Washington Wall Street Watch n°2025-15
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Les perspectives des ménages et les anticipations d’inflation continuent de se dégrader
- Les ventes au détail sont plus faibles qu’anticipé
Politiques macroéconomiques
- Les responsables de la Fed s’expriment en réaction aux mouvements des marchés
Services financiers
- Les banques d’importance systémiques ont publié des résultats en nette progression pour le 1er trimestre 2025
- La Fed publie une proposition de règle relative aux stress test
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Les perspectives des ménages et les anticipations d’inflation continuent de se dégrader
L’indice de confiance des ménages publié le 11 avril par l’université du Michigan a chuté de ‑11 % en avril, à 50,8 (après 57,0 en mars), pour le quatrième mois consécutif, portant la baisse totale sur un an à -34,2 %. Comme lors du mois précédent, cette baisse a été unanime selon l’âge, le revenu, le niveau de scolarité, la région géographique ou encore l’affiliation politique. Elle s’explique notamment par l’inquiétude croissante concernant l’évolution de la guerre commerciale avec la Chine et l’annonce de tarifs douaniers réciproques. Les consommateurs signalent une probabilité accrue de récession. Les anticipations sur les conditions commerciales, les finances personnelles, les revenus, l’inflation et le marché du travail ont toutes continué de se détériorer ce mois-ci.
En outre, le rapport montre que les anticipations d’inflation à un an ont augmenté de +1,7 points, à +6,7 %, et que les anticipations d’inflation à long terme ont augmenté plus faiblement à +4,4 % en avril (+0,3 point par rapport à mars).
L’enquête mensuelle de la Fed de New York publiée le 14 avril, montre quant à elle que les anticipations d’inflation à un an ont augmenté de +0,5 point pour s’établir à +3,6 %, les anticipations à trois ans ont stagné à +3,0 %, et celles à cinq ans ont diminué de ‑0,1 point à 2,9 %. En outre, la probabilité perçue de perdre son emploi a augmenté de +1,6 points pour s’établir à 15,7 %, soit le niveau le plus élevé depuis mars 2024, la hausse étant particulièrement marquée chez les ménages à faible revenu.
Les ventes au détail sont plus faibles qu’anticipé
Selon les données du Census Bureau, publiées le 16 avril, les ventes au détail ont bondi de +1,4 % en mars après +0,2 % en février, surprenant même à la hausse les attentes des marchés (+1,3 %) qui avaient pourtant pris en compte dans leurs prévisions une hausse des achats, notamment automobiles, en amont de l’entrée en vigueur des hausses de droits de douanes. Sur douze mois glissants, les ventes au détail ont progressé de +4,6 % (après +3,8 %). Ces estimations étant en valeur, cette hausse pourrait être plus faible, une fois corrigée de l’inflation.
En mars, onze des treize catégories recensées dans le rapport ont affiché des hausses, en particulier les concessionnaires automobiles (+5,3 %), les matériaux de construction et l’équipement de jardin (+3,3 %), les produits de loisir (sport, musique, et livres) (+2,4 %) ou encore les restaurants et bars (+1,8 %). En revanche, les ventes au détail ont baissé dans les stations‑services (‑2,5 %) et le mobilier de maison (‑0,7 %).
Politiques macroéconomiques
Les responsables de la Fed s’expriment en réaction aux mouvements des marchés
L’annonce des hausses de droits de douane a provoqué de fortes turbulences sur les marchés financiers : les valorisations boursières ont baissé (-12 % pour le S&P 500 entre le 2 et le 9 avril), les rendements obligataires souverains ont nettement progressé (+31 et +49 points de base pour les taux de rendement des Treasuries à 2 et à 10 ans respectivement, entre le 4 et le 11 avril), et le dollar s’est déprécié (‑4,8 % pour l’USD Index depuis le 1er avril). Dans ce contexte, plusieurs responsables de la Fed se sont exprimés cette semaine sur leur appréciation de la conjoncture économique et du rôle de la Fed pour assurer la stabilité financière.
Les responsables s’accordent sur l’incertitude élevée provoquée par les décisions de politiques économiques de la nouvelle administration. Bien que les marchés boursiers et obligataires souverains ont connu des épisodes de forte volatilité, le président de la Fed, Jerome Powell, et le président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, considèrent qu’il s’agirait d’une réaction normale des marchés en de telles circonstances. À ce titre, J. Powell a écarté l’hypothèse d’une intervention de la Fed pour soutenir les marchés (Fed put).
Sur les perspectives économiques, ils n’écartent pas la possibilité d’une détérioration rapide de l’économie, la hausse des droits de douane annoncée par le Président Trump ayant dépassé leurs anticipations. De plus, la nature du choc, qui pourrait affecter simultanément le marché du travail et l’inflation, et mettre en tension le double mandat de la Fed, rendrait la conduite de la politique monétaire particulièrement difficile.
Bien que les responsables de la Fed s’accordent sur l’effet inflationniste de la hausse des droits de douanes, ils se montrent partagés quant à sa persistance : si Christopher Waller, gouverneur de la Fed, considère qu’il sera temporaire, d’autres comme J. Powell ou Susan Collins, présidente de la Fed de Boston, considèrent qu’il pourrait être plus persistant et potentiellement affecter l’ancrage des anticipations d’inflation à long terme. Les responsables ont tous indiqué qu’il était essentiel de maintenir l’ancrage des anticipations afin d’assurer la stabilité des prix. À cette fin, J. Powell a réaffirmé l’importance de l’indépendance de la Fed dans la conduite de la politique monétaire, et la nécessité de maintenir la stabilité des prix pour préserver le plein emploi. Son discours a laissé transparaitre une plus forte préoccupation liée au risque d’inflation qu’à la situation actuelle du marché du travail.
S’agissant du marché du travail, même s’il demeure encore solide, les licenciements actuellement en cours dans la fonction publique fédérale mais surtout dans certains secteurs privés affectés par les baisses de financements publics pourraient avoir des effets négatifs. En particulier, les licenciements dans le secteur de la recherche scientifique et médicale pourraient affecter la productivité à moyen et long termes, réduisant le rythme de croissance potentielle.
Services Financiers
Les banques d’importance systémiques ont publié des résultats en nette progression pour le 1er trimestre 2025
Au cours de la semaine écoulée, les banques d’importance systémiques américaines (JP Morgan [JPM] ; Bank of America [BOA] ; Citigroup [Citi] ; Wells Fargo [WF] ; Goldman Sachs [GS] ; Morgan Stanley [MS] ; Bank of New York Mellon [BNYM]) ont publié leurs résultats pour le premier trimestre 2025.
A l’exception de WF dont l’activité ralentit (-3 %), le produit net bancaire (PNB) des autres G-SIBS progresse sur un an et surprend le marché à la hausse (+17 % pour MS, +8 % pour JPM, +6 % pour BNYM, +6 % pour GS, 6 % pour BOA, +3 % pour Citi), tiré par les excellents résultats des activités de marchés, en particulier sur le segment des transactions en actions, qui ont généré des revenus de trading record du fait de la forte volatilité des marchés depuis l’investiture de Donald Trump.
Sur leurs activités de prêts, les banques généralistes voient leur marge nette d’intérêt (MNI) légèrement progresser sur un an (+1 % pour JPM, +4 % pour Citi, +3 % pour BOA), parvenant à compenser la baisse des taux d’intérêts et la compression des marges sur les dépôts par une hausse des volumes de prêts. Les revenus de banque de détail progressent, les banques mettant l’accent sur la bonne tenue de la consommation des ménages américains, illustrée par les bonnes performances des activités de carte de crédit et de crédit automobile (+12 % pour JPM).
Les revenus issus des commissions accélèrent leur hausse pour toutes les grandes banques sur un an, portés par (i) la dynamique spectaculaire des activités de marché, en particulier de trading actions, (ii) les bonnes performances des activités de gestion d’actifs et (iii) la progression des revenus de banque de financement et d’investissement (BFI), toutefois en deçà du consensus.
En l’espèce, les revenus tirés des commissions de courtage pour l’activité de trading actions réalise une hausse très supérieure aux attentes des analystes (+48 % pour JPM, +45 % pour MS, +27 % pour GS, +23 % pour Citi, +17 % pour BOA). Les banques réalisent pour la plupart des performances record, portées notamment par les transactions sur produits dérivés, profitant de l’extrême volatilité des marchés depuis l’élection de D. Trump.
Les résultats des activités de gestion d’actifs et de fortune progressent, portés par la hausse généralisée des valorisations de marché sur la première partie du trimestre et par des flux entrants positifs.
Les performances de BFI sont moins bonnes qu’attendues (+12 % pour Citi, +12 % pour JPM, +8 % pour MS), voire en en retrait (-8 % pour GS), la volatilité sur les marchés ayant freiné les projets de fusion-acquisition ou de cotation en bourse, et les revenus engrangés étant parfois liés à des transactions annoncées au trimestre précédent, à l’instar de MS.
Au total, le résultat net des grandes banques est en nette hausse (+26 % pour MS, +21 % pour Citi, +19 % pour BNYM, +15 % pour GS, +11 % pour BOA, +9% pour JPM), à l’exception de WF qui subit une diminution de -6 %. Le jour de l’annonce des résultats, malgré les très bonnes performances affichées, le cours de bourse des banques progresse timidement (+1,4 % pour MS, +3,5 % pour BOA, +2,9 % pour Citi), traduisant l’inquiétude des dirigeants et des investisseurs pour les prochains mois. Jamie Dimon, CEO de JPM, s’inquiète des « turbulences considérables » qui secouent l’économie américaine, estimant que le risque de récession est élevé.
La Fed publie une proposition de règle relative aux stress test
La FED vient de publier un appel à commentaire sur une proposition de règle relative à la réduction de la volatilité des exigences de capital découlant des stress test annuels. Elle indique qu’il s’agit de la première d’une série d’actions visant à modifier les stress test.
La FED indique que l’évolution annuelle des hypothèses de stress auxquelles sont soumises les banques créée de la volatilité dans les exigences de calibration des coussins de fonds propres (stress capital buffer).
La proposition de règle : (i) retient une moyenne sur deux années consécutives des résultats découlant des stress test afin de réduire cette volatilité des exigences de fonds propres ; (ii) repousse du 1er octobre au 1er janvier de l’année suivante l’entrée en vigueur des exigences découlant des stress test ; (iii) simplifie les exigences de demande de données aux banques dans le cadre de la procédure de stress test.
La Fed indique qu’elle proposera de nouvelles modifications plus tard dans l’année, notamment s’agissant de la transparence et de la mise en consultation des modèles qu’elle utilise pour réaliser les stress test. La règle est mise en consultation pour une durée de 60 jours.
The Bank policy Institute qui représente les banques aux Etats-Unis a accueilli favorablement cette proposition soulignant toutefois qu’elle ne répondait que partiellement aux problèmes posés par les stress test et devait être complétée par d’autres aménagements rapidement.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), les indices boursiers sont restés stables : +0,52 % pour le S&P 500, à 5 283, et -0,44 %pour le Nasdaq, à 16 286.
En début de semaine, les marchés ont poursuivi leur stabilisation à la suite de l’annonce du report de 90 jours sur la mise en œuvre des droits de douane réciproques annoncé le 9 avril. Le 16 avril, les marchés ont baissé en réaction aux déclarations de J. Powell, interprétées comme restrictives sur le plan monétaire, écartant une intervention de la Fed pour soutenir les marchés actions, et présentant des perspectives macroéconomiques dégradées, entachées d’une forte incertitude. L’annonce de restrictions à l’export pour les semi-conducteurs a également fait baisser les valeurs concernées. Les marchés clôturent finalement la semaine à l’équilibre, à la suite de l’annonce par D. Trump d’une progression des négociations commerciales avec l’Union Européenne.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) ont globalement baissé cette semaine malgré un rebond le 17 avril, dans un mouvement de normalisation du marché obligataire suite à l’épisode de « sell-off » de la semaine dernière : les taux à 2 ans et à 10 ans ont baissé de ‑17 points de base à 3,80 %, et de -16 points de base, à 4,33 %, respectivement.
Brèves
- Le 16 avril, la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a annoncé le report de deux ans de l’entrée en vigueur d’une règle adoptée en août 2024 qui visait à réhausser les exigences de transparence des fonds communs de placement et des fonds cotés afin d’améliorer la fiabilité et l’accessibilité des données aux investisseurs. Selon l’agence, ce report lui permettra de réexaminer les modalités de la règle, en application d’un décret présidentiel publié le 20 janvier, et d’y apporter d’éventuels amendements. La règle avait en effet suscité une vive opposition de l’industrie, qui avait souligné le risque d’apparition de stratégies de trading prédatrices sur les marchés, en lien avec la divulgation des stratégies des sociétés.
- Selon le rapport publié le 11 avril par le Bureau of Labor Statistics (BLS), les prix à la production ont baissé de ‑0,4 % en mars (après +0,1 % en février et +0,6 % en janvier), soit un niveau largement inférieur aux attentes des marchés (+0,2 %). Sur un an, l’inflation des prix à la production s’établit à +2,7 % (après +3,2 %).
- Le 15 avril, la US District Court for the Northern District of Texas a annoncé l’abrogation d’une règle (« Credit Card Penalty Fee ») adoptée en mars 2024 par le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), l’agence de protection des consommateurs en matière financière, visant à plafonner les pénalités de retard sur les cartes de crédit à 8$ (contre 32$ auparavant), jugeant qu’elle contrevient aux dispositions du Credit Card Accountability and Disclosure Act. Les six groupes bancaires et associations de représentants de l’industrie à l’origine de la plainte ont salué cette décision, estimant que la règle aurait entraîné des effets néfastes sur la santé financière des ménages (hausse des retards de paiements, détérioration des scores de crédit, hausse des taux d’intérêts, accès au crédit limité).