Washington Wall Street Watch n°2025-7
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Les ventes au détail surprennent à la baisse
Politiques macroéconomiques
- Les responsables de la Fed restent prudents face à une incertitude élevée et un potentiel rebond de l’inflation
- La Maison Blanche publie un décret visant une supervision des agences fédérales
Services financiers
- Michael Barr appelle son successeur à poursuivre les travaux engagés par la Fed sous son mandat
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Les ventes au détail surprennent à la baisse
Selon les données du Census Bureau, publiées le 14 février, les ventes au détail ont diminué de -0,9 % en janvier après une hausse de +0,7 % en décembre (révisé à la hausse de +0,3 points), soit leur plus forte baisse en deux ans. Sur douze mois glissants, les ventes au détail ont progressé de +4,2 % (après +3,9 %). Ces évolutions étant nominales, la baisse serait encore plus importante en volume, une fois corrigée de l’inflation.
En janvier, neuf des treize catégories recensées dans le rapport ont affiché des baisses, en particulier les produits de loisir (sport, musiques et livres) (‑4,6 %), les concessionnaires automobiles (‑2,8 %), les ventes en ligne (‑1,9 %), le mobilier et les équipements de maison (‑1,7 %) et les matériaux de construction et de jardinage (‑1,3 %). En revanche, les ventes ont augmenté dans les restaurants et les bars (+0,9 %) ainsi que les stations-services (+0,9 %).
Politiques macroéconomiques
Les responsables de la Fed restent prudents face à une incertitude élevée et un potentiel rebond de l’inflation
Selon le procès-verbal (minutes) de la réunion du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 28 et 29 janvier, publié le 19 février, les responsables ont conditionné toute nouvelle baisse des taux d’intérêt à une reprise de la désinflation.
Lors de la réunion, la majorité des responsables ont fait état d’un « degré élevé d’incertitude » entourant l’économie. En dépit de la solidité de l’économie américaine avec une croissance dynamique et un marché du travail qui se stabilise, l’inflation demeurerait trop élevée par rapport à l’objectif de la Fed de 2 %. Ils ont notamment souligné les pressions inflationnistes qui pourraient résulter des tarifs douaniers, d’une demande soutenue et des expulsions massives de migrants.
Dans ce contexte, la décision de maintenir la fourchette des taux d’intérêt directeurs à son niveau actuel a été prise à l’unanimité des représentants. En revanche, certains responsables ont indiqué qu’il pourrait être approprié de faire une pause ou de ralentir le rythme de réduction du bilan en anticipant les perturbations que pourrait causer le débat sur le plafond de la dette.
Plusieurs d’entre eux se sont exprimés depuis le dernier FOMC : le gouverneur Christopher Waller a déclaré que les taux continueraient à baisser seulement en cas de progrès constatés sur le processus de désinflation cible, et ce, même si la politique menée par la nouvelle administration ajoute de l’incertitude à l’économie. Il a déclaré que selon lui, l’effet inflationniste des tarifs douaniers serait limité, ou transitoire, et que si la récente hausse de l’inflation s’avère être un soubresaut, comme ce fut le cas en janvier 2024, alors une nouvelle baisse de taux serait à prévoir. Le président de la Fed de Philadelphie, Patrick Harker s’est également montré confiant et a indiqué ne pas voir de raison de baisser les taux à l’heure actuelle. Il s’attend à voir la croissance et le marché de l’emploi conserver leur résilience, et ne s’inquiète pas de la hausse de l’inflation en janvier qu’il estime transitoire. La gouverneure Michelle Bowman, partage leur prudence mais a néanmoins souligné le risque inflationniste lié aux « tensions géopolitiques » et aux perturbations possibles des chaines de valeur.
La Maison-Blanche publie un décret visant une supervision des agences fédérales
Le 18 février, la Maison-Blanche a publié un décret (executive order) dans lequel la Maison-Blanche procèderait à une supervision des activités (de régulation en particulier) des agences fédérales. Cette supervision est coordonnée par l’Office of Management and Budget (OMB), organe de gestion et d’élaboration du budget de la Maison-Blanche. En particulier, les agences concernées doivent soumettre tout projet de réglementation à la Maison-Blanche pour examen, et la consulter pour connaître leurs priorités et plans stratégiques.
Le décret souligne par ailleurs que ces agences doivent accepter l’interprétation de la loi faite par le Président afin de garantir que l’utilisation de leur budget soit alignée avec les priorités présidentielles. Ce décret concerne notamment la Federal Trade Commission (FTC), chargée d’appliquer les lois antitrust et de lutter contre les pratiques commerciales déloyales, la Federal Communications Commission (FCC), qui régule les moyens de communications, et la Securities and Exchange Commission (SEC) qui supervise les marchés financiers.
Si le décret écarte explicitement de son champ d’application la conduite de la politique monétaire par la Fed, ses dispositions s’appliqueront aux missions de régulation et de supervision bancaire et financière exercées par la Fed et par les autres agences.
Services Financiers
Michael Barr appelle son successeur à poursuivre les travaux engagés par la Fed sous son mandat
M. Barr, Vice-Président de la Fed en charge de la supervision, qui a annoncé sa démission à compter du 28 février, a présenté le 20 février son analyse des différentes zones de risques pour le système financier. Il a à cette occasion appelé son successeur (encore indéterminé) à poursuivre les travaux engagés par l’agence en termes de supervision. M. Barr met en avant plusieurs enjeux prioritaires : (i) le renforcement de la réglementation prudentielle bancaire post-crise 2008 ; (ii) la crédibilité des stress-test bancaires ; (iii) la robustesse des procédures de supervision ; (iv) la promotion d’une innovation responsable ; (v) le risque cyber ; (vi) les risques associés aux institutions non bancaires et (vii) le risque climatique
En matière de règlementation bancaire, M. Barr appelle son successeur à finaliser la transposition des accords de Bâle III, qui font l’objet, depuis la proposition de règle initiale de juillet 2023, d’une forte opposition du secteur financier et du camp républicain. Par ailleurs, il souligne la nécessité de renforcer la résilience de la discount window (DW), le principal outil de refinancement de la Fed, en poursuivant les discussions engagées sur une proposition de règle publiée en septembre 2024 et visant à modifier ses aspects opérationnels. M. Barr recommande également à la Fed de poursuivre les travaux concernant les exigences i) de détention de titres de dette de long terme par les banques et ii) gestion de leur liquidité, tirant les leçons des faillites bancaires de 2023.
Concernant les stress-tests bancaires, qui consistent à évaluer la résilience des grandes banques face à des scénarios de récession, M. Barr exprime son scepticisme face à l’annonce de la Fed le 23 décembre de (i) renforcer la transparence des modalités de l’exercice et (ii) rendre les exigences en capital qui résultent de ces stress-tests moins volatiles. M. Barr souligne les effets pervers des éventuelles stratégies d’adaptation que pourraient employer les banques pour être en conformité avec ces stress test « trop » transparents, craignant l’augmentation des risques sur les volets non traités par ces exercices. Plus largement, M. Barr rappelle le caractère indispensable d’une approche de supervision robuste et fondée sur le principe de vigilance.
Par ailleurs, M. Barr insiste sur l’importance de promouvoir une innovation responsable, et met en garde le secteur financier contre les risques posés par les nouvelles technologies. M. Barr a prononcé le 18 février un discours sur les différents scénarios d’adoption de l’intelligence artificielle (IA) dans l’économie (thèse « incrémentale » vs. thèse « transformative »), et a formulé des recommandations aux régulateurs financiers pour prendre en compte les risques associés : (i) disposer d’une excellente compréhension des outils d’IA ; (ii) élaborer des standards de transparence et de gestion des risques. M. Barr met également en garde contre les risques cyber pour le système financier.
S’agissant des entreprises financières non-bancaires, M. Barr souligne les différents risques posés par (i) les interconnections entre les banques et les fonds de gestion alternative (hedge funds), notamment sur l’activité de basis trade, (ii) le développement des fonds de private credit, parfois peu transparents mais de plus en plus accessibles aux particuliers et qui bénéficient d’une régulation plus souple que les banques, et (iii) la prise de risque de certains assureurs dans les marchés alternatifs, certaines compagnies étant par ailleurs rachetées par des fonds de private equity.
Enfin, M. Barr affirme qu’il est de la responsabilité des régulateurs de poursuivre les exercices de modélisation des risques financiers liés au climat.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +0,9 %, à 6 118 et le Nasdaq de +1,4 %, à 19 962.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont été quasi stables, à 4,3 % et 4,5 % respectivement.
Après avoir progressé au cours des premiers jours, les indices ont reculé le 19 février, à la suite de l’annonce d’une hausse des tarifs douaniers sur l’automobile, les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs qui pourrait entrer en vigueur dès le 2 avril.
Après la clôture le 20 février, Walmart, entreprise de grande distribution, a publié des résultats et des perspectives de croissance en-deçà des attentes en indiquant que ses ventes ne seraient pas « immunes » à la hausse des droits de douane qui pourrait être imposée sur le Canada et le Mexique. L’action baisse de plus de -6 % en post-marché.
Brèves
- Le 20 février, la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a annoncé la création du département Cyber and Emerging Technologies Unit (CETU), composé de 30 spécialistes, en charge de protéger les investisseurs particuliers contre les fraudes cyber et les risques des nouvelles technologies. Cette nouvelle unité remplace l’ancien département Crypto Assets and Cyber Unit (CACU), dont la principale mission consistait à mettre en œuvre la politique de sanctions de l’agence envers les plateformes de crypto-actifs.
- D’après le rapport publié par la Fed de New-York le 7 février, l’endettement des ménages, composé à 70 % de crédits immobiliers, a augmenté de +0,5 % au quatrième trimestre 2024 (après +0,8 % au troisième trimestre et +0,6 % au deuxième trimestre). La hausse de l’endettement est tirée par celle des encours des cartes de crédit et des crédits automobiles. Le taux de défaut a légèrement augmenté et atteint 3,6 % de l’encours totale de dette (contre 3,5 % au trimestre précédent). En particulier, le taux de défaillance sévère (retard de paiement de plus de 90 jours) continue d’augmenter pour les cartes de crédit et les crédits automobiles, mais il est resté stable dans toutes les catégories de crédit pour les défaillance légère (retard de paiement de moins de 30 jours).
- Le 14 février, la valeur agrégée des 3 800 fonds indiciels cotés aux États-Unis (ExchangeTtraded Funds – ETFs) a atteint un record de 10 700 Md USD (+900 % depuis 2010). Depuis le début de l’année 2025, les ETFs affichent une collecte nette d’environ 90 Md USD. Selon les analystes, la forte croissance de ces instruments est portée par leur caractère diversifié et leurs faibles coûts de gestion. Environ 75 % du nombre de parts d’ETF sont émis par les trois plus grandes sociétés de gestion (« big three ») : BlackRock (30 %) Vanguard (30 %) et State Street (15 %).
- Le 17 février, lors de la conférence annuelle sur les community banks tenue par l’American Banker Association, Rodney Hood, le dirigeant par intérim de l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), le régulateur des national banks, a indiqué qu’il souhaitait (i) assouplir les règles de contrôle des fusions bancaires et (ii) modifier les exigences de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) applicables aux community banks dans un souci de réduction des coûts liés à la mise en œuvre des contraintes règlementaires. Dans la même veine, Michelle Bowman, gouverneure à la Fed s’est exprimée en faveur d’un assouplissement de la régulation bancaire et de plus de clarté dans les procédures de supervision.