Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les créations d’emplois sont moins importantes qu’attendu mais le taux de chômage diminue
  • L’inflation accélère et dépasse les prévisions

Services financiers

  • Les gérants d’actifs alternatifs annoncent des résultats en hausse
  • La SEC entame sa révision des réformes menées sous la législature démocrate
  • Jérôme Powell s’est exprimé sur la politique monétaire et la supervision bancaire devant le Congrès
  • Donald Trump nomme de nouveaux dirigeants à la tête des régulateurs financiers

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Les créations d’emplois sont moins importantes qu’attendu mais le taux de chômage diminue

Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation du marché du travail, publié le 7 février, les créations nettes d’emplois ont augmenté de +143 000 en janvier, soit un niveau moins élevé que les attentes du marché (+170 000). La moyenne au cours des 12 derniers mois s’établie à +166 000, en baisse par rapport à la moyenne précédente de +186 000. Les créations d’emploi ont augmenté principalement dans les soins de santé (+44 000), le commerce de détail (+34 000), les services d’aide sociale (+22 000) et l’administration publique (+32 000).

Par ailleurs, les créations d’emplois ont été revues à la hausse en décembre de +51 000 (à +256 000), et en novembre de +49 000 (à +261 000).

Le taux de chômage a légèrement diminué à 4,0 %, un niveau inférieur à celui anticipé par le marché (4,1 %). Les taux d’activité et d’emploi ont légèrement progressé, à 62,6 % (après 62,5 %) et 60,1 % (après 60,0 %) respectivement. Le salaire horaire progresse de +0,5 % sur un mois (après +0,3 %) et de +4,1 % sur un an (après +3,9 %).

 

L’inflation accélère et dépasse les prévisions

D’après le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) publié le 12 février, l’indice des prix à la consommation (IPC) a accéléré, passant à +0,5 % en janvier après +0,4 % en décembre et +0,3 % en novembre. Sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) a également augmenté à +0,4 % (après +0,2 %). Les prix de l’énergie reculent à +1,1 % (après +2,4 %) alors que ceux de l’alimentation progressent à +0,4 % (après +0,3 %).

Sur un an, l’inflation totale a progressé à +3,0 % (après +2,9 % en décembre), en augmentation continue depuis +2,4 % en septembre, tout comme sa composante sous-jacente qui a quant à elle légèrement augmenté à +3,3 % après +3,2 %. L’inflation énergétique s’établit à +1,0 % et celle de l’alimentation à +2,5 %. L’évolution est supérieure aux attentes de +0,1 point pour l’inflation totale (+2,9 %), et de +0,2 point pour son sous-jacent (+3,1 %). À l’exception des produits de base et des nouveaux véhicules, l’ensemble des postes de la composante sous-jacente ont connu une augmentation en janvier.

Selon une enquête de la Fed de New York publiée le 10 février, en janvier, les anticipations d’inflation restent inchangées à horizon 1 an et 3 ans (à +3,0 %), et ont augmenté à cinq ans (+3,0 % après +2,7 %).

 

Services Financiers

 

Les gérants d’actifs alternatifs annoncent des résultats en hausse

Quatre des plus grands gérants d’actifs alternatifs ont publié leurs résultats pour le 4ème trimestre et pour l’exercice 2024.

Les quatre sociétés de gestion enregistrent une hausse notable de leurs actifs sous gestion, mais à un rythme ralenti par rapport à 2023. Cette hausse est portée à la fois par des collectes de fonds élevées, s’appuyant sur le développement de la gestion de fortune et la croissance des activités d’assurance, qui les rapprochent du modèle d’affaires des gestionnaires d’actifs traditionnels.

Tous les groupes enregistrent une hausse des commissions de gestion et de performance, en particulier dans le segment comprenant l’assurance et la dette privée. Blackstone profite ainsi des besoins de financement des centres de données (data centers), qu’il estime persistants malgré l’émergence de modèles plus frugaux (DeepSeek), et de la cristallisation de revenus d’investissements sur son fonds d’infrastructure. Apollo atteint un niveau record de déploiement de capital grâce à ses nombreux partenariats bancaires. L’activité immobilière demeure en revanche atone.

Au total, Blackstone, KKR et Carlyle (qui avait subi une perte en 2023) affichent des hausses très importantes de leur résultat net, tandis qu’Apollo pâtit d’une baisse des primes d’assurance perçues. Si les résultats ont généralement dépassé le consensus du marché, les cours de bourse de trois d’entre eux ont régressé à leur annonce (Apollo, KKR, Carlyle).

Apollo s’attend à ce qu’une éventuelle dérégulation bancaire par la nouvelle administration renforce la concurrence avec les banques dans le secteur florissant de la dette privée.

Résultats 2024 en millions USD

 Revenus 

Résultat net  

Actifs sous gestion

Blackstone

13 230 

+65%

2 777 

+100%

1 127 200 

+8%

Apollo

   26 114

-20% 

    4 480

-10% 

751 000 

+15%

KKR

   21 879

+51% 

    4 968

+35% 

 638 000 

+ 15%

Carlyle

    5 425 

+83%

    1 020 

n/a

 441 000

+4% 

La SEC entame sa révision des réformes menées sous la législature démocrate

Au cours de la semaine écoulée, la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a annoncé plusieurs mesures visant à défaire les grands chantiers de réforme démocrates engagés sous le mandat de Gary Gensler. Pour mémoire, depuis la démission de G. Gensler le 20 janvier, l’agence est dirigée par le Commissaire républicain Mark Uyeda (acting Chair) en attendant la confirmation de Paul Atkins.

La SEC a demandé le 10 février une suspension administrative (stay) de 60 jours des poursuites engagées par l’agence en juin 2023 contre la plateforme de crypto-actifs Binance auprès du tribunal fédéral en charge de l’affaire, l’U.S. District Court for the District of Columbia. Pour mémoire, la SEC avait fondé son action sur le non-respect de la réglementation applicable aux titres financiers traditionnels (securities), considérant que certains actifs échangés par Binance relèvent de cette catégorie, notamment le stablecoin Binance USD. La demande de la SEC marque un tournant avec la politique de sanctions menée sous le mandat de G. Gensler, et souligne l’inclinaison des républicains à faire évoluer le statut juridique des crypto-actifs.

En ligne avec le combat politique de la nouvelle administration contre les contraintes imposées aux entreprises en matière de finance durable, la SEC a appelé le 11 février la Cour d’appel du 8ème District (Eight Circuit) à reporter la date de comparution de l’agence pour soutenir la Climate Disclosure Rule (obligations de publication des émissions des entreprises), l’une des règles les plus contestées du mandat démocrate, actuellement suspendue en raison du contentieux judiciaire initié par 6 États républicains et un ensemble de fédérations d’entreprises. M. Uyeda indique que ce délai permettrait à la SEC de réviser son positionnement sur l’affaire, et de déterminer ses prochaines actions, qui pourraient déboucher sur l’abandon de la défense de la règle.

Par ailleurs, dans un souci de réduction des coûts liés à la mise en œuvre des nouvelles contraintes règlementaires, la SEC annoncé le 7 février le report du délai de mise en conformité d’une règle adoptée en octobre 2023 imposant aux investisseurs des exigences de transparence sur leurs positions de vente à découvert (short sale). Selon M. Uyeda, ce délai permettra aux acteurs concernés de faire les mises à jour technologiques nécessaires au respect de ces nouvelles exigences, inchangées, dans un délai moins resserré. Enfin, souhaitant promouvoir l’anonymat des données personnelles (Personally Identifiable Information – PII), la SEC a annoncé le 10 février que le système de suivi des ordres consolidés sur les marchés actions (Consolidated Audit Trail – CAT) ne collectera plus les PII sensibles (nom, adresse postale, date de naissance).

 

Jérôme Powell s’est exprimé sur la politique monétaire et la supervision bancaire devant le Congrès

Les 11 et 12 février, le président de la Fed, Jérôme Powell, a été auditionné par les commissions bancaires du Sénat et de la Chambre. En matière de politique monétaire, il a noté que l'inflation demeurait encore élevée à +3,0 %, et a appelé à la prudence. Précipiter une baisse des taux risquerait de provoquer une remontée de l’inflation, tandis qu’une baisse trop lente pourrait freiner la croissance. Les marchés prédisent à 97,5 % un maintien des taux lors du prochain FOMC. J. Powell a également insisté sur l'indépendance de la Fed et de ses décisions en matière de politique monétaire, et n’exclut pas la possibilité de modifier les taux d’intérêt selon les effets des tarifs douaniers sur l’inflation.

En matière prudentielle, J. Powell a déclaré que la Fed reste attachée à finaliser la transposition de Bâle 3 aux Etats-Unis. Il souhaite aboutir à un cadre cohérent avec les accords de Bâle mais aussi avec les transpositions déjà réalisées dans les différentes juridictions. Toutefois, le niveau de capital des banques américaines lui semble approprié, et il estime que les agences de régulation bancaire devraient aboutir à une nouvelle proposition qui n’augmentera pas les exigences en capital pour les banques. Les futurs Comptroller of the Currency, rattaché au Treasury et chargé de superviser les national banks, et Président de la Federal deposit insurance corporation (FDIC), ayant été annoncés, il pense pouvoir trouver un compromis « assez rapidement », tout en conservant un délai suffisant pour ouvrir la proposition à de nouveaux commentaires.

Interrogé sur la gouvernance de la Fed, il estime que confier l’ensemble des compétences de supervision à un seul vice-président n’est pas optimal, car cela pourrait entraîner une forte volatilité en fonction de la personne qui occupe le poste.

Sur les pratiques de débancarisation (debanking), il reconnaît que certaines banques ont adopté une gestion trop rigoureuse du risque réputationnel et qu'une révision de ces pratiques est envisagée afin d'éviter des conséquences négatives pour l'innovation financière.

J. Powell a également indiqué que les taux d’intérêt sur les crédits immobiliers pourraient augmenter si Fannie Mae et Freddie Mac venaient à être privatisés, tout en estimant que cette privatisation pourrait cependant avoir d’autres vertus.

Enfin J. Powell a affirmé que le Department of Government Efficiency (DOGE) n’avait pas pour l’instant essayé d’accéder aux données de la Fed.

 

Donald Trump nomme de nouveaux dirigeants à la tête des régulateurs financiers

Les agences de régulation financière américaines sont actuellement dirigées par des responsables par intérim, les anciens responsables ayant soit démissionnés en amont de l’investiture du président, soit été contraints à quitter leur fonction par la nouvelle administration. Le président vient de procéder à plusieurs nominations soumises à l’approbation du Sénat.

Jonathan McKernan a été choisi pour diriger le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB) l’agence de protection des consommateurs des services bancaires. Cette nomination intervient alors que les activités du bureau ont été suspendues par Russell Vought, le responsable de l’Office of Management and Budget (OMB), l’organe exécutif en charge du budget, qui assure par ailleurs l’intérim de la direction du CFPB. L’avenir même de cette agence est questionnée par les Républicains. J. McKernan faisait depuis 2023 partie du conseil d’administration de la FDIC, le garant des dépôts bancaires.

Jonathan Gould, Partner du cabinet d’avocat Jones Day, a été recruté pour exercer les fonctions de Comptroller of the Currency, l’agence rattachée au Treasury chargée de superviser les national banks (OCC). Il avait travaillé pour l’OCC sous le premier mandat de D. Trump.

Enfin, Brian Quintenz a été choisi pour prendre la direction de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), le régulateur des marchés de dérivés de matières premières. Après avoir travaillé à la CFTC, B. Quintez avait rejoint le fonds de venture capital A16Z sur les activités de cryptoactifs. Le projet de régulation porté par les Républicains à la Chambre fait de la CFTC le principal superviseur des cryptoactifs.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), le S&P 500 a progressé de +0,5 % à 6 115 et le Nasdaq Composite de +0,8 % à 19 946.

Le rendement des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans a augmenté de +0,1 point, à 4,3 %, alors que celui des obligations à 10 ans s’est maintenu à 4,5 %.

Après avoir baissé sous l’effet des chiffres de l’emploi, de l’annonce des droits de douanes sur l’acier et l’aluminium puis des droits de douanes réciproques, et des chiffres de l’inflation, les marchés actions ont rebondi. Les investisseurs semblent interpréter la politique tarifaire mise en œuvre par le président Trump comme une tactique de négociation avec ses partenaires commerciaux.

 

Brèves