Situation économique et financière de Singapour
L’économie singapourienne (~547 Md USD en 2024), très ouverte au commerce et aux investissements étrangers, se caractérise par son dynamisme (+5 % de croissance en moyenne depuis vingt ans) et sa résilience qui lui a permis de renouer avec le niveau d’activité d’avant Covid dès 2021, grâce à un net rebond de la croissance (+9,8 %). Après un ralentissement en 2022 (+4,1 %), puis 2023 (+1,8 %), l’économie a rebondi de 4,4 % en 2024, grâce à la bonne tenue des exportations manufacturières et une demande intérieure restant solide. La croissance en 2025 reste, elle, sujette à évaluation du fait des impacts incertains de la politique du président Trump (entre 1 et 3 %, réévalués à 0-2%). À long-terme, le vieillissement, l’insécurité alimentaire et énergétique ainsi que l’exposition aux risques géopolitique et climatique sont les principales faiblesses auxquelles la Cité-Etat devra faire face.
1. Singapour a su tirer parti de sa situation géographique pour s’imposer comme une plaque tournante du commerce régional et mondial.
Petit pays, dépourvu de ressources naturelles, associé aux quatre « dragons » asiatiques, Singapour se caractérise par l’un des PIB par habitant les plus élevés au monde, avec près de 90 000 USD par habitant (FMI, octobre 2024). C’est aussi la 2e économie de l’ASEAN avec un PIB de ~547 Md USD. Son emplacement stratégique, à la pointe du détroit de Malacca, et au cœur de l’Asie du Sud-Est, en fait un centre névralgique du commerce régional et mondial : 2e plus grand port à conteneurs, derrière Shanghai, avec 27 ALE en vigueur (dont 12 régionaux). Cette situation lui permet de développer des activités industrielles (23 % du PIB en 2024) et financières (14 % du PIB). La cité-Etat est classée 2e place financière en Asie, derrière Hong-Kong mais devant Shanghai d’après le Global Financial Centres Index (GFCI, mars 2025) et se distingue dans la gestion d’actifs et le marché des changes (3e mondial selon la Banque des Règlements Internationaux, fin 2022) où elle talonne Hong-Kong dans les classements.
Le modèle économique singapourien repose sur une forte ouverture au commerce international et aux investissements étrangers, avec un environnement des affaires et une fiscalité attractifs. La stratégie économique proactive du gouvernement vise à organiser la montée en gamme de l’industrie et des services en attirant : i) le commerce (égal à plus de trois fois le PIB) ; ii) les investissements étrangers (quatre fois le PIB en stock d’IDE) ; et iii) la main d’œuvre étrangère (plus d’un tiers de la population active, travailleurs domestiques compris). Enfin, son cadre règlementaire et fiscal en fait une place de choix pour la localisation des profits et sièges d’entreprises dans la région : fin 2023, près de 60% des sièges régionaux asiatiques se trouvaient à Singapour selon l’Economic Development Board (EDB), l’agence chargée de promouvoir l’attractivité du pays auprès des investisseurs étrangers.
Singapour a progressivement réorienté ses échanges vers la Chine et Hong-Kong, qui représentent son 1er excédent commercial. Au cours des vingt dernières années, la part des exportations de Singapour vers la Chine et Hong Kong a fortement augmenté, de 15 à 25% des exportations totales entre 2002 et 2024, au détriment des Etats-Unis (de 15 à 9%), de l’UE (de 11 à 6%) et du Japon (de 7 à 4%), devenant son premier partenaire commercial (1er client et 1er fournisseur). En agrégat, l’ASEAN reste toutefois le 1er débouché à l’export (30 %) du fait de l’intégration commerciale régionale croissante. Les principaux produits échangés entre la cité-État et son partenaire chinois sont les produits électroniques et les semi-conducteurs, avec une part significative de réexportations.
Singapour se démarque dans le commerce de gros, la finance et l’industrie à forte valeur ajoutée. Les secteurs les plus importants de l’économie sont : i) l’industrie au sens large (23 % du PIB, avec l’électronique – en particulier les semiconducteurs -, la chimie, le biomédical et l’ingénierie de précision) ; ii) le commerce de gros (20 %) ; iii) la finance et l’assurance (14 %). Son marché intérieur étant réduit, plus des 2/3 de la production industrielle est exportée. Les revenus des exportations contribuent à alimenter un excédent courant structurel (17 % du PIB en 2024) ainsi que les réserves de change, estimées à au moins deux fois le PIB (intégrant les actifs des fonds souverains Temasek/GIC).
2. Historiquement, la croissance est volatile et étroitement dépendante du commerce extérieur de biens et services. Elle a néanmoins enregistré une performance exceptionnelle en 2024 (+4,4 %).
En 2024, la croissance a atteint +4,4 % selon le ministère du Commerce et de l’Industrie, portée par un retournement favorable de la demande mondiale en biens manufacturiers et en services. Cette performance, remarquable pour une économie avancée, a largement dépassé les prévisions— comprise entre 1 % et 3 % pour les autorités, et +2,6 % pour le FMI — allant jusqu’à bouleverser le classement habituel des économies de l’ASEAN. Singapour est ainsi devenue la 2e économie de la région (~547 Md USD), derrière l’Indonésie (1 396 Md USD) et devant la Thaïlande (527 Md USD), en partie grâce à un effet de change. À moyen terme, la cité-État devrait néanmoins être dépassée par les Philippines et le Vietnam.
En 2025, les principales incertitudes concernent l’impact de la politique de Trump sur la demande extérieure adressée à Singapour. Suite à l’annonce des droits de douane réciproques début avril, les autorités ont d’ailleurs revu leurs prévisions 2025 de 1-3 % à 0-2 %. Pour mémoire, après un rebond exceptionnel post-Covid de +9,8 % en 2021, la croissance avait ralenti à +4,1 % en 2022, puis à +1,8 % en 2023, selon le ministère du Commerce et de l’Industrie. L’économie demeure fortement dépendante de son commerce extérieur, ce qui explique sa volatilité structurelle. Elle est notamment exposée à la demande globale dans l’électronique et les semiconducteurs, mais aussi dans les services (finance, commerce).
La désinflation s’est poursuivie en 2024, avec une hausse des prix contenue à 2,4 % en moyenne annuelle. Pour mémoire, en 2023, Singapour avait déjà enregistré un recul de l’inflation à +4,8 %, contre +6,1 % en 2022, année marquée par l’envolée des cours de l’énergie et des matières premières du fait de l’impact de la guerre en Ukraine. La stabilité de la devise joue un rôle crucial dans la maîtrise des coûts à l’import, responsables de l’inflation énergétique et alimentaire. L'Autorité monétaire de Singapour (MAS) a assoupli sa politique monétaire pour la première fois en cinq ans en janvier 2025, après l’avoir resserrée à cinq reprises entre fin 2021 et fin 2022. Celle-ci utilise un cadre de politique monétaire original qui repose sur le taux de change plutôt que sur le taux d’intérêt, en contrôlant le taux de change effectif nominal du dollar singapourien par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux.
Sur le front de l’emploi, les indicateurs restent solides : le taux de chômage s’établit à 1,9 %, tandis que les revenus réels des ménages ont progressé de 2,8 % en 2024. Cette évolution intervient dans un contexte de coût de la vie particulièrement élevé, Singapour occupant la 2ᵉ place du classement Mercer 2024 des villes les plus chères au monde. Le gouvernement soutient ainsi les ménages les plus vulnérables en leur proposant des aides financières et des mesures d’accompagnement – par exemple, jusqu’à 800 SGD (~600 USD) distribué par ménage dans le budget 2025.
3. À long terme, Singapour devra faire face à des défis similaires à ceux d’autres économies avancées.
Singapour est confrontée à un phénomène de vieillissement démographique susceptible de peser à terme sur sa croissance potentielle, avec près d’un cinquième de la population déjà âgée de plus de 65 ans. Une partie de la population s’estime également lésée dans les bénéfices de la croissance, Singapour présentant un coefficient de Gini supérieur à la moyenne de l’OCDE et un nombre élevé de millionnaires, ce qui résulte en une demande croissante de dépenses sociales et de santé. Dans ce contexte, les autorités comptent sur une politique migratoire axée sur les travailleurs qualifiés – la sélection se faisant avec une hausse graduelle des salaires minimum pour l’obtention de visas - et l’importation de main d’œuvre dans l’industrie et la construction. Le gouvernement investit dans des domaines d’avenir afin de relever la productivité (Fintechs, biomédical, Agrifood tech, transition, etc.) et compte sur les revenus des placements de ses fonds souverains – dont la politique est relativement conservatrice, avec toutefois des pertes en 2022/23 du fait de prises de risques dans la Tech (-6 Md USD pour Temasek).
La forte insertion du pays dans le commerce international est à la fois un atout et une faiblesse. Singapour est l’un des pays de la région les plus intégrés aux chaines de valeurs centrées sur la Chine, dont la croissance ralentit (+4 % prévu sur les prochaines années, vs +8 % dans les années 2010). Le poids des échanges extérieurs a tendance à rendre le pays vulnérable aux chocs générés par les tensions sur les chaînes d’approvisionnement. D’autre part, la crise sanitaire a mis en lumière la dépendance du pays aux importations alimentaires, couvrant près de 90 % de ses besoins. La cité-Etat a introduit une stratégie visant à atteindre 30 % d’autonomie alimentaire d’ici 2030 mais cet objectif sera difficile à atteindre en raison de l’étroitesse du territoire et des coûts de production élevés.
Les enjeux climatiques ont une influence croissante sur la politique économique. Début 2022, la cité-État a annoncé viser la neutralité carbone autour de 2050, ce qui passera notamment par un changement de son mix électrique (95 % de gaz naturel). Singapour est aussi le 1er pays de la région à avoir introduit une taxe carbone. Alors que les hubs pétrolier, portuaire et aéroportuaire sont au cœur de l’activité économique, la transformation du modèle énergétique de Singapour est un enjeu central aujourd’hui, comme l’illustrent les nombreuses mesures annoncées pour décarboner l’activité et encourager l’usage de sources alternatives aux énergies fossiles.