En 2024, le Vietnam a accueilli pour 38,2 Mds USD de flux d’IDE (+4,4%) - un record – pour un stock estimé à 502,8 Mds USD (no. 3 en ASEAN). Plusieurs mesures importantes ont été prises en 2024 afin de concrétiser la volonté des autorités d’attirer des investissements à plus forte valeur ajoutée. Elles interviennent néanmoins dans un contexte international particulièrement complexe.

En 2024, le Vietnam a accueilli pour 38,2 Mds USD de flux d’IDE (+4,4%) - un record – pour un stock estimé à 502,8 Mds USD (no. 3 en ASEAN). Avec 92 Mds USD d’investissements dans le pays, la Corée du Sud demeure le premier investisseur étranger devant Singapour et le Japon ; les investissements chinois, Hong Kong inclus, connaissent une progression récente et rapide (14% du stock en 2024, 9% en 2014). Plus des deux tiers de ces investissements sont dirigés vers la production industrielle, souvent des tâches d’assemblage. Plusieurs mesures importantes ont été prises en 2024 afin de concrétiser la volonté des autorités d’attirer des investissements à plus forte valeur ajoutée. Elles interviennent néanmoins dans un contexte international particulièrement complexe.

 

1. En 2024, selon les données vietnamiennes, le Vietnam a accueilli pour 38,2 Mds USD de flux d’IDE (+4,4% au total ; 3 375 nouveaux projets, +5,9%[i]), un montant en deçà de l’objectif fixé (39-40 Mds USD), mais qui marque néanmoins un record historique pour le pays. Les chiffres du CNUCED, sensiblement inférieurs, font pour leur part état de 18,5 Mds USD de flux d’IDE vers le Vietnam en 2023 (dernières données disponibles), faisant du pays le troisième plus important récipiendaire d’IDE en ASEAN derrière Singapour (par lequel transitent de nombreux flux) et l’Indonésie (21,6 Mds USD). Ce succès s’explique par le positionnement géographique du Vietnam au cœur de l’Asie (principal récipiendaire d’IDE en 2023), dont le pays a su tirer profit en se plaçant au centre d’un réseau d’accords de libre-échange[ii]. Couplée à une compétitivité-coût (main d’œuvre, énergie, intrants, etc.) très forte et à la stabilité politique dont jouit le pays, ce positionnement a fait du Vietnam une destination courue des multinationales produisant pour l’export, en particulier dans le cadre de stratégies « Chine+1 » de plus en plus pratiquées depuis le premier mandat de D. Trump[iii]. Les IDE effectivement décaissés en 2024 ont atteint 23,4 Mds USD (+0,7%). Cette tendance haussière s’est poursuivie en 2025, avec 18,4 Md USD de flux d’IDE accueillis au cours des cinq premiers mois de l’année (+51,2 % en g.a.), mais une chute marquée des montants associés aux nouveaux projets d’investissements (-13,2%).

2. En cours de diversification, le stock d’IDE accueilli au Vietnam a été multiplié par deux en dix ans pour atteindre 502,8 Mds USD en 2024 selon les données vietnamiennes. Les chiffres du CNUCED, estiment pour leur part le stock d’IDE au Vietnam à 229 Mds USD en 2023, plaçant le Vietnam au troisième rang régional, toujours derrière Singapour et l’Indonésie. Avec 92 Mds USD d’investissements (chiffres vietnamiens) dans le pays, la Corée du Sud demeure le premier investisseur étranger au Vietnam, du fait notamment des investissements réalisés par Samsung (23 Mds USD investis dans le nord du pays, essentiellement dans l’assemblage de produits électroniques). Suivent Singapour (83 Mds USD), cité-Etat par laquelle transitent néanmoins de nombreux flux (dont notamment les importants investissements du taïwanais Foxconn vers le Vietnam[iv]), le Japon (77,6 Mds USD) et la Chine, Hong Kong inclus (69,5 Mds). La dépendance aux investissements coréens (23,4 % des stocks en 2014, 18,2% en 2024) se réduit, à mesure que progresse rapidement la présence d’autres investisseurs, essentiellement asiatiques. C’est en particulier le cas des investissements chinois, Hong Kong inclus (25% en 2023 et 24% en 2024), malgré la vigilance particulière dont ils font l’objet dans le pays[v]. Ils constituent près de 14% des stocks d’IDE en 2024, contre 9% en 2014[vi].

3. Le stock d’investissement français au Vietnam est compris entre environ 1 et 4 Mds USD, faisant de notre pays le 16ème investisseur étranger au Vietnam (deuxième européen). Les données sur le volume des IDE français au Vietnam varient fortement selon les sources : alors que la Banque de France estime à 926 M EUR le stock net d’IDE français au Vietnam en 2023 (dernières statistiques disponibles), les statistiques vietnamiennes l’évaluent à 3,9 Mds USD fin 2024 (pour 700 projets, soit 22 de plus qu’en 2023). Les données vietnamiennes placent ainsi la France au 16ème rang des principaux investisseurs étrangers dans le pays (0,8% du stock) et au deuxième rang européen derrière les Pays-Bas[vii]. Entre 2019 et 2024, la part des IDE d’origine européenne dans le stock d’IDE vietnamien est demeurée stable (6%), mais la contribution de la France à ces IDE a substantiellement décru, passant de 17% en 2019 à 13% en 2024. En flux, en 2024, la France n’était d’ailleurs que le cinquième investisseur européen au Vietnam (52,5 M USD selon les données vietnamiennes) derrière les Pays-Bas (546 M USD), le Luxembourg (140 M USD), l’Allemagne (120 M USD) et le Danemark.

4. Plus des deux tiers des investissements entrants prennent la direction du secteur de la production industrielle. En 2024, plus des deux tiers des flux entrants (25,6 Mds USD, soit 66,9% du total) ont pris la direction de l’industrie manufacturière, une proportion record, qui vient encore renforcer la part des investissements industriels dans le stock d’IDE du pays (61% en 2024). Parfois eux-mêmes liés aux investissements industriels, l’immobilier (12,8%) et la production et l’approvisionnement en électricité, eau, etc. (6,5%) complètent le podium des secteurs les plus attractifs. Malgré la volonté du Vietnam de se positionner comme nouveau centre d’innovation en ASEAN et quelques transactions fortement médiatisées dans ce secteur (acquisition de VinBrain par Nvidia en décembre 2024 et de VinAI par Qualcomm en avril 2025), les IDE dans les sciences et technologies (403 projets ; 3,5% des flux en valeur) et les NTIC (291 projets ; 1,1% des flux) peinent à décoller. Certains récents investissements « industriels » de Samsung, GoerTek, AWS, etc. portent néanmoins sur des tâches industrielles de sophistication croissante. Souvent mus par des logiques « Chine+1 », un nombre croissant de ces investissements sont dirigés vers le Nord du pays, renforçant son intégration avec les chaines de valeur de Chine du sud, d’où sont issus de nombreux intrants[viii].

5. Les autorités vietnamiennes cherchent à optimiser les flux entrants afin qu’ils bénéficient davantage à la montée en gamme du tissu industriel local. Le commerce extérieur du Vietnam est dépendant des investissements étrangers (71,3% des exportations proviennent d’entreprises étrangères), qui restent surtout attirés par le Vietnam comme base de production à faible coût. Ainsi, d’après la Banque Mondiale, les activités de production réalisées dans le pays ne représentent que 15% de la valeur ajoutée des produits électroniques exportées. Par ailleurs, le tissu industriel local, est très faiblement intégré dans les chaines d’approvisionnement des grandes multinationales implantées dans le pays. A titre d’exemple, Samsung, pourtant présent dans le pays depuis 2008, ne compte toujours aucun fournisseur vietnamien en 2024. Afin d’attirer les IDE dans des secteurs à plus forte valeur ajoutée, le Vietnam a dévoilé deux programmes de formation des ressources humaines dans les semi-conducteurs (septembre 2024, objectif de formation de 50 000 ouvriers spécialisés d’ici 2030[ix]) et dans les « hautes technologies » (mai 2025, objectif de formation de 80 000 étudiants/an dans les NTIC d’ici 2030). Afin de compenser l’entrée en vigueur de l’impôt minimal global sur le revenu des sociétés, les autorités ont aussi mis en place, le 31 décembre 2024, un Fonds de soutien aux investissements (ISF) permettant aux grands groupes de bénéficier de subventions pour leurs investissements en R&D, en formation, ainsi que pour leurs investissements productifs dans des secteurs technologiques.

6. L’attractivité du Vietnam pourrait être contrariée par les efforts de reshoring des puissances industrielles et la mise en exécution des menaces douanières de l’administration Trump. En effet, les exportations vietnamiennes vers les Etats-Unis sont, depuis avril 2025, menacées de droits de douane à hauteur de 46%. Si elle est mise à exécution, cette menace pourrait rediriger une large part des flux d’IDE vers les concurrents régionaux du Vietnam ou le Mexique[x]. Par ailleurs, les principaux partenaires commerciaux du pays (Etats-Unis, Europe, Chine) cherchent à rapatrier sur leur sol les industries les plus stratégiques (semi-conducteurs, minerais critiques, santé, etc.) et déploient pour cela des moyens financiers que le Vietnam rechigne encore à mobiliser. D’autres facteurs, endogènes cette fois-ci, sont aussi susceptibles de freiner la montée en gamme espérée des investissements entrants. C’est notamment le cas des limites des infrastructures vietnamiennes, qui renchérissent les coûts logistiques, ainsi que du sous-développement des services aux entreprises (finance, propriété intellectuelle, etc.) susceptibles d’enrichir la valeur des biens produits localement. D’autant que les autorités demeurent principalement évaluées à l’aune de leur capacité à atteindre les objectifs quantitatifs fixés par la planification[xi].

 

Si le Vietnam est sans conteste l’un des territoires les plus attractifs de la région pour les investissements étrangers, ces derniers ont échoué à faire émerger un véritable tissu industriel local. Le pays demeure ainsi cantonné en bas des chaînes de valeur mondiales et vulnérable à d’éventuelles évolutions dans les stratégies des multinationales présentes sur son territoire. Si ce constat est bien connu et très largement par les décideurs vietnamiens, les premières mesures concrètes en vue d’y faire face n’ont été prises que très récemment. Leur succès dépendra en large partie de l’issue des négociations commerciales en cours avec l’administration Trump et de la capacité du paysà mener à bien rapidement les ambitieux efforts de formation et à approfondir les réformes amorcées ces derniers mois.



[i] En 2024, le Vietnam a attiré un montant total de 38,2 Mds USD (+4,4%). Ce montant correspondant à des investissements dans 3 375 nouveaux projets (19,7 Mds USD ; -0,3%), 1 539 projets existants (14 Mds USD ; +77,2%), ainsi qu’à 3 502 prises de participation au capital d’entreprises vietnamiennes (4,5 Mds USD ; -47,3%).

[ii] Les 17 accords commerciaux auxquels le pays est parti couvrent désormais 53 pays représentant près de 87% du PIB mondial et environ 85% des importations et 70% des exportations du pays.

[iii] Pour mémoire les exportations du Vietnam vers les Etats-Unis ont été multiplié par 2,5 depuis 2018.

[iv] Au moins 8,5% des stocks d’IDE vietnamiens proviennent de paradis fiscaux – Îles vierges britanniques, Îles Samoa, Îles Caïmans – ; les chiffres fournis dans cette note au sujet des principaux investisseurs doivent donc être pris avec précaution.   

[v] D’après la Loi sur les investissements (2020), les investissements – qu’il s’agisse d’acquisition ou d’investissements greenfield, de la part d’une entreprise vietnamienne comme étrangère - dans certains secteurs de l’économie doivent obtenir l’approbation de l’Assemblée Nationale (terrains d’une superficie supérieure à un certain seuil, nucléaire, etc.), du Premier Ministre (aéroports, terminaux portuaires, réseaux télécom, etc.), ou des comités populaires au niveau provincial (projets en bord de côte, etc.). Un avis conforme du ministère de la défense et du ministère de la Sécurité publique doit être rendu. Mais cette loi ne couvre pas l’ensemble des secteurs sous surveillance et c’est souvent via des canaux informels que les entreprises apprennent si elles sont autorisées à investir au Vietnam ou à collaborer ou vendre certains actifs avec un investisseur étranger[v]. Par exemple, depuis au moins 2022, les autorités sont aussi préoccupées par les risques de perturbation du réseau susceptibles d’être générés par certains composants d’éoliennes produits en Chine[v]. Enfin, certaines zones géographiques sont étroitement surveillées : depuis quelques années, les investissements chinois, par exemple à Danang (ville à laquelle sont rattachés plusieurs ilots des Paracels, revendiqués par Hanoï, Pékin et Taïpei), font l’objet d’une attention particulière, y compris dans des secteurs a priori anodins comme l’immobilier. Voir : « Les paradoxes de la sécurité économique au Vietnam », SE de Hanoi, juin 2024.

[vi] Les statistiques vietnamiennes ne recensant que l’investisseur direct et non l’investisseur ultime, ces chiffres sont néanmoins susceptibles d’être nourris par les investissements réalisés par des entreprises étrangères depuis leur filiale chinoise ou hongkongaise, par exemple dans le cadre de stratégies de diversification (« Chine+1 »).

[vii] Les chiffres néerlandais intègrent de nombreux flux issus d’autres Etats-membres et ne reflètent pas l’influence économique néerlandaise dans le pays[vii], tandis que celui d’autres investisseurs européens - l’Allemagne, en particulier – dont les investissements transitent via les Pays-Bas, apparaît sous-estimé. Environ 125 entreprises néerlandaises sont implantées au Vietnam. Les principales sont Heineken (boissons alcoolisées), FrieslandCampina (produits laitiers) et DeHeus (alimentation animale). Plus de 500 entreprises allemandes opèrent au Vietnam ; les investissements allemands les plus importants sont Messer (gaz industriels – 511 M USD), Bosch (équipements industriels - 460 M USD ; cet investissement transite par Rotterdam, aux Pays-Bas) et Stada (produits pharmaceutiques - 250 M USD). Voir : « Les IDE français au Vietnam : densification, diversification et (lent) déclassement », SE de Hanoi, février 2025.

[viii] En 2025, Bac Ninh (5,1 Mds USD), Haiphong (4,9 Mds USD), Quang Ninh et Hanoi ont figuré au 1er, 2ème, 4ème et 5ème rang des territoires ayant reçu les plus importants montants d’IDE. Dans le sud, Ho Chi Minh-ville (3 Mds USD) et Binh Duong se sont classés 3ème et 6ème.

[ix] Voir : « Semi-conducteurs : le Vietnam peut-il se positionner ? », SE de Hanoi, décembre 2024.

[x] Indonésie (32%), Malaisie (24%) ou Philippines (17%), notamment.

[xi] 150-200 Mds sur la période 2021-2025, 200-300 Mds sur la période 2026-2030.