Washington Wall Street Watch n°2025-8
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- La confiance des ménages surprend à la baisse
- Les prix de l’immobilier poursuivent leur hausse
- La croissance du PIB reste inchangée au 4ème trimestre 2024
Politiques macroéconomiques
- Chaque assemblée du Congrès adopte sa version de résolution budgétaire
Services financiers
- La FDIC publie son rapport trimestriel sur les banques commerciales
- La CFTC assouplit sa doctrine sur les dénonciations spontanées, la coopération et la remédiation
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
La confiance des ménages surprend à la baisse
L’indice de confiance des ménages publié le 25 février par le Conference Board, think-tank spécialisé dans les enquêtes, a baissé de ‑7 points en février, à 98,3, soit sa plus forte baisse depuis août 2021. Les perspectives à court terme des consommateurs en matière de revenu, d’activité et de marché du travail, ont également chuté de ‑9,3 points, à 72,9. Le passage de l’indice en dessous du seuil de 80, est interprété comme un risque accru de récession selon l’agence.
L’indice du sentiment des ménages publié le 21 février par l’université du Michigan affiche également une forte baisse de ‑9,8 points en février, à 64,7 (après 67,8 dans l’estimation préliminaire et 71,7 en janvier) sur fond d’inquiétudes liées aux tensions commerciales.
Les prix de l’immobilier poursuivent leur hausse
Selon le rapport publié le 25 février par l’Agence fédérale de financement du logement (Federal Housing Finance Agency - FHFA), les prix de l’immobilier ont augmenté de +0,4 % en décembre (après +0,3 % en novembre). Sur un an, les prix ont progressé de +4,7 % (après +4,2 %). Selon Anju Vajja, directeur adjoint de la division de la recherche et des statistiques de la FHFA, les prix de l’immobilier ont progressé à un rythme légèrement plus élevé au quatrième trimestre en raison d’une offre de logements réduite.
L’indice Case-Shiller publié par S&P Global, portant sur les prix immobiliers des 20 plus grandes villes américaines, a lui aussi augmenté en décembre de +0,5 % (après +0,4 % en novembre). En glissement annuel, l’indice progresse de +4,5 % (après +4,3 %).
La croissance du PIB reste inchangée au 4ème trimestre 2024
Selon une deuxième estimation du Bureau of Economic Analysis (BEA), publiée le 27 février, la croissance du PIB en volume s’établit à +0,6 % au 4ème trimestre 2024, un chiffre inchangé par rapport à la première estimation du 30 janvier. En rythme annualisé, la croissance se maintient à +2,3 % après +3,1 % au 3ème trimestre, et correspond aux attentes du marché.
Au 4ème trimestre la croissance a été portée par la consommation privée (+0,7 points de contribution), la consommation et l’investissement publics (+0,1 points), et pénalisée par l’investissement privé (‑0,1 points) ainsi que les variations de stocks (‑0,2 points).
Politiques macroéconomiques
Chaque assemblée du Congrès adopte sa version de résolution budgétaire
Le Sénat a adopté (52-48) le 21 février une résolution budgétaire (publiée le 7 février), permettant d’ouvrir la voie à la procédure de réconciliation, un moyen de légiférer à la majorité simple dans les deux assemblées et ainsi de contourner l’obstruction parlementaire (filibuster) au Sénat. Ce texte a été voté selon des lignes partisanes, seul Rand Paul (R-Kentucky) ayant voté contre la résolution, son amendement pour réduire les dépenses n’ayant pas été adopté. La résolution du Sénat autorise une augmentation de dépenses de 340 Md USD sur 4 ans, réparties entre la sécurité aux frontières (175 Md USD pour renforcer la sécurité frontalière et financer des opérations d’expulsions), la défense (150 Md USD au Pentagone pour revitaliser les capacités militaires) et les politiques énergétiques.
La Chambre des représentants a adopté (217-215) le 25 février sa version de résolution budgétaire. À l’exception du vote de Thomas Massie (R-Kentucky), qui souhaitait limiter davantage l’impact sur la dette, l’ensemble des Représentants républicains ont voté pour. Au-delà des aspects couverts par la résolution du Sénat, la version de la Chambre prévoit des baisses d’impôts s’élevant à 4 500 Md USD, ainsi que 2 000 Md USD de coupes dans les dépenses publiques. Adoptée, cette résolution impliquerait une hausse supplémentaire du déficit de 2 800 Md USD d’ici 2034. Enfin, elle prévoit le relèvement du plafond de la dette de 4 000 Md USD, réduisant ainsi le risque de défaut de paiement. Pour mémoire, le plafond de la dette, qui représente le montant maximal que peut emprunter l’État fédéral, a été réactivé le 2 janvier 2025 et atteint le 17 janvier, nécessitant depuis la mise en place de mesures extraordinaires par le Treasury.
La Chambre opte pour une stratégie d’une seule loi de réconciliation (one big, beautiful bill) alors que le Sénat souhaite deux lois séparées, l’une portant sur la défense, l’énergie et la sécurité aux frontières et l’autre sur la fiscalité. Des tractations bicamérales sont donc attendues pour faire converger les deux approches. Plusieurs Sénateurs républicains dont Lindsey Graham (R-Caroline du Sud), président de la commission du budget du Sénat, ont déjà annoncé vouloir modifier la version de la Chambre, notamment concernant l’extension permanente du Tax Cuts and Job Act (TCJA) voté en 2017.
Services Financiers
La FDIC publie son rapport trimestriel sur les banques commerciales
La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a publié le 25 février dans son rapport trimestriel les résultats des 4 487 banques commerciales et caisses d’épargne dont elle assure les dépôts.
Selon le rapport, les institutions financières assurées ont enregistré un rendement des actifs (ROA) de 1,11 % et un revenu net de 66,8 Md USD au 4ème trimestre 2024. Sur l'ensemble de l'année 2024, les profits du secteur bancaire ont augmenté de +5,6 %, totalisant 268,2 Md USD. Cette hausse est principalement attribuée à la réduction des taux d'intérêt à court terme, réduisant nettement les dépenses d'intérêts.
La qualité des actifs demeure positive, le taux de prêts non-performants (past-due and non-accrual loans – PDNA) ayant légèrement augmenté (+6 points de base, à 1,60 %) mais restant inférieur au niveau prépandémique. Des faiblesses demeurent sur les crédits à l’immobilier commercial, pour lesquels le PDNA demeure élevé (2,02 %). Le stock de prêts n’a que faiblement augmenté par rapport au 3ème trimestre (+0,8 %), essentiellement du fait des crédits et des prêts aux institutions financières, et une croissance plus soutenue des prêts accordés par les banques locales (community banks), tirée par le crédit immobilier commercial et résidentiel (+5,1 % sur un an).
Au passif, les dépôts ont connu une croissance de +1,2 % au 4ème trimestre, principalement en raison d'une augmentation de +3 % des dépôts non assurés, qui s'élèvent désormais à 218,5 Md USD.
La CFTC assouplit sa doctrine sur les dénonciations spontanées, la coopération et la remédiation
La Commodity Futures Trading Commission (CFTC), agence fédérale chargée de la supervision des marchés des matières premières et de leurs produits dérivés, a publié le 28 février sa nouvelle doctrine de police administrative (enforcement advisory) dans le but notamment d’encourager la prise en compte (i) de la dénonciation spontanée (self-reporting), c’est-à-dire des cas d’entreprises déclarant de leur propre initiative une violation de leur part de règles établies par l’agence, (ii) de la coopération des entreprises avec la commission, et (iii) de la correction volontaire (remediation).
La qualité de la dénonciation spontanée est évaluée à l’aune d’une échelle à trois niveaux : (i) absence de dénonciation, (ii) dénonciation spontanée satisfaisante, (iii) dénonciation exemplaire. De même, la qualité de la coopération et des corrections apportées est évaluée en parallèle. Une dénonciation spontanée et une coopération toutes deux « exemplaires » jugées permettent d’obtenir jusqu’à 55 % de réduction de l’amende initialement calculée en fonction de l’infraction, selon une grille de réduction (Mitigation Credit Matrix) rendue publique.
Selon la présidente par interim de la CFTC, cette approche plus transparente (« non-surprise »), qui parie sur la responsabilisation des entreprises, renoue avec une tradition antérieure de la commission et permettra de concentrer ses moyens répressifs sur les fraudes les plus graves, et de faire davantage avec moins de ressources (« do more with less »).
La CFTC tire les conséquences du décret présidentiel (executive order) du 19 février 2025, qui exige des agences qu’elles s’assurent que leur action de police administrative soit réalisée dans le strict cadre d’application de la loi et de leurs statuts, et qu’elles préservent leurs ressources en dépriorisant toutes les actions qui sortiraient de ce cadre.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a reculé de -4,1 %, à 5 862 et le Nasdaq de -7,3 %, à 18 544. Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont nettement baissé, à 4,1 % (-0,2 point) et à 4,3 % (-0,2 point) respectivement.
Les mouvements sur les marchés financiers semblent traduire un phénomène de fuite vers la qualité (flight to quality) sur fond d’incertitudes sur les perspectives économiques et d’inquiétudes liées aux tensions commerciales (le Président Donald Trump ayant réaffirmé l’entrée en vigueur de la hausse des droits de douane sur les importations mexicaines, canadiennes, chinoises et de l’Union européenne au cours de la semaine). En effet, les indices de confiance des ménages ont nettement baissé avec une dégradation marquée des perspectives économiques. L’inversion de la courbe des taux (taux à 3 mois supérieur au taux à 10 ans) a également exacerbé les inquiétudes d’une récession.
Ce détournement des investisseurs vis-à-vis des actifs risqués pèse également sur le cours du bitcoin, qui a chuté de -15 % en une semaine, et a atteint 83 000 USD le 27 février, contre 98 000 USD une semaine plus tôt. Ce niveau n’avait pas été atteint depuis mi-novembre 2024.
Brèves
- Le 25 février, Russell Vought, le directeur par interim du Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), chargé de la protection des consommateurs, a indiqué que le CFPB continuerait à exister, puisque le Department of Government Efficiency (DOGE) vise à en améliorer l’efficacité. Cette argumentation fait partie du mémoire en défense rédigé par l’administration dans le cadre d’un procès intenté par un syndicat d’employés du CFPB, qui contestent la légalité de l’action du DOGE, estimant qu’elle vise à « démanteler » le CFPB.
- Le 25 février, la Securities and Exchange Commission (SEC), agence chargée de la supervision des marchés financiers, a annoncé étendre d’un an la période de mise en conformité avec la règle imposant la compensation des transactions de Treasuries. L’entrée en application de la règle est donc reportée au 31 décembre 2026 pour les transactions au comptant et au 30 juin 2027 les opérations de refinancement (repo). Le président de la SEC par interim Mark Uyeda indique que ce report offre aux chambres de compensation et à leurs participants plus de temps pour mettre en œuvre les changements opérationnels qui découlent de la règle, le marché des Treasuries.
- Le 26 février, Rebeca Romero Rainey, la présidente de l’association des community banks américaines (Independent Community Bankers of America - ICBA) a appelé le Président D. Trump à résister à la tentation de rationaliser le paysage des agences de régulation bancaire américaines, soutenue d’après elle par les plus grandes banques. Selon l’ICBA, l’indépendance des agences est essentielle pour assurer la sûreté du système bancaire et la confiance des consommateurs. Elle défend une meilleure représentation des community banks et un allègement de la réglementation pour les petites banques, qui en revanche pâtiraient d’une gouvernance plus partisane des agences. Le 25 février, le CEO de Bank of America Brian Moynihan s’était déclaré ouvert (« all ears ») à une consolidation des agences fédérales de régulation bancaire.
- Le 26 février, la commission des voies et moyens de la Chambre des représentants a voté un texte visant à annuler une règle publiée le 30 décembre 2024 par l’Internal Revenue Service (IRS). Celle-ci requière de la part des courtiers réalisant régulièrement des transactions sur des crypto-actifs de déclarer à l’IRS des informations plus approfondies sur leurs clients. Elle était vivement critiquée par l’industrie des crypto-actifs. Le texte adopté en commission à la chambre s’insère dans le cadre du Congressional Review Act, qui permet au Congrès d’annuler une règle publiée par une agence fédérale. Ce texte doit encore être approuvé par le Sénat.