Les salaires négociés rattrapent leur retard en Allemagne

La rémunération moyenne par tête (RMPT) nominale − indicateur utilisé pour mesurer l’évolution des salaires − a fortement augmenté en Allemagne et en zone euro à partir de mi-2021 sous l’effet de la hausse des prix, en particulier en raison des revalorisations successives du salaire minimum et du reste de l’échelle des salaires sur l’inflation.

La RMPT, calculée à partir des comptes nationaux trimestriels, rapporte la rémunération des salariés au nombre de salariés. La rémunération des salariés comprend les salaires et traitements bruts (dont les primes et heures supplémentaires, hors épargne salariale) versés aux salariés, ainsi que les cotisations sociales à la charge des employeurs. Les RMPT nominales ont ainsi augmenté de +18 % à la fois en Allemagne et en zone euro entre le 4e trimestre 2019 et le 2e trimestre 2024, tandis que l’inflation cumulée est de +22 % en Allemagne et +19 % en zone euro sur la même période. Le différentiel d’inflation a ainsi davantage pesé sur la RMPT réelle allemande qui s’établit −3,1 pts en-deçà de son niveau prépandémique, contre −1,6 pt en zone euro.


Rémunération moyenne par tête en écart au T4 2019

En réponse à la hausse des prix, les accords collectifs se sont multipliés en Europe sur la période. Alors que les négociations salariales dans l’ensemble de la zone euro ont suivi la dynamique de l’inflation sous-jacente (et plus spécifiquement l’inflation dans les services), les revalorisations salariales ont été plus progressives en Allemagne, et n’accélèrent véritablement que depuis début 2024.
Evolution des salaires négociés et de l'inflation des services

Le retard allemand peut essentiellement s’expliquer par la mise en place d’un mécanisme de « primes de compensation à l’inflation » déployé entre octobre 2022 et fin 2024 (primes exonérées de cotisations sociales et d’impôts, dans la limite de 3 000 € au total par salarié sur la période), et dont le recours a été particulièrement important : 52,5 Md€ de primes ont été versées sur l’ensemble de la période. Ces primes ont permis d’éviter l’enclenchement d'une boucle prix-salaires, en évitant des revalorisations pérennes de salaires en réaction à une poussée temporaire d'inflation. L’expiration de ces primes début 2025 devrait alimenter les pressions salariales.

Les salaires sont aussi soutenus par la dynamique du salaire minimum allemand, qui a connu quatre hausses depuis début 2021, de 9,50 € brut/heure à 12,41 € au 1er janvier 2024. Il n’équivalait toutefois qu’à 52 % du salaire médian en Allemagne en 2023, un chiffre inférieur à la valeur de référence de 60 % fixée par la directive européenne sur les salaires minimums (qui devait être transposée au plus tard le 15 novembre 2024). Selon les syndicats allemands, il faudrait rehausser le salaire horaire brut minimum à 14 € environ pour atteindre ce seuil, alors que la revalorisation prévue pour le 1er janvier 2025 est fixée à 12,82 €.