Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahreïn, des Emirats arabes unis, du Koweït, d'Oman, du Qatar et du Yémen....

Make Energy Great Again: le nouveau MEGA projet du Golfe ?

 

« It is time to make energy great again », déclarait Sultan Al Jaber cette semaine à CERAWeek, principale conférence annuelle de l’industrie pétrolière et gazière aux États-Unis. Les PDG de deux des plus grandes compagnies énergétiques du Golfe – Amin Nasser (Aramco, Arabie saoudite) et Sultan Al Jaber (ADNOC, Émirats arabes unis) – y ont défendu une stratégie « et-et » : pour répondre à la demande mondiale croissante, il faudra à la fois plus d’hydrocarbures et plus de renouvelables. Cette double approche, Janus Bifrons[1], repose sur une vision économique pragmatique : capitaliser sur la rentabilité des fossiles tout en finançant une transition progressive.

Dans ce contexte, l’annonce d’un investissement massif d’ADNOC dans le gaz naturel aux États-Unis via sa filiale XRG[2] constitue un jalon stratégique du partenariat énergétique entre Abu Dhabi et Washington. L’ambition de XRG est de couvrir l’ensemble de la chaîne gazière américaine, de la production à la distribution, afin de se positionner comme un one-stop shop sur le marché mondial. Cette stratégie vise d’abord à sécuriser un accès stratégique au marché énergétique américain, tout en renforçant l’attractivité du Golfe auprès des investisseurs globaux. Elle reflète une volonté de rester « bankable », y compris sur de nouveaux segments (énergies propres, technologies, etc.), sans pour autant délaisser leur cœur de métier historique. Enfin, la montée en puissance du gaz naturel liquéfié (GNL) américain – dont les exportations vers l’Europe ont progressé de 65 % en 2022 à la suite de la crise ukrainienne – constitue un levier majeur de diversification des rentes.

Cette dynamique d’interdépendance industrielle, illustrée par les investissements croisés (tels que Masdar/Terra-Gen ou Emirates Global Aluminum/Spectro Alloys), vise aussi à approfondir la relation économique bilatérale. Plus XRG s’enracine dans les infrastructures gazières et les réseaux de distribution américains, plus le partenariat avec Washington se consolide, au-delà des cycles politiques et des alternances présidentielles.

Cette annonce intervient justement dans un contexte d’incertitude autour du Partenariat PACE (Partnership for Accelerating Clean Energy) signé en 2022, qui visait à mobiliser 100 Mds USD pour financer lhydrogène propre, le captage du carbone (CCUS) et les énergies renouvelables. Sous l’administration Biden, ce cadre bénéficiait des mécanismes de soutien fédéraux (IRA, crédits d’impôts), mais l’arrivée d’une administration pro-fossile remet en question ces perspectives. Dans ce contexte incertain, ADNOC met l’accent sur l’hydrogène et le CCUS pour s’adapter à une trajectoire technologique qui, en théorie, fait consensus entre les deux grands partis aux États-Unis.

Les acteurs énergétiques s’appuient de plus en plus sur l’intelligence artificielle (IA) et le numérique avec un double objectif : (i) optimiser l’extraction et la production et (ii) capter les nouveaux débouchés. Sultan Al Jaber souligne que la course à l’IA est avant tout un enjeu énergétique, avec une demande mondiale estimée à 15 000 GW en 2035, soit +70 %​. ADNOC, via XRG, finance l’énergie de l’économie numérique (gaz cloud) tandis qu’Aramco mise sur des supercalculateurs pour réduire ses coûts unitaires. Cette dynamique illustre le paradoxe de Jevons : l’amélioration de l’efficacité énergétique réduit le coût de l’énergie, ce qui stimule la consommation globale et favorise l’essor de technologies très gourmandes, comme les data centers.[3]

Les régimes rentiers du Golfe font face à un dilemme énergétique : investir dans l’aval et le non-hydrocarbure pour préparer l’après-pétrole, sans compromettre une rente encore essentielle à la stabilité socio-économique. Le premier risque est de prolonger la dépendance aux hydrocarbures. Un second enjeu tient au verrouillage technologique et infrastructurel. En multipliant les projets pétro-gaziers (raffineries, gisements non conventionnels, oléoducs), ces pays renforcent, par dépendance au sentier, un modèle carboné difficile à abandonner. Ces investissements, prévus pour plusieurs décennies, créent un effet de lock-in : une fois engagés, les capitaux incitent à maximiser l’exploitation, même en cas de contraintes climatiques. Enfin, la stratégie du Golfe soulève des enjeux de diplomatie climatique.

Le Golfe mise sur son approche intégrée pour rester un acteur clé dans un monde en mutation. À court et moyen terme, cette stratégie a des atouts. La demande énergétique mondiale continue de croître (l’ADNOC anticipe 109 Mb/j de pétrole en 2035, contre ~103 Mb/j aujourd’hui​). Leur avantage comparatif en coûts d’extraction (quelques dollars le baril en Arabie saoudite) leur confère une résilience aux baisses de prix tant qu’il restera des consommateurs d’hydrocarbures. En parallèle, le Golfe investit dans les filières d’avenir (hydrogène, batteries, réseaux intelligents) pour rester incontournable dans le nouveau mix énergétique. Le Golfe “post-pétrole” pourrait ainsi maintenir une forme de rente énergétique, renouvelée et diversifiée en fléchissant la transition à son avantage. De plus, certains secteurs difficilement électrifiables (aviation, maritime, pétrochimie) continueront de dépendre des hydrocarbures du Golfe à l’horizon 2040, dont le coût d’extraction est le plus faible au monde[4]. Le marché s’adaptera progressivement : un baril non vendu à l’Europe sera écoulé en Asie ou transformé en plastique, prolongeant la rente sous d’autres formes. Sic transit gloria energiae.

                                                 Luidgy Gabriel Belair, Attaché macroéconomique et financier



[1] du nom de la divinité romaine des transitions représenté avec deux visages tournés dans des directions opposées.

[2] Structurée par ADNOC en 2024, XRG est une plateforme d’investissement stratégique dotée de plus de 80 milliards USD, dédiée aux énergies à plus faible intensité carbone et aux produits chimiques. Son ambition est de capitaliser sur trois tendances majeures : la transformation énergétique, la croissance exponentielle de l’intelligence artificielle et la montée en puissance des économies émergentes. XRG prévoit de doubler la valeur de ses actifs en une décennie. L’introduction en bourse (IPO) envisagée pour XRG témoigne de la volonté d’Abu Dhabi d’attirer des investisseurs internationaux et de renforcer sa présence dans la chaîne de valeur énergétique mondiale, notamment aux États-Unis.

[3] Le paradoxe de Jevons souligne que l’amélioration de l’efficacité énergétique ne se traduit pas nécessairement par une réduction de la consommation globale d’énergie. Au contraire, en réduisant le coût unitaire de l’énergie, ces gains d’efficacité stimulent la demande globale et favorisent l’essor de nouvelles technologies énergivores. Dans le cas des data centers, les avancées en optimisation énergétique (meilleure gestion thermique, serveurs plus efficients, refroidissement optimisé) réduisent le coût énergétique de chaque unité de calcul, ce qui rend économiquement viable une augmentation massive des infrastructures numériques. Ainsi, la consommation totale d’énergie des data centers continue d’augmenter, malgré les progrès en efficacité. Plus largement, l’application de ce paradoxe au secteur énergétique du Golfe illustre un effet rebond à l’échelle macroéconomique. Par exemple, les gains d’efficacité dans l’industrie pétrolière ou l’essor des énergies renouvelables domestiques (solaire, nucléaire) dans la région pourraient libérer du pétrole pour d’autres usages (exportations, pétrochimie, aviation), plutôt que de conduire à une réduction de la production totale. Ainsi, même si ces gains permettent d’optimiser la consommation locale, ils pourraient contribuer paradoxalement à pérenniser la rente pétrolière en réallouant les volumes économisés à d’autres marchés.

[4] Au sein du GCC, les coûts de production dépassent rarement 10 dollars le baril. Saudi Aramco affichait le coût de production le plus bas au monde à seulement 2,8 dollars par baril en 2020. En comparaison, les coûts de production atteignent 21 dollars par baril dans les champs offshore norvégiens et 51 dollars dans le schiste de Bakken aux États-Unis.

Pétrole et gaz

Brent 14/03/2024 à 12h00 GST : 70,570 USD/Bbl

Ce vendredi 14 mars à midi, le prix du Brent s’élève à 70,57 dollars le baril, marquant une légère reprise après avoir atteint le 11 mars un niveau plancher de 68,63 dollars, son niveau le plus bas depuis décembre 2021. Depuis janvier, le marché subit une pression baissière alimentée par des perspectives économiques incertaines et des tensions commerciales. En février, le panier OPEP a reculé de 3,2 % (76,81 $), tandis que le Brent ICE et le WTI NYMEX ont perdu respectivement 4,3 % et 5,2 %, atteignant 74,95 $ et 71,21 $.

Le décret du 1er février de Donald Trump instaurant des droits de douane sur les importations canadiennes, mexicaines et chinoises renforce l'incertitude sur la demande pétrolière. Bien que l’application des taxes pour le Canada et le Mexique soit reportée à avril, leur effet psychologique se reflète sur les marchés.

Les sanctions du 24 février contre l'Iran et la révocation des licences d'exportation du pétrole vénézuélien vers les États-Unis resserrent l’offre à court terme. Toutefois, un éventuel assouplissement des sanctions contre la Russie pourrait inverser cette dynamique, augmentant l’offre et renforçant la pression baissière sur les prix.

L’OPEP+ prévoit une augmentation progressive de sa production à partir d’avril 2025, avec une hausse de 2,2 millions de barils par jour d’ici septembre 2026. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis enregistreraient les plus fortes augmentations, respectivement +16 % et +20 %, ce qui pèsera sur les prix à moyen terme.

Le Brent a rebondi sur son support clé à 68,55 dollars, avec une résistance immédiate à 71,30 dollars. L’indicateur stochastique en zone de survente suggère un potentiel de hausse à court terme[1]. Le WTI, après avoir testé 64,90 dollars, affiche une configuration en Morning Star Doji, un signal classique de renversement haussier[2], avec un objectif fixé à 68,60 dollars.

Cependant, le sentiment du marché reste pessimiste. Les hedge funds ont réduit leurs positions longues sur le WTI à 172 576 contrats, un niveau plancher depuis 2010, augmentant ainsi la volatilité et limitant l’ampleur des rebonds[3].

Selon l’EIA (Short-Term Energy Outlook, mars 2025), les stocks pétroliers mondiaux devraient se contracter au T2 2025, soutenant une remontée des prix du Brent vers 75 dollars. Toutefois, l’augmentation de la production hors OPEP en 2026 et la levée progressive des coupes de l’OPEP+ devraient ramener le Brent à 68 dollars. Les dynamiques de la demande mondiale restent incertaines. L’EIA projette une consommation de 106 millions de barils par jour (mbj) en 2025, contre 104,6 mbj en 2024. Cependant, l’impact inflationniste des droits de douane américains pourrait ralentir cette croissance. Un fort ralentissement pourrait ramener le WTI à 58 dollars, tandis qu’une accélération stabiliserait les prix entre 63 et 70 dollars pour le WTI et 68-74 dollars pour le Brent.

Le marché pétrolier oscille entre des forces opposées, avec une offre restreinte à court terme (sanctions, rebond technique des prix) et des facteurs baissiers structurels (hausse de la production OPEP+, expansion hors OPEP, incertitudes économiques). Les seuils techniques critiques restent à surveiller : 71,30 dollars pour le Brent et 68,60 dollars pour le WTI. Leur franchissement ouvrirait la voie à un rebond plus durable, mais le positionnement prudent des investisseurs rend ce scénario incertain.

Dans ce contexte, les annonces de l’OPEP+, les tensions géopolitiques (Moyen-Orient, Russie-Ukraine) et la politique commerciale américaine seront les facteurs déterminants des prochaines semaines. La vigilance est de mise, notamment en surveillant les stocks hebdomadaires, l’évolution de la demande mondiale et les ajustements de production des grandes puissances pétrolières.

 Luidgy Gabriel Belair, Attaché macroéconomique et financier



[1] Indicateur stochastique : Outil d'analyse technique mesurant le positionnement du prix par rapport à sa fourchette récente. Un marché est en survente lorsque l’indicateur descend sous un certain seuil, ce qui peut signaler un rebond.

[2] Morning Star Doji : Figure de retournement en chandelier japonais indiquant une fin possible de tendance baissière. Elle est composée d’une longue bougie rouge, d’une étoile (petite bougie sans direction claire) et d’une longue bougie verte haussière.

[3] Positions longues des hedge funds : Désignent des contrats achetés par des investisseurs pariant sur une hausse des prix. Leur réduction traduit une baisse de la confiance des marchés et renforce la pression baissière.

Brèves économiques 

Arabie saoudite

Macroéconomie & Finance

La croissance de l’économie saoudienne s’est élevée à 1,3 % en 2024 Selon l’Autorité générale des statistiques (GASTAT), la croissance de l’économie saoudienne s’est élevée à 1,3 % en 2024, soutenue par la croissance non pétrolière à 4,3 %, tandis que le secteur pétrolier s’est contracté de 4,5 %. La croissance au T4 2024 a atteint 4,5 % en glissement annuel, son plus haut niveau en deux ans. Les secteurs les plus dynamiques en 2024 incluent le commerce de gros et de détail, la restauration et l’hôtellerie (+6,4 %), suivis des services financiers et d’assurance (+5,7 %) et des activités d’électricité, gaz et eau (+4,9 %). Le PIB réel s’est élevé à 1 253 Md USD en 2024. Le secteur non pétrolier a représenté 62 % du PIB.

Aramco baisse le prix de son brut d’Arab Light pour les cargaisons d’avril à destination de l’Asie – Le géant pétrolier saoudien a annoncé une baisse de ses prix officiels de vente pour son pétrole brut d’Arab Light livré en avril 2025 aux acheteurs asiatiques, la première depuis 3 mois. Le prix du baril a été diminué de 0,40 USD par rapport à mars, s’établissant à 3,50 USD au-dessus de l’indice de référence régional (cotation d’Oman/Dubaï). Pour rappel, le prix du baril d’Arab Light d’Aramco pour ses clients asiatiques avait atteint son plus haut niveau depuis plus d’un an le mois dernier à 3,90 USD au-dessus de la cotation d’Oman/Dubaï (+ 2,40 USD par rapport à février), dans un contexte où les sanctions américaines sur les exportations russes s’étaient renforcées. L’Asie achète 70 % du pétrole saoudien. Plus tôt cette semaine, les huit pays membres de l’OPEP+ qui avaient décidé de coupes unilatérales supplémentaires, dont l’Arabie saoudite, ont annoncé maintenir le calendrier de hausse progressive de la production pétrolière à partir d’avril 2025. Ainsi, l’organisation augmenterait sa production de 138 000 barils par jour dès avril, amorçant une série de hausses mensuelles destinées à rétablir un total de 2,2 M bpj d’ici 2026.

La formation brute de capital fixe en Arabie saoudite s’est élevée à 314 Md USD en 2024, en hausse de 5,3 % par rapport à 2023 – Selon le ministère saoudien de l’Investissement, la formation brute de capital fixe (FBCF) en Arabie saoudite s’est élevée à 314 Md USD en 2024, en hausse de 5,3 % par rapport à 2023 et portée par une hausse de 7,6 % des investissements du secteur privé. Sur la période 2021-2024, les investissements cumulés ont dépassé les prévisions, atteignant 1 069 Md USD soit 28 % de plus que l’objectif initial. Le secteur privé a représenté 88 % des investissements en 2024, tandis que les investissements publics, en baisse de 8,3 %, se sont élevés à 38 Md USD. D’ici 2030, la National Investment Strategy a pour objectif de doubler la FBCF à 533 Md USD par an, avec une contribution de 30 % au PIB.

Energie, Industrie & Services

Transport : La RCRC fixe au 15 juin la date limite pour la soumission des offres de construction de la ligne 7 du métro de Riyad La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC) a fixé cette semaine une nouvelle échéance au 15 juin 2025 (échéance initialement prévue en mars) pour la soumission des offres relatives à la construction de la ligne 7 du métro de Riyad. Ce projet d’envergure prévoit la construction d’une ligne de métro de 65 km de long, reliant des sites stratégiques de la capitale saoudienne, tels que la ville de loisirs Qiddiya, King Abdullah International Gardens, King Salman Park, Misk City et Diriyah Gate. La ligne sera composée de 19 stations, dont 14 souterraines et 5 surélevées. Le contrat inclut la conception et la construction de cette ligne, et plusieurs consortiums d’entreprises internationales et locales se sont positionnés pour remporter le marché. Parmi les entreprises en lice, on trouve notamment le consortium comprenant Alstom (France), FCC (Espagne), WeBuild (Italie) ainsi que leurs partenaires locaux, Nesma et Freysinnet Contracting. La ligne 7 fait partie d'un vaste projet de métro de Riyad, qui a déjà vu l’achèvement et l’exploitation de plusieurs lignes, dont la ligne orange (ligne 3), rouge (ligne 2) et verte (ligne 5). L’ensemble du réseau de métro, qui couvre 176 km, vise à réduire la congestion routière dans une ville où 90 % des déplacements sont encore effectués en voiture.

Aramco Ventures investit dans Ucaneo pour développer la plus grande centrale de capture directe de l'air en Allemagne – Aramco Ventures, la branche d’investissement de Saudi Aramco, a investi dans la startup allemande Ucaneo, qui développe la plus grande installation de capture directe de l'air (DAC) en Allemagne. Ce soutien fait suite à un tour de financement de 6,8 M EUR en septembre 2024, bien que la somme exacte de l'investissement d'Aramco n'ait pas été précisée. Ucaneo, basée à Berlin, se concentre sur l'amélioration de la technologie DAC pour éliminer efficacement le dioxyde de carbone de l'atmosphère à grande échelle. La nouvelle installation devrait ouvrir en 2026 et permettre de réduire les coûts de la DAC à moins de 300 EUR par tonne de CO2, la rendant ainsi l'une des solutions les plus compétitives au monde. Ucaneo a également lancé un projet pilote industriel capturant entre 30 et 50 tonnes de CO2 par an. L'investissement d'Aramco illustre l'intérêt croissant de l'entreprise sur les technologies de capture de carbone et de réduction des émissions dans le cadre de sa stratégie de transition énergétique.

Les ambitions du Royaume dans le nucléaire pourraient être au cœur des discussions lors de la visite de Donald Trump à Riyad – D’après le Middle East business intelligence (MEED), le projet de centrale nucléaire civile de l'Arabie saoudite pourrait être évoqué lors de la visite du président américain Donald Trump à Riyad prévue dans les six prochaines semaines. Bien que l'agenda principal de la visite se concentre sur des sujets comme la Russie, l'Ukraine et la paix au Moyen-Orient, la coopération énergétique, y compris dans le domaine nucléaire, pourrait également être discutée. Cette visite, qui fait suite à celle de 2017, pourrait être conditionnée par la signature d'accords d'investissements de plus de 1 000 Md USD pour l'économie américaine. Relancé en 2022, le projet de centrale à Duwaiheen, situé près de la frontière qatarie, a connu des retards, notamment en raison des tensions régionales (guerre Israël-Gaza). L'Arabie saoudite pourrait utiliser son projet de centrale nucléaire, ainsi que son plan d'enrichissement de l’uranium comme levier dans ses négociations avec les États-Unis. Pour rappel, avant la guerre Israël-Gaza, des discussions sur un éventuel accord tripartite entre Israël, l'Arabie saoudite et les États-Unis avaient eu lieu à Riyad.

Le MIPIM 2025 accueille la plus grande délégation saoudienne jamais envoyée à l'événement – À l'occasion du MIPIM 2025, le plus grand salon mondial de l'immobilier, qui se tient cette semaine à Cannes du 11 au 14 mars, une délégation saoudienne d’envergure fait le déplacement pour promouvoir les opportunités d'investissement en Arabie saoudite, dans le cadre de la Vision 2030. Cette délégation, la plus grande jamais envoyée à cet événement, comprend des représentants d'entités gouvernementales ainsi que de projets phares tels que NEOM, Diriyah, King Salman Park, New Murabba et ROSHN. Sous la supervision d'Invest Saudi, le pavillon saoudien, d'une superficie de plus de 1 000 m², accueille plusieurs séminaires et discussions, dont une dédiée aux Giga Projects, avec la participation des dirigeants des principaux projets. Par ailleurs, Diriyah Company a profité de l'événement pour lancer le projet Armani Residences Diriyah, composé de 15 résidences de luxe avec des intérieurs conçus par Giorgio Armani. Ces résidences, d'une superficie variant entre 1 200 et 1 900 m², seront situées dans le quartier de Diriyah Square, à proximité du futur Armani Hotel. Ce projet fait partie d'un vaste plan de développement de 14 km² visant à transformer Diriyah en une destination touristique et culturelle majeure. Diriyah a déjà attribué plusieurs contrats importants, dont un de 2 Md USD pour le North Cultural District et un autre de 2,1 Md USD pour des travaux à Wadi Safar. Une fois achevé, le site pourra accueillir jusqu'à 100 000 résidents et visiteurs.

Émirats arabes unis

Macroéconomie & Finance

Le cabinet des EAU a approuvé la « stratégie nationale dinvestissement 2031 », comportant 12 nouveaux programmes et 30 initiatives visant des secteurs stratégiques de l’économie (services financiers, industrie, énergies renouvelables, logistique etc.) - Notamment, le pays souhaite atteindre 240 Mds AED d’investissements directs étrangers (IDE) entrants annuels en 2031, soit plus du double du montant actuel (112 Mds AED). À terme, l’objectif est d’augmenter la contribution des IDE à 8% du PIB et à plus de 30 % des investissements totaux. 

Les exportations d’aluminium des EAU vers les États-Unis se sont fortement intensifiées au début du mois de mars – Cette augmentation a précédé l’entrée en vigueur, le 12 mars, de 25% de droits de douane sur l’ensemble des importations américaines d’acier et d’aluminium. Les EAU ont ainsi exporté presque 69 000 tonnes d’aluminium avant cette date, par rapport aux 16 124 tonnes enregistrées en mars 2024. Les EAU sont le deuxième plus grand fournisseur d’aluminium des États-Unis, représentant 8 % de la consommation totale d’aluminium du pays en 2024. Les coûts de production très compétitifs de l’EGA (Emirates Global Aluminium), couplés à un regain particulier des tensions commerciales avec le Canada (premier fournisseur d’aluminium des États-Unis, qui a annoncé des droits de douanes réciproques sur le métal), pourrait cependant dynamiser le marché exportateur émirien malgré l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane.

La banque Emirats NBD, déjà actionnaire majoritaire à 99,89% de la banque islamique Emirates Islamic (EIB), a acquis les parts restantes de cette dernière - En conséquence, EIB ne sera donc plus cotée sur le marché financier de Dubaï (DFM). 

Le fonds souverain MGX (basé à Abou Dhabi) a annoncé un investissement de 2 Mds UDS en stablecoins dans Binance (plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde), marquant le premier investissement institutionnel de la plateforme - Cet accord fait de MGX un actionnaire minoritaire de Binance et représente l’un des plus grands investissements jamais réalisés dans l’industrie des cryptomonnaies.

Le fonds souverain ADQ, basé à Abu Dhabi, devient l’actionnaire principal de Aramex, société de logistique et de transport basée à Dubaï, en portant sa participation à 58% - ADQ détenait déjà 22,69% du capital d’Aramex via AD Ports Group. Cela permettra à Aramex d’intégrer le cluster logistique et de transports d’ADQ, aux côtés d’entités telles que Etihad Airways ou Etihad Rail.

La société Ripple, spécialisée dans les services de paiement basés sur la blockchain, devient la première de son genre à obtenir une licence réglementaire de l’Autorité des marchés financiers de Dubaï (DFSA) -  Ripple pourra ainsi opérer dans le Dubai International Financial Center (DIFC) et proposer des services de paiements basés sur la blockchain aux entreprises des EAU.

Le fonds souverain ADIA (Abu Dhabi Investment Fund) renforce ses investissements dans l’IA aux États-Unis – ADIA a en effet participé à un seed round ayant permis à la start-up américaine Lila Sciences (pionnière dans la superintelligence scientifique) de lever 200 M USD de financement.

Le sukuk vert senior commercialisé par Aldar Investment Properties, d’une valeur de 500 M USD et s’étendant sur une période de 10 ans, a attiré une demande totale d’investissement de plus de 2 Mds USD.

Energie, Industrie & Services

La part de production d’électricité à partir de sources d’énergie propre aux EAU a atteint 35 % en 2024 grâce notamment à une hausse de la production d’énergie solaire photovoltaïque et d’énergie nucléaire, selon l’Agence internationale de l’énergie - L’Agence prévoit que la croissance du solaire photovoltaïque atteindra en moyenne 15 % par an entre 2025 et 2027, portant sa part dans le mix énergétique de 9 % à 13 % d’ici la fin de la période. Au total, le pays vise à produire 30 % de son énergie à partir de sources propres, y compris les énergies renouvelables et le nucléaire, d’ici 2030.

Le Dubai World Trade Centre a annoncé le lancement d’une zone franche dédiée au sport et au divertissement - La zone servira de plateforme pour l’obtention de licences commerciales dans des secteurs tels que la gestion et le marketing sportif, l’organisation d’événements, la représentation de talents, ainsi que les médias. Elle soutiendra également le développement de l’e-sport et des technologies sportives basées sur l’IA. 

AIQ – une entreprise de Presight – a annoncé un contrat de 340 M USD sur trois ans avec ADNOC pour déployer ENERGYai et d’autres solutions d’intelligence artificielle sur l’ensemble de la chaîne de valeur amont d’ADNOC - Développé par AIQ, en collaboration avec les experts d’ADNOC, G42 et Microsoft, ENERGYai intégrera des technologies comme la plateforme cloud Azure, l’agentic AI, le cadre Open Subsurface Data Universe (OSDU) et les modèles OpenAI. La première version opérationnelle de ENERGYai devrait être achevée mi-2025.

Le Dubai World Trade Centre a annoncé le lancement d’une zone franche dédiée au sport et au divertissement - La zone servira de plateforme pour l’obtention de licences commerciales dans des secteurs tels que la gestion et le marketing sportif, l’organisation d’événements, la représentation de talents, ainsi que les médias. Elle soutiendra également le développement de l’e-sport et des technologies sportives basées sur l’IA.

Taqa Water Solutions a signé un MoU avec la direction de New Tashkent City afin de développer un pipeline de transport d'eau de 65 km et une usine de traitement de l'eau à New Tashkent City, en Ouzbékistan - Le pipeline de 65 km aura une capacité quotidienne de plus de 500 000 m3 et pourra produire jusqu'à 20 MW d'hydroélectricité

Emirates Global Aluminium (EGA) a annoncé une baisse de 23,5 % de son bénéfice net annuel pour 2024, liée à la suspension des exportations depuis la Guinée, ainsi qu'à l'introduction de l’impôt sur les sociétés (9%) aux EAU - En 2024, ses bénéfices s'élevaient à 2,6 Mds AED (707,95 M USD), contre 3,4 Mds AED en 2023. EGA a également indiqué que la volatilité des prix de l'aluminium devrait se poursuivre cette année. 

Etihad Airways a accueilli 1,6 M de passagers au cours du mois de février, atteignant un taux de remplissage moyen de 89 % - Ces chiffres représentent une croissance de 14 % par rapport à la même période l'an dernier alors que la compagnie prévoit le lancement de 14 nouvelles liaisons cette année. 

Qatar

Le Ministère du Commerce et de l’industrie (MoCI) lance la phase de vérification pour les usines éligibles à la politique Enhanced In-Country Value (ICV+) - Le MoCI annonce le début de la période de vérification pour les usines locales pouvant bénéficier des avantages de la politique ICV+, visant à renforcer l’industrie locale, soutenir les produits qatariens et stimuler l’économie nationale. Les usines éligibles pourront accéder à des incitations supplémentaires, contribuant ainsi à la diversification économique du pays.

Le président colombien Gustavo Petro appelle Ecopetrol, la compagnie pétrolière nationale, à importer du GNL qatarien - Il critique un « monopole » des importations de gaz et accuse certains distributeurs de recourir à des pratiques spéculatives, appelant les autorités de régulation à mener une enquête. Jusqu’à présent, la Colombie importait principalement du gaz des États-Unis et de Trinité-et-Tobago. Toutefois, face à une augmentation des prix (+36 % dans certaines villes) et l’inflation, le Président colombien a décidé d’explorer de nouvelles alternatives, notamment après sa récente visite à Doha. Par ailleurs, il s’est opposé au gaz de schiste (fracking) et a demandé à Ecopetrol de se séparer de ses actifs aux États-Unis, affirmant que cette pratique est « destructrice pour la nature et l’humanité ».

Selon Badr Mohammed Al-Meer, PDG de Qatar Airways, la compagnie aérienne qatarienne va ralentir son expansion après une dernière grande commande d’avions - La compagnie est en discussion avec Airbus et Boeing pour des acquisitions d’aéronefs à fuselage large visant à augmenter son trafic annuel de 50 à 80 millions de passagers d’ici cinq à six ans. Parallèlement, Qatar Airways entend renforcer ses partenariats avec d’autres compagnies et pourrait finaliser dans le mois l’acquisition d’une participation dans RwandAir. D’autres opportunités de fusions et acquisitions seraient également à l’étude.

L'Autorité de Régulation des Communications (CRA) a lancé une consultation publique dans le cadre de la révision du cadre de concurrence des TIC, en cours jusqu’en 2026 - Cette révision vise à favoriser une concurrence équitable, protéger les consommateurs et soutenir le développement stratégique du secteur des TIC, en accord avec la Vision nationale 2030 et la Stratégie nationale de développement 2024-2030. Les principaux axes incluent des mesures préventives pour encourager la concurrence et l’investissement, en régulant les opérateurs télécoms dominants, ainsi qu’une surveillance ex-post pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et garantir des services efficaces et accessibles à tous.

La Bourse du Qatar (QSE) a annoncé la suppression de la commission minimale de trading de 30 QAR à partir du 16 mars 2025 - Elle sera remplacée par un taux de commission fixe de 0,00275 sans seuil minimum. Cette initiative vise à renforcer la liquidité du marché, stimuler l’activité boursière et accroître la compétitivité financière du pays. Elle s’inscrit dans la Stratégie nationale de développement 2024-2030 (NDS3) et la Stratégie du secteur financier (3FSS) du Qatar, favorisant une croissance économique durable. En réduisant les coûts de transaction, QSE souhaite attirer davantage d’investisseurs, notamment particuliers, et renforcer son positionnement sur les marchés régionaux et internationaux.

Ooredoo Group a conclu un partenariat avec l’entreprise canadienne Kloudville, spécialisée dans les solutions de système de support aux entreprises (BSS) basée sur le cloud mis à disposition des entreprises - Les deux acteurs souhaitent lancer une marketplace numérique B2B, offrant aux entreprises un accès centralisé à des outils basés sur l’IA, des services cloud, des solutions de cybersécurité et des logiciels d’entreprise.

Doha Insurance Group et le groupe d’assurance santé britannique Bupa Global ont signé un accord de partenariat pour introduire des solutions d’assurance santé privée internationale au Qatar - Cette collaboration vise à offrir des produits innovants aux clients premium.

Bahreïn

Le projet de budget 2025-2026 du Bahreïn est en cours de discussion – Le projet de budget 2025-2026 du Bahreïn, actuellement en discussion entre le ministre des Finances et les chambres parlementaires, ouvre la voie à des réformes fiscales significatives. Ahmed Al Salloom, président du Comité des affaires financières et économiques, a indiqué que le Parlement se réunira deux fois par semaine jusqu’à parvenir à un accord. Il prévoit un excédent budgétaire de 25 M BHD (soit 66,3 M USD), une prévision qui semble optimiste au regard des déficits accumulés ces dernières années. Les propositions budgétaires incluent des réformes fiscales allant au-delà des plans antérieurs. Parmi les mesures envisagées, la libéralisation progressive des prix du gaz, du carburant, de l’électricité et de l’eau tout en maintenant des subventions pour les citoyens est prévue. Cependant, la question de la rapidité de cette transition reste en suspens. Une approche plus ciblée, à l’image des transferts sociaux conditionnés adoptés en Arabie saoudite, permettrait d’atténuer l’impact sur les ménages les plus vulnérables. Le budget prévoit également l’introduction d’un impôt sur les sociétés locales, une réforme en discussion depuis 2023 et qui s’inscrit dans la continuité de l’application cette année du taux minimum mondial de 15 % sur les multinationales. Une hausse de la TVA, actuellement fixée à 10 %, est envisagée, une évolution qui rapprocherait Bahreïn du taux de 15 % en vigueur en Arabie saoudite. Si ces mesures marquent un tournant dans la politique budgétaire du royaume, leur succès dépendra de leur mise en œuvre effective et de leur acceptabilité politique.

Koweït

Fitch confirme le « AA- » du Koweït avec une perspective stable. L’agence de notation relève que les bilans fiscaux et externes du Koweït sont « exceptionnellement solides », en particulier pour ce qui concerne ses niveaux d'actifs étrangers nets, qui sont les plus élevés au monde et devraient encore augmenter cette année pour atteindre 601 % du PIB - En outre, ne représentant que 2,9% du PIB en 2024, la dette publique est extrêmement faible par comparaison avec les autres états du golfe et les autres marchés émergents. Fitch explique que sa notation est plafonnée en raison de la forte dépendance du pays à l'égard des recettes pétrolières et de l’importance du secteur public et des dépenses sociales qui pèsent sur les finances publiques. Cette pression pourrait conduire à des ajustements budgétaires plus substantiels à terme. Fitch relève toutefois des efforts du gouvernement pour relever les défis budgétaires et économiques, et mentionne des mesures visant à augmenter les recettes non pétrolières et à l’adoption, longtemps retardée, d’une loi autorisant l’état à s’endetter. Cette dernière devrait réduire la pression sur les liquidités du fonds de réserve général de l'État.

Dans le cadre de son objectif de produire 4 millions de barils de pétrole par jour d'ici 2035, la Kuwait Oil Company (KOC) devrait prolonger les délais d'appel d'offres pour deux projets pétroliers stratégiques dans le nord du pays - Il s’agirait d’une nouvelle installation d'injection et des réseaux d'injection des eaux usées. Les deux projets, dans l’amont pétrolier représentant un marché d’environ 1,3 Mds USD et s’adossent à un modèle de PPP de type BOO « build, own, operate » / « construire, gérer, exploiter ». (NDLR : Le Koweït optimise l’extraction dans certains puits en recourant à l’injection hydraulique à haute pression afin de vider certaines poches).  

Une crise énergétique estivale qui semble inévitable, en raison d'une pénurie prévue de l'approvisionnement en électricité, en particulier pendant l'été, lorsque la consommation atteint son pic - Le déficit capacitaire (électricité) devrait atteindre 1 600 MW au cours de l'été 2025 pour augmenter ensuite considérablement et représenter 5 600 MW au cours de l'été 2029. Le secteur de l'énergie est confronté à un ensemble de défis qui font que la crise de l'électricité, que le pays a connue l'été dernier, se poursuivra durant l'été 2025, ce qui impliquera l'achat d'énergie auprès des pays voisins du Golfe. Cet achat d’électricité représenterait au moins 100 M USD par mois (en juin, juillet, août), et des coupures programmées pourraient être nécessaires pour éviter l'effondrement du réseau électrique. (NDLR : le pic de consommation a été atteint en juin 2024 avec 17.300 MW. La tension sur l’alimentation a conduit le Koweït à signer en août 2024 un contrat d’approvisionnement d’une durée de 15 ans avec le Qatar et portant sur la fourniture annuelle de 3M T/an de GNL).

Le conseil des ministres koweïtien valide le projet de décret-loi sur la dette, ouvrant la voie à la vente d'obligations pour la première fois en huit ans - Le cabinet a approuvé un projet sur « le financement et la liquidité ». Aucun détail de la version adoptée n'a filtré mais projet de loi initial prévoyait la possibilité de lever jusqu'à 20 Mds KD (65 Mds USD) sur 50 ans. Le plafond de la dette pourrait avoir été relevé dans le projet final, certaines propositions évoquant une limite de 30 Mds KD. L'absence d'un projet de loi sur la dette publique au Koweït, retardée depuis des années par des querelles politiques internes, a empêché les gouvernements successifs d'emprunter, les obligeant à s'appuyer sur le Fonds de réserve général (NDLR : du fonds souverain). Le Koweït ferait appel aux marchés internationaux principalement pour financer des projets de développement clés ou pour combler son déficit budgétaire si nécessaire. La dernière émission de dette remonte à mars 2017 et a représenté 8 Mds USD sur 10 ans.