Washington Wall Street Watch n°2024-36
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Le marché du travail surprend à la hausse
- L’inflation baisse sur un an tandis que sa composante sous-jacente progresse
Politiques Macroéconomiques
- Les responsables de la Fed s’accordent sur la baisse des taux mais sont divisés sur son ampleur
- La Social Security annonce une revalorisation de +2,5 % des prestations à compter de 2025
Services financiers
- La discount window est un outil efficace mais perfectible selon la Fed
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Le marché du travail surprend à la hausse
Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation du marché du travail, publié le 4 octobre, les créations nettes d’emplois ont augmenté de +254 000 en septembre, au-dessus des attentes à +150 000 et de la moyenne au cours des 12 derniers mois (+203 000). Les créations d’emplois ont été revus à la hausse, de +55 000 en juillet (à +144 000) et de +17 000 en août (à +159 000).
Les créations sont concentrées dans les restaurants et les bars (+69 000), les soins de santé (+45 000), les administrations publiques (+31 000), l’assistance sociale (+27 000) et la construction (+25 000).
Le taux de chômage recule à 4,1 % (après 4,2 %), en baisse depuis son pic atteint en juillet, à 4,3 %. Le taux d’activité demeure inchangé à 62,7 % et le taux d’emploi s’établit à 60,2 %. Le salaire horaire progresse de +0,4 % (au même rythme que le mois précédent et sa croissance en glissement annuel s’établit à +4,0 % (après +3,8 %).
L’inflation baisse sur un an tandis que sa composante sous-jacente progresse
Selon la publication du BLS, l’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de +0,2 % en septembre (après +0,2 % en août) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) de +0,3 % (après +0,3 %). Pour les deux composantes, le rythme de progression a dépassé de +0,1 point les attentes du marché. Les prix de l’énergie ont reculé (‑1,9 %) tandis que ceux de l’alimentation ont accéléré à +0,4 % (après +0,1 %). À l’exception des produits médicaux (-0,7 % après -0,2 %) et des loyers, l’ensemble des composantes de l’IPC ont bondi en septembre.
Sur douze mois glissants, l’inflation a continué de baisser, à +2,4 % (après +2,5 %) et sa composante sous-jacente a légèrement bondi, à +3,3 % (après +3,2 %). L’inflation de l’énergie s’établit à -6,8 % (après -4,0 %) et celle de l’alimentation progresse de +2,3 % (après +2,1 %).
Politiques Macroéconomiques
Les responsables de la Fed s’accordent sur la baisse des taux mais sont divisés sur son ampleur
Selon le procès-verbal (minutes) de la réunion du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 17 et 18 septembre, publié le 9 octobre, les responsables de la Fed ont salué la résilience de l’économie américaine au 1er semestre 2024 mais mis en garde contre un ralentissement en vue, ce qui justifiait la décision de baisser de ‑50 points de base (pb) la fourchette-cible des taux directeurs, la portant à [4,75 % - 5,0 %].
Les économistes et les responsables de la Fed ont insisté sur les aléas baissiers au 4ème trimestre 2024. Globalement, ils ont considéré que la tendance désinflationniste se confirmait du fait notamment du ralentissement de l’économie américaine sous l’effet des taux d’intérêt élevés, de l’ancrage des anticipations d'inflation, d’un pouvoir de marché plus faible des entreprises et de la modération des prix des matières premières à l’échelle mondiale. Par ailleurs, les responsables ont indiqué que l’évaluation de la situation sur le marché du travail serait devenue plus difficile en raison d’une incertitude sur les flux migratoires, les révisions des données publiées, et des gains de productivité mal mesurés. Par conséquent, ils ont indiqué utiliser d’autres sources, souvent plus microéconomiques, pour contrôler les données macroéconomiques.
Une large majorité des responsables ont soutenu une baisse de -50 pb, qui serait plus appropriée à l’évolution de la situation économique qu’une baisse de -25 pb. Certains ont tout de même mis en garde contre cette baisse de plus grande ampleur que d’habitude, en évoquant notamment le risque de réduction de la prévisibilité de la trajectoire de politique monétaire et celui de créer des inquiétudes relatives à une récession sur les marchés. Ils ont tous convenu d’insister sur le rôle de la communication de telle sorte à éviter tout mouvement de panique ou de tension sur les marchés.
La Social Security annonce une revalorisation de +2,5 % des prestations à compter de 2025
La Social Security, une agence fédérale chargée de gérer le programme d’assurance sociale pour les retraités, les personnes avec handicap et les anciens combattants, a annoncé le 10 octobre une revalorisation des prestations sociales (cost-of-living adjustment, COLA) de +2,5 % pour l’année 2025. Pour rappel, l’augmentation a été de +3,2 % en 2024 et de +2,6 % par an en moyenne au cours de la dernière décennie.
Ces revalorisations concernent près de 73 millions de personnes et représentent en moyenne une augmentation mensuelle de 50 USD.
Services Financiers
La discount window est un outil efficace mais perfectible selon la Fed
Dans un discours prononcé les 8 et 9 octobre, le vice-président de la Fed Philip N. Jefferson a présenté un bilan historique puis l’actualité de la Discount window (DW). Cet instrument de refinancement permet aux établissements recevant des dépôts bancaires d’emprunter à court-terme auprès de la Fed - en contrepartie de la mise en pension de collatéraux, et ainsi de pallier des difficultés à emprunter sur le marché interbancaire.
À la création de la Fed en 1913, elle constitue le principal outil de politique monétaire, et doit permettre d’améliorer la stabilité du système monétaire et financier. Au début des années 1920, le recours important des banques à la DW permit d’éviter une nouvelle crise mais augmenta de manière disproportionnée, tant et si bien que la Fed a dû décourager les banques à l’utiliser, et réguler le délai d’emprunt.
Dans les années 1980 et 1990, la DW est détournée de son objet par des banques dont les problèmes de solvabilité – et non de liquidité – ne peuvent mener qu’à un rachat ou une liquidation. Étant ainsi associée aux faillites bancaires, son recours est perçu comme stigmatisant par les banques plus saines financièrement, ce qui réduit sa portée comme outil de politique monétaire et de gestion des problèmes de liquidité.
Soucieuse de répondre à cette crise de confiance, la Fed entreprend en 2003 une réforme profonde : elle crée un système à deux étages comprenant (i) une facilité de crédit primaire (primary credit), octroyée sans condition, à un taux d’intérêt égal à la borne supérieure de la fourchette-cible de taux directeurs, et visant les banques financièrement solides, et (ii) une facilité de crédit secondaire (secondary credit), qui implique des décotes supérieures des collatéraux et une conditionnalité sur l’utilisation des fonds. Malgré cette réforme, les réticences persistent durant la crise de 2008, puis lors de celle du Covid- 19, et conduisent la Fed à étendre temporairement les durées de prêt, réduire l’écart de taux avec les taux directeurs, et à fournir moins de granularité sur les données publiques d’utilisation de l’outil, afin de ne pas fragiliser les banques utilisatrices.
Depuis la crise bancaire de 2023, la Fed a fourni d’importants efforts de communication, publié des lignes directrices sur les plans de financement d’urgence (contingency funding plans) incitant les banques à se préparer à recourir à la DW et mis en ligne un portail de demande de prêts accessible nuit et jour (Discount Window Direct). Ces efforts semblent efficaces, puisqu’à fin 2023 près de 3 900 banques (soit environ 80 % de l’ensemble des établissements), contre seulement 3 561 fin 2022, ont complété la documentation juridique nécessaire pour recourir à la DW, et 2 000 d’entre elles ont constitué des garanties permettant d’emprunter (collatéral). Pour aller plus loin, la Fed a publié le 5 septembre 2024 un appel à commentaires sur les aspects opérationnels de la DW, afin de réduire les lourdeurs administratives pour les banques. Les réponses sont attendues avant le 31 décembre 2024.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +0,7 %, à 5 780.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont augmenté respectivement de +0,3 point et de +0,2 point pour atteindre 4,0 % et 4,1 %.
Au cours de la semaine, les indicateurs du marché du travail meilleurs que prévus et une baisse de l’inflation, notamment celle des services de logements, ont permis d’atténuer les craintes d’une récession aux États-Unis. Bien que les minutes et les discours des responsables indiquent la poursuite de la baisse des taux directeurs, les marchés anticipent des baisses moins rapides eu égard aux données publiées. D’ici décembre 2024, les machés anticipent une baisse de -50 points de base, soit une baisse de -25 points de base à chaque réunion (novembre et décembre), portant ainsi la fourchette-cible des taux directeurs à [4,25 % - 4,5 %] en fin d’année.
Brèves
- Le 4 octobre, Coinbase, première plateforme de crypto-actifs américaine (312 Md USD échangés au T1 2024), a annoncé, dans un communiqué relayé par Bloomberg, sortir de la cotation des bourses de l’espace économique européen (EEE) les stablecoins qui ne répondent pas aux exigences de conformité du nouveau règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (Markets in Crypto-Assets – MiCA), dont l’entrée en application est prévue en janvier 2025. Coinbase publiera sous un mois un plan d’exécution détaillant les solutions de conversion vers des stablecoins conformes (e.g. USDC de Circle) proposées à leurs détenteurs.
- Les demandes hebdomadaires d’inscription au chômage indemnisé, publiées le 10 octobre par le Department of Labor, ont bondi à 258 000 dans la semaine du 30 septembre (+33 000 par rapport à la semaine précédente) et bien au-dessus des attentes du marché (230 000). La moyenne sur 4 semaines glissantes s’établit à 225 000. Cette augmentation serait en partie associée à l’ouragan Helene qui a affecté les États du Sud-Est (Floride, Caroline du Sud et Tennessee).