Washington Wall Street Watch n°2024-38
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Le Beige Book décrit une activité économique stable
Politiques Macroéconomiques
- Le déficit public continue de progresser
Services financiers
- Le CFPB finalise une règle sur l’accès des clients des banques à leurs données financières personnelles
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Le Beige Book décrit une activité économique stable
Le Beige Book publié le 23 octobre, qui présente l’évolution économique dans les 12 districts régionaux de la Fed, décrit une activité plutôt stable depuis début septembre malgré une disparité entre les districts : le secteur industriel a enregistré un recul et le secteur bancaire est resté atone. La consommation a été mitigée avec une tendance des consommateurs à se tourner vers des produits bon marché. La reprise se poursuit doucement dans l’immobilier résidentiel avec la baisse des taux d’intérêt et dans l’immobilier commercial avec la construction des centres de données et des projets d’infrastructure. Par ailleurs, le tourisme et l’agriculture ont été affectés par les catastrophes naturelles (ouragans Helene et Milton) dans le sud-est des États-Unis.
Le marché du travail continue de se détendre avec une légère hausse de l’emploi. Les entreprises soulignent une plus grande disponibilité de la main d’œuvre bien que des tensions persistent pour certaines tâches hautement qualifiées, notamment dans le secteur de la technologie, et pour certains secteurs comme la construction et l’industrie. Les salaires ralentissent avec la détente du marché du travail.
L’inflation continue de baisser. Toutefois, celle de certains produits comme l’alimentation demeure volatile. Les loyers semblent marquer le pas ou auraient commencé à baisser tandis que les primes d’assurance et les soins de santé ont vu leur prix augmenter. Les consommateurs se montreraient plus sensibles aux prix. Les entreprises soulignent une augmentation plus rapide des prix des intrants que ceux de vente, réduisant ainsi leur taux de marge.
Politiques Macroéconomiques
Le déficit public continue de progresser
Le Treasury et l’Office of Management and Budget (OMB), organe de la Maison-Blanche chargé d’assister le Président dans l’élaboration et l’exécution du budget, ont conjointement publié un communiqué sur le résultat de l’exercice budgétaire 2024. Pour mémoire, aux États-Unis, l’exercice budgétaire de l’année N commence le 1er octobre de l’année N-1 et se termine le 30 septembre de l’année N.
Pour l’exercice 2024, les recettes et les dépenses publiques se sont établies respectivement à 4 919 Md USD (16,2 % du PIB) et 6 752 Md USD (23,7 % du PIB), conduisant à un déficit de 1 833 Md USD (6,4 % du PIB) contre 4 439 Md USD (16,2 % du PIB), 6 135 Md USD (22,5 % du PIB) et 1 695 Md USD (6,2 % du PIB) respectivement en 2023.
L’administration Biden explique notamment l’augmentation plus rapide des dépenses que des recettes par la hausse des intérêts de la dette et des dépenses de la Social Security et de Medicare.
Face à cette dégradation des finances publiques, Janet Yellen, secrétaire au Treasury, a mis en avant une politique centrée sur la responsabilité budgétaire de l’administration Biden. Celle-ci prévoit notamment une réduction du déficit de 3 000 Md USD au cours de la décennie à venir, en augmentant la fiscalité des grandes entreprises et des ménages aisés.
Services Financiers
Le CFPB finalise une règle sur l’accès des clients des banques à leurs données financières personnelles
Le 22 octobre, le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), l’agence de protection des consommateurs en matière de services financiers, a finalisé une règle visant à renforcer le contrôle des clients sur leurs données financières personnelles (Personal Financial Data – PFD). Cette règle marque la première étape dans l’effort de promotion par le CFPB d’un écosystème bancaire ouvert (Open Banking) où les clients peuvent facilement migrer leurs données d’un prestataire de services à un autre, permettant de lutter contre les pratiques anti-concurrentielles de certains acteurs. La proposition de règle avait été publiée en octobre 2023.
Sous la nouvelle règle, les institutions financières (IF) bancaires et non bancaires (banques, Fintechs) dont les actifs dépassent 850 M USD devront tenir à disposition de leurs clients, gratuitement et sur demande, les DFP qui les concernent (informations relatives aux transactions, soldes des comptes, prélèvements à venir etc.) sous la forme d’un fichier électronique consolidé.
Les DFP devront également être accessibles à certains prestataires de service tiers (Authorized Third Parties – ATPs) autorisés par les clients (portefeuilles numériques, applications de paiement de pair-à-pair etc.). Cette mesure vise à renforcer la sécurité du partage des données entre clients et ATPs, qui s’appuyaient jusqu’alors sur des méthodes risquées de partage manuel des identifiants et mots de passe (« screen scrapping »). Les ATPs devront néanmoins respecter certaines conditions visant à assurer le consentement des clients et la sécurité du transfert des données. À ce titre, le CFPB souligne l’importance de prévenir les conflits d’intérêt des ATP, qui pourraient exploiter les PFD des clients à leur seul avantage.
Selon le CFPB, cette règle permettra d’accroître la pression concurrentielle sur le marché des services financiers de détail par i) l’éviction progressive des banques et des Fintechs qui fournissent des services peu compétitifs (e.g. faible rémunération des dépôts, taux d’intérêts élevés sur les prêts), les clients pouvant changer de prestataire facilement et gratuitement et ii) la promotion des solutions de paiement innovantes, en sécurisant mieux les applications de paiement de pair-à-pair (e.g. Venmo, Paypal).
La règle prévoit un calendrier d’entrée en vigueur progressive entre le 1er avril 2026 et le 1er avril 2030 en fonction de la taille des institutions financières.
Le jour de la publication de la règle, le Bank Policy Institute (BPI), et Kentucky Bankers Association, des associations de représentants des banques, ont lancé des poursuites judiciaires contre la règle, soulignant notamment les risques qu’elle représente pour la protection des données des clients des banques. Par ailleurs, BPI dénonce l’avantage que la règle confère aux Fintechs qui pourront bénéficier gratuitement des systèmes de protection des données propriétaires des banques.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a reculé de -0,9 %, à 5 810.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont augmenté tous deux de +0,1 point pour atteindre 4,1 % et 4,2 % respectivement. Depuis fin septembre, l’indice MOVE, qui mesure la volatilité implicite des rendements obligataires souverains, a progressé de 90 à 127.
Au cours de la semaine écoulée, les anticipations des marchés ont évolué vers un assouplissement plus lent de la politique monétaire par la Fed. Par ailleurs, à l’approche des élections, les promesses de campagne des candidats, qui tendent à augmenter le déficit public, créent des inquiétudes sur la soutenabilité des dettes publiques américaines, conduisant à la hausse des rendements obligataires souverains. D’ici décembre 2024, les machés anticipent une baisse de -50 points de base, soit une baisse de -25 points de base à chaque réunion (novembre et décembre).
Brèves
- Le 23 octobre, le CFPB a infligé une amende d’un montant de 89 M USD à Apple et Goldman Sachs (GS) dans le cadre de leur partenariat de carte de crédit Apple Card lancé en 2019. L’agence accuse les deux entreprises d’avoir lésé des centaines de milliers de clients en raison de disfonctionnements majeurs du service d’assistance à la clientèle et de fausses déclarations. Apple aurait notamment échoué à communiquer à GS des dizaines de milliers de transactions litigieuses. Pour celles qui avaient été réceptionnées par GS, la banque n’a pas suivi les exigences fédérales en matière de résolution des litiges. Par ailleurs, le CFPB impose à GS, en amont du lancement de nouvelles offres de cartes de crédit, d’obtenir l’autorisation de l’agence sur présentation d’un plan de mise en conformité.
- Le 21 octobre, Gary Gensler, Président de l’autorité des marchés financiers (Securities and Exchange Commission - SEC), s’est exprimé à l’occasion du Bloomberg Regulatory Forum sur le rôle des acteurs non-bancaires (non-banks) dans le bon fonctionnement des marchés de capitaux. G. Gensler a souligné l’importance des fonds de gestion alternative (hedge fund) et des fonds monétaires (money market funds), qui représentent des modes alternatifs de financement et introduisent une pression concurrentielle sur les marchés. Selon lui, les risques financiers des acteurs non-bancaires devraient être nuancés (« they shouldn’t be painted with a broad brush »).
- Le 21 octobre, le régulateur des national banks (Office of the Comptroller of the Currency - OCC) a amendé ses lignes directrices pour les plans de rétablissement (recovery plans) des plus grandes banques (actifs supérieurs à 100 Md USD) afin de renforcer leur résilience face à une crise bancaire. Pour mémoire, un plan de rétablissement consiste à présenter les mesures prévues par un établissement bancaire en cas de grave détérioration de sa situation financière. Les amendements de l’agence prévoient i) la standardisation des stress-test, ii) la clarification du rôle des risques non financiers (risque opérationnel et stratégique), et iii) un calendrier de mise en application des lignes directrices de l’OCC. Les amendements entreront en vigueur le 1er janvier 2025.