Lettre Agro Japon-Corée Mars-Avril 2025
Lettre AGRO Japon – Corée
N°81 - Mars-Avril 2025
IMAGE DU MOIS : Parc mémorial showa à Tokyo en fleurs
Sommaire
Japon
- La maison de commerce Mitsubishi s’allie avec l’américain ADM et renforce sa position dans le négoce de céréales.
- Le gouvernement japonais contraint de faire évoluer sa politique rizicole face à la hausse marquée des prix du riz.
- La filière aquacole japonaise cherche un nouveau souffle dans le secteur du saumon d’élevage.
Corée
- Le gouvernement coréen veut développer le secteur de la médecine vétérinaire.
- La Corée réaffirme ses ambitions en matière d’aide au développement agricole.
- Les difficultés financières de Homeplus, n°2 de la distribution en Corée, inquiètent les producteurs agricoles coréens.
Japon Corée
- Les barrières non-tarifaires agricoles pointées du doigt par l’administration américaine.
- La Corée commence à exporter de la viande de cheval vers le Japon.
Le chiffre à retenir : 4200 yens
Prix moyen à la consommation d'un sac de riz de 5kg en avril 2025 (le double d'avril 2024)
Japon
La maison de commerce Mitsubishi s’allie avec l’américain ADM et renforce sa position dans le négoce de céréales.
Le partenariat annoncé avec l’américain Archer Daniels Midland (ADM), 2e exportateur mondial de céréales et bien implanté aux Etats-Unis et au Brésil, renforce le rôle du groupe japonais dans le négoce des céréales exploitées par ADM dans ces deux pays et devrait lui permettre de porter son volume traité annuellement à 30 millions de tonnes à horizon 2030 (+50%). Cet accord contribue à renforcer la sécurité des approvisionnements du Japon, qui dépend essentiellement des marchés internationaux pour les céréales et importe environ 25 millions de tonnes par an - essentiellement de maïs destiné à l’alimentation animale et de blé. Mitsubishi détient actuellement 20% du marché japonais, devant ses rivaux Marubeni, Mitsui et Zennoh. ADM entend bénéficier en retour de l’implantation de Mitsubishi Corp en Asie et élargir ses débouchés, en particulier pour la production de carburant aérien durable (SAF). Nikkei Asia
Le gouvernement japonais contraint de faire évoluer sa politique rizicole face à la hausse marquée des prix du riz.
Le riz a connu une pénurie et une hausse des cours à l’été 2024 sous les effets conjugués d’un rebond de la consommation, de comportements d’achat de précaution face aux craintes d’un grand séisme et d’une récolte insuffisante. Le ministère japonais de l’agriculture, de la forêt et de la pêche (MAFF) a écarté initialement l’idée d’une intervention, justifiant les difficultés d’approvisionnement persistantes par des comportements de thésaurisation tout au long de la chaîne de distribution, et non par une insuffisance de la production. L’arrivée de la récolte d’automne 2024, pourtant correcte, ne s’est de fait pas traduite par une détente des prix, qui ont continué à progresser pour atteindre en mars 2025 le double de celui de mars 2024. Sous la pression de consommateurs particulièrement sensibles au prix du riz, aliment de base au Japon, le MAFF s’est résolu à libérer une partie des stocks nationaux. Cette mesure marque une rupture avec la politique rizicole du MAFF, qui vise traditionnellement à maintenir des prix à un niveau suffisant en évitant la surproduction par une régulation des surfaces cultivées. Le prochain plan de base pour l‘agriculture, en cours de finalisation et qui établira les orientations de politique agricole des cinq années à venir, intégrera par ailleurs un nouvel objectif de hausse des exportations (350 000 tonnes annuelles en 2035, soit sept fois le montant exporté en 2024). Ce recours à l’exportation est prôné régulièrement par des économistes et spécialistes de l’agriculture japonaise comme un moyen de développer la production et renforcer ainsi la sécurité alimentaire du pays, sans pour autant déséquilibrer le marché national. L’existence de débouchés à l’export n’est pas assurée, la variété « Japonica » étant essentiellement produite et consommée au Japon et en Corée. La capacité de la filière à augmenter sa production paraît enfin très incertaine, la filière rizicole étant handicapée par le vieillissement avancé des agriculteurs et le manque de foncier agricole disponible. Nikkei, Japan Times
La filière aquacole japonaise cherche un nouveau souffle dans le secteur du saumon d’élevage.
La pratique de l’aquaculture en eau de mer est attestée au Japon depuis le 17e siècle (algues et huîtres dans la mer intérieure de Seto) et la filière japonaise est à l’origine de nombreuses innovations qui ont permis un essor de sa production au cours du 20e siècle. La production japonaise, d’environ 1,4 millions de tonnes par an, connaît néanmoins une stagnation depuis deux décennies et ne parvient pas à répondre à la hausse de la demande mondiale, alors même que le pays cherche à diminuer sa dépendance aux importations dans un contexte international incertain. Parmi les facteurs handicapant la filière figure la difficulté d’approvisionnement en alevins pour les espèces les plus prisées au Japon (thon, sériole, anguilles), pour lesquelles les poissons sont élevés à partir de jeunes capturés en mer. Par ailleurs, l’entrée dans cette activité nécessite de lourds investissements : la filière japonaise est composée essentiellement de petites exploitations tournées vers la qualité (environ 14 000 élevages, dont 600 terrestres), de taille insuffisante pour déployer les techniques les plus modernes requises pour l’élevage terrestre. Les annonces récentes d’investissements au Japon pour des élevages terrestres de saumons par des acteurs internationaux reconnus dans le domaine (Pure Salmon, Proximar, Atland) témoignent toutefois d’un intérêt renouvelé pour ce secteur et laissent espérer un rebond de la production. Ces projets, soutenus par de grandes maisons de commerce japonaises (Marubeni, Mitsubishi), visent à profiter de l’engouement pour le saumon, poisson désormais le plus prisé au sein des restaurants de sushis en Asie. Ils affichent des objectifs de production qui pourraient conduire le Japon, qui importe actuellement 85% de sa consommation, à devenir à terme exportateur net de saumon. Nikkei Asia
Corée
Le gouvernement coréen souhaite développer la filière coréenne de produits de santé animale.
Le ministère coréen en charge de l’agriculture (MAFRA) entend profiter du dynamisme mondial du marché des médicaments pour animaux et vise un triplement de la taille du marché coréen à l’horizon 2035, soit un chiffre d’affaires global de 2,7 Mds USD. Un développement de l’export est recherché, avec un objectif de 15 entreprises exportatrices et triplement des exportations. Le plan prévoit notamment le développement d’infrastructures de R&D, un processus d’autorisation accéléré et la diffusion des standards internationaux pour un meilleur accès à l’export des entreprises coréennes. Le MAFRA vise à terme une intégration de la Corée dans le schéma international d’inspection pharmaceutique afin de permettre un accès aux marchés américain et européen. Le marché coréen est l’un des plus dynamiques d’Asie pour la santé et le bien-être animal, portés au rang de cause nationale par l’ancien président Yoon. La France est le 4e fournisseur de vaccins vétérinaires de la Corée (6,6 M€ en 2024) et le 6e fournisseur d’alimentation pour animaux de compagnie (17 M€ en 2024). JoongAng
La Corée réaffirme ses ambitions en matière d’aide au développement agricole.
Dans sa nouvelle stratégie publiée début mars à l’occasion du 20e anniversaire de la politique d’aide au développement agricole coréenne, le MAFRA fixe ses orientations pour la période 2025-2029 et réaffirme sa volonté d’utiliser ce canal pour faciliter l’accès aux marchés des pays en voie de développement pour ses entreprises agricoles et agroalimentaires. Le rôle central des entreprises coréennes est présenté à la fois comme un levier de développement international de ses filières et comme un moyen d’assurer la pérennité des projets une fois leur phase de financement public achevée. La « K-Ricebelt », initiative phare du gouvernement coréen qui développe une production de riz à haut rendement dans sept pays partenaires d’Afrique de l’ouest et de l’Est, voit son périmètre élargi à l’Afrique Australe et son champ étendu pour inclure différents domaines influant sur la compétitivité des filières, comme l’amélioration des conditions de vie en zone rurale ou la formation. Alors que le projet de « K-Ricebelt » se concentrait initialement sur la mise en place de cultures à haut rendement mais à une échelle assez limitée (seulement 3 500 tonnes produites en 2024 dans le cadre du projet au sein des 7 pays participant), le MAFRA vise désormais l’ensemble de la chaîne de valeur des pays récipiendaires afin de renforcer la solidité de leurs systèmes productifs. MAFRA
Les difficultés financières de Homeplus, n°2 de la distribution en Corée, inquiètent les producteurs agricoles coréens.
Homeplus, le numéro 2 coréen de la distribution en Corée, confronté à des difficultés de liquidité, a entamé début mars une procédure de redressement judiciaire entraînant en retour une suspension des livraisons par Seoul Milk, leader coréen des produits laitiers afin d’éviter les risques d’impayés de la part de Homeplus. Ce dernier a adressé en réponse un plan de paiement échelonné de ses arriérés d’ici au début effectif de la procédure de redressement en juin. Les professionnels de la filière laitière craignent une perte de débouchés importante pour les producteurs, tout comme la filière rizicole : NongHyup Agribusiness Group, branche de la fédération des coopératives agricoles et fournisseur important de riz, a également réduit ses livraisons à Homeplus par crainte d’impayés. Une coalition de 22 coopératives concernées par des impayés de Homeplus a appelé le gouvernement coréen à intervenir. Korea Times
Japon-Corée
Le Japon et la Corée sommés d’augmenter l’accès à leur marché pour les produits agricoles américains.
Japon et Corée représentent déjà les 4e et 5e débouchés pour la filière agricole américaine et les 2e et 3e excédents commerciaux bilatéraux (respectivement 10,7 Mds et 6,8 Mds USD en 2024). Lors d’une audition au Sénat américain, le représentant commercial des États-Unis (USTR), Jamieson Greer, a néanmoins mentionné le secteur agricole parmi ceux pour lequel des efforts seraient demandés au Japon en vue d’un accès plus large à son marché domestique. Le riz est régulièrement pris pour exemple par l’administration américaine afin de justifier la mise en place de droits de douane « universels » : les droits élevés imposés par le Japon – plus de 700 % selon la porte-parole de la Maison Blanche, en réalité de l’ordre de 400% selon les cours actuels – ont ainsi été évoqués à plusieurs reprises, provoquant de nombreuses réactions dans la presse japonaise. Comme l’a rappelé le secrétaire général du Cabinet Hayashi, ces droits ne concernent en effet qu’une très faible partie des importations de riz du Japon. Chaque année, le Japon importe de l’ordre de 700 000 tonnes de riz (soit de l’ordre de 8 à 10 % de ses besoins) en franchise de droits de douane en vertu d’un accès minimum aux marchés (AMM), dans le cadre de ses obligations auprès de l’OMC, les États-Unis fournissant entre 300 000 et 400 000 tonnes de ce quota. Au-delà, des droits de 341 JPY par kilogramme (environ 2,10 EUR, soit 400 % selon le prix moyen actuel du riz au Japon) s’appliquent mais ne concernent qu’une quantité négligeable (100 à 200 tonnes de riz par an). Élément de base de l’alimentation des Japonais, le riz est systématiquement exclu du champ des négociations commerciales conduites par le Japon. Pour la Corée, l’administration Trump n’a pas mentionné de domaine précis sur lequel les négociations à venir porteraient. La levée de l’interdiction d’exporter la viande de bœuf issue d’animaux de plus de 30 mois, l’une des principales revendications américaines pour l’accès au marché coréen, devrait néanmoins être prioritaire et a été évoquée dans une déclaration de la filière bovine américaine. Nikkei
La Corée commence à exporter des chevaux de boucherie vers le Japon.
30 chevaux ont été exportés début avril, marquant la première expédition vers le Japon depuis l’entrée en vigueur de conditions sanitaires bilatérales révisées en 2023. Ces animaux seront engraissés sur place et sont destinés à la consommation. L’élevage de chevaux à fins de boucherie, pratiqué sur l’île coréenne de Jeju depuis l’époque néolithique, a connu un renouveau à partir des années 1990 et fait aujourd’hui l’objet d’une labellisation des restaurants servant uniquement de la viande élevée localement et issue de la variété locale, issue du croisement entre percherons et chevaux de trait belges et qui se caractérise par sa viande marbrée. Cette ouverture de marché marque une nouvelle étape dans le développement de la filière. Au Japon, la viande de cheval est consommée essentiellement dans l’île de Kyushu, au sud-ouest de l’archipel. Une partie de la viande est issue d’animaux de réforme importés vivants avant d’être engraissés sur place. JoongAng
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Rédigé par : Le pôle agriculture et alimentation du Service économique régional de Tokyo et le Service économique de Séoul.
Contacts : Jérôme PERDREAU, Conseiller agricole, jerome.perdreau@dgtresor.gouv.fr
Claudine GIRARDO,Conseillère agricole référente SPS claudine.girardo@dgtresor.gouv.fr
Ryoko ISODA, Attachée sectorielle au pôle agriculture et alimentation ryoko.isoda@dgtresor.gouv.fr Marie COLLARD, Chargée de mission au pôle agriculture et alimentation marie.collard@dgtresor.gouv.fr
Jina AHN, Attachée économique, SE de Séoul jina.ahn@dgtresor.gouv.fr
Illustration : pôle agro SER Tokyo