Washington Wall Street Watch n°2025-17
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Le PIB se contracte au premier trimestre
- L’inflation PCE continue de baisser mais reste élevée par rapport à la cible de la Fed
- Les prix de l’immobilier poursuivent leur hausse
- Les perspectives des ménages continuent de se dégrader
Politiques macroéconomiques
- Le comité consultatif des emprunts du Treasury (TBAC) annonce le calendrier de financement fédéral
Services financiers
- La Fed prend part à la lutte contre la débancarisation du secteur des crypto-actifs
- La Fed publie un rapport sur la stabilité financière marqué par la volatilité accrue sur les marchés
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Le PIB se contracte au premier trimestre 2025
Selon la première estimation du Bureau of Economic Analysis (BEA), publiée le 30 avril, la croissance du PIB en volume s’établit à ‑0,1 % au premier trimestre 2025, après +0,6 % au quatrième trimestre 2024. En rythme annualisé, la croissance est de ‑0,3 %, après +2,4 % au quatrième trimestre 2024, soit un niveau largement inférieur aux attentes du marché (+0,3 %).
Au premier trimestre, la croissance a été fortement pénalisée par l’augmentation des importations en prévision de la hausse des droits de douane (‑1,3 points de contribution à la croissance après +0,1 point), et par la baisse des dépenses publiques, fédérales principalement, notamment en matière de défense (‑0,1 point après +0,1 point). Cette baisse est en partie compensée par une hausse de la consommation, qui ralentit toutefois fortement (+0,3 point après +0,7 point), des stocks, dont l’augmentation ne couvre cependant pas la hausse des importations (+0,6 point après ‑0,2 point), et de l’investissement privé (+0,3 point après 0,0 point).
La hausse des importations (+41,3 % au premier trimestre) a principalement concerné les produits de santé et les biens d’équipement hors véhicules, notamment le matériel informatique. En particulier, l’investissement des entreprises en biens d’équipement de traitement de l’information a fortement augmenté (+22,5 % en rythme annualisé), ainsi que les équipements de transport lié à la normalisation de la production aéronautique. La hausse des dépenses de consommation ce trimestre (+1,8 % après +4,0 %) concerne quant à elle principalement les biens non durables (+2,7 %), tandis que la consommation de biens durables a fortement baissé (‑3,4 %). Les dépenses de biens importés s’étant substituées aux achats de produits domestiques (front-loading), la hausse des biens importés a gonflé le déficit commercial et éclipsé les modestes gains des dépenses de consommation et des investissements en équipement.
Du fait des incertitudes liées à la politique commerciale au premier trimestre 2025, la contribution positive de +0,6 point de la demande intérieure hors stocks permet d’avoir une vision du PIB « sous-jacent » c’est-à-dire corrigé des effets du commerce extérieur.
L’inflation PCE continue de baisser mais reste élevée par rapport à la cible de la Fed
Selon les estimations du Bureau of Economic Analysis (BEA) publiées le 30 avril, en mars, l’indice des prix des dépenses de consommation personnelles (Personal Consumption Expenditure – PCE) a baissé de ‑0,1 % par rapport à février, tandis que sa composante sous‑jacente (hors alimentation et énergie) a légèrement augmenté de +0,1 %, après avoir tous deux progressé de +0,3 % en février.
Sur 12 mois glissants, l’inflation et sa composante sous-jacente se sont établies à +2,3 % et +2,6 % respectivement (après +2,7 % et +3,0 %), soit un niveau légèrement supérieur aux attentes des marchés pour l’inflation PCE (+2,2 %) et en ligne avec les attentes pour son sous‑jacent.
Sur un mois, les prix de l’énergie ont fortement baissé de ‑2,7 % (après +0,1 %) et les prix de l’alimentation ont progressé de +0,5 % (après +0,0 %). Sur douze mois glissants, les prix de l’énergie ont chuté de ‑5,0 % (après ‑1,2 %), et ceux de l’alimentation ont augmenté de +2,0 % (après +1,5 %).
Sur un mois, les prix des biens ont reculé ‑0,5 % (après avoir augmenté de +0,2 % en février), tandis que les prix des services ont augmenté de +0,2 % (après +0,5 %). En glissement annuel, l’inflation des biens s’établit à ‑0,3 % (après +0,4 %) et celle des services à +3,5 % (après +3,8 %).
Les prix de l’immobilier poursuivent leur hausse
Selon le rapport publié le 29 avril par l’Agence fédérale de financement du logement (Federal Housing Finance Agency - FHFA), les prix de l’immobilier ont augmenté de +0,1 % en février, après +0,3 % en janvier (l’estimation précédente de +0,2 % ayant été revue à la hausse de +0,1 point). Sur un an, les prix ont progressé de +3,9 % (après +4,8 %).
L’indice Case-Shiller publié le 29 avril par S&P Global, portant sur les prix immobiliers des 20 plus grandes villes américaines, a également augmenté de +0,4 % en février (après +0,1 % en mars). En glissement annuel, l’indice progresse de +4,5 % (après +4,7 %). Les villes ayant connu les hausses annuelles les plus importantes sont New‑York (+7,7 %), Chicago (+7,0 %) et Cleveland (+6,6 %). Selon S&P Global, la demande de logement devrait avoir baissé par rapport aux années précédentes, notamment en raison de la hausse des coûts de financement liée à des taux d’intérêt hypothécaires élevés. Toutefois, l’offre de logement limitée continue de soutenir la croissance des prix dans la majorité des régions.
Les perspectives des ménages continuent de se dégrader
L’indice de confiance des ménages publié le 29 avril par le Conference Board, think-tank spécialisé dans les enquêtes, a baissé de ‑7,9 points en avril (après ‑7,2 points en mars) à 86,0, contre 87,7 attendus. Il s’agit de la cinquième baisse consécutive. Par ailleurs, les perspectives à court terme des consommateurs en matière de revenu, d’activité et de marché du travail, ont également chuté de ‑12,5 points, à 54,4 (après ‑9,6 points en mars). Selon l’enquête, un niveau de l’indice en dessous de 80 signale généralement une récession à venir. En outre, les perspectives de revenus futurs des ménages sont devenues négatives, pour la première fois en cinq ans, ce qui suggère que les inquiétudes concernant l'économie affectent désormais la situation personnelle des consommateurs. Cette baisse de confiance concerne l’ensemble des groupes d’âge, des catégories de revenu et des affiliations politiques. Elle s’explique notamment par le niveau d’incertitude toujours élevé entourant les droits de douane et la hausse de la volatilité du marché boursier. En outre, selon l’enquête, le niveau moyen des anticipations d’inflation à horizon un an a fortement augmenté, atteignant +7 % en avril.
Par ailleurs, dans une seconde estimation publiée le 25 avril par l’université du Michigan, l’indice de confiance des ménages a également baissé de ‑4,8 points à 52,2 (revu à la hausse de +1,4 points par rapport à la première estimation). Sur un an, l’indice de confiance a baissé de -32,4 % (77,2 en avril 2024). Les ménages rapportent une dégradation des perspectives de leurs finances personnelles et du climat des affaires. Enfin, les anticipations d’inflation à un an ont progressé de +1,5 points en avril, à +6,5 % (contre +6,7 % lors de la première estimation), et les anticipations d’inflation à long terme ont également augmenté de +0,3 point, à +4,4 % (inchangé par rapport à la première estimation).
Politiques macroéconomiques
Le Comité consultatif des emprunts du Treasury (TBAC) annonce le calendrier de financement fédéral
Le Comité consultatif des emprunts du Treasury (Treasury Borrowing Advisory Committee – TBAC) a publié le 28 avril son rapport trimestriel de financement fédéral.
Le compte-rendu dépeint une économie américaine robuste, marquée par un niveau élevé des dépenses de consommation portées par une amélioration des finances personnelles des ménages, un marché du travail solide, et une inflation qui a nettement reculé par rapport à son pic, convergeant progressivement vers sa cible.
Pour 2025, le TBAC prévoit une croissance positive et une baisse de l’inflation vers sa cible. Malgré la probabilité de récession de 45 % mesurée par les économistes, le comité soutient que les avancées dans les négociations commerciales, la prolongation du Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) de 2017, et le rebond des marchés financiers permettraient à l’économie de conserver sa résilience. Le comité note tout de même des signes de ralentissements sur le marché de l’emploi, en particulier le faible niveau des nouvelles embauches qui, combiné à une hausse des licenciements, pourrait se traduire par une destruction nette d’emplois.
Au 1er trimestre 2025, le TBAC indique que le Treasury a emprunté 369 Md USD contre 815 Md USD prévus en février dernier, du fait principalement de la baisse du solde de trésorerie à la fin du trimestre. Le TBAC prévoit d’emprunter 514 Md USD au deuxième trimestre 2025 (+391 Md USD par rapport à sa prévision de février 2025) et 554 Md USD au troisième trimestre.
Enfin, le Treasury annonce vouloir améliorer le programme de rachats (buybacks) de Treasuries lancé le 1er mai 2024 afin d’accroître la liquidité du marché. En particulier, le Treasury envisage de modifier les montants maximaux des achats, leur fréquence ou encore l’admissibilité des contreparties. Selon le calendrier provisoire, pour la période allant de mai à juillet 2025, le Treasury prévoit un rachat hebdomadaire de 4 Md USD de Treasuries (2 Md USD pour les maturités longues) et 500 M USD de TIPS.
Services Financiers
La Fed prend part à la lutte contre la débancarisation du secteur des crypto-actifs
Le 24 avril, la Fed a annoncé l’abrogation de ses lignes directrices relatives aux activités bancaires en lien avec le secteur des crypto-actifs. Cette action s’inscrit dans une logique de lutte contre la « débancarisation » du secteur des crypto-actifs, élevée au rang de priorité politique par D. Trump. En mars, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’autorité de résolution et de garantie des dépôts des banques et l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), le régulateur des national banks, avaient émis plusieurs lettres poursuivant le même objectif.
En l’espèce, l’agence supprime un document d’orientation précisant les dispositions que les banques doivent prendre avant de s’engager dans des activités liées aux crypto-actifs. Ces lignes directrices exigeaient notamment que les banques notifient l’agence au préalable de leur intention d’engager de telles activités et qu’elles mettent en place des dispositifs de maîtrise des risques appropriés, notamment en ce qui concerne les risques financiers, opérationnels (fraudes, relations aux prestataires, évolution des technologies, etc.) et les risques liés à la criminalité financière. La Fed supprime également l’obligation, pour les entités supervisées, de recevoir un accord préalable de la Fed pour exercer des activités en lien avec des stablecoins.
Le même jour, la Fed et la FDIC ont annoncé l’abrogation de leurs lignes directrices communes (joint statements) visant à prévenir les banques des risques liés à leurs activités en lien avec le secteur des crypto-actifs. Les agences précisent qu’elles ont l’intention de publier dans les prochaines semaines d’autres décisions visant à promouvoir le secteur des crypto-actifs.
La Fed publie un rapport sur la stabilité financière marqué par la volatilité accrue sur les marchés
Dans son premier rapport trimestriel sur la stabilité financière publié depuis la prise de fonction de Donald Trump, la Fed relevait le 25 janvier (i) des risques notables liés à la valorisation des actifs et à l’endettement du secteur financier, (ii) des vulnérabilités plus modérées liés à l’endettement des entreprises et des ménages, et au financement des institutions financières.
Malgré leur chute en avril, le prix des actions reste élevé par rapport aux prévisions de profits des analystes, moins fréquemment mises à jour. La volatilité sur les marchés souverain et actions dépasse nettement leur moyenne historique. La liquidité a chuté sur ces marchés en avril, sans empêcher pour autant leur bon fonctionnement. En raison d’une baisse de l’appétit au risque des investisseurs, les spreads des obligations d’entreprise ont augmenté en avril, mais demeurent modérés (c. 1,5% pour une obligation BBB).
L’effet de levier du secteur financier continue d’être scruté. Les marges nettes d’intérêts des banques restent solides, et leur gestion active de leur portefeuille de crédit immobilier commercial (CRE), via la renégociation des prêts, leur a permis de réduire le taux de défaut. Toutefois, les moins-values latentes affectant des produits de taux restent importantes pour certaines banques (-500Md$). Les banques mettent en avant la montée de l’incertitude économique dans leurs résultats trimestriels, et augmentent leurs réserves pour parer à la potentielle augmentation des défauts de leurs créditeurs. L’effet de levier des hedge funds a baissé en avril suite au débouclage de certaines positions sur les marchés des bons du Trésor et des actions, occasionnant une forte volatilité. Les prêts des banques aux institutions financières non-bancaires (NBFI) a cru modestement en 2024, atteignant 2 300Md$.
Parmi les risques de « financement », liés à un retrait rapide de fonds de la part des investisseurs, la Fed pointe du doigt les stablecoins, dont l’encours a atteint 235Md$ en avril.
Enfin, dans un sondage réalisé auprès d’acteurs de marché et de chercheurs, la Fed note que le premier facteur de risque identifié concerne le commerce international (73% des répondants, contre 33% en octobre 2024), suivi par la dette publique et l’incertitude politique. Le crédit non-bancaire (Private Credit) est cité par 19% des répondants, alors qu’il n’apparaissait pas dans le précédent sondage.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), les indices boursiers ont poursuivi leur hausse : +2,2 % pour le S&P 500, à 5 569, et +3,2 % pour le Nasdaq, à 17 446.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) ont globalement baissé au cours de la semaine écoulée malgré un rebond le 1er mai, les taux à 2 ans et à 10 ans ont tous deux perdu ‑9 points de base pour s’établir à 3,71 % et 4,23 % respectivement.
La semaine a été marquée à nouveau par une forte fluctuation sur les marchés, mais aussi par une confirmation de la confiance retrouvée des investisseurs, qui semblent parier sur une résolution rapide des tensions commerciales, le principal indice bousier ayant effacé les pertes subies depuis l’annonce de « droits de douane réciproques » par D. Trump le 2 avril. La publication d’indicateurs économiques avancés (soft data) négatifs (confiance des consommateurs et des entreprises) et d’un ralentissement de la croissance économique au 1er trimestre n’ont que peu pesé sur l’enthousiasme des investisseurs, qui souhaitent ne pas manquer le début d’un potentiel cycle de hausse des valeurs et sont rassurés par les bons résultats trimestriels publiés par les entreprises du S&P 500.
Brèves
- Le 25 avril, Paul Atkins, Président de la Securities and Echange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a indiqué, à l’occasion d’une table ronde organisée par la Task Force Crypto, que la SEC pourrait élaborer de nouvelles règles concernant les émetteurs et les plateformes d’échanges de crypto-actifs sans attendre la finalisation d’une loi au Congrès. Selon ses propos, le cadre législatif existant laisse une marge de manœuvre à la SEC pour avancer son agenda de promotion du secteur des crypto-actifs.
- En avril, l’indice PMI Manufacturing publié par l’Institut for Supply Management (ISM) le 1er mai est en baisse de ‑0,3 point dans l’industrie manufacturière, à 48,7, demeurant en zone de contraction pour le deuxième mois consécutif. Cette baisse de l’activité s’explique par la baisse des nouvelles commandes dont l’indice augmente de +2 points à 47,2, et de la production dont l’indice baisse de ‑4,3 points à 48,3. Par ailleurs les stocks augmentent pour le deuxième mois consécutif (indice à 50,8 après 53,4). Pour mémoire, un indice inférieur (resp. supérieur) à 50 indique une contraction de l’activité (resp. une expansion).
- Le 26 avril, dans le cadre de la procédure de réconciliation budgétaire, le comité des services financiers de la Chambre des représentants a publié une proposition de loi préliminaire (draft bill) visant à transférer le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB), l’autorité de régulation des auditeurs financiers, au sein de la SEC, l’autorité des marchés financiers. Cette proposition s’inscrit dans la le programme de rationalisation des coûts de l’administration de Donald Trump. Le texte propose également de réduire de 60 % le budget du Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), l’agence de protection des consommateurs en matière financière.