Pakistan - Veille hebdomadaire du 09/05/2025
Le FMI confirme la tenue d’un Conseil d’administration le 9 mai consacré au Pakistan
Le 8 mai 2025, le Fonds monétaire international (FMI), à travers une déclaration à la presse pakistanaise de son bureau de représentation à Islamabad, a confirmé que son conseil d’administration se réunirait le 9 mai pour examiner la première revue du programme en cours au titre d’une Facilité Élargie de Crédit d’un montant de 7 Mds USD (EFF – Extended Fund Facility), ainsi qu'un nouveau prêt de 1,3 Md USD destiné à renforcer la résilience face aux conséquences du changement climatique dans le cadre de la Facilité pour la Résilience et la Soutenabilité (RSF – Resilience and Sustainability).
Le FMI a également appelé à une désescalade dans la crise entre l'Inde et le Pakistan et souhaité une résolution pacifique du conflit (“We hope for a peaceful resolution and de-escalation between the two parties”). Cette déclaration intervient alors que les deux nations sont engagées dans une escalade militaire préoccupante, suite à l'attaque survenue le 22 avril à Pahalgam dans la région du Cachemire.
Les agences de notation Moody’s et S&P alertent sur les risques de la crise actuelle sur la croissance
Les tensions militaires récentes entre l’Inde et le Pakistan font craindre une détérioration de la stabilité économique régionale, selon les agences de notation S&P Global Ratings et Moody’s. S&P avertit qu’une escalade prolongée du conflit pourrait accroître les risques de crédit souverain pour les deux pays. Bien qu’elle n’envisage pas de dégradation immédiate des notations, elle souligne qu’un conflit mal maîtrisé pourrait aggraver les déséquilibres économiques du Pakistan et affecter la perception des investisseurs étrangers vis-à-vis de l’Inde.
De son côté, Moody’s estime que ces tensions pourraient nuire à la croissance économique du Pakistan, déjà fragile, en détournant l’attention des autorités des réformes économiques et en augmentant l’incertitude. L’agence souligne également que les dépenses militaires supplémentaires, potentiellement engagées par l’Inde, pourraient compromettre sa trajectoire de réduction du déficit budgétaire. Les deux agences considèrent que la situation actuelle, marquée par des gestes diplomatiques hostiles comme la suspension d’accords bilatéraux (retrait unilatéral de l’Inde du Traité sur les eaux de l’Indus – Indus Water Treaty – de 1960), augmente les risques géopolitiques et pourrait freiner les efforts de stabilisation économique dans la région.
La Banque centrale recommande aux banques commerciales une vigilance sur les sorties de devises étrangères
La Banque centrale (State Bank of Pakistan – SBP) a demandé aux banques commerciales de surveiller les mouvements de sorties de devises étrangères, cherchant ainsi à prévenir une possible fuite de capitaux et à maintenir la stabilité financière du pays.
Malgré l’escalade de la crise entre le Pakistan et l’Inde, on n’observe pas à ce jour de mouvements anormaux sur le marché des changes : l’écart entre les taux de change officiels et parallèles demeure stable, ce qui indique une absence de hausse significative de la demande en dollars.
Cependant, des inquiétudes subsistent concernant les transferts de migrants, car plus de 90 % des transferts vers le Pakistan transitent par des entreprises de change indiennes, en particulier en provenance des pays du Golfe. En cas de conflit prolongé, ces canaux pourraient être perturbés, affectant ces flux financiers qui sont essentiels pour l’équilibre du compte courant du Pakistan.
Impact de la crise sur le commerce bilatéral et régional
L’Inde et le Pakistan ont pris des mesures réciproques affectent le commerce entre les deux pays. Le 4 mai 2025, le ministère pakistanais du Commerce a décidé d’interdire l’importation de marchandises en provenance d’Inde par tous les moyens de transport, y compris la voie maritime, terrestre et aérienne. Cette interdiction concerne également les biens en transit à travers le Pakistan, suspendant ainsi les échanges commerciaux directs et indirects entre les deux pays. Toutefois, les envois en cours, soutenus par des lettres de crédit ou des connaissements datant d’avant l’ordonnance, ne sont pas affectés par cette mesure. En réaction, l’Inde a mis en place une interdiction sur les importations et le transit de produits en provenance du Pakistan. Cette décision vise à interrompre les échanges commerciaux directs et indirects, impactant ainsi les exportations pakistanaises vers l'Inde ainsi que vers des pays tiers via l'Inde. Ces mesures ont également perturbé le commerce régional, notamment avec l’Afghanistan.
Cette rupture des relations commerciales a des conséquences économiques notables - le Pakistan, déjà fragilisé économiquement, voit ses importations essentielles, telles que les produits pharmaceutiques et les engrais, menacées par la perturbation des chaînes d'approvisionnement.
Les produits pharmaceutiques importés d'Inde représentent une part importante des médicaments disponibles au Pakistan, en particulier ceux utilisés pour le traitement des maladies courantes, des infections et des pathologies chroniques. L'Inde est l'un des principaux fournisseurs de médicaments génériques au monde, et une grande partie de la production pharmaceutique pakistanaise dépend de l'importation de matières premières et de composants chimiques indiens. La suspension des échanges pourrait entraîner une pénurie de médicaments, rendant les traitements pour des millions de Pakistanais moins accessibles, voire inaccessibles, avec des conséquences dramatiques pour la santé publique.
Baisse du taux directeur de la SBP à 11% dans un contexte de forte réduction de l’inflation (0,3% en g.a. en avril)
Selon les données du Bureau pakistanais des statistiques (PBS – Pakistan Bureau of Statistics), l’inflation au mois d’avril 2025 a atteint un niveau historiquement bas de 0,3% en glissement annuel, contre 0,7% en mars. Cette baisse est attribuée à la diminution des prix de l'électricité réglementés et à la poursuite du recul de l'inflation alimentaire. Sur une base mensuelle, l'inflation a diminué de 0,8 % en avril, après une hausse de 0,9 % en mars. En moyenne, l'inflation pour les dix premiers mois de l'exercice budgétaire 2025 (pour mémoire juillet 2024-juin 2025), l’inflation s'établit à 4,73 %, contre 25,97 % sur la même période de l'exercice précédent.
Dans ce contexte, à l’issue de son comité de politique monétaire qui s’est réuni lundi 5 mai, la Banque centrale du Pakistan (SBP) a décidé de réduite son taux directeur de 100 points de base le portant à 11%. Il s'agit du taux le plus bas depuis mars 2022. La SBP a justifié cette décision par la forte baisse de l'inflation observée en mars et avril. La SBP relève notamment que l'inflation sous-jacente (core inflation - exclut les prix des produits énergétiques et alimentaires), après être restée stable à environ 9 % au cours des derniers mois, est tombée à 8 % en glissement annuel en avril. Le comité de politique monétaire anticipe que l’inflation va progressivement augmenter dans les mois à venir pour venir se stabiliser dans une fourchette comprise entre 5 et 7%.
Baisse des exportations en avril et aggravation du déficit commercial
Selon les données publiées par le Bureau pakistanais des statistiques, les exportations pakistanaises pour le mois d’avril se sont élevées à 2,14 Mds USD, en baisse de 19,05% sur une base mensuelle et de 8,93% en glissement annuel. Au cours des 10 premiers mois de l’exercice budgétaire 2025, les exportations ont atteint 26,86 Mds USD, contre 25,27 Mds USD au cours de la même période de l'année précédente, soit une croissance de 6,25 %. Cette tendance à la baisse des exportations pourrait inciter le gouvernement à envisager des mesures pour stimuler la croissance à l'exportation dans le prochain budget.
Dans le secteur du textile, le Pakistan profite d’une réorientation des achats du Bangladesh et de la Chine vers le Pakistan, toutefois la récente augmentation des tarifs du gaz pour les centrales électriques captives, ainsi qu'un prélèvement progressif de 20% sur la fourniture de gaz naturel/RLNG aux centrales électriques du secteur textile devraient affecter les performances à l'exportation dans les mois à venir.
Parallèlement, les importations ont augmenté de 7,37 % au cours des dix premiers mois de l'exercice, atteignant 48,21 milliards de dollars. Pour le seul mois d'avril, les importations ont progressé à 5,53 Mds USD, contre 4,85 Mds USD l'année dernière, soit +14,09% en glissement annuel, et +14,52% sur une base mensuelle.
Le déficit commercial pour la période juillet-avril de l'exercice 2025 s'est creusé de 8,81 % pour atteindre 21,35 Mds USD, contre 19,62 Mds USD au cours de la même période de l'année précédente.
Le Pakistan lance son premier Sukuk Vert pour financer des projets durables
Le gouvernement du Pakistan a procédé à l’émission de son premier Sukuk Vert, pour un montant compris entre 20 et 30 Mds PKR. Cette opération s’inscrit dans une démarche visant à mobiliser des financements pour des projets conformes aux principes du développement durable, notamment dans les domaines des énergies renouvelables, des transports propres et de la gestion durable des ressources naturelles.
Ce nouvel instrument financier, conforme aux principes de la finance islamique, est destiné à renforcer l’offre d’investissement responsable sur le marché pakistanais. L’émission s’effectue par voie d’enchères, avec une inscription prévue à la Bourse du Pakistan, facilitant ainsi l’accès au marché secondaire pour les investisseurs.
Le lancement de ce Sukuk Vert s’inscrit dans une politique plus large de transition énergétique et d’adaptation aux enjeux climatiques. Il reflète également une volonté d’aligner les pratiques financières nationales sur les standards internationaux en matière de finance durable.
Cette initiative marque une évolution significative du marché des capitaux au Pakistan, en intégrant les impératifs environnementaux dans les stratégies de financement public. Elle pourrait constituer un précédent pour d’autres émissions similaires à l’avenir, en réponse à la demande croissante pour des instruments de financement respectueux des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).