L’inauguration officielle de la partie aérienne de la ligne n° 3 du métro de Hanoï, le 9 novembre dernier, a permis de mettre en valeur la réussite technique du projet et la contribution décisive de la France. Confronté au défi d’accélérer le rythme de croissance et de décarboner son économie, le gouvernement a inscrit la modernisation des infrastructures ferroviaires au premier rang de ses priorités, en particulier avec le projet de ligne grande-vitesse Hanoï - Ho Chi Minh Ville.

L’inauguration de la partie aérienne de la ligne no. 3 du métro de Hanoi est une réussite pour la coopération franco-vietnamienne.

L’entrée en service de la partie aérienne (8,5 km) de la ligne no. 3 du métro de Hanoï est un succès populaire et constitue une vitrine technologique pour l’image de la France. Opérationnelle depuis le 8 août 2024, son inauguration officielle a eu lieu le 9 novembre dernier. Les autorités vietnamiennes étaient représentées, au niveau local, par le président du Comité populaire de Hanoï ainsi que par le Secrétaire général du Parti communiste de la ville et, au niveau national, par la vice-ministre des Affaires étrangères et par le vice-ministre de la Construction.

L’ambassadeur a saisi l’occasion de cette inauguration pour souligner l’engagement financier de la France en faveur du projet à hauteur de plus de 500 M € ainsi que la contribution des entreprises françaises (Alstom, Colas Rail, Thales, Systra, RATP Smart Systems) à sa réussite. Les travaux de la partie souterraine (4 stations supplémentaires) sur lesquels ces dernières sont également impliquées sont en cours et doivent être achevés d’ici 2029.

Le secteur des transports urbains vietnamien représente un marché considérable pour nos entreprises

S’agissant des transports de la ville de Hanoi, la ligne 3 s’intègre dans un vaste plan de développement urbain qui prévoit 10 lignes de métro à l’échéance 2035 pour un total de 410 km, auxquelles viennent s’ajouter 3 lignes de monorail, pour un coût total de 37 Mds USD. De surcroît, le maître d’ouvrage (Metropolitan Railway Board, MRB) a proposé en octobre dernier la construction de 5 lignes supplémentaires après 2045. Actuellement, une seule autre ligne (2A), financée et construite par la Chine est en service. Les autres projets en cours (lignes 1 et 2 financées par le Japon) sont bloqués et accumulent des retards importants. 

A Ho Chi Minh Ville, le schéma directeur s’articule actuellement autour de 8 lignes de métro, une ligne de tramway et de 2 lignes de monorails. Les derniers objectifs officiels visaient 183 km de lignes mises en service en 2035 pour un coût de 36,3 Mds USD d’ici 2035. A l’instar de Hanoï, ces projets font l’objet de difficultés et de retards conséquents. Seule la ligne n°1 financée par la JICA a été inaugurée en décembre 2024, après de fortes difficultés avec les entreprises[i]. Quant au démarrage du chantier de ligne n°2, il est reporté sine die en raison notamment de difficultés entre la Banque allemande pour la reconstruction (KfW), un des bailleurs du projet et l’autorité des transports de la ville (Management Authority for Urban Railways, MAUR).

Les avancées du projet de Ligne à grande vitesse Hanoï – Ho Chi Minh Ville constituent une opportunité qu’il convient de saisir.

Le projet de grande vitesse Hanoï – Ho Chi Minh Ville dont le lancement a été approuvé par le Bureau politique du PCV et l’Assemblée nationale sera le plus grand projet de TGV en cours de construction au monde. La ligne aura une longueur totale d'environ 1 541 km, elle sera à double voie, avec un écartement au standard international (1 435 mm), et une vitesse de 350 km/h. A ce stade, il est prévu 23 gares de voyageurs et 5 gares de fret. En effet, la ligne devrait assurer le transport de passagers, et transport de marchandises.

L’investissement est estimé à 67 milliards d’USD, supporté essentiellement par l’Etat par le biais de fonds budgétaires et d’obligations d’Etat. Il semble que le Vietnam prévoit de recourir à des financements locaux (budgétaires et émissions obligataires) pour le génie civil (70% du projet) et de mobiliser les financements étrangers à hauteur de 30% pour financer la part étrangère du projet (systèmes et matériel roulant). Si on étale le projet sur 10 ans, cela représenterait 1,4% du PIB par an. En revanche, comme l’ont relevé les récents débats à l’Assemblée nationale, si l’on additionne les autres projets d’infrastructures comme la ligne TGV vers la frontière chinoise, les projets de transports urbains précédemment cités, les aéroports, les infrastructures électriques, on pourrait atteindre la limite d’absorption du Vietnam en termes de capacités de financement et de disponibilité des ressources humaines pour gérer ces projets.

Prévue pour une ouverture en 2035, le calendrier de construction est serré. Des appels d’offres devraient être lancés dès 2025-26 pour la sélection d’un consultant qui réalisera l’étude de faisabilité, une étape qui permettra d’évaluer précisément les contraintes liées à la topographie du terrain et les ouvrages d’art nécessaires. Les travaux doivent débuter en 2027.

Les autorités vietnamiennes prennent des mesures pour faciliter et accélérer la réalisation des grands projets d’infrastructures

Dès février 2023, des conclusions du Politburo faisaient état des difficultés rencontrées dans les projets d’infrastructures et renouvelaient la volonté d’achever les réseaux de transports ferroviaires urbains à l’horizon 2035. Au-delà de ces annonces, plusieurs décisions témoignent de la volonté des autorités vietnamiennes de prendre des mesures du fait du caractère stratégique de la qualité et de l’efficience des transports pour l’attractivité et la compétitivité du pays.

D’une part, des mécanismes réglementaires spéciaux doivent prochainement être mis en place par les deux principales municipalités du pays pour se libérer des contraintes réglementaires actuelles. Les autorités de Hanoï et de Ho Chi Minh Ville insistent toutes deux sur la nécessité de décentraliser la prise de décision. Pour la métropole du nord, la dernière Loi sur la capitale adoptée en juin dernier par l’Assemblée nationale a permis un premier pas en renforçant les prérogatives du Comité populaire[ii], ce qui devrait permettre une accélération sensible des procédures administratives et un financement facilité. Pour HCMV, des mécanismes similaires doivent être examinés par l’Assemblée nationale lors de la session exceptionnelle de février 2025[iii].

D’autre part, la révision de la loi sur l’investissement public a été approuvée par l’Assemblée nationale en novembre 2024, dans le but est de simplifier et de rationaliser les procédures afin d’accélérer la réalisation des projets. La loi amende plusieurs textes existants relatifs à la planification, à l’investissement, aux partenariats public-privé (PPP) ainsi qu’aux appels d’offre publics dans le but d’accélérer ces différents processus. Comme principale avancée, la loi révisée doit favoriser la décentralisation de la prise de décision aux localités afin de renforcer la responsabilité des décideurs et d’éviter les blocages administratifs qui ont jusque-là affecté les projets.

L’entrée en service réussie de la ligne 3 du métro de Hanoi, le déplacement récent du secrétaire général du PCV, M. Tô Lâm en France à l’occasion du sommet de la Francophonie en octobre 2024 et l’élévation de notre relation bilatérale au rang de partenariat stratégique global placent nos entreprises dans une position favorable sur les nombreux marchés à venir dans le domaine du ferroviaire. Sans sous-estimer les difficultés potentielles dans la conduite des grands projets au Vietnam et la forte concurrence, il appartient désormais aux entreprises françaises d’intensifier leurs démarches commerciales et aux pouvoirs publics français de poursuivre le dialogue avec les autorités vietnamiennes.  



[i] L’entreprise Hitachi a déposé en 2023 une demande d’arbitrage auprès du centre d’arbitrage international du Vietnam pour demander une compensation des retards liées aux lourdeurs administratives à hauteur de 156 M USD. Source : Tuoi Tre

 

[ii] L’article 31 de la loi sur la Capitale est centré sur l’application à Hanoï du concept anglo-saxon de Transit-Oriented Development, visant à orienter l'aménagement de zones résidentielles ou commerciales à proximité des stations pour favoriser l'usage des transports en commun. Cette prise en charge par la municipalité permet notamment de dégager de nouveaux revenus pour l’entretien et le développement du réseau, sur le modèle hong-kongais par exemple. Là où cette loi est intéressante, c’est qu’elle permet de déléguer un certain nombre de responsabilités d’urbanisme au Comité populaire sur les zones désignées comme TOD (possibilité d’utiliser des indicateurs différents des régulations vietnamiennes ; liberté sur l’organisation des expropriations, sur les investissements et sur le choix des standards) ainsi que la possibilité pour la municipalité de collecter l’intégralité des revenus générés par ces zones pour le développement de ses infrastructures de transport en ressources propres. Fin 2023, un projet pilote autour de la ligne no. 5 du métro sur ce modèle était évoqué, toutefois sans nouveau développement depuis.

 

[iii] Un tel mécanisme sera également nécessaire afin de permettre la mise en place du projet de Ligne à grande-vitesse (LGV) pour faciliter la prise en charge par les villes de la construction des infrastructures nécessaires pour la circulation de la ligne. Le Vice Premier ministre Tran Hong Ha, dans un document de septembre 2024, annonçait la nécessité de tels mécanismes d’ici 2035, sans toutefois que leur contenu ainsi que la répartition des tâches entre pouvoir central et localités soit clairement défini.