Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Le Beige Book met en évidence une légère croissance de l’activité

Politiques Macroéconomiques

  • Plusieurs responsables de la Fed partagent une vision commune de la trajectoire des taux en amont du prochain FOMC sans s’engager sur un calendrier

Services financiers

  • Les élus de la Chambre des représentants publient deux textes bipartisans en matière d’intelligence artificielle
  • Donald Trump indique son intention de nommer Michael Faulkender Secrétaire du Trésor adjoint, et Paul Atkins, Président de la SEC
  • Le CFPB propose d’encadrer l’activité des vendeurs de données

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Le Beige Book met en évidence une légère croissance de l’activité

Le Beige Book publié le 4 décembre, qui présente l’évolution économique dans les 12 districts régionaux de la Fed, décrit une légère croissance de l’activité en novembre après une stagnation le mois précédent. Alors que les perspectives sont stables en matière de consommation et que la sensibilité à la hausse des prix augmente chez les consommateurs, les entreprises se disent optimistes  en ce qui concerne la croissance de leur activité dans les prochains mois.

Si le rapport ne fait pas état de difficultés d’accès au financement, la demande de prêts immobiliers est faible tant pour les particuliers que pour l’immobilier de bureau. La demande d’électricité croît rapidement, en lien avec le développement des data centers et devrait être couverte par la construction de nouvelles capacités renouvelables dans les prochaines années.

Le niveau de rotation sur le marché du travail est faible (faible nombre de recrutements et de licenciements) tout comme la croissance des salaires.

L’inflation est modeste, les entreprises témoignant de difficultés à passer les hausses de prix à leurs clients ce qui les conduit à réduire leurs marges. Si le prix des intrants croît globalement (notamment le coût des assurances), certaines entreprises signalent des baisses dans le coût de certaines matières premières.

Plusieurs entreprises interrogées indiquent s’inquiéter de l’effet inflationniste des hausses de droits de douanes annoncées par la future administration.

 

Politiques Macroéconomiques

 

Plusieurs responsables de la Fed partagent une vision commune de la trajectoire des taux en amont du prochain FOMC, sans s’engager sur un calendrier

En amont du FOMC des 17 et 18 décembre 2024, plusieurs responsables de la Fed ont pris la parole pour présenter leur vision de l’état de l’économie américaine et de la poursuite de la politique monétaire. Tous considèrent que l’atteinte des deux objectifs prévus par le mandat de la Fed est équilibrée, même si le risque d’une stagnation du processus de désinflation est jugé plus élevé que celui d’un ralentissement trop important du marché du travail.

Tous partagent le constat d’une économie américaine solide, Jérôme Powell, Président de la Fed indiquant même qu’elle est plus robuste que ce qui était anticipé en septembre lors de la première décision de baisse des taux directeurs.

La croissance du PIB est dynamique sur les trois premiers trimestres 2024 (+2,8% au T3). Le marché du travail est robuste mais se détend, comme le signalent plusieurs indicateurs (hausse du taux de chômage à 4,1% en octobre, réduction du nombre d’emplois créés chaque mois, et du nombre d’emplois vacants par les demandeurs d’emplois), sous l’effet notamment de la hausse de l’immigration qui a permis d’augmenter l’offre de travail alors que la demande ralentit. Plusieurs responsables évoquent un marché du travail à l’équilibre, qui a atteint ou est proche du plein emploi, mais qui ne crée plus de pression inflationniste.

La baisse de l’inflation se poursuit vers la cible de la Fed de 2%, et les anticipations restent bien ancrées. Cette désinflation a ralenti toutefois en octobre, avec une inflation PCE sous-jacente (+2,8 %) plus proche de 3 % que de 2 %, en lien notamment avec la persistance des hausses des prix du logement. Les responsables qui se sont exprimés considèrent toutefois que ces à-coups ne remettent pas en cause le retour de l’inflation vers l’objectif de 2 %. Plusieurs insistent sur l’importance des gains de productivité pour expliquer le dynamisme de la croissance économique sans rebond de l’inflation alors que le marché du travail est au plein emploi.

Pour les responsables qui se sont exprimés, la politique monétaire demeure toujours restrictive, malgré les deux premières baisses des taux d’intérêt, de -50 points de base (pbs) en septembre et de -25 pbs en novembre. La baisse des taux doit donc se poursuivre pour tendre vers le taux neutre.

Les responsables précisent toutefois que si le sens de la trajectoire est clair, Mary Daly, gouverneure de la Fed de San Francisco, affirmant même qu’elle ne voit pas de raison d’augmenter les taux, les options restent ouvertes sur le calendrier des prochaines baisses (lors du prochain FOMC de décembre ou en janvier par exemple). Jérôme Powell a précisé que la situation économique et notamment la solidité du marché du travail, permettait à la Fed d’être un peu plus prudente dans la conduite de la politique monétaire à mesure que les taux se rapprochaient du taux neutre. Seul Christopher Waller indique qu’il incline plutôt pour une baisse dès le prochain FOMC mais réserve sa décision en fonction des dernières données qui seront publiées d’ici-là (notamment le rapport sur l’emploi).

Le 5 décembre, le marché estimé la probabilité d’une baisse de -25 pbs lors du prochain FOMC à 70%.

 

Services Financiers

 

Les élus de la Chambre des représentants publient deux textes bipartisans en matière d’intelligence artificielle

Le 2 décembre, deux élus de la Chambre des représentants, Patrick Mc Henry (R – Caroline du Nord), Président de la commission des services financiers, et Maxine Waters (D – Californie), ont déposé deux textes bipartisans, une résolution et une loi, visant respectivement à i) spécifier la compétence de la Chambre des représentants en matière d’IA et ii) d’améliorer la compréhension de la Chambre des représentants sur les usages de l’IA par les banques et les régulateurs bancaires. Pour mémoire, à ce jour, aucun cadre règlementaire fédéral spécifique à l’IA n’a été adopté pour le secteur financier.

La résolution (H.Res. 1600) présente une analyse des opportunités et des risques de l’IA, en particulier de sa forme la plus avancée dite « générative », pour le secteur financier en s’appuyant sur les conclusions d’un rapport publié en juillet 2024 par le Bipartisan AI Working Group. Considérant l’importance « critique » de l’IA pour le système financier, la résolution conclut qu’il relève de la responsabilité de la Chambre des représentants de i) suivre l’adoption des outils d’IA dans les services financiers ; ii) s’assurer que les agences mettent en œuvre les thématiques de la règlementation financière applicables à l’IA, notamment en matière de lutte contre les discriminations ; iii) fournir les outils appropriés aux agences pour superviser les nouveaux produits et services financiers intégrant l’IA ; iv) réformer les lois en matière de protection des données en tenant de compte de leur importance dans le fonctionnement des outils d’IA ; v) travailler de concert avec les régulateurs financiers pour évaluer les effets de l’IA sur la masse salariale, et vi) assurer un leadership international en matière de promotion des usages responsables de l’IA.  

Quant à la proposition de loi (H.R. 10262, « The AI Act of 2024 »), elle charge les régulateurs bancaires fédéraux (Fed, FDIC, OCC, CFPB, NCUA) de publier, dans un délai de 180 jours après l’adoption du texte, un rapport rendu public examinant les usages des technologies d’IA par les banques. L’étude devra en premier lieu évaluer les risques et les opportunités associés aux usages de l’IA pour un ensemble de cas d’usage d’intérêt (services d’assistance à la clientèle, activités de souscription, évaluations immobilières, lutte contre la fraude, recouvrement de dettes, mise en conformité règlementaire et cybersécurité). Elle devra également aborder la problématique d’accès des moyennes et petites banques aux outils d’IA, et statuer sur l’apport de l’IA pour améliorer la qualité des produits et services bancaires à l’échelle fédérale. La loi charge par ailleurs les régulateurs d’examiner le cadre règlementaire en vigueur en matière d’IA afin d’identifier de nouvelles pistes de travail. Enfin, les agences devront dresser un état des lieux de leurs propres usages de l’IA dans le cadre de leur mission de supervision. 

Ces textes devraient poser les bases des discussions en matière d’IA au cours de la prochaine législature.

 

Donald Trump indique son intention de nommer Michael Faulkender Secrétaire du Trésor adjoint, et Paul Atkins, Président de la SEC

Donald Trump a annoncé le 4 décembre son intention de nommer un nouveau Secrétaire du Trésor adjoint, Michael Faulkender, en remplacement de Wally Adeyemo, et un nouveau Président de la SEC, Paul Atkins, en remplacement de Gary Gensler. Ces deux nominations devront être approuvées par le Sénat.

Michael Faulkender est professeur de finance de l’Université du Maryland. Il est par ailleurs économiste en chef du think tank America First Policy Institute (AFPI), un laboratoire d’idées créé pour appuyer le candidat Trump. M. Faulkender avait déjà officié sous la première administration Trump en tant qu’Assistant Secretary for Economic Policy à partir de 2019. Durant la pandémie, il a personnellement supervisé la mise en œuvre du dispositif de chômage partiel américain (le « Paycheck Protection Program » - PPP).

De tendance libertarienne, il soutient les baisses d’impôts, dont la prolongation du programme de baisse d’impôts de 2017 (Tax Cuts and Jobs Act - TCJA) et la réduction du budget fédéral, critiquant en 2023 les mesures de soutien additionnelles déployées par l’administration Biden. Sur le plan des services financiers, il a cette année porté la charge contre le caractère pointilleux des stress-tests instaurés par le cadre prudentiel bancaire (« Dodd-Franck Act »), tout en indiquant que les banques devaient renforcer leur niveau de capitalisation. Il s’est insurgé contre toute idée de monnaie numérique de banque centrale, nuisible aux banques locales comme aux libertés individuelles. Sur le volet commercial, il a soutenu les droits de douane imposés par D. Trump durant son premier mandat à l’égard de la Chine, et souligné la position « incohérente » des démocrates à ce sujet. Il s’est également montré critique vis-à-vis du soutien de l’administration démocrate au secteur des véhicules électriques, qu’il estime trop coûteux pour les ménages américains.

Paul Atkins est fondateur et CEO du cabinet de conseil Patomak Global Partners, spécialisé dans les missions de gestion des risques et de mise en conformité en matière financière. Diplômé d’un J.D. de la Vanderbilt University School of Law en 1983, il commence sa carrière comme avocat d’affaires, avant de rejoindre la SEC où il occupera des fonctions de conseiller auprès de différents présidents républicains entre 1989 et 2001 puis de Commissioner entre 2002 et 2008. Paul Atkins est considéré comme l’un des pères de l’idéologie conservatrice des marchés de capitaux. Il a joué un rôle essentiel lors du premier mandat de D. Trump, aidant à l’élaboration de ses positions sur les sujets de règlementation financière. Il s’est montré critique de toutes les réformes prudentielles engagées après la crise de 2008, notamment le « Dodd Frank Act ». En 2022, il a dénoncé la Climate Disclosure Rule, un chantier de la SEC instaurant pour la première fois à l’échelle fédérale des obligations de transparence en matière climatique pour les sociétés cotées. A la tête de la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers américaine, Paul Atkins devra mettre en œuvre les orientations données par le président-élu dans son communiqué, à savoir : i) une vision pragmatique de l’encadrement règlementaire, laissant supposer le détricotage des chantiers de son prédécesseur, ii) l’assouplissement des conditions d’accès des petites et moyennes entreprises aux levées de fonds et iii) la promotion de l’industrie des crypto-actifs.

 

Le CFPB propose d’encadrer l’activité des vendeurs de données

Le Consumer Financial protection bureau (CFPB), l’agence de protection des consommateurs en matière financière, a publié le 3 décembre une proposition de règle encadrant l’activité des vendeurs de données personnelles et financières. Les vendeurs de données sont à la fois les entreprises collectant les données bancaires afin d’établir les scores de crédit (credit bureau), dont les principaux acteurs sont Experian, TransUnion and Equifax, et des acteurs plus spécialisés dans la monétisation des données tels Epsilon, Acxiom and CoreLogi.

Le CFBP constate que ces entreprises monétisent actuellement des données sensibles telles que la cote de crédit, les antécédents de crédit mais aussi les données personnelles (adresse, numéro de sécurité sociale), sans discernement. Ces données sensibles sont facilement acquises par des personnes mal intentionnées. Pour répondre à ce phénomène croissant, la nouvelle règle proposée (i) assujettit tous les vendeurs de données sensibles au statut de "consumer reporting agencies", créé par le Fair Credit Reporting Act (FCRA) de 1970, restreignant ainsi les motifs légitimes de collecte et transfert des données, (ii) requiert le consentement exprès et écrit des consommateurs pour toute collecte ou partage de son rapport de crédit (credit report).

Le directeur de la CFPB a affirmé lors de la conférence de presse de présentation de la règle qu’elle bénéficiait d’un soutien bipartisan. Une association de consommateurs (Consumer Federation of America) a salué un « important pas en avant dans l’encadrement des abus des vendeurs de données »

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à mercredi), l’indice S&P 500 a progressé de +1,18 %, à 6 075 et le Nasdaq Composite de +3,21 %, à 19 700.

Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont baissé de ‑0,5 point et -0,7 point respectivement pour atteindre 4,14 % et 4,18 %.

Le S&P 500 a atteint un nouveau record de valorisation mercredi (le 56ème cette année) avant de baisser au cours de la séance de jeudi dans l’attente de la publication du rapport sur l’emploi vendredi.

 

Brèves