Une alternative à la règle de Sahm pour anticiper les récessions aux Etats-Unis

Aux États-Unis, le Bureau for Labor Statistics (BLS) mène chaque mois une enquête auprès de 60 000 ménages (Current Population Survey, CPS). Cette enquête permet notamment de calculer des indicateurs clé du marché du travail, notamment le taux de chômage. Le taux de réponse au CPS a baissé à 69 % en janvier 2025, contre 88 % en janvier 2015 (85 % en moyenne entre 2015−2019), ce qui traduit des difficultés croissantes à recueillir les informations nécessaires auprès des ménages. Selon le BLS, ce recul s'explique par plusieurs facteurs, notamment les préoccupations en matière de confidentialité, la difficulté à joindre les répondants ainsi que leur indisponibilité au moment de l’enquête.

  Etats-Unis : Taux de réponse à l'enquête sur la population actuelle

Le BLS estime que l’érosion du taux de participation au CPS pourrait introduire un biais dans les statistiques officielles, car les ménages qui ne répondent pas à l’enquête pourraient avoir des caractéristiques différentes de ceux qui répondent. Si, par exemple, les travailleurs précaires ou les chômeurs ont une propension plus faible à répondre à l'enquête, cela pourrait conduire à une sous-estimation du taux de chômage. Par ailleurs, une réduction de la taille de l’échantillon augmente l’erreur d’échantillonnage, réduisant ainsi la précision des estimations.

Si la baisse du taux de réponse au CPS biaise l’estimation du taux de chômage, la règle de Sahm pourrait perdre en précision. Cette règle est basée sur le fait qu'historiquement, les Etats-Unis ont connu une récession lorsque la moyenne du taux de chômage sur trois mois dépasse d’au moins 0,5 point (pt) son plus bas niveau des douze mois précédents. Elle a été déclenchée en juillet 2024, lorsque le taux de chômage a atteint 4,3 %, bien qu’aucune récession ne se soit finalement matérialisée.

Dans ce contexte, l'indicateur de récession SOS (Scavette-O'Trakoun-Sahm), basé sur le "taux de chômage assuré" (c’est-à-dire le pourcentage de bénéficiaires d’allocations de chômage parmi l’ensemble des personnes assurées et dont les données sont disponibles à une fréquence hebdomadaire), offre une alternative intéressante. Développé en février 2025 par les économistes John O'Trakoun (Fed de Richmond) et Adam Scavette (Fed de Philadelphia), cet indicateur applique la méthodologie de la règle de Sahm à des données hebdomadaires d'assurance chômage plutôt qu'à celles issues des enquêtes mensuelles auprès des ménages. Il signale une récession lorsque la moyenne mobile sur 26 semaines du taux de chômage assuré dépasse de plus de 0,2 pt son minimum des 52 semaines précédentes. Sur le passé, l’indicateur SOS sur le passé signale correctement les sept récessions observées depuis 1971. Son principal atout réside dans la fréquence hebdomadaire des données, permettant une détection plus rapide des ralentissements économiques et contournant les problèmes de non-réponse du CPS.

  Etats-Unis : Indicateurs de récession

Compte tenu de la hausse de l’incertitude liée à la politique économique sous l’administration Trump, la fiabilité des données issues des enquêtes devient encore plus cruciale. Une incertitude accrue peut affecter le comportement des répondants, rendant moins robuste les indicateurs de récession issus des enquêtes. Par exemple, les concepteurs de l’indicateur SOS rapportent les résultats d’une étude publiée en 2023 faisant état d’une baisse du taux de réponse au CPS en raison de l’inclusion de questions relatives à la nationalité suite à la mise à jour du questionnaire en 1994. Ce climat d’incertitude croissant renforce l'intérêt du recours à des sources alternatives, telles que l’indicateur SOS, afin de garantir une meilleure appréhension des dynamiques économiques.