Actualités économiques Nigéria-Ghana | Semaine du 14 octobre 2024
Publication du Service économique régional d’Abuja, réalisée avec les contributions de l'antenne de Lagos et du Service économique d’Accra.
Nous rappelons à notre cher lectorat que le Service économique régional d’Abuja publie régulièrement sur l’actualité économique franco-nigériane et sur ses activités dans le pays à travers sa page LinkedIn. Il en est de même pour le Service économique d’Accra, sur LinkedIn.
LE CHIFFRE A RETENIR
18,0 % : C’est le nouvel objectif d’inflation de la Banque centrale du Ghana pour la fin de l’année 2024, en hausse de 100 pdb.
FAITS SAILLANTS
Nigéria :
30ème NES et nouvelle NDU de la Banque mondiale : poursuivre sur la voie des réformes tout en accompagnant davantage les plus vulnérables ; La startup nigériane Yellow Card conclut un financement de série C de 33 M USD ; Flour Mills va investir 1 Md USD au Nigéria sur quatre ans pour agrandir ses installations de production.
Ghana :
Les agences Fitch et Moody’s améliorent la notation crédit du Ghana ; Hausse du ratio de créances douteuses au Ghana à 24,3% en août 2024.
Nigeria
30ème NES et nouvelle NDU de la Banque mondiale : poursuivre sur la voie des réformes tout en accompagnant davantage les plus vulnérables
En quatre jours, Abuja a été le lieu de deux rendez-vous importants de la vie économique au Nigeria : le Sommet économique nigérian (NES), grand raout annuel des économistes et décideurs politiques du pays, ainsi que la présentation par la Banque mondiale de sa Mise à jour sur le développement du Nigéria (NDU).
Les premiers résultats positifs des réformes entreprises depuis l’élection de Bola Tinubu commencent à se faire sentir. La croissance économique se montre résiliente face aux larges ajustements récents : la Banque mondiale s’attend à observer une croissance de 3,3 % en 2024. La flexibilisation du taux de change a mis fin au maintien d’un taux de change officiel artificiellement fort, très couteux pour les finances publiques (plus de 3 % du PIB en 2022). Cette libéralisation des changes et d'autres réformes fiscales (principalement fin de la subvention au carburant) ont permis une augmentation forte des recettes publiques : celles-ci sont passées de 5,5 % du PIB au premier semestre 2023 à 8,7 % au premier semestre 2024. Bien que toujours fragile, la situation budgétaire s'améliore, le déficit public de l’État fédéral passant de 6,2 % du PIB au premier semestre 2023 à 4,4 % au premier semestre 2024 (prévision de la Banque mondiale d’un déficit public de 4,3 % en 2024). À ce titre, alors que le service de la dette consommait plus de 100 % des recettes publiques en 2022, il ne devrait représenter que 57,1 % de celles-ci en 2024. Les réserves de change du pays sont par ailleurs passées de 32,9 Md USD à la fin de 2023 à plus de 38,5 Md USD début octobre 2024.
L'inflation a pourtant rebondi à 32,7 % en septembre (en glissement annuel), après 32,2 % en août, inversant deux mois consécutifs de baisse. Cette hausse s’explique principalement par l’augmentation des prix de l'essence (+ 24,1 % en septembre) et de l’alimentaire. L'inflation alimentaire s’élève en effet à 37,8 % en septembre, après 37,5 % en août, entraînée par les mauvaises récoltes et les inondations subies par le Nord du pays. La faiblesse du naira reste aussi un facteur clé contribuant aux pressions inflationnistes, la monnaie ayant perdu plus de 50 % de sa valeur d'une année sur l'autre.
Les réformes engagées par le Président Tinubu ont ainsi accru les pressions déjà intenses exercées sur les ménages et les entreprises, en augmentant significativement le coût de la vie. Les plus vulnérables sont d’autant plus touchés : le Nigéria comptait 115 millions de pauvres en 2023 ; le pays en dénombre 129 millions désormais (+12 % en un an).
Malgré ces difficultés, la Banque mondiale conseille au Nigeria de garder le cap des réformes. La Banque conseille également de maintenir une politique monétaire restrictive jusqu'à ce qu'une trajectoire de désinflation durable soit atteinte, tout en continuant à améliorer les canaux de transmission. Le gouverneur de la CBN, Olayemi Cardoso, s’est ainsi engagé en janvier dernier à suivre un objectif d’inflation de 21,4 % fin 2024 – la plupart des banques commerciales s’attendent à une nouvelle hausse du taux directeur avant la fin de l’année. Sur le plan budgétaire, l'accent pourrait être mis sur la réduction des risques liés à la dette et le développement des dépenses en faveur des pauvres – ce à quoi s’est engagé le Ministre des Finances Wale Edun.
La Banque mondiale estime que, parallèlement à la stabilisation de la macroéconomie, il est essentiel de protéger les Nigérians les plus vulnérables. Jusqu'à présent, un registre social a été mis en place, couvrant plus de 18 millions de ménages (ce qui en fait l'un des plus importants au monde), et des transferts de prestations directs de 25 000 NGN sur trois mois, limités dans le temps et adaptés aux chocs, sont en cours de déploiement auprès de plus de 60 millions de Nigérians. Une partie de la hausse des recettes publiques devrait ainsi être redistribuée aux populations les plus vulnérables.
Enfin, le Nigéria a l’occasion de se saisir d’opportunités se dissimulant dans le contexte actuel. D’une part, le taux de change est tombé à un niveau historiquement bas, renforçant la compétitivité des produits et services nigérians, permettant de concurrencer les importations et de s’exporter plus aisément. D’autre part, le desserrement actuel des politiques monétaires des principales économies devrait libérer des capitaux pour l’investissement dans les pays émergents – dont le Nigéria pourrait tirer parti.
La startup nigériane Yellow Card conclut un financement de série C de 33 M USD
Yellow Card, une fintech nigériane spécialisée dans le transfert d’argent, a annoncé le 14 octobre la finalisation de sa levée de fonds de série C. Cette opération de 33 M USD a été dirigé par le fonds d'investissement Blockchain Capital, et porte ainsi à plus de 85 M USD le montant total de financements en fonds propres obtenus par Yellow Card depuis sa création. Le dernier appel, en août 2023, avait permis a Yellow Card de lever 40 M USD, en série B, et avait été dirigé par le fonds Polychain Capital.
Depuis son lancement au Nigéria en 2019, Yellow Card s'est affirmé comme un leader du secteur, avec des activités dans 20 pays africains et plus de 3 Md USD de transactions facilitées sur le continent grâce au « stablecoin », une monnaie numérique liée à l’USD. Avec ce nouveau financement, l'entreprise vise à élargir sa clientèle et à s'implanter dans d'autres pays comme l'Éthiopie, l'Égypte et le Maroc, ces derniers prévoyant d'adopter de nouvelles législations favorables aux monnaies numériques.
Flour Mills va investir 1 Md USD sur quatre ans pour agrandir ses installations de production
Flour Mills of Nigeria Plc, la plus grande entreprise de minoterie du pays, prévoit d'investir 1 Md USD pour étendre ses opérations au cours des quatre prochaines années. Cet investissement vise à renforcer la production locale, en particulier dans le secteur du sucre, avec 500 M USD pour augmenter la production annuelle de 100 000 à 400 000 tonnes dans l'État de Niger. L’entreprise allouera également 100 M USD pour établir une usine de transformation du manioc afin de réduire les importations d'amidon de manioc.
La société envisage également de restructurer ses opérations en consolidant ses 22 unités en cinq entités distinctes, et prévoit une double cotation en bourse, notamment sur la bourse nigériane (NGX). Les réformes économiques du président Tinubu ont déjà suscité des engagements similaires, notamment de la part de Coca-Cola. L’entreprise a annoncé le mois dernier son intention d'investir 1 Md USD au Nigéria pour développer ses installations de production et de distribution.
Ghana
Les agences Fitch et Moody’s améliorent la notation crédit du Ghana
L’Agence de notation Fitch Ratings a attribué une note de « CCC+ » aux nouvelles obligations en USD du Ghana émises le 9 octobre et a relevé la note de défaut à long terme en monnaie locale (LTLC IDR) de « CCC » à « CCC+ ». La note de défaut émetteur à long terme en monnaie étrangère (LTFC IDR) reste à « RD » (« Restricted Default »).
L’agence de notation Moody’s a également amélioré les notes d’émetteur à long terme du Ghana, passant de « Caa3 » à « Caa2 » en monnaie locale et de « Ca » à « Caa2 » en devises étrangères. Moody’s a également révisé les perspectives du Ghana de « stables » à « positives ».
Les deux agences ont indiqué que cette révision à la hausse était motivée par la restructuration de la dette du pays et l’échange d’euro-obligations récemment achevé, atténuant les pressions financières sur le gouvernement. Restant prudent, Moody’s explique que le risque de liquidité reste élevé du fait (i) de la reprise des paiements au titre du service de la dette, (ii) des risques budgétaires à l’approche des élections de décembre, (iii) des pressions négatives potentielles sur la monnaie et (iv) de la dépendance du secteur public aux conditions de financement à cause de sa dette de court terme.
Enfin, S&P Global Ratings a attribué une note de CCC+ aux nouvelles euro-obligations émises par le Ghana, tout en maintenant la note SD/SD (défaut sélectif) pour la dette en devises étrangères en raison de la nécessité d’une nouvelle restructuration de la dette commerciale qui n'est pas couverte par l'échange d'euro-obligations.
Hausse du ratio de créances douteuses au Ghana à 24,3% en août 2024
Le ratio de créances douteuses a augmenté de 4,3 points en glissement annuel, pour atteindre 24,3 % en aout 2024, en raison d’une hausse des défauts de paiement des grands emprunteurs selon la Banque du Ghana. Dans le même temps, les résultats du secteur bancaire ont continué de s’améliorer au cours de la période. La valeur des actifs détenus par les banques est en hausse de 38,7 % à la fin du mois d’août 2024 en glissement annuel, après une croissance 19,6 % en août 2023. Le ratio d’adéquation des fonds propres (CAR) de l’industrie s’établi à 13,7 % en août 2024, après 14,2 % enregistrés à la même période l’année dernière. Le taux de crédit au secteur privé a cru de 1,1 % en terme réel sur la période, qui représente désormais 21 % des actifs du secteur bancaire et 7,9 % du PIB en août 2024. Les taux d’intérêts moyens des banques pour les ménages et entreprises ont légèrement baissé, passant de 31,8 % en août 2023 à 30,8 % en août 2024. L’essentiel des actifs des banques sont des bons du Trésor de court terme à 91 jours, 182 jours et 364 jours, aux taux d’intérêt respectifs de 25,6 %, 26,9 % et 28,5 %.