La NNPC a publié des résultats contrastés dans un contexte de production stagnante et de pénurie d’essence. Son endettement, alimenté par le maintien implicite d’une subvention à l’essence, complique sa relation avec ses fournisseurs d’essence raffinée, et accentue la pénurie, ainsi que la flambée du prix du litre. Quant aux compagnies pétrolières internationales, la vente de leurs actifs à terre se poursuit. Le groupe Dangote fait également l’actualité en écoulant ses premiers litres de PMS.

 

 

I/ La NNPC publie des résultats contrastés dans un contexte de production stagnante et de pénurie d’essence.

(1) La production pétrolière nigériane continue de stagner. Elle a atteint une moyenne de 1,28 mbj en juin, 1,31 mbj en juillet, 1,35 en août et 1,32 en septembre 2024 selon l’OPEP. Mensuellement, elle oscille entre 1,43 mbj et 1,17 mbj depuis janvier, en deçà du quota de l’OPEP pour le Nigéria de 1,5 mbj et de l’objectif gouvernemental de 1,78 mbj. Pour rappel, d’après le Document de stratégie fiscale 2024-2026 du gouvernement, les recettes publiques pétrolières devraient en 2024 représenter 50,8 % (19 400 Md NGN) des recettes publiques totales. Cet objectif, malgré la stagnation de la production, devrait être atteint selon le Service fédéral des impôts (FIRS), notamment grâce à l’amélioration de l’efficacité de l’administration fiscale concernant la perception des taxes. 

 

(2) A la fin du mois d’août, la NNPC a publié des résultats contrastés pour l’année 2023. Le bénéfice net de la compagnie nationale a atteint un niveau record pour l’année 2023, 3 300 Md NGN, soit une augmentation de 29 % en glissement annuel (2 600 Md NGN de bénéfices en 2022). Il s’agit des bénéfices les plus élevés jamais enregistrés par la NNPC. L’augmentation des bénéfices en naira est liée à plusieurs facteurs :

  • La hausse des revenus grâce à la fin de la pratique de l’échange de pétrole brut contre de l’essence en juin 2023 et à la hausse de la production en 2023 par rapport à 2022 du fait de l’amélioration de la sécurité dans le Delta ;
  • La dépréciation de la monnaie ;
  • Les nouvelles règles fiscales prévues par le Petroleum Industry Act (PIA) de 2021 qui ont permis à la NNPC de bénéficier de taux d’imposition réduits par rapport à l’ancien cadre réglementaire.

Néanmoins, malgré des revenus records en nairas, le bénéfice net de la NNPC a baissé en dollars entre 2022 et 2023, passant de 5,8 Md USD à 5,1 Md USD, du fait principalement du contexte monétaire.

 

(3) L’endettement de la NNPC, alimenté par une subvention à l’essence qui n’aurait pas été levée, accentue finalement la pénurie d’essence, laquelle engendre une nouvelle flambée des prix à la pompe. Le 1er septembre, la NNPC, jusqu’à il y a quelques semaines seul importateur effectif d’essence au Nigéria, a admis que sa dette de 6 Md USD à l’égard des fournisseurs internationaux affectait sa capacité à approvisionner le pays en produits raffinés. Ainsi, depuis fin août, le pays connaît une grave pénurie d’essence. Dans ce contexte, le 3 septembre, la NNPC a augmenté de 617 NGN à 897 NGN (0,57 EUR au taux de change du 3 septembre) le prix du litre à la pompe (+45,4 %), un prix qui resterait pourtant inférieur au prix réel de marché. Cette nouvelle augmentation après le triplement du prix du litre en 2023 fait peser des risques socio-économiques conséquents sur le pays. Celle-ci a déjà entraîné une augmentation de 50 % du coût des transports. Le coût final d’importation de l’essence qui inclut le prix international, le transport, et d'autres frais, a augmenté à près de 1 200 NGN / litre selon l’Association des négociants en énergie du Nigéria (MEMAN), contre 720 NGN / litre en octobre 2023. Ce coût n'inclut pas certains frais additionnels. Ainsi, sans subvention de la NNPC, le prix devrait se situer entre 1 300 et 1 350 NGN / litre. La NNPC ayant été jusqu'à il y a peu le seul importateur effectif au Nigéria, la baisse de production pétrolière du pays a compliqué d’autant les importations de produits raffinés. Le maintien furtif de cette subvention est un obstacle à la concurrence entre importateurs d’essence.

 

(4) La NNPC connaîtrait des difficultés financières du fait du maintien, sous une autre forme, d’un système de subvention au prix à la pompe. Pour rappel, fin août, ces difficultés financières ont amené l’Etat fédéral à renoncer aux dividendes de la NNPC qui lui étaient dus et cette dernière aurait également indiqué au Président Tinubu qu'elle ne serait pas en mesure de lui verser ses taxes et redevances. Bien que le Président ait annoncé la suppression des subventions aux carburants en 2023, la NNPC continuerait de dépenser des milliards de naira en faveur d’une forme de subvention. En juin 2023, l'annonce de Bola Tinubu avait entraîné une augmentation significative du prix du carburant de 197 NGN à 570 NGN. Toutefois, depuis juillet 2024, des observateurs, dont le FMI et la Banque mondiale, craignent que le gouvernement ait réintroduit indirectement une subvention à l'essence en ayant maintenu artificiellement les prix à la pompe aux alentours de 600 NGN malgré la dépréciation du naira et l’évolution des cours du brut. Pour cela, la NNPC utiliserait un « taux de change dérivé » pour acheter du pétrole raffiné qui entraîne un « déficit de subvention ». Le mécanisme en vigueur impacterait ainsi négativement la performance financière de l’entreprise nationale.

 

II/ La vente des actifs onshore des compagnies pétrolières internationales se poursuit.

(1) Début 2024, Shell International Plc avait annoncé son intention de vendre la totalité de ses actifs pétroliers et gaziers onshore au consortium Renaissance pour un montant qui est passé de 2,4 Md USD à 1,3 Md USD entre janvier et août 2024. Néanmoins, fin août, le gouvernement nigérian, par l’intermédiaire de la Commission nigériane de la production upstream (NUPRC) et en vertu du PIA, a rejeté la proposition de Shell International Plc de vendre sa filiale Petroleum Development Company of Nigeria Limited (SPDC) à Renaissance. Ce refus de vente fait suite à la plainte de l’opérateur local Global Gas and Refining Ltd contre Shell concernant des désaccords relatifs aux obligations contractuelles sur les actifs en question. En outre, un groupe de 40 ONG, dont Amnesty International, a publié une « déclaration d’objection » à la transaction, demandant à ce que la vente ne soit pas autorisée « tant que la pollution causée par la SPDC n’a pas été évaluée ». La vente est donc en suspens.

 

(2) En août, l’entreprise nigériane Oando PLC a acquis la filiale Nigerian Agip Oil Company (NAOC) auprès du groupe italien Eni pour un montant de 783 M USD. La transaction, approuvée par la NUPRC, comprend le remboursement et la contrepartie de l'actif. NAOC se concentrait sur l'exploration et la production de pétrole et de gaz onshore. Les standards d’Oando étant en deçà de ceux des grandes compagnies internationales, cette acquisition pourrait ne pas être une bonne nouvelle pour le respect d’un certain nombre de critères environnementaux et sociaux dans le processus de production. Certaines entreprises françaises telles que Spie refusent d’ailleurs de travailler avec Oando pour cette raison.

 

(3) En octobre, le gouvernement a approuvé la vente des actifs onshore d'ExxonMobil à Seplat Energy, plus de deux ans après l'accord initial de 1,3 Md USD. La vente, annoncée pour la première fois en février 2022, avait été retardée dans l'attente d'une approbation réglementaire.

 

(4) Quant à TotalEnergies, le groupe confirme sa stratégie de se concentrer sur le gaz et les actifs offshore. Le 17 juillet, il a annoncé céder sa participation, à hauteur de 10 %, dans SPDC à Chappal Energies pour 860 M USD. Selon l’accord, le groupe français revend ses parts dans quinze licences de production de SPDC. Sous réserve des autorisations réglementaires, la transaction devrait être finalisée d’ici la fin de l’année. Fin juin, TotalEnergies, opérateur du bloc onshore OML 58 avec une participation de 40 % (60 % de la NNPC) ont pris la décision finale d’investissement pour développer le champ gazier d’Ubeta. Le montant de l’investissement est estimé à 550 M USD. Situé à environ 80 km de Port Harcourt, le bloc OML 58 comprend déjà deux champs en production. Également situé sur le bloc OML 58, le champ de gaz à condensats d’Ubeta sera développé à partir d’un nouveau cluster de six puits, relié aux installations existantes de l’usine de traitement de gaz d’Obite par un gazoduc. La production, dont le démarrage est prévu en 2027, devrait atteindre un plateau de 300 millions de pieds cubes par jour, soit environ 70 000 bpj en incluant les condensats. Le gaz d’Ubeta alimentera l’usine de liquéfaction NLNG de Bonny, dont la capacité est actuellement portée de 22 Mt/an à 30 Mt/an et dans laquelle TotalEnergies détient une participation de 15 %. Ce nouveau projet est rendu possible par les trois décrets présidentiels de mars 2024 qui visaient à promouvoir les incitations fiscales pour les projets d'utilisation du gaz, à renforcer la compétitivité du contenu local et à rationaliser les coûts des contrats pour les aligner sur les normes mondiales. En octobre 2024, le gouvernement a également mis en place de nouvelles mesures fiscales pour favoriser les investissements dans les champs pétroliers en eau profonde. Le ministre des Finance, Wale Edun, a annoncé l’introduction de deux incitations fiscales : une exemption avec effet immédiat de la TVA pour les produits pétroliers et gaziers (auparavant à 7,5 %) ainsi que des allègements fiscaux pour la production offshore en eaux profondes.

 

III/ Le groupe Dangote au cœur de l’actualité.

(1) Au début de l’été, le groupe Dangote a accusé dans la presse les compagnies pétrolières internationales (IOCs) opérant au Nigéria – dont TotalEnergies – et la NNPC de tout faire pour ne pas vendre à sa raffinerie le brut qu’elles produisent localement et de continuer à faire importer le brut par leurs branches commerciales étrangères. Ces accusations publiques visaient à faire pression sur les IOCs afin que ces dernières vendent en naira le brut produit localement à la raffinerie. L’approvisionnement en brut de la raffinerie Dangote est en effet un enjeu pour le groupe, d’autant que les contrats d’export de brut nigérian ont déjà été signés par les IOCs pour les années à venir. La raffinerie a ainsi été obligée d’importer son brut de l’étranger (Etats-Unis notamment) depuis le début de l’année. En réponse aux accusations de blocage d’approvisionnement et afin de réduire la pression sur les recettes en devises et de faciliter le mode de transaction, tant pour Dangote que pour le gouvernement, ce dernier a récemment approuvé les ventes de pétrole brut à la raffinerie en monnaie locale. Par ailleurs, les régulateurs ont déclaré qu'ils s'efforceraient de veiller à ce que les IOCs fournissent le brut nécessaire à la raffinerie conformément au PIA. Dans ce contexte, le 5 septembre, la NNPC a annoncé la fourniture à la raffinerie de 17,6 mb de pétrole brut entre septembre et octobre.

 

(2) Pendant l’été, le groupe Dangote a également accusé l’Autorité de régulation du secteur pétrolier nigérian midstream et downstream (NMDPRA) d'aider à l'importation de diesel et de carburéacteur « sales » dans le pays, attaquant notamment en public l’importateur nigérian Matrix Energy, et même TotalEnergies. Si la raffinerie Dangote, qui a commencé la production de diesel et de carburéacteur en avril, arrive maintenant à sortir de bons produits comparativement à certains produits importés, ces déclarations visait sans doute à faire de l’ombre aux concurrents. Cela étant, la production de la raffinerie Dangote va effectivement obliger le régulateur à regarder de plus près certains produits importés, notamment sur la quantité de soufre. 

 

(3) Début septembre, la raffinerie Dangote a commencé à produire de l’essence et écouler ses premiers volumes d’essence sur le marché. La raffinerie devrait produire environ 90 000 barils d’essence par jour au quatrième trimestre 2024, avant d’atteindre près de 250 000 barils au second semestre 2025. A plein régime, elle devrait produire environ 330 000 bpj, pour une capacité de production de 650 000 bpj tous produits pétroliers raffinés confondus. Pour rappel, la production de l’essence de la raffinerie Dangote avait été repoussée à plusieurs reprises par l’entreprise qui prévoyait initialement de livrer ses premiers volumes en juin 2024, il convient donc d’être prudent dans les projections faites. Le 16 septembre, alors seule acheteur du pétrole raffiné de la raffinerie Dangote, la NNPC a annoncé qu'elle vendrait l'essence provenant de la raffinerie à un prix allant de 950 NGN / litre à Lagos à plus de 1 000 NGN / litre dans certaines régions du nord. Le secrétaire national de l'Association indépendante des négociants en pétrole du Nigeria (IPMAN), James Tor, a déclaré en octobre que les prix de l'essence pourraient baisser après que le gouvernement a récemment autorisé les négociants à s'approvisionner directement auprès de la raffinerie Dangote et à importer d'autres sources, soulignant que la demande et l'offre détermineraient le prix du PMS au fil du temps. Le fait que la NNPCL ne soit plus le seul acheteur de produits pétroliers de la raffinerie Dangote et qu'elle permette aux négociants d'acheter directement marque une étape importante du gouvernement fédéral vers la déréglementation de l'industrie pétrolière. Ainsi, il semble que la raffinerie Dangote puisse finalement être sur le point de répondre à l'un des défis les plus pressants auxquels le Nigéria est confronté depuis des décennies : la dépendance à l'égard des importations de carburant qui a pesé sur ses réserves de change et entravé son potentiel d'autosuffisance énergétique. En effet, les expéditions d'essence vers le Nigéria ont fortement chuté au cours des deux premières semaines d'octobre, selon les données de S&P Global Commodity Insights, seuls 280 400 barils d'essence et de produits de base ont été expédiés au Nigeria au cours de la première semaine du mois, qui s'est achevée le 6 octobre, contre une moyenne hebdomadaire de 1,3 mb en août.