Lettre Agro Japon-Corée Mai-Juin 2025
Lettre AGRO Japon – Corée
N°82 - Mai-Juin 2025
IMAGE DU MOIS : Temple Hondo-ji avec les hortensias en fleurs
Sommaire
Japon
- Le ministre de l'agriculture pose les jalons d'une difficile réforme de la filière rizicole.
- La Chine rouvre en partie son marché aux importations de produits de la pêche japonais.
- Le Japon s'oppose au projet européen d'inscrire l'anguille japonaise à la CITES.
- Les importations de produits alimentaires français repartent à la hausse.
- Les chaînes de restauration japonaises s'internationalisent pour trouver des relais de croissance.
Corée du Sud
- Le nouveau président LEE Jae-myung reconduit l'actuelle ministre de l'agriculture.
- Rebond des importations de produits agricoles et agroalimentaires français.
- Le marché coréen de la viande bovine reste dominé par les Etats-Unis et l'Australie.
Le chiffre à retenir : 35 M€
Montant des exportations de beurre français vers la Corée du Sud pour les cinq premiers mois de l'année 2025 (+42%)
Japon
Le ministre de l’agriculture pose les jalons d’une réforme de la filière rizicole qui s’annonce périlleuse.
La vente à prix réduits des stocks publics par le nouveau ministre de l’agriculture Shinjiro KOIZUMI commence à produire des effets sur le prix du riz, qui est repassé en juin sous les 4 000 yen / 5kgs. D’ici août, 800 000 tonnes de riz, sur les 900 000 tonnes stockées par les pouvoirs publics, auront été mis sur le marché, en contournant les intermédiaires traditionnels (parmi lesquels JA, la puissance fédération des coopératives) pour s’adresser directement aux distributeurs. Le ministère de l’agriculture japonais doit désormais reconstituer les stocks et a annoncé qu’il lancerait un appel d’offres pour l’achat de riz importé dès juin, anticipant le calendrier habituel (automne, une fois la récolte effectuée). Le MAFF a lancé en parallèle une enquête auprès des producteurs sur leurs prévisions de mise en culture à court et moyen terme (un, cinq et dix ans) afin d’évaluer le potentiel pour une augmentation de la production. Une incitation à augmenter la production et développer les exportations constituerait une rupture majeure avec la politique conduite par le Japon depuis plusieurs décennies, qui visait à réduire les surfaces cultivées afin d’accompagner la diminution constatée sur le temps long de la consommation domestique, et à maintenir des prix élevés au bénéfice des petits producteurs. Si le ministre KOIZUMI a souligné sa volonté de faire évoluer ce système, ses marges de manœuvre sont limitées tant le soutien des milieux agricoles est essentiel pour le parti libéral démocrate, dont la popularité est au plus bas à un mois d’importantes élections. Japan Times 1, 2, 3
La Chine rouvre partiellement son marché aux importations de produits de la pêche japonais.
La Chine avait suspendu l’ensemble des importations de produits de la pêche japonais en août 2023, en réaction au rejet d’eaux de refroidissement traitées de la centrale nucléaire de Fukushima, entraînant la perte de son 1er marché pour la filière japonaise (plus de 600 M€ par an avant la fermeture). Le Japon négocie depuis lors une réouverture du marché, mettant en avant l’absence d’impact des rejets sur la faune et la flore marine. La reprise annoncée n’inclut pas les 10 préfectures japonaises proches de la centrale de Fukushima, dont les produits étaient déjà interdits à l’export vers la Chine depuis 2011. Il n’est pas non plus certain que le marché chinois reprenne la place qu’il occupait jusqu’en 2023 pour la filière de pêche et d’aquaculture japonaise, qui a été contrainte de réorganiser ses débouchés et ses chaînes de valeur et dont de nombreux acteurs n’envisagent pas un retour à la situation précédant la suspension. Japan Times
Le Japon s’oppose au projet européen d’inscription de l’anguille japonaise à la CITES.
L'Union européenne propose l'inscription, à la Convention de Washington (CITES), de 18 espèces d’anguilles supplémentaires, dont l’anguille japonaise, en complément de l’anguille européenne déjà inscrite. Premier consommateur mondial d’anguilles, dépendant à 70 à 80% d’importations principalement en provenance de Chine, le Japon s’oppose fermement à cette initiative. L’Agence japonaise des pêches a transmis en mai une déclaration à l’Union européenne affirmant que les ressources sont suffisantes et qu’il n’y a pas de risque d’extinction lié au commerce international. L’anguille japonaise fait toutefois l’objet d’inquiétudes de longue date quant à l’état de ses ressources, et son inscription à la Convention de Washington a déjà été envisagée. Les principaux pays pêcheurs (Chine, Japon, Taïwan, Corée du Sud) affirment avoir renforcé la gestion internationale des ressources, notamment en fixant des quotas d’alevins pour l’aquaculture. Cependant, des préoccupations subsistent quant à l’application rigoureuse des mesures, la Chine ayant, selon certains observateurs, prélevé 85 tonnes de civelles en 2025, soit plus du double de la limite annuelle fixée à 36 tonnes. Fin juin, l’Union européenne a transmis sa proposition au secrétariat de la CITES. Celle-ci devrait être examinée lors de la 20e Conférence des Parties (CoP20) prévue fin novembre. Son adoption nécessitera une majorité des deux tiers des votes exprimés. Nikkei, NHK
Les importations de produits alimentaires français repartent à la hausse.
Selon les douanes japonaises, les importations de produits agricoles et agroalimentaires français par le Japon se sont élevées à 716 M€ sur la période janvier-mai, soit une hausse de 10% par rapport à la même période en 2024 - pour un total qui reste cependant inférieur aux cinq premiers mois de 2023 (738 M€). Le poste des vins repart à la hausse avec 338 M€ (+9% en g.a.) grâce à un rebond des vins mousseux (+18% en valeur, +17% en volume), alors que les vins tranquilles s’inscrivent en léger recul en valeur (-3%) même s’ils progressent légèrement en volume (+2%). On observe également une forte hausse sur les produits à base de cacao, à 30 M€ (+60% en g.a.). Les autres principaux postes sont quasiment stables : les préparations à base de céréales (dont produits de boulangerie) reculent de 3% en valeur à 43 M€ et les produits laitiers de 4% (36 M€), tandis que les viandes progressent de 4% à 43 M€. Sur les 12 derniers mois, les importations de produits français s’élèvent à 1,82 Md€, en légère hausse (+1%) ; la France est sur la période le 12e fournisseur du Japon, avec une part de marché quasiment stable à 2,6% (1er fournisseur européen hors tabac). TDM/Douanes japonaises
Les chaînes de restauration japonaises s’internationalisent pour trouver des relais de croissance.
Selon le ministère japonais de l’agriculture, de la forêt et des pêches (MAFF), le nombre de restaurants de cuisine japonaise hors de l’archipel a triplé en dix ans, s’élevant à 187 000 en 2023. L’international attire de plus en plus les acteurs japonais de la restauration - 40% des entreprises japonaises interrogées par le journal Nikkei déclaraient ainsi envisager de s’étendre à l’étranger et plusieurs chaînes de restauration portent des plans de développement ambitieux : Zensho Holdings prévoit ainsi d’augmenter de 30% ses implantations hors du Japon, pour atteindre 13 000 restaurants en 2028, soit trois fois le nombre de points de vente prévus au Japon à cette date ; Food and Life, qui opère la chaîne de restaurants de sushis sur tapis roulant (kaitenzushi) Sushiro prévoit de son côté une hausse de 70% de ses implantations à l’étranger d’ici septembre 2026 ; Toridoll Holdings (enseigne Marugame Udon) ambitionne de se développer au Moyen-Orient en augmentant de 36% ses points de vente d’ici 2028. Ce mouvement répond aux difficultés rencontrées par les acteurs japonais pour se développer sur leur marché domestique, affecté par un manque prononcé de main-d’œuvre, une difficulté plus grande à répercuter les hausses de coûts sur les consommateurs et, en parallèle, une diminution et un vieillissement de la population qui limite les marges de croissance. Nikkei
Corée du Sud
Le nouveau président Lee affiche son pragmatisme en reconduisant la ministre de l’agriculture en exercice.
Lee Jae-Myung a créé la surprise en reconduisant la ministre de l’agriculture Song Mi-ryeong, nommée en 2023 par son prédécesseur, qui a été destitué à la suite d’une tentative avortée d’instaurer la loi martiale. Cette reconduction, inédite pour la démocratie coréenne, a soulevé des critiques au sein du parti démocrate auquel appartient le président car Song Mi-ryeong s’était opposée au projet de loi sur les céréales défendu par le parti démocrate lors de la précédente mandature. Le précédent président avait opposé son veto à ce projet, qui prévoyait une obligation d’achat de riz par le gouvernement lorsque les cours baissaient en deçà d’un seuil défini. Il avait été critiqué comme populiste, coûteux et de nature à aggraver les déséquilibres structurels d’une filière rizicole déjà très protégée. En matière agricole, la campagne présidentielle n’avait pas mis en lumière de différences majeures d’approche, favorisant une forme de continuité dans la politique agricole. Le président Lee avait, comme son prédécesseur, mis l’accent sur le rôle de l’agriculture intelligente et des nouvelles technologies pour faire face aux défis du monde agricole, tout en affichant une volonté de renforcer les dispositifs d’indemnisation des agriculteurs face aux dégâts des intempéries. MAEIL
Rebond des importations de produits agricoles et agroalimentaires français par la Corée du Sud entre janvier et mai.
La valeur de produits importés depuis la France sur ces postes atteint 282 M€ sur les cinq premiers mois de l’année, en hausse de 7% en glissement annuel. Les produits laitiers atteignent 72 M€, tirés par les bons résultats du beurre (35 M€, +42%) et devancent désormais les vins, toujours orientés à la baisse en valeur (-5% à 57M€) malgré des volumes repartant à la hausse (+8%). On observe sur la période une stabilité en valeur des produits à base de céréales (+4% à 16 M€) comme des préparations alimentaires (glaces), qui reculent de 2% en valeur. Sur 12 mois glissants, la France est le 14e fournisseur alimentaire de la Corée (3e européen derrière l’Espagne et l’Allemagne), avec 672 M€ d’importations et des parts de marché stables à 1,8%. TDM / Douanes coréennes
Le marché de la viande bovine en Corée du Sud reste dominé par les Etats-Unis et l’Australie, avec des opportunités limitées pour l’Union européenne.
Selon l’analyse du Département de l’Agriculture des Etats-Unis (United States Department of Agriculture, USDA), malgré une baisse anticipée de 2% de la consommation intérieure, les flux importés en Corée du Sud de viande bovine devraient rester stables en 2025, autour de 570 000 tonnes équivalents carcasses (tec). Les deux principaux fournisseurs en viande bovine de la Corée du Sud restent les Etats-Unis (47% des importations en volumes en 2024) et l’Australie (46%), tandis que les quatre Etats membres de l’Union européenne (UE) autorisés à exporter de la viande bovine vers la Corée du Sud (Danemark, Pays-Bas, Irlande, France) pèsent moins de 0,2% des exportations. Les exportations australiennes ont connu une progression de 10% au premier trimestre 2025 par rapport à la même période en 2024. Cependant, leur développement est freiné par le quota de sauvegarde de 192 206 tonnes imposé dans le cadre de l’accord de libre-échange entre la Corée du Sud et l’Australie (KAFTA), au-delà duquel des droits de douane de 24% s’appliquent sur la viande bovine australienne. En 2024, l’Australie a exporté 200 545 tonnes de viande bovine vers la Corée du Sud, soit déjà 8000 tonnes au-delà du quota de sauvegarde. S’agissant des Etats-Unis, malgré une baisse historique du cheptel bovin, à son plus bas niveau depuis 1951, les exportations américaines pourraient reprendre l’avantage dès janvier 2026 avec la suppression annoncée des droits de douane de 2,6% sur le bœuf américain dans le cadre de l’accord de libre-échange existant entre les Etats-Unis et la Corée du Sud, alors que les Etats-Unis ne sont déjà pas limités par un quota de sauvegarde. Quant à elle, l’Union européenne dispose d’un quota de sauvegarde de 12 555 tonnes. La Corée du Sud applique 5% de droits de douane sur la viande bovine réfrigérée ou congelée en deçà de ce quota, et 24% au-delà. Ce seuil est encore loin d’avoir été atteint, puisqu’au plus l’Union européenne (essentiellement le Danemark) a exporté environ 1 100 tonnes vers la Corée du Sud en 2022. Dans ce contexte, l’Irlande, qui a obtenu la réouverture de ce marché en 2024 en même temps que la France, poursuit activement ses efforts de promotion. Le ministre irlandais en charge de l’agriculture, Martin Heydon, s’est ainsi rendu en juin à Séoul à la tête d’une délégation professionnelle afin de renforcer la présence de la viande bovine irlandaise sur le marché sud-coréen. Toutefois, les volumes restent modestes : 87 tonnes de bœuf irlandais entre janvier et mai 2025, pour une valeur de 580 000€. ArgusMedia, JoongAng Daily, TDM, Access2Markets
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Rédigé par : Le pôle agriculture et alimentation du Service économique régional de Tokyo et le Service économique de Séoul.
Contacts : Jérôme PERDREAU, Conseiller agricole, jerome.perdreau@dgtresor.gouv.fr
Claudine GIRARDO,Conseillère agricole référente SPS claudine.girardo@dgtresor.gouv.fr
Ryoko ISODA, Attachée sectorielle au pôle agriculture et alimentation ryoko.isoda@dgtresor.gouv.fr Marie COLLARD, Chargée de mission au pôle agriculture et alimentation marie.collard@dgtresor.gouv.fr
Jina AHN, Attachée économique, SE de Séoul jina.ahn@dgtresor.gouv.fr
Illustration : pôle agro SER Tokyo