En 2024, les échanges totaux de biens entre la France et l’ASEAN reculent pour la 2e année consécutive (-5,9 %), à 35 Md EUR. Si les importations restent relativement stables (+1,1 %), le net repli des exportations françaises (-14,7 %) creuse notre déficit commercial à -6,4 Md EUR (contre -3,7 Md en 2023), marquant la 10e année consécutive de déficit. Trois secteurs concentrent l’essentiel du recul : l’aéronautique (-33 %), le textile-habillement-cuir-chaussures (-39 %) et les boissons alcoolisées (-20 %). Singapour demeure notre 1er client et hub de réexportation (excédent bilatéral de 4,9 Md EUR, 2e au niveau mondial après le Royaume-Uni), tandis que le Vietnam reste notre 1er fournisseur (déficit bilatéral de 5,5 Md EUR, environ un tiers de nos importations), essentiellement en textile et électronique.

1. Forte contraction des exportations de biens en 2024 (14,3 Md EUR, -14,7 %)

À 14,3 Md EUR, les exportations vers l’ASEAN s’inscrivent dans la moyenne des dix dernières années (14,6 Md EUR) mais se replient nettement (-14,7 %), interrompant la dynamique de l’année 2023 (16,8 Md EUR, +11,5 %). La région reste notre 6e client mondial (2,4 % de nos ventes), derrière l’UE, les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni et la Suisse. Singapour en reste le principal débouché, concentrant 53 % de nos exportations régionales (7,6 Md EUR), malgré une forte baisse (-24 %), suivi de la Thaïlande (11 %, soit 1,5 Md EUR, -12 %). En revanche, nos exportations progressent vers le Vietnam (11 % du total, 1,5 Md EUR, +26 %) et la Malaisie (également 10 %, 1,4 Md EUR, +15 %). Ces quatre marchés représentent plus de 80 % de nos ventes, suivis par l’Indonésie (8 %), les Philippines (7 %), et dans une moindre mesure le Cambodge (1 %), la Birmanie (0,3 %), le Brunei (0,1 %) et le Laos (0,1 %).La structure sectorielle de nos exportations reste dominée par les industries à forte valeur ajoutée, à l’instar de l’aéronautique et de l’électronique, mais plusieurs filières stratégiques enregistrent de fortes baisses en 2024 :

  • Produits informatiques, électroniques et optiques : Avec 1,9 Md EUR exportés (13 % du total), le secteur reste stable (+0,9 %). Les composants et cartes électroniques (1,2 Md EUR, +1,3 %) en forment les deux tiers et sont principalement destinés à Singapour (~80 %), où est notamment basée l’entreprise française STMicroelectronics.
  • Aéronautique : Ce secteur reste essentiel, représentant 1,8 Md EUR (13 % des exportations), mais subit un repli important (-33 %), avec un poids bien inférieur à celui observé avant la crise sanitaire (32 % en 2019). Singapour est notre principal client (0,7 Md EUR, -48 %). Quelques livraisons, comme un A330 Neo à Malaysia Airlines (0,3 Md EUR) ou trois A320 Neo à VietJet (0,2 Md EUR), ont néanmoins permis de limiter le recul dans certains pays. La baisse globale reflèterait davantage des retards de production qu’un fléchissement de la demande – comme en témoigne la réduction de l’objectif de production d’Airbus au niveau mondial (de 800 à 770 – 766 avions ont finalement été livrés).
  • Luxe et « retail » au sens large : Les performances sont contrastées. Les parfums et cosmétiques (1,7 Md EUR, 12 % du total) progressent légèrement (+3 %), de même que les articles de joaillerie (0,2 Md EUR, +7 %). En revanche, les exportations de textiles, habillement, cuir et chaussures (1,6 Md EUR, 11 %) s’effondrent (-39 %), probablement en lien avec un effet de base défavorable et une certaine frilosité des consommateurs régionaux.
  • Boissons alcoolisées : Ce secteur, essentiellement composé de vins et spiritueux (plus de 90 % du total), chute à 1,2 Md EUR (-20 %). Les vins reculent de 17 %, et les spiritueux de 26 %, affectés, entre autres, par les tensions commerciales entre la Chine et l’UE sur le cognac. Les distributeurs chinois pourraient avoir accumulé des stocks en 2023 en anticipation des tarifs chinois appliqués en octobre 2024 (taux variant entre 30 % et 39 %).
  • Agroalimentaire (hors boissons) : stable à 0,8 Md EUR (6 %), ce secteur affiche un recul des produits laitiers (0,3 Md EUR, -3,5 %), compensé par une hausse des ventes de viandes de boucherie (0,1 Md EUR, +19,6 %).
  • Pharmaceutique : Avec 1,2 Md EUR exportés (8 %), ce poste connaît une baisse significative (-12 %).
  • Autres secteurs industriels : Les machines diverses, produits manufacturés, plastiques et caoutchouc enregistrent un recul moyen de 2 %.

 

2Des importations relativement stables (+1,1 %), mais à un niveau élevé (20,8 Md EUR)

Les importations atteignent 20,8 Md EUR en 2024, en légère hausse (+1,1 %). L’ASEAN demeure notre 5e fournisseur mondial (3,1 % des importations françaises), après l’UE, la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni. Le Vietnam reste notre 1er fournisseur régional, avec 7,0 Md EUR importés (+8,5 %), représentant 34 % du total. Nos achats en provenance de ce pays sont particulièrement concentrés sur les produits textiles (54 % du total importé de l’ASEAN pour cette catégorie) et électroniques (33 %). En dehors du Vietnam, les importations augmentent depuis la Thaïlande (3,5 Md EUR, +1,3 %), l’Indonésie (2,2 Md EUR, +3,1 %) et le Cambodge (1,3 Md EUR, +13,3 %), mais reculent depuis la Malaisie (2,8 Md EUR, -9,8 %) et les Philippines (0,9 Md EUR, -12,8 %). Les variations sont plus volatiles pour les pays à faibles volumes, comme la Birmanie (-28,5 %) et le Brunei (+86,7 %).Par secteur, il s’agit surtout de biens manufacturés de moyenne technologie et ceux de consommation courante :

  • Textile-habillement-cuir-chaussures : À 5,8 Md EUR (+6,6 %), ce poste représente 28 % des importations françaises depuis l’ASEAN et même 15 % des importations françaises mondiales dans cette catégorie. La progression est tirée par le Vietnam (3,1 Md EUR, +10,6 %) et l’Indonésie (0,8 Md EUR, +7,0 %).
  • Produits informatiques et électroniques : Ce poste reste stable à 4,8 Md EUR (-0,6 %, 23 % du total), avec une forte hausse des importations d’ordinateurs et de téléphones (2,8 Md EUR, +14,1 %), dont 0,8 Md EUR depuis le seul Vietnam. Le regain des imports dans cette catégorie s’inscrirait en phase avec une demande globale accrue pour l’IA et les data centers. À l’inverse, les importations de semi-conducteurs chutent à 0,8 Md EUR (-37 %), en particulier depuis la Malaisie.
  • Machines industrielles et agricoles/machines diverses : Ces produits reculent à 1,5 Md EUR (-8,8 %, soit 7 % du total), la Thaïlande restant notre principal fournisseur dans ce secteur (0,4 Md EUR), devant la Malaisie et Singapour. Comme à l’échelle globale, ce recul des importations traduirait un recul de l’investissement des entreprises françaises.
  • Équipements électriques et électroménagers : Nos achats diminuent de 12,7 %, à 1,3 Md EUR (6 % du total).

 

3. Quasi-doublement du déficit commercial entre 2023 et 2024, de -3,7 Md EUR à -6,4 Md EUR

La forte baisse de nos exportations, conjuguée à la stabilité des importations, engendre une dégradation de notre balance commerciale. Celle-ci affiche en 2024 le 2e déficit le plus important jamais enregistré (-6,4 Md EUR), après celui de 2022 (-7,9 Md EUR, dans un contexte de flambée des prix de l’énergie). Ce déficit, structurel depuis dix ans, s’explique cette année encore par les difficultés de livraison dans l’aéronautique, le recul des ventes de certains produits du luxe, ainsi que des boissons alcoolisées, dans un contexte de tensions commerciales entre l’UE et la Chine et de consommation régionale probablement davantage sensible à l’inflation. Si notre excédent commercial avec Singapour demeure élevé (+4,9 Md EUR), il a diminué d'environ un tiers et reflète avant tout le rôle de hub commercial joué par la cité Etat. Bien qu'il constitue notre deuxième excédent au monde, après le Royaume-Uni, il ne permet pas de compenser les déficits vis-à-vis des autres pays de l’ASEAN : Vietnam (-5,5 Md EUR), Thaïlande (-2 Md EUR), Malaisie (-1,4 Md EUR), Cambodge (-1,2 Md EUR), Indonésie (-1,1 Md EUR), Birmanie (-0,3 Md) et, dans une moindre mesure, Laos (-34 M EUR) - les autres excédents étant marginaux : +0,1 Md EUR avec les Philippines et +13 M EUR avec le Brunei.La détérioration de notre déficit avec l’ASEAN contraste avec l’amélioration relative du commerce extérieur global de la France, dont le déficit se réduit à 81 Md EUR en 2024, après 100 Md EUR en 2023. Si les exportations aéronautiques restent encore inférieures aux niveaux pré-Covid (~90 %), elles affichent une reprise plus dynamique à l’échelle mondiale que dans l’ASEAN, où le niveau de récupération n’atteint qu’environ ~35 % par rapport à 2019. Du côté des importations, la baisse au niveau global (-4 %) provient pour près des deux tiers d’un recul de la facture énergétique (-20 %), concentrée essentiellement sur des flux en provenance de pays hors ASEAN (ex : États-Unis).