Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les perspectives rapportées par les enquêtes se dégradent
  • Les prix de l’immobilier poursuivent leur hausse
  • La croissance du PIB reste inchangée dans sa 3ème estimation

Politiques macroéconomiques

  • Le CBO publie une estimation de la date d’épuisement de la trésorerie fédérale

Services financiers

  • Auditionnés par le Sénat, Paul Atkins (SEC), Jonathan Gould (OCC) et Luke Pettit (Treasury) clarifient les orientations de leur mandat
  • Le FinCen réduit le champ de son registre des bénéficiaires effectifs
  • La Chambre des représentants dévoile un projet de loi en matière d’encadrement des stablecoins

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Les perspectives rapportées par les enquêtes se dégradent

L’indice de confiance des ménages publié le 25 mars par le Conference Board, think-tank spécialisé dans les enquêtes, a baissé de ‑7,2 points en mars (après ‑7 points en février) à 92,9 (contre 93,5 attendu), soit sa plus forte baisse depuis août 2021. Les perspectives à court terme des consommateurs en matière de revenu, d’activité et de marché du travail, ont également chuté de ‑9,6 points, à 65,2. Cette baisse est imputable à un climat d’incertitude lié aux tarifs douaniers et à la hausse de la volatilité du marché boursier.

En outre, l’indice PMI issu d’une enquête auprès d’entreprises de l’industrie manufacturière et des services, publiée par S&P Global le 24 mars, a progressé de +1,9 point en mars, atteignant 53,5. Cette hausse a été portée par le secteur des services, dont l’indice d’activité a augmenté de +3,3 points à 54,3, tandis que la production manufacturière s’est contractée, l’indice tombant de ‑5,7 points, à 48,8. L’indice PMI manufacturier a également reculé à 49,8, après 52,7. Par ailleurs, dans les enquêtes, les perspectives des entreprises pour l’année à venir continuent de se dégrader.

La dégradation des perspectives alimente les inquiétudes d’une récession. Deutsche Bank a publié le 24 mars une enquête évaluant à 43 % la probabilité de récession dans les douze prochains mois. Le sondage est effectué auprès de 400 répondants, qui soulignent notamment un risque croissant lié au ralentissement de l’activité.

De plus, selon une enquête trimestrielle réalisée auprès des directeurs financiers d’entreprises par le journal CNBC, au 1er trimestre 2025, 60 % d’entre eux ont indiqué s’attendre à une récession au cours du 2nd semestre 2025 (contre 7 % lors de la précédente enquête au 4ème trimestre 2024), et 15 % en 2026. Les répondants avancent les mesures commerciales (30 %) comme facteur déterminant, suivi de l’inflation (25 %), et de la demande intérieure (20 %). Parmi eux, 95 % déclarent que l’incertitude politique a un impact sur leur prise de décision.

 

Les prix de l’immobilier poursuivent leur hausse

Selon le rapport publié le 25 mars par l’Agence fédérale de financement du logement (Federal Housing Finance Agency - FHFA), les prix de l’immobilier ont augmenté de +0,2 % en janvier (après +0,5 % en décembre). Sur un an, les prix ont progressé de +4,8 % (après +4,7 %).

L’indice Case-Shiller publié par S&P Global, portant sur les prix immobiliers des 20 plus grandes villes américaines, a lui aussi légèrement augmenté en janvier de +0,1 % (après +0,5 % en décembre). En glissement annuel, l’indice progresse de +4,7 % (après +4,5 %). Les villes ayant connu les hausses annuelles les plus importantes sont New York (+7,7 %), Chicago (+7,5 %) et Boston (+6,6 %). Si la hausse des taux d’intérêts hypothécaires en 2024 combinée aux prix de l’immobilier déjà élevés pèsent sur la demande de logements, les prix poursuivent leur hausse en raison de l’insuffisance de l’offre.

 

La croissance du PIB au 4ème trimestre 2024 reste inchangée dans sa 3ème estimation

Selon une troisième estimation du Bureau of Economic Analysis (BEA), publiée le 27 mars, la croissance du PIB en volume est restée inchangée à +0,6 % au 4ème trimestre 2024. En rythme annualisé, la croissance est révisée à la hausse de +0,1 point à +2,4 %, après +3,1 % au troisième trimestre, soit un niveau légèrement supérieur aux attentes du marché (+2,3 %).

Au 4ème trimestre 2024, la croissance a été portée par la consommation privée (+0,7 point de contribution), la consommation et l’investissement public (+0,1 point) ainsi que le commerce extérieur (+0,1 point) révisé à la hausse de +0,1 point, et pénalisée par les variations de stocks (‑0,2 points). La contribution de l’investissement privé, revue à la hausse de +0,1 point, est nulle.

 

 

Politiques macroéconomiques

 

Le CBO publie une estimation de la date d’épuisement de la trésorerie fédérale

Le 26 mars, le Congressionnal Budget Office (CBO), un organe chargé des analyses économiques et budgétaires et rattaché au Congrès, a publié ses prévisions de date d’épuisement de trésorerie de l’État fédéral du fait de la réactivation du plafond de dette, à 36 100 Md USD, depuis le 2 janvier 2025.

Pour mémoire, le plafond de la dette est le montant maximum de dette que le Treasury est autorisé à emprunter. Cette limite avait été suspendue le 3 juin 2023 jusqu’au 1er janvier 2025 en vertu du Fiscal Responsibility Act. Le plafond est réactivé à compter du 2 janvier 2025 et le Treasury a mis en œuvre des mesures d’urgence de trésorerie lui permettant de continuer à financer l’État fédéral.

Le CBO estime que si le plafond de la dette demeure inchangé, la trésorerie de l’État fédéral sera épuisée entre août et septembre 2025. La date exacte d’épuisement demeure incertaine et dépendra des besoins de financement fédéral et du montant des recettes fiscales perçues. Selon le CBO, les trésoreries disponibles sur la période allant de mars à juillet s’élèveraient à environ 820 Md USD dont 580 Md USD de trésorerie fédérale et 240 Md USD de trésorerie disponible grâce aux mesures d’urgence.

Faute de relèvement ou de suspension du plafond de la dette avant l’expiration des mesures extraordinaires, l’État fédéral court alors le risque d’un défaut de paiement de ses obligations.

 

 

Services Financiers

 

Auditionnés par le Sénat, Paul Atkins (SEC), Jonathan Gould (OCC) et Luke Pettit (Treasury) clarifient les orientations de leur mandat

Le 27 mars, plusieurs candidats nommés par Donald Trump ont été auditionnés par le comité des affaires bancaires du Sénat, dans le cadre de leur procédure de confirmation. Il s’agit de i) Paul Atkins, pour le poste de Président de la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, ii) Jonathan Gould, pour le poste de Comptroller de l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), l’agence du Treasury chargée de la supervision des national banks et iii) Luke Pettit, pour le poste d’assistant secretary en charge des marchés financiers.

P. Atkins a rappelé les grandes orientations de son mandat, à savoir i) le retour à une vision pragmatique de l’encadrement règlementaire, ii) l’assouplissement des conditions d’accès des petites et moyennes entreprises aux levées de fonds sur les marchés cotés et iii) la promotion de l’industrie des crypto-actifs et la lutte contre la « débancarisation » de ce secteur. Interrogé sur son rôle de Commissaire à la SEC jusqu’à la crise financière de 2008, il a reconnu l’inadéquation de la feuille de route règlementaire de l’agence à l’époque (mis-regulation), qui aurait dû selon lui se concentrer sur les risques liés au surendettement des acteurs financiers. Ensuite interrogé sur la poursuite d’un agenda ESG, P. Atkins a affirmé que l’agence suspendrait les chantiers en la matière, estimant qu’ils ne relèvent pas de l’autorité statutaire de l’agence. Concernant l’utilité du Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB), l’autorité de régulation des auditeurs financiers, P. Atkins a insisté sur l’importance de ses fonctions, mais n’exclut pas de les centraliser au sein de la SEC. P. Atkins a également indiqué que l’agence travaillerait à renforcer la sécurité des données conservées par le système d’audit des marchés (Consolidated Audit Trail – CAT). Enfin, il a assuré que la SEC resterait indépendante de toute influence politique.

Interrogé sur les conséquences de la hausse des droits de douane, L. Pettit a concédé qu’elle pouvait conduire à une hausse des prix des importations à court-terme. Par ailleurs, L. Pettit a affirmé que les régulateurs bancaires (Fed, OCC, FDIC) conserveront leur indépendance vis-à-vis du Trésor, mais devront parler d’une seule voix. Par ailleurs, L. Pettit a indiqué qu’il ferait des community banks une priorité, souhaitant notamment assouplir les règles de contrôle de fusions bancaires.

J. Gould a insisté sur le fait que le système bancaire doit servir l’économie réelle, et donc prendre des risques avec prudence. Or, selon lui, la régulation bancaire depuis la crise de 2008 a tenté d’éliminer ces prises de risques. Il a rappelé son attachement à des règles différenciées en fonction de la taille des banques (« tailoring »). Répondant aux sénateurs, J. Gould s’engage à mettre fin aux pratiques de « débancarisation », et estime comme L. Pettit que la crise bancaire du printemps 2023 n’était pas liée à la dérégulation mais à des erreurs commises par les superviseurs, insuffisamment attentifs aux vulnérabilités particulières des banques concernées.

 

Le FinCen réduit le champ de son registre des bénéficiaires effectifs

Le Financial Crimes Enforcement Network (FinCen), organe du Treasury chargé de la lutte contre la criminalité financière, a publié le 21 mars 2025 une règle exonérant une majorité des entreprises soumises aux obligations de transparence sur leurs « bénéficiaires effectifs », c’est-à-dire les personnes exerçant un « contrôle substantiel » ou détenant au moins 25 % de leur capital.

Le 22 septembre 2022, en application de la loi sur la transparence des entreprises (Corporate Transparency Act – CTA) le FinCEN avait publié une règle fixant les exigences de communication nécessaires à la création d’un registre des bénéficiaires effectifs des sociétés autorisées à exercer leurs activités aux États-Unis.

La règle est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Suite aux actions en justice menées contre cette règle, la date de mise en conformité avait été reportée du 1er janvier au 21 mars 2025. Le 2 mars, le Treasury avait annoncé suspendre partiellement le contrôle de la règle.

La nouvelle règle « temporaire » publiée le 21 mars 2025 traduit juridiquement cette suspension, et exempte les « entreprises nationales » (i.e. créées selon les lois d’un État américain) de l’obligation de déclarer leurs bénéficiaires effectifs, et les entreprises étrangères de l’obligation de déclarer les bénéficiaires effectifs américains (U.S . persons). Seules sont donc assujetties les entreprises créées selon les lois d’un pays étranger et autorisées à exercer des activités aux États-Unis. Par ailleurs, 23 types d’entreprises restent exemptés, dont les sociétés cotées, les entreprises du secteur financier (banques, fonds d’investissement, sociétés d’assurance, etc.), ainsi que celles employant plus de 20 salariés et ayant déclaré plus de 5 M USD de chiffre d’affaires.

FinCen justifie sa décision par les économies de coûts de mise en conformité pour les entreprises (13,6 Md USD en cumulé sur les cinq prochaines années).

L’association représentant les petites entreprises (National Federation of Independent Business) s’est félicitée de la nouvelle règle. A contrario, les défenseurs de la lutte contre le blanchiment, notamment l’alliance FACT (Financial Accountability and Corporate Transparency) déplorent cet amendement de la règle, qui exempterait « 99 % » des entreprises initialement concernées.

La publication de la règle a ouvert une période de commentaire de 30 jours, et l’administration prévoit d’adopter une règle définitive avant la fin de l’année.

 

La Chambre des représentants dévoile un projet de loi en matière d’encadrement des stablecoins

Le 26 mars, le comité financier de la Chambre des représentants a publié une proposition de loi bipartisane, le Stablecoin Transparency and Accountability for a Better Ledger Economy (STABLE Act), créant un cadre de régulation pour les stablecoins. Le texte est porté par les représentants républicains Bryan Steil (Wisconsin), French Hill (Arkansas), et soutenu par les démocrates Josh Gottheimer (New Jersey), Sam Liccardo (Californie) et Ritchie Torres (New York).

Le STABLE Act apparaît substantiellement comparable au GENIUS Act, la proposition de loi bipartisane du Sénat en matière de stablecoins publiée le 4 février, en introduisant néanmoins quelques nuances.

Le STABLE Act formalise la définition des stablecoins, désignant une catégorie de crypto-actifs dont la valeur doit être adossée au cours légal du dollar et dont les réserves doivent être investies dans un sous-jacent monétaire fixe, principalement le dollar et les Treasuries. Cette définition est conforme à celle énoncée dans le GENIUS Act.

En matière d’exigences de liquidité et de capital, le STABLE Act renvoie la responsabilité de la définition des obligations en capital aux régulateurs fédéraux (Fed pour les banques, OCC pour les non banques et National Credit Union Administration – NCUA pour les caisses coopératives) sur consultation des régulateurs des États, et pose le principe d’une limitation de ces obligations en capital en fonction du modèle d’affaires et du niveau de risque de l’émetteur. Par contraste, le GENIUS Act autorise les régulateurs des Etats à élaborer directement leurs standards pour les émetteurs sous leur supervision.

S’agissant des modalités de supervision, le STABLE Act autorise l’ensemble des sociétés émettrices de stablecoins à être supervisées par les régulateurs des États (state regulators), à condition que leur soit appliqué un régime de supervision substantiellement similaire à celui exercé par les régulateurs fédéraux. Le GENIUS Act préconise quant à lui un régime de supervision par les régulateurs fédéraux (Fed, OCC) pour les plus grosses sociétés émettrices (capitalisation de marché supérieure à 10 Md USD).

Enfin, le STABLE Act ne précise aucune disposition concernant un éventuel régime de résolution, tandis que le GENIUS Act en prévoit un, sous l’autorité de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’autorité de résolution et de garantie des dépôts des banques.

 

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), les indices boursiers ont progressé : +1,1 % pour le S&P 500, à 5 693, et +1,6 % pour le Nasdaq, à 17 804.

Grâce à l'accalmie dans l'annonce de nouvelles mesures commerciales et à la perspective de relèvements de droits de douane plus ciblés au 2 avril, les indices ont enregistré une forte hausse. Toutefois, les indices ont fini la semaine en baisse à la suite de l’annonce de nouvelles hausses de tarifs douaniers (25 %) sur l’automobile le 26 mars. Les valeurs technologiques du secteur de l’intelligence artificielle ont reculé après les avertissements du CEO d’Alibaba, Joe Tsai, concernant le risque de formation d’une bulle.

Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) ont légèrement progressé : le taux à 2 ans a d’abord reculé à 3,9 % (-0,1 point), avant de terminer la semaine à 4,0 % et le taux à 10 ans a augmenté à 4,4 % (+0,2 point).

 

Brèves