Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les créations d’emploi surprennent à la hausse
  • Les prix à la consommation surprennent à la baisse

Politiques macroéconomiques

  • Le Congrès adopte une résolution budgétaire bicamérale débloquant la procédure de réconciliation
  • Les responsables de la Fed soulignent le risque accru de stagflation

Services financiers

  • La SEC clarifie le statut juridique des stablecoins
  • Le DOJ exclut certaines procédures de sanctions contre les crypto-actif de son champ de compétence
  • Scott Bessent présente les grandes lignes de son programme de dérégulation bancaire
  • Michelle Bowman a été auditionnée par le Sénat pour le poste de vice-présidente de la Fed

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Les créations d’emplois surprennent à la hausse

Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation du marché du travail, publié le 4 avril, les créations nettes d’emplois ont augmenté de +228 000 en mars, soit un niveau largement supérieur aux attentes des marchés (+135 000). La moyenne au cours des douze derniers mois s’établit à +158 000.

Les créations d’emploi ont principalement augmenté dans la santé (+54 000), l’assistance sociale (+24 000), les ventes au détail (24 000) ainsi que le transport et le stockage (+23 000), partiellement compensées par un recul dans l’administration (-4 000).

Par ailleurs, les créations d’emploi ont été révisé à la baisse en février à +117 000 (‑34 000) et en janvier à +111 000 (‑14 000).

Le taux de chômage a légèrement augmenté à 4,2 % (après 4,1 %), un niveau supérieur à celui anticipé par les marchés (4,1 %).

Le taux d’activité a légèrement augmenté à 62,5 % (après 62,4 %), tandis que le taux d’emploi est resté inchangé à 59,9 %. De plus, le salaire horaire progresse de +0,3 % sur un mois (après +0,3 %) et s’établit à +3,8 % en glissement annuel.

 

Les prix à la consommation surprennent à la baisse

Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) publié le 12 mars, l’indice des prix à la consommation (IPC) a baissé de ‑0,1 % en mars après une hausse de +0,2 % en février et +0,5 % en janvier. Sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) a augmenté de +0,1 % (après +0,2 % en février). Les prix de l’énergie baissent fortement de ‑2,4 % (après +0,2 %), tandis que ceux de l’alimentation augmentent à +0,4 % (après +0,2 %).

Sur un an, l’inflation totale diminue à +2,4 % (après +2,8 % en janvier), tout comme sa composante sous-jacente qui baisse à +2,8 %, après +3,1 %. L’inflation des prix de l’énergie s’établit à -3,3 %, et celle de l’alimentation à +3,0 %. L’évolution est inférieure aux attentes des marchés de ‑0,2 point pour l’inflation totale (+2,6 %) et son sous-jacent (+3,0 %). Toutefois, à l’exception des services de transport, des véhicules d’occasion des produits de santé et des matières premières, l’ensemble des postes de la composante sous-jacente ont connu une augmentation en février.

 

 

Politiques macroéconomiques

 

Le Congrès adopte une résolution budgétaire bicamérale débloquant la procédure de réconciliation.

Le Sénat a adopté (51‑48) le 5 avril une nouvelle version de résolution budgétaire. À l’exception de Rand Paul (R‑Kentucky) et Susan Collins (R‑Maine) s’étant prononcés contre, l’ensemble des sénateurs Républicains ont voté pour. Le 10 avril, la Chambre des représentants a également adopté (216‑214) cette proposition. Seuls les représentants Thomas Massie (R‑Kentucky) et Victoria Spartz (R‑Indiana) ont voté contre.

Ce vote, initialement prévu le 9 avril, avait toutefois été reporté, le Speaker de la Chambre Mike Johnson (R‑Louisiane) ayant rencontré des difficultés à réunir les voix nécessaires à l’adoption du texte. En effet, une quinzaine de représentants républicains, notamment de l’aile ultra‑conservatrice (dont le freedom caucus) avaient exprimé leur opposition en raison du montant des coupes budgétaires proposées par le Sénat (4 Md USD) jugé insuffisant au regard de la hausse des dépenses autorisée par le texte (+2 020 Md USD dont +1 500 Md USD en vue de nouvelles baisses d’impôts, sans compter l’extension des baisses d’impôts prévues par le Tax Cut and Jobs Act adopté en 2017 sous le premier mandat de D. Trump et arrivant à échéance fin 2025 soit un impact de +3 800 Md USD). Les Républicains dissidents ont finalement voté pour la résolution, grâce à l’engagement de M. Johnson et du chef de la majorité au Sénat, John Thune (R‑Dakota du Sud) de rechercher au moins 1 500 Md USD de coupes budgétaires (bien que le texte ne l’exige pas)

Pour mémoire, le vote d’une résolution budgétaire à la majorité simple par les deux assemblées fixe le cadre financier de la procédure de réconciliation. La procédure de réconciliation permet de légiférer en matière budgétaire et fiscale à la majorité simple au Sénat.

La résolution adoptée amende la version votée par la Chambre des représentants le 25 février, et fixe ainsi le cadre financier des lois de réconciliation qui vont être débattues au Congrès pour mettre en œuvre le programme du président D. Trump en matière d’ énergie, de défense, de fiscalité et de sécurité à la frontière.

Le texte prévoit également un relèvement du plafond de la dette de +5 000 Md USD. Pour rappel, le plafond de la dette, qui représente le montant maximal que peut emprunter l’Etat fédéral, a été suspendu à l’issue d’une loi bipartisane, Fiscal Responsibility Act de juin 2023, et réactivé depuis le 2 janvier 2025.

 

Les responsables de la Fed soulignent le risque accru de stagflation

Selon le procès-verbal (minutes) de la réunion du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 18 et 19 mars, publié le 9 avril, les responsables ont estimé que la hausse des tarifs douaniers pourrait entrainer un rebond de l’inflation et un ralentissement de l’activité économique.

Lors de la réunion, la majorité des responsables ont souligné que, compte tenu de l’incertitude entourant l’ampleur et la durée de ces hausses, l’inflation pourrait être davantage persistante que prévu. Plusieurs d’entre eux ont noté que les hausses annoncées, ou envisagées, dépassaient déjà les attentes de leurs interlocuteurs dans leurs circonscriptions, certaines entreprises signalant des augmentations de leurs coûts et de leurs prix en anticipation des hausses de droits de douanes. Toutefois, certains ont évoqué des facteurs susceptibles de modérer l’effet inflationniste des tarifs douaniers, notamment la politique migratoire restrictive, réduisant notamment la demande (et donc le prix) des logements, ou l’épuisement de l’excédent d’épargne accumulé par les ménages depuis la pandémie.

Par ailleurs, les responsables ont observé que, malgré la solidité des indicateurs économiques (hard data), notamment en matière de consommation et d’emploi, la confiance des ménages et des entreprises s’était détériorée, ce qui pourrait freiner la consommation et l’investissement.

En raison de cette incertitude accrue, et des risques pesant sur la croissance et l’inflation, les responsables ont estimé que la politique monétaire était bien positionnée, en attendant de disposer d’une meilleure visibilité sur la suite des évènements et les prochaines mises à jour des données économiques. La décision de maintenir la fourchette des taux directeurs à son niveau actuel a été prise à l’unanimité.

Les responsables ont également estimé que le rythme de réduction du bilan de la Fed avait été adaptée jusque-là. Cependant, la décision d’en ralentir la vitesse n’a pas fait l’unanimité auprès des participants.

Plusieurs responsables se sont depuis exprimés, notamment à la suite des annonces de tarifs réciproques le 2 avril. Jerome Powell, président de la Fed, s’est exprimé le 4 avril devant le journal ABEW. Il a notamment souligné la solidité de l’économie et du marché de l’emploi. Le niveau d’inflation se rapproche de sa cible de long terme bien qu’il soit toujours trop élevé. Il a toutefois expliqué que l’ampleur des tarifs douaniers annoncés était supérieure à ce qui était attendu, augmentant le risque de stagflation. Il a mis l’accent sur l’importance pour la Fed de contrôler la hausse des anticipations d’inflation à long terme pour que ce choc ponctuel ne se prolonge pas de façon durable.

 

 

Services Financiers

 

La SEC clarifie le statut juridique des stablecoins

Le 10 avril, la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a publié un avis (statement) visant à clarifier le statut juridique des stablecoins, qu’elle exclut du champ des titre financiers traditionnels (securities – e.g., actions, obligations). Cette décision tranche avec la situation actuelle, où en l’absence de loi relative à la régulation du secteur, la SEC appliquait aux stablecoins la règlementation applicable aux securities.

Les stablecoins concernés (« Covered Stablecoins ») incluent ceux dont la valeur est adossée au cours légal du dollar, à parité (1 pour 1), et dont les réserves sont investies dans des sous-jacents monétaires fixes, liquides et à faible risques (e.g., dollar, bons du Trésor américain). Ces réserves doivent en outre garantir la collatéralisation intégrale de l’ensemble des unités de stablecoins en circulation.

S’appuyant sur plusieurs tests juridiques de la Cour Suprême visant à déterminer si un actif entre dans le champ des securities (Reves v. Ernst & Young ; SEC v. W.J. Howey), la SEC conclut que les stablecoins disposent de caractéristiques proches (« family resemblance »), mais toutefois différentes, des instruments de dette. En l’espèce, selon l’agence, les covered stablecoins se distinguent des securities par i) l’absence de versement d’intérêt, de dividende ou de tout autre rendement, ii) le fait que leur détention ne confère aucun droit de gouvernance sur l’émetteur, iii) la garantie d’une valeur stable, minimisant ainsi toute fluctuation qui pourrait encourager des logiques de spéculation, iv) les garanties en termes de conservation et de ségrégation des actifs associées, qui réduisent significativement leur exposition au risque.

Cette clarification exempte les émetteurs et les plateformes de stablecoins d’enregistrement auprès de la SEC. Elle contribuera également à la finalisation des travaux parlementaires en matière de stablecoins, chaque chambre ayant déjà publié une proposition de loi bipartisane sur le sujet (Senate GENIUS Act, House STABLE Act).

 

Le DOJ exclut certaines procédures de sanctions contre les crypto-actif de son champ de compétence

Le 7 avril, Todd Blanche, Procureur général adjoint du Département of Justice (DoJ) a publié un mémo visant à limiter la compétence de l’agence en matière de sanctions contre le secteur des crypto-actifs, qu’il considère comme relevant exclusivement des régulateurs financiers. Selon T. Blanche, cette décision vise à prévenir l’instrumentalisation de la justice contre l’industrie des crypto-actifs, une méthode qu'il estime avoir été employée par l'administration démocrate.

En l’espèce, le DoJ annonce la suppression de la National Cryptocurrency Enforcement Team (NCET), une équipe créée en 2021 chargée des poursuites contre les crypto-actifs. Entre autres, le DoJ suspend les poursuites liées aux infractions des règles d’enregistrement des plateformes de crypto-actifs en vertu du Commodity Exchange Act (CEA). Le mémo précise toutefois que le DOJ reste en charge des enquêtes impliquant des plateformes de crypto-actifs i) lorsque des investisseurs sont lésés (e.g., vols) et ii) dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme.

Le 8 avril, Caroline D. Pham, Présidente par intérim de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), l’autorité des marchés de dérivés, a salué la décision du DOJ, qui clarifie selon elle les modalités de supervision des plateformes de crypto-actifs. Elle charge par ailleurs la CFTC de suspendre les procédures de sanction contre les plateformes de crypto-actifs qui auraient involontairement enfreint les dispositions d’enregistrement du CEA, sauf preuve d’une violation intentionnelle.

 

Scott Bessent présente les grandes lignes de son programme de dérégulation bancaire

Lors d’une intervention devant l’American Bankers Association (ABA) le 9 avril, le Secrétaire au Trésor Scott Bessent a présenté son programme d’assouplissement de la réglementation financière, en particulier du secteur bancaire. Destiné à favoriser les ménages, les investisseurs particuliers et les entreprises de taille moyenne (« Main Street ») plutôt que les grandes institutions financières (« Wall Street »), cette réduction de la charge administrative et du pouvoir des superviseurs doit permettre aux banques, notamment locales (« community banks ») de prêter davantage et de développer « l’économie réelle ». Trois principes guident cette politique : (i) la clarification des objectifs de la régulation (solidité et stabilité financière, protection des consommateurs), (ii) une régulation et des superviseurs efficaces, sensibles à l’équilibre entre coûts et bénéfices, et (iii) une réglementation équitable, claire et prévisible.

A cette fin, des conditions de concurrence équitables entre banques locales et grands établissements, mais aussi avec les institutions financières non-bancaires (Non-bank financial institution – NBFI), doivent être restaurées (i) en réduisant les exigences de conformité (compliance) et potentiellement de contrôle interne et (ii) en exemptant certaines banques, en fonction de leur taille (tailoring), de certains blocs de réglementation.

Ensuite, la supervision doit être recentrée sur les principaux risques financiers, plutôt que sur les risques de gouvernance, ou encore réputationnels ou climatiques. Les procédures de recours contre les décisions de supervision doivent être effectives.

Les obligations en capital doivent être « modernisées », sans méconnaître les défauts du cadre prudentiel « Bâle 3 », dont le rationnel est insuffisamment justifié par le comité de Bâle, et peu adapté aux réalités du marché américain. Pour S. Bessent, la proposition de finalisation présentée par la Fed en juillet 2023 ne doit pas servir de base de discussion pour un chantier qui doit s’appuyer sur un diagnostic national et non international ; le principe même d’une externalisation des décisions auprès d’une instance internationale est remise en question. Bâle 3 ne peut tenir qu’un rôle d’inspiration de la future proposition réglementaire américaine, qui visera à (i) revoir le mode de calcul des exigences sur les prêts hypothécaires, avec pour les banques non soumises à Bâle 3 la possibilité d’opter pour ce traitement plus favorable et de (ii) réévaluer les coussins prudentiels résultants des stress-tests.

En outre, S. Bessent propose de réévaluer les exigences de liquidité qui ont conduit à mobiliser une part trop importante du bilan des banques sur des actifs de très court terme et des réserves de banques centrales plutôt que sur des prêts finançant l’économie. En contrepartie, il envisage de donner aux prêts un rôle de collatéral éligible au refinancement auprès de la Fed (discount window) ou auprès des Federal Home Loan Banks en période de stress financier.

Enfin, il suggère de recentrer le cadre de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme sur les sujets de sécurité nationale. En matière de résolution, il propose de travailler avec le Congrès pour relever le seuil de la garantie des dépôts bancaires des entreprises.

Michelle Bowman a été auditionnée par le Sénat pour le poste de vice-présidente de la Fed

Auditionnée le 10 avril par le Sénat, M. Bowman s’est donnée comme priorité, si elle était confirmée en tant que vice-présidente chargée de la supervision à la Fed, de (i) recentrer et rendre plus transparente la supervision, qui ne doit pas pousser les banques à « éliminer » les risques mais à mieux les gérer, (ii) mieux considérer l’équilibre entre coûts et bénéfices de chaque règle, ce qui n’est d’après elle pas une obligation légale de la Fed aujourd’hui, (iii) ajuster davantage la réglementation au profil des banques (tailoring) et (iv) promouvoir l’innovation, condition de la prospérité des acteurs bancaires.

Interrogée sur le devenir de l’indépendance de la supervision par la Fed, alors qu’un décret présidentiel prévoit la validation de chaque nouvelle règle par l’Office of Management and Budget (OMB) de la Maison Blanche, M. Bowman a insisté sur l’importance de la cohérence des réponses apportées entre régulateurs bancaires, et a indiqué que la validation des règles par l’OMB ne porterait « pas nécessairement » atteinte à l’indépendance de la Fed.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), les indices boursiers ont baissé de -2,4 % pour le S&P 500, à 5 268, et -1,0 % pour le Nasdaq, à 16 387. Les taux à 2 ans et à 10 ans ont fortement augmenté de +22 points de base à 3,86 %, et de +42 points de base à 4,43 %, respectivement.

Après l’annonce de la mise en place de droits de douane « réciproques », les marchés actions ont accusé une baisse continue lors de trois sessions successives, tandis que les rendements des obligations baissé, en raison d’un mouvement de « flight to quality ». Ces taux ont ensuite fortement augmenté dans la nuit du 8 avril en raison de doutes croissants des investisseurs quant au statut de valeur refuge de la dette américaine, et à la volonté de désendettement des fonds de gestion alternatifs (hedge funds).

Cette évolution semble avoir contribué le 9 avril à la suspension pendant 90 jours des droits de douane additionnels aux droits de douane universels de 10%, ce qui a permis à la fois un rebond historique du marché action, et une détente des taux obligataires. Pour autant, cette embellie n’a pas suffi à effacer la tendance baissière sur la semaine écoulée, la journée du 10 avril ayant été marquée par une nouvelle baisse des marchés actions et une augmentation des rendements en raison du maintien de l’escalade dans l’affrontement commercial qui oppose la Chine et les Etats-Unis, négativement perçue par les investisseurs qui redoutent une baisse de la croissance et une hausse de l’inflation.

 

Brèves