ans. Lancée en mai 2024, cette opération valorise Sabadell à 12 Md€ et ambitionne de créer le 10ème groupe bancaire européen, BBVA étant déjà la 2ème banque espagnole et Sabadell la 4ème.
Si les autorités, dont celle de la Concurrence (CNMC), ont validé l’opération, le gouvernement a ajouté une condition de maintien d’une séparation juridique, commerciale et opérationnelle, avec interdiction de fermeture d’agences ou de suppressions d’emplois liées au rachat durant cette période. Cette décision répondrait aux fortes oppositions en Catalogne, où Sabadell conserve un ancrage territorial important et où l’opération est perçue comme une recentralisation au profit de Madrid.
Le projet de fusion s’inscrit dans la tendance à la concentration du secteur bancaire espagnol amorcée après 2008, après la fusion Caixa Bank-Bankia en 2021. BBVA, qui entendait réaliser 850 M€ de synergies et renforcer sa présence dans la zone euro, prévoit de lancer l’offre fin août début septembre. La Commission a de son côté adressé au gouvernement espagnol une demande d’information relative à sa décision.
Activités macroéconomiques & financières
Mesures de relance
Plan national de relance et de résilience (PNRR) - versements: l’Espagne obtient quasi-intégralement le 5ème versement semestriel à hauteur de 24,1 Md€ (7,0 Md€ en subventions et 15,9 Md€ en prêts). Cette demande, intégrant la 5ème tranche de subventions et les 1ère et 2ème tranches de prêts, avait été déposée par le gouvernement espagnol en décembre 2024 mais l’évaluation de la Commission européenne n’est intervenue que le 7 juillet après plusieurs reports. Celle-ci a donné un avis positif sur 82 des 84 jalons et objectifs évalués, permettant un versement quasi-complet (24,1 des 25,1 Md€ prévus). Les jalons et objectifs qui restent à valider ont minoré le versement de près d’1 Md€ et concernent la non-suppression de l’avantage fiscal du diesel dans la réforme fiscale votée fin 2024 ainsi que la non-atteinte d’un objectif de numérisation des administrations régionales et locales. Par ailleurs, un jalon de la 1ère demande concernant l’entrée en vigueur d’un acte législatif visant à réduire l’emploi temporaire dans l’administration, est désormais jugé comme annulé à la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’UE et devra être adapté. L’Espagne dispose désormais d’un délai de six mois pour prendre les mesures nécessaires afin que ces jalons/objectifs soient considéré comme atteints. Sans action suffisante, les fonds correspondants seront définitivement déduits de l’enveloppe allouée à l’Espagne. En revanche, la suspension de 0,2 Md€ lors de la 4ème demande de versement en lien avec des aides pour la numérisation des entreprises est levée et ces fonds seront versés à l’Espagne lors de ce 5ème versement.
Dans l’ensemble, l’Espagne a ainsi reçu 72,4 Md€ du plan de relance européen dont 9 Md€ au titre de préfinancement en août 2021, 10 Md€ en décembre 2021 au titre du 1er versement semestriel, 12 Md€ en juillet 2022 au titre du 2ème versement semestriel, 6 Md€ en mars 2023 au titre du 3ème versement semestriel, 1,4 Md€ en février 2024 au titre du préfinancement du plan révisé, 9,9 Md€ au titre du 4ème versement et 24,1 Md€ au titre du 5ème versement. Ces versements ont permis de valider 264 des 595 jalons et objectifs prévus dans le plan de relance révisé, soit 44% du total, et de recevoir 55 des 80 Md€ en subventions disponibles, soit près de 69% du total, et 16 des 83 Md€ en prêts, soit près de 19% du total.
Au niveau de l’exécution, les autorités espagnoles indiquent que 54 Md€ en subventions avaient été attribués à leurs destinataires finaux fin mai 2025 (35% du total et 67% des subventions attribuées à l’Espagne) et que la quasi-totalité des 80 Md€ sont déjà mobilisés dans le cadre d’appel d’offres ou de subventions (pas de données sur le volet des prêts).
Macroéconomie
Croissance du PIB au T2 2025 : selon la 1ère estimation de l’INE, le PIB trimestriel espagnol a enregistré une croissance de +0,7% au T2 2025 (+0,1 pp par rapport au T1 2025), portant l’acquis de croissance pour l’année 2025 à 2,3% à l’issue du 2ème trimestre. La demande nationale a eu une contribution positive de 0,9 point, portée par la consommation des ménages (+0,8% t/t) et la formation brute de capital fixe (+2,1% t/t). En revanche, le secteur extérieur a eu une contribution négative de 0,1 point alors que les exportations ont progressé de 1,1% t/t et les importations de 1,7% t/t (-0,6 et +0,2 point respectivement par rapport au trimestre précédent).
Inflation : selon la 2ème estimation de l’INE, l’augmentation de l’indice des prix à la consommation (IPC) s’est établie à 2,3% en glissement annuel en juin 2025 (+0,3 pp par rapport à mai). L’IPC harmonisé au niveau européen (IPCH) s’élève également à +2,3% en g.a (+0,3 pp par rapport à mai). L’inflation sous-jacente en Espagne s’élève à 2,2% identique par rapport à mai).
Endettement des ménages et des entreprises: selon les comptes financiers de l’économie espagnole publiés par la banque d’Espagne, l’endettement des ménages et des entreprises s’est élevé à 106,1% du PIB à l’issue du 1er trimestre 2025, soit un recul de 5,0 points par rapport au T1 2024. Par catégories, la dette des ménages s’élevait à 701 Md€, soit 13 Md€ de plus qu’au T1 2024, mais en baisse de 1,8 points en pourcentage de PIB (de 45,3% à 43,5%). Pour les entreprises, la dette s’élevait à 1 009 Md€ au T1 2025, soit 9 Md€ de plus qu’au T1 2024, mais en baisse de 3,2 points en pourcentage du PIB (de 65,8% à 62,6%).
Finances publiques
Déficit public : le déficit des administrations publiques (hors municipalités), s’élevait à 5,5 Md€ fin avril (0,3% du PIB), soit une hausse de de 1,9% par rapport à la même période en 2023. Par administration, l’État central et les régions enregistrent un déficit de 1,4 Md€ (0,1% du PIB) et 7,4 Md€ (0,5% du PIB) respectivement. En revanche, la sécurité sociale enregistre un excédent de 3,2 Md€ (0,2% du PIB).
Le ministère des Comptes publics estime que les dépenses extraordinaires liées à la réponse à la DANA de Valence s’élèvent à 2,8 Md€. En excluant ce montant, le déficit de l’ensemble des administrations (hors municipalités) serait de 2,7 Md€, soit 0,2% du PIB (-49% par rapport à la même période en 2024).
Dette publique : en mai 2025, la dette des administrations publiques s’est élevée à 1 663 Md€, soit une hausse de 3,8% en glissement annuel. En pourcentage du PIB, la dette s’élève à 102,3%, soit – 2 points par rapport à la même période en 2024.
Emploi
Enquête de population active : selon l'INE, le taux de chômage diminue au T2 2025 jusqu’à 10,3% (11,4% au T1 2025, -1,1 pp). Le nombre de personnes au chômage revient à près de 2,5 millions de personnes ( -236 000 personnes par rapport au trimestre précédent). Par ailleurs, l’Espagne recense autour de 22,3 millions de personnes occupées ( +503 000 personnes par rapport au trimestre précédent) et la population active augmente de près de 267 000 personnes et revient à 24,8 millions de personnes.
Affiliations à la sécurité sociale : mi-juillet, la sécurité sociale dépasse les 21,6 millions d’affiliés corrigé de variations saisonnières (c.v.s), soit près de 44 000 affiliés c.v.s. supplémentaires par rapport à mi-juin et 273 000 affiliés c.v.s en plus par rapport au début d’année.
Chômage : fin juin, le nombre de personnes inscrites au chômage s’élève à 2,4 millions de personnes. Par rapport à mai, le nombre de personnes au chômage a diminué de près de 49 000 personnes et de près de 17 000 personnes c.v.s.
Entreprises
Chiffre d’affaires : selon l’INE, en mai l’indice de chiffre d’affaires des entreprises (ICNE) est en légère baisse (-0,1% c.v.s. en variation mensuelle). Les indices ont affiché des taux de variation annuels positifs dans trois des quatre secteurs analysés. Les services non financiers marchands ont enregistré la plus forte augmentation (4,6%), tandis que la seule baisse a été observée dans le secteur de l'approvisionnement en électricité et en eau, de l'assainissement et de la gestion des déchets (-4,2%).
Chiffre d’affaires industrie et services : selon l’INE, en mai, le chiffre d’affaires du secteur industriel (ICN) enregistre une hausse de 0,6% c.v.s. en variation mensuelle. Quatre des cinq secteurs ont affiché des taux mensuels positifs. Parmi eux, les hausses les plus notables ont été enregistrées dans les secteurs de l'énergie (6,2%) et des biens intermédiaires (1,2%). Le seul secteur en baisse a été celui des biens d'équipement (-0,5%).
Le chiffre d’affaires du secteur des services (IASS) se situe à 0,5 % c.v.s. en variation mensuelle pour mai 2025.
Indices PMI : en juin, l’indice PMI du secteur industriel est en hausse de +0,9 pts (51,4 pt) par rapport à mai. L’indice PMI pour les services est à 51,9 pt (-3 pt par rapport à mai).
Pour le mois de juin, le PMI composite de l’Espagne augmente de + 0,7 pt à 52,1 pt.
Création d’entreprises : selon l’INE, 13 229 sociétés ont été créées en mai 2025, soit 36,9% de plus par rapport au mois de mai de 2024. Le capital souscrit pour leur création a été de 738,7 M€ (-+ 134,3% par rapport à mai 2024), avec une moyenne de 55 842€ (+71,1% g.a.). Toujours en mai 2025, l’institution enregistre la liquidation de 1 706 sociétés (augmentation du nombre de liquidation de sociétés de +25,3% par rapport au mois de mai 2024).
Commerce de détail : l’indice de commerce de détail (ICM) enregistre une variation mensuelle de +0,2% c.v.s. en mai 2025. Tous les modes de distribution ont affiché des taux mensuels positifs, à l'exception des grandes surfaces (0,0%). Le commerce électronique a enregistré la plus forte augmentation (0,5%).
Par produit, l'alimentation a diminué de 0,2%, tandis que le reste a augmenté de 0,6 %.
Numérique
Le gouvernement lance le nouveau programme d'aides « Kit de Espacios de Datos » (Kit d'espaces de données) le 16 juillet 2025 avec un investissement de 60 M€. Les aides couvriront les coûts engagés par les entités pour leur intégration dans un espace de données. La subvention pourra être demandée dans le cadre d'un régime non concurrentiel, par ordre de demande et jusqu'à épuisement des fonds disponibles. Les aides, seront destinées aux entités publiques, privées et administrations ayant une activité économique et un haut degré de maturité numérique. Le programme est financé par des fonds européens NextGenerationEU dans le cadre du plan de relance, de transformation et de résilience.
Les espaces de données éligibles seront ceux déployés dans le cadre du Plan de promotion des espaces de données sectoriels et de l'Espace national de données de santé, ainsi que ceux identifiés dans la Liste de confiance des espaces de données qui pourra être mise en place par la Direction générale des données du Secrétariat d'État à la numérisation et à l'intelligence artificielle, ainsi que ceux qui pourront être établis dans l'appel à candidatures.
Secteur bancaire et financier
Acquisition de TSB par Santander : le 1er juillet 2025, le groupe Santander a annoncé l’acquisition de TSB au Royaume-Uni auprès de Banco Sabadell pour un montant de 2,65 Md£ livres (environ 3,1 Md€), payable en numéraire. Cette opération permet à Santander de renforcer significativement sa présence au Royaume-Uni, où il prévoit d’intégrer TSB dans Santander UK, créant ainsi le troisième acteur du marché britannique des comptes courants et le quatrième pour les prêts hypothécaires. À travers cette acquisition, Santander vise des synergies d’au moins 400 M£, soit 13% des coûts combinés, et prévoit d’améliorer la rentabilité de Santander UK, avec un retour sur fonds propres passant de 11% en 2024 à 16% en 2028. TSB, qui dispose d’environ 5 millions de clients et d’un réseau de 218 agences, est perçue comme une cible complémentaire pour Santander, qui entend ainsi consolider sa part de marché. L’opération reste soumise aux autorisations réglementaires et à l’approbation des actionnaires de Sabadell le 6 août prochain, avec une réalisation attendue début 2026.
Marché de l’immobilier
Prix de l’immobilier résidentiel : selon le dernier indice de prix publié par le portail Idealista, le prix de vente des logements anciens en Espagne a progressé de 14% en glissement annuel au T2 2025, atteignant en moyenne 2 438 €/m2. Cette dynamique haussière est particulièrement marquée dans certaines régions : les Îles Baléares conservent les prix les plus élevés du pays, à 4 996 €/m2, suivies de la Communauté de Madrid (4 289 €/m2). Les hausses les plus prononcées sur un an concernent Madrid (+24,7%), Murcie (+20,5%), la Communauté valencienne (+18,5%) et les Canaries (+18,4%). Parallèlement, le marché locatif continue de se renchérir : toujours selon Idealista, les loyers ont augmenté de 9,7% en un an au T2 2025, pour atteindre une moyenne nationale de 14,6 €/m². Les prix culminent dans les Baléares (20,2 €/m²), Madrid (20,1 €/m²) et en Catalogne (19,2 €/m²), confirmant la concentration des tensions dans les grandes métropoles et les zones touristiques.
Encadrement des locations touristiques : le ministère espagnol du Logement et de l’Agenda urbain a annoncé, le 15 juillet 2025, avoir conclu un accord avec Airbnb en vue de renforcer le contrôle des annonces de logements touristiques sur la plateforme. À partir du mois d’août, Airbnb s’est engagé à transmettre mensuellement aux autorités la liste des annonces publiées, et à retirer celles ne disposant pas d’un numéro de registre officiel. Les hôtes concernés disposeront d’un délai de dix jours ouvrables pour régulariser leur situation, sauf en cas de retrait d’office du numéro d’enregistrement par l’administration. Cette mesure s’inscrit dans le cadre du nouveau registre national obligatoire des logements de courte durée, entré en vigueur en juillet 2025 en application du Règlement européen 2024/1028, et destiné à améliorer la transparence du marché. Selon le ministère, plus de 255 000 demandes d’enregistrement ont été déposées à ce jour, dont près de 80% concernent des locations touristiques, principalement concentrées en Andalousie, Baléares, Canaries, Catalogne et Communauté valencienne. Airbnb affirme, de son côté, que cet accord marque un engagement renforcé en faveur de la transparence et de la coopération avec les autorités publiques.
Nouveau Plan national pour le logement : le gouvernement central a présenté les grandes lignes de son Plan national du logement 2026-2030, qui vise à tripler les investissements publics pour atteindre 6,6 Md€, avec une participation accrue des communautés autonomes à hauteur de 40%. Ce plan poursuit cinq objectifs : accélérer la construction de logements publics, rénover le parc existant (accessibilité, efficacité énergétique), faciliter l’émancipation des jeunes, réduire le taux d’effort des ménages et corriger les déséquilibres dans les zones tendues. Il s’accompagne d’engagements en matière de protection durable du logement social et de transparence des données. Face à ce projet, les communautés gouvernées par le Parti populaire (PP) ont défendu leurs propres priorités, axées sur la mobilisation du foncier, la simplification administrative, la sécurité juridique pour les propriétaires et des incitations fiscales ciblées. Le PP rejette toute intervention publique sur les loyers et appelle à réformer la loi sur le foncier pour fluidifier l’urbanisme et limiter les blocages liés aux recours juridiques.
Accès à la propriété : selon une étude du cabinet Qualis Credit Risk, l’accès à la propriété reste freiné par le niveau élevé des prix et le besoin croissant d’épargne préalable. En Espagne, un acheteur doit désormais disposer en moyenne de 43 900€ d’apport pour couvrir l’avance exigée et les frais liés à l’achat (notaire, taxes, etc.), soit près de 27% du prix total du bien. Ce montant grimpe à 78 800€ aux Baléares, 74 100 euros à Madrid et 70 500€ à Barcelone. Ces exigences excluent du marché de nombreux jeunes acheteurs pourtant solvables, mais incapables d’épargner de telles sommes, contribuant ainsi à maintenir la pression sur le marché locatif.