La consommation d'énergie au Nigéria présente d'importantes disparités entre les secteurs, avec une prédominance des ménages qui représentent la majeure partie de la consommation finale, principalement à partir de biocarburants et de déchets. Le secteur des transports dépend exclusivement des produits pétroliers, tandis que le secteur industriel a connu une forte augmentation de sa demande.

L'accès à l'électricité reste insuffisant au Nigéria, affectant gravement les ménages et les entreprises, ce qui entraîne une forte dépendance à des générateurs privés et à des sources d'énergie polluantes. Les politiques énergétiques publiques quasiment inexistantes et le défaut de réglementation sur les appareils énergivores contribuent à aggraver les inégalités, les pertes économiques et la pression sur l'environnement.

 

Consommation et dynamique de la demande d’énergie

La consommation d’énergie au Nigéria révèle des disparités marquées selon les secteurs, avec une domination écrasante de la demande énergétique par les ménages. Selon l’Agence internationale de l’Energie (IEA), en 2022, les ménages ont absorbé 42 % de la consommation finale d’énergie, représentant 1 039 263 TJ. Cette demande a doublé entre 2000 et 2022. La forte prévalence des biocarburants et déchets (89 % de la consommation finale des ménages) inclut des matériaux comme le bois, les résidus agricoles ou d'autres matières organiques, et témoigne de la dépendance des foyers nigérians à des sources d’énergie traditionnelles, devant le pétrole et l’électricité, qui ne représentent chacune qu’environ 5,5 %.

Le secteur des transports, qui représente 35 % de la consommation d’énergie (864 836 TJ), s’appuie exclusivement sur les produits pétroliers. Entre 2000 et 2022, la consommation énergétique dans ce secteur a augmenté de 180 %, avec une accélération notable après 2010 (+103 % sur la période 2010-2022).

Le secteur industriel, qui représente 14,5 % de la consommation énergétique (361 588 TJ), a vu sa demande croître de 151,7 % entre 2000 et 2022, bien qu’une stabilisation soit observée depuis 2014. La biomasse ainsi que le gaz naturel y dominent, avec respectivement 49 % et 29 % de la consommation finale.

Le secteur des services commerciaux et publics, bien que marginal avec seulement 6 % de la consommation finale (147 563 TJ), a tout de même vu une croissance de 119 % sur la période 2000-2022. Un pic a été atteint en 2012 (149 090 TJ), suivi d’une légère baisse (-1,02 % entre 2012 et 2022). Les biocarburants et les déchets dominent, avec 81 % de la consommation, suivis par l’électricité avec 19 %.

La forte présence des biocarburants et déchets dans la consommation énergétique des ménages s’explique notamment par une forte dépendance aux méthodes énergétiques traditionnelles. Les matériaux comme le bois ou les résidus agricoles sont peu coûteux, voire gratuits, et facilement accessibles dans les zones rurales où l'accès à l'électricité ou à d'autres sources d'énergie modernes est limité. Les foyers ruraux représentent la part la plus importante (51,0 % ont recours à ces matériaux, contre seulement 22,7 % dans les zones urbaines). En revanche, 18,9 % des foyers urbains utilisent des sources d'énergie modernes (gaz et électricité), contre seulement 6,8 % des foyers ruraux.[i]

Les industries manufacturières au Nigéria, telles que celles du ciment, de l'alimentation et des boissons, utilisent beaucoup d'énergie en raison de leurs procédés de production intensifs. En outre, le secteur du ciment, particulièrement énergivore, consomme 12 à 15 % de l'énergie totale du secteur industriel au Nigéria.

Concernant l'agriculture au Nigéria, celle-ci repose principalement sur la force humaine pour les outils manuels et la traction animale pour les équipements agricoles. Cependant, une partie marginale du secteur utilise des combustibles fossiles pour les machines motorisées et les pompes d'irrigation. Selon L'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), environ la moitié de l'énergie totale utilisée dans l'agriculture et la transformation alimentaire provient du bois de chauffage. Néanmoins, la consommation non régulée de cette ressource entraîne des problèmes environnementaux majeurs, tels que la déforestation, l'érosion des sols, la désertification et des fortes émissions de carbone.

Une demande qui reste très largement insatisfaite, avec des réponses insuffisantes de politique publique et des conséquences négatives pour l’économie et l’environnement

Le Nigéria connaît une forte demande d'énergie non satisfaite. Les infrastructures énergétiques du pays ne peuvent pas suivre la demande croissante, que ce soit pour les ménages ou les entreprises. Plus de 40 % des foyers n'ont pas accès à une électricité fiable, et parmi ceux qui en ont, 79 % reçoivent moins de 10 heures d'électricité par jour. Les entreprises subissent des coupures fréquentes qui affectent sérieusement leur productivité. De plus, dans l'industrie alimentaire, les moteurs électriques, pour la plupart obsolètes, consomment jusqu'à 40 % de l'électricité, et dans les industries chimiques ou céramiques, ce chiffre monte jusqu'à 70 %.

Les entreprises sont contraintes d'investir massivement dans des systèmes d'alimentation électrique de secours pour pallier ces carences. En 2022, selon l'Agence internationale de l’énergie renouvelable (IRENA), le Nigéria était le pays qui importait le plus grand nombre de générateurs en Afrique subsaharienne, avec environ 3 M d’unités utilisés dans le pays sur les 6,5 M que compte l'Afrique subsaharienne. Toujours selon l’IRENA, 84% des ménages urbains utilisent des systèmes d'alimentation électrique de secours tels que des générateurs à essence ou à diesel, ou des systèmes solaires individuels, tandis que 86 % des entreprises nigérianes possèdent ou partagent un générateur, ce qui augmente leurs coûts de production de manière significative. Ainsi, le coût de l'énergie des entreprises du secteur du ciment a augmenté de 140,7 % au premier semestre 2024 par rapport à la même période de 2023.

Face à ce constat, les politiques publiques pour encourager une utilisation plus efficace de l’énergie sont pratiquement inexistantes. Il n'existe que très peu de programmes visant à inciter les consommateurs à adopter des comportements plus économes. À titre de comparaison, des pays comme la Chine (2012), l’Inde (2015) ou l’Afrique du Sud (2004) ont mis en place des politiques de subvention pour l’achat d’appareils économes en énergie, ou des tarifs préférentiels pour les foyers qui réduisent leur consommation d’électricité pendant les périodes de pointe.

Malgré les récentes réformes dans le secteur de l'électricité, il n'y a pas de réelle tarification préférentielle pour la réduction de la consommation pendant les périodes de pointe. Néanmoins, des mesures ont été prises pour améliorer l'efficacité du système de distribution, notamment en utilisant des compteurs intelligents et en adaptant les tarifs selon les heures de fourniture d'électricité. Depuis 2020, la Commission de régulation de l'électricité du Nigéria (NERC) a introduit un système de Tarification basé sur le service (SBT), lequel est calculé selon le nombre d’heures de fourniture d’électricité par jour. En 2021, le Programme national de mise en service de compteurs (NMMP) a été lancé pour résoudre le problème des clients non-mesurés. Dans ce cadre, 21 Md NGN (12 M EUR) ont été alloués aux onze sociétés de distribution d'électricité (DisCos) en 2024, pour fournir les foyers.

Au Nigéria, le manque de régulations strictes concernant les appareils énergivores est également un problème majeur. De nombreux pays africains comme le Kenya (2016), l’Egypte (2022) et l’Afrique du Sud (2016) ont mis en place des normes minimales de performance énergétique (MEPS) pour divers appareils électriques afin de réduire leur consommation d'énergie. En revanche, le Nigéria ne dispose pas encore de normes MEPS pleinement développées et appliquées pour tous les équipements électriques courants, malgré des efforts récents.[ii] Cela contribue à une demande énergétique non régulée et à une utilisation inefficace de l'énergie, exacerbant les défis liés à l'approvisionnement énergétique du pays.

Cette incapacité à répondre à la demande énergétique a des conséquences lourdes sur l’économie nigériane. Les coupures fréquentes d'électricité (déjà 6 effondrements du réseau en 2024), conjuguées aux coûts élevés des générateurs, grèvent la compétitivité des entreprises, en particulier dans les secteurs industriels. En 2020, la Banque mondiale etimait le coût économique des pénuries d'électricité au Nigéria à environ 28 Md USD, soit 8 % du PIB du pays en 2023 (362 Md USD).

De plus, le recours systématique à des sources d'énergie polluantes, comme les générateurs à essence ou au diesel, accentue la pression sur l’environnement. Le Nigéria est parmi les pays les plus polluants d'Afrique en matière d’émissions de CO2 liées aux sources d’énergie fossiles. Avec 100,4 Mt de CO2 produites en 2022, il était le quatrième émetteur de gaz à effet de serre en Afrique, après l’Afrique du Sud (394 Mt de CO2), l’Egypte (217,8 Mt de CO2) et l’Algérie (151 Mt de CO2), selon l’IEA. La déforestation due à l’utilisation du bois de chauffe dans les zones rurales aggrave encore plus cette situation, contribuant à la dégradation de l'environnement et à la perte de biodiversité.

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Les politiques publiques demeurent insuffisantes pour encourager une utilisation plus efficace de l'énergie et pour moderniser les infrastructures afin de relever les défis posés par l'approvisionnement énergétique. Le pays est encore fortement tributaire de sources traditionnelles et peine à répondre à la demande croissante de sa population. Sans des investissements massifs dans des solutions modernes intégrées au réseau et une réglementation stricte de la consommation d'énergie, l'économie nigériane continuera de subir des coupures fréquentes et des coûts énergétiques élevés, ce qui affectera inexorablement sa compétitivité et aggraver son impact sur l'environnement.