Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les perspectives des ménages se dégradent
  • Les ventes au détail progressent moins qu’attendu

Politiques macroéconomiques

  • Donald Trump signe le budget provisoire voté au Congrès
  • La Fed maintient la fourchette cible de ses taux directeurs

Services financiers

  • La SEC adapte son approche de travail et poursuit la révision des réformes menées sous la législature démocrate
  • Michelle Bowman désignée pour être la future vice-présidente en charge de la supervision à la Fed

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Les perspectives des ménages se dégradent

L’indice de confiance des consommateurs publié le 14 mars par l’université du Michigan a chuté de ‑11 % en mars, à 57,9 (après 64,7 en février et 71,7 en janvier), pour le troisième mois consécutif. La détérioration de la confiance des consommateurs, notamment au regard de leur situation financière, du marché du travail, de l’inflation ou des marchés boursiers, est généralisée à l’ensemble de la population. Cette dégradation est partagée par les Démocrates et les Républicains. Les consommateurs évoquent notamment le niveau élevé d’incertitude entourant les politiques économiques actuelles.

En outre, l’enquête montre que les anticipations d’inflation à un an ont fortement augmenté à +4,9 % (après +4,3 %) soit leur niveau le plus élevé depuis novembre 2022, marquant une troisième hausse consécutive « inhabituellement élevée » de +0,5 points ou plus. Les anticipations à long terme ont également augmenté à +3,9 % en mars (après +3,5 %).

 

Les ventes au détail progressent moins qu’attendu

Selon les données du Census Bureau, publiées le 17 mars, les ventes au détail ont légèrement augmenté de +0,2 % en février après ‑1,2 % en janvier (révisé à la baisse de ‑0,4 point), surprenant à la baisse les attentes de marché (+0,6 %). Sur douze mois glissants, les ventes au détail ont progressé de +3,8 % (après +4,2 %). Ces estimations étant en valeur, cette hausse pourrait être plus faible encore, une fois corrigée de l’inflation.

En février, sept des treize catégories recensées dans le rapport ont affiché des baisses, en particulier les restaurants et bars (‑1,5 %), les stations-services (‑1,0 %), les vêtements et accessoires (‑0,6 %), les produits de loisir (sport, musiques et livres) et les concessionnaires automobiles (‑0,4 %). En revanche, les ventes au détail ont augmenté dans les ventes en ligne (+2,4 %), les produits de santé (+1,7 %) et les produits alimentaires (+0,4 %).

 

 

Politiques macroéconomiques

 

Donald Trump signe le budget provisoire voté au Congrès

Le Président Donald Trump a signé et promulgué le 15 mars le budget provisoire (continuing resolution) adopté par le Sénat (54-46) le 14 mars et par la Chambre des représentants (217-213) le 11 mars.

Le projet adopté prévoit une extension du budget provisoire jusqu’au 30 septembre, date de fin de l’exercice budgétaire 2025, une augmentation de 6 Md USD des dépenses de défense et une diminution de 13 Md USD dans les autres programmes.

Avant le vote final au Sénat, le texte a obtenu l'approbation d'un vote procédural (62-38) qui a permis de mettre fin à toute tentative d'obstruction (filibuster). Ce vote a été soutenu par neuf Démocrates et un Indépendant, tandis que le Républicain Rand Paul (R-Kentucky) s'y est opposé. En particulier, le minority leader Chuck Schumer (D-New York), s’est prononcé en faveur de la version républicaine, soutenant que le shutdown aurait donné un pouvoir trop important à l’exécutif, notamment dans le choix des agences à fermer (qualifiées de « non-essentielles »). Toutefois, des Sénateurs démocrates ont exprimé leur désaccord, considérant que le parti aurait dû utiliser ce projet comme un levier contre les Républicains.

 

La Fed maintient la fourchette cible de ses taux directeurs

La réunion du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 18 et 19 mars 2025 s’est conclue par le maintien de la fourchette cible des taux fed funds à [4,25 % - 4,5 %], en ligne avec les attentes. Cette décision a été prise à l’unanimité. Les responsables ont également annoncé un ralentissement du rythme de réduction du bilan de la Fed de 60 Md USD (25 Md USD de Treasuries et 35 Md USD de Mortgage-Backed Securities - MBS) à 40 Md USD (5 Md USD de Treasuries et 35 Md USD de MBS). Cette décision n’a pas été prise à l’unanimité ; le gouverneur Christopher Weller aurait préféré maintenir le rythme actuel.

Dans son discours liminaire, le président de la Fed, Jerome Powell a souligné la solidité de l’économie américaine et du marché du travail. Malgré les progrès réalisés au cours des dernières années, l’inflation demeure encore élevée par rapport à la cible de la Fed. Il a souligné l’incertitude entourant l’économie, illustrée par un ralentissement de la consommation et une dégradation des données d’enquête auprès des ménages et des entreprises. Il a déclaré que la Fed resterait attentive aux effets des « grands changements » en matière commerciale, migratoire, budgétaire et régulatoire, amorcés par la nouvelle administration.

La Fed a également publié les nouvelles projections économiques : la croissance est revue à la baisse de ‑­0,4 point en 2025 (+1,7 %) et de ‑0,2 point en 2026 (+1,8 %) ; l’inflation est revue à la hausse de +0,2 point (+2,7 %) en 2025 et de +0,1 point en 2026 (+2,2 %) ; le taux de chômage reste quasi-inchangé (+0,1 point en 2025). Dans ce contexte, la Fed a gardé la trajectoire de ses taux d’intérêt inchangée.

Durant la conférence de presse, le président de la Fed a indiqué que les révisions reflétaient en « bonne partie » les tensions commerciales sans pouvoir identifier leurs effets quantitativement. Ce climat d’incertitude pèserait sur le ressenti des ménages et des entreprises, même si historiquement, une détérioration des données d’enquête (soft data) n’a pas nécessairement affecté l’activité. Les données économiques (hard data) demeurant globalement solides, il a répété à plusieurs reprises la nécessité de disposer de plus de données avant d’ajuster la politique monétaire, le niveau des taux étant, d’après lui, approprié actuellement.

 

 

Services Financiers

 

La SEC adapte son approche de travail et poursuit la révision des réformes menées sous la législature démocrate

Le 17 mars, à l’occasion d’une conférence annuelle organisée par l’Investment Company Institute, Mark Uyeda, le président par intérim de la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a présenté les orientations de l’agence sous la nouvelle administration en termes de processus d’élaboration des règles et de gestion d’actifs. Ces orientations s’inscrivent dans une logique de révision des réformes engagées sous le mandat de Gary Gensler.

En premier lieu, M. Uyeda a l’ambition de rendre le processus d’élaboration des règles de l’agence plus robuste en i) développant davantage les échanges avec les parties prenantes concernées, via des périodes de commentaires allongées entre 60 et 90 jours, et en ii) rationalisant les étapes du processus d’élaboration des règles (« Back to basics ») afin d’assurer la pertinence des chantiers engagés et leur conformité avec les statuts de la SEC.

M. Uyeda est ensuite revenu sur la feuille de route de la SEC en matière de gestion d’actifs, priorisant l’annulation ou de nouvelles propositions pour les chantiers non finalisés. M. Uyeda cible en particulier une proposition de règle publiée en février 2023 visant à renforcer les exigences applicables aux sociétés de gestion en matière de conservation. Il dénonce l’extension du champ d’application de la règle à tous les actifs gérés par les sociétés de gestion, y compris les crypto-actifs. La Task Force de la SEC dédiée à l’élaboration d’un cadre règlementaire en matière de crypto-actifs, créée le 21 janvier, est mobilisée  sur le sujet. Parmi les autres propositions qui pourraient être abandonnées figurent i) une règle visant à imposer aux sociétés de gestion de mettre en place des procédures d’audit de leurs prestataires (octobre 2022) et ii) une règle visant à renforcer les exigences de transparence des fonds et conseils en investissement ESG (mai 2022).

Concernant certaines règles finalisées mais non encore entrées en vigueur, la SEC pourrait suspendre leur application (« pause ») dans l’attente d’une nouvelle proposition. M. Uyeda fait part de ce projet pour une règle publiée en août 2024, visant à rehausser les exigences de publication des fonds communs de placement et des fonds cotés. Pour d’autres dont elle ne souhaite pas modifier le contenu, la SEC pourra reporter leur délai de mise en application. Récemment, le 14 mars, l’agence a annoncé un report de six mois de l’entrée en vigueur des amendements de la Names Rule, visant à renforcer la cohérence entre la dénomination des fonds d’investissement et la composition réelle de leurs portefeuilles. Selon l’agence, ces mesures contribuent à réduire les coûts liés à la mise en œuvre des contraintes règlementaires sur les entreprises.

 

Michelle Bowman désignée pour être la future vice-présidente en charge de la supervision à la Fed

Le président Donald Trump a annoncé sur son réseau social le 17 mars qu’il entendait nommer Michelle Bowman en tant que vice-présidente de la Fed chargée de la supervision. Bien que membre du conseil des gouverneurs de la Fed depuis 2018, M. Bowman doit encore être confirmée par le Sénat dans ses nouvelles fonctions. D. Trump estime que M. Bowman dispose du « savoir-faire » nécessaire pour mieux gérer l’économie américaine que cela n’a été le cas sous la précédente majorité.

Diplômée de l’Université du Kansas, M. Bowman a occupé des postes à responsabilité dans l’administration de George W. Bush. Après sept années passées à des postes de direction au sein d’une banque locale (community bank) du Kansas, elle devient la commissaire aux banques de l’État du Kansas en 2017, puis est nommée en 2020 par D. Trump membre du conseil des gouverneurs de la Fed, au titre de son expérience au sein du secteur des community banks.

Les prises de position publiques de M. Bowman démontrent une volonté de simplifier nettement la régulation bancaire, en particulier pour les petites banques, et d’adopter une approche de la supervision plus « pragmatique ». M. Bowman s’est opposée au projet de finalisation de Bâle III proposé par Michael Barr en juillet 2023, jugeant l’augmentation des exigences en capital disproportionnée, mais sans méconnaître pour autant l’intérêt d’un cadre international harmonisé. M. Bowman estime que le cadre prudentiel demande à être revu, puisqu’il a largement été construit pour répondre à la crise hypothécaire de 2008-2009. La création de nouveaux établissements et les fusions bancaires font également partie de ses priorités. En matière de supervision, M. Bowman estime que l’approche actuelle repose de manière disproportionnée sur des jugements subjectifs, et des indicateurs mesurant des risques non-financiers (risques opérationnel, réputationnel, gestion du risque). Enfin, elle juge que les régulateurs doivent se montrer plus « ouverts à l’innovation », en clarifiant les règles et les attendus de supervision.

Sa nomination a été favorablement accueillie par l’industrie bancaire et les élus républicains. L’American Banker Association a salué sa compréhension des enjeux de l’économie réelle (« real-world perspective ») et l’association des community banks (Independant Community Bankers of America) sa vision pragmatique de la supervision. Le président de la commission bancaire au Sénat Tim Scott (R-Caroline du Sud) a applaudi cette nomination qui permettrait de « repousser les lourdes règles qui entravent l’économie américaine ». De même, French Hill (R-Arkansas), le président de la commission des services financiers à la Chambre, se dit impatient de « réévaluer la finalisation de Bâle III et de réexaminer les politiques de supervision et d’agrément du conseil des gouverneurs de la Fed ».

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), les indices boursiers ont progressé : +1,8 % pour le S&P 500, à 5 669, et +1,1 % pour le Nasdaq, à 17 709.

Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) ont été quasi stables : après avoir augmenté tout au long de la semaine, le taux à 2 ans a baissé pour finir la semaine à un niveau inchangé (4,0 %). Le taux à 10 ans a évolué en dent de scie mais fini en légère baisse, à 4,2 % (‑0,1 point).

Malgré un niveau d’incertitude élevé, les marchés financiers ont augmenté cette semaine grâce au répit dans les annonces de mesures commerciales de l’administration. Par ailleurs, le maintien de deux baisses de taux d’intérêt pour 2025 (de 25 points de base) dans les projections trimestrielles de la Fed a permis de soutenir les marchés.

 

Brèves