Washington Wall Street Watch n°2024-33
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Les ventes au détail marquent le pas mais dépassent les attentes
Politiques Macroéconomiques
- La Fed baisse les taux de 50 points de base
- Le vote du budget provisoire échoue à la Chambre des représentants
Services financiers
- La SEC abaisse le pas de cotation minimal sur les marchés actions à 0,005 USD
- L’OCC, la FDIC et le DoJ durcissent leurs règles de contrôle des fusions bancaires
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Les ventes au détail marquent le pas mais dépassent les attentes
Selon les données du Census Bureau, les ventes au détail ont progressé de +0,1 % en août après +1,1 % en juillet (révisé à la hausse de +0,1 point par rapport à l’estimation précédente) et dépassé les attentes du marché (-0,2 %).
En août, les ventes ont été particulièrement dynamiques dans les ventes hors magasin (+1,4 %), les magasins divers (+1,4 %) et les soins de santé (+0,7 %) mais ont reculé dans les stations-service (-1,2 %), les équipements électroniques (-1,1 %), l’ameublement (‑0,7 %) et les restaurants et bars (‑0,7 %).
Sur douze mois glissants, les ventes au détail ont progressé de +2,1 % (après +2,9 %), tirées par les magasins divers (+10,7 %), les ventes hors magasin (+7,8 %) et les soins de santé (+3,5 %), partiellement compensé par les stations-service (-6,8 %) et les produits de loisir (sport, musique et livres) (‑3,6 %).
Politiques Macroéconomiques
La Fed baisse les taux de 50 points de base
La réunion du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 17 et 18 septembre 2024 s’est conclue par la baisse de la fourchette cible des taux fed funds de 50 points de base à [4,75 % - 5,0 %]. Il s’agit de la première baisse après le cycle du resserrement monétaire amorcé en mars 2022. Cette décision n’a pas été prise à l’unanimité, la gouverneure Michelle Bowman ayant voté pour une baisse de 25 points de base.
Lors de la conférence de presse, le président de la Fed, Jerome Powell a souligné que l’économie américaine était en bonne santé. Le marché du travail ralentit mais demeurerait toujours solide et l’inflation poursuit sa trajectoire de baisse. Selon J. Powell, compte tenu des risques équilibrés entre l’inflation et l’emploi, une baisse de 50 points de base était appropriée pour maintenir l’économie à son niveau actuel. En revanche, il a affirmé à plusieurs reprises que l’ampleur de la baisse des taux serait décidée à chaque réunion (meeting by meeting) sur la base des données entrantes, de l’évaluation des perspectives et de l’équilibre des risques. Enfin, malgré une baisse de plus grande ampleur que d’habitude, laissant présager une action d’urgence, J. Powell a rassuré en indiquant que la Fed n’a pas agi dans l’urgence ou la précipitation et que l’économie américaine était en bonne santé avec peu de risque d’une récession.
À l’occasion de cette réunion, les membres du FOMC ont publié leurs projections économiques trimestrielles. Celles-ci décrivent une croissance du PIB soutenue, avec une inflation qui baisse plus rapidement et un marché du travail qui ralentit sans heurt : la trajectoire de croissance reste quasi-inchangée, à +2,0 % sur la période de projection (2024-2027). Le taux de chômage serait plus élevé sur la période de projection, à 4,4 % en 2024 et 2025 et reculerait progressivement vers son niveau de long terme (4,2 %). L’inflation et sa composante sous-jacente baisseraient plus rapidement avec un retour à +2,0 % d’ici 2026. Les taux directeurs s’établiraient à 4,4 % (-0,7 point par rapport à la projection de juin) à fin 2024, 3,4 % (‑0,7 point) à fin 2025 et 2,9 % (-0,2 point) à fin 2026.
Le vote du budget provisoire échoue à la Chambre des représentants
Le 18 septembre, le vote du budget provisoire (continuing resolution) a échoué (202-220) à la Chambre des représentants, faute de soutien suffisant des Républicains. En effet, 14 représentants républicains ont voté contre.
Faute d’accord sur le budget ordinaire pour l’exercice 2025 (l’exercice budgétaire débutant le 1er octobre de l’année N-1), le budget provisoire, élaboré par le Speaker Mike Johnson (R-Louisiane), prévoyait une extension du financement des administrations fédérales jusqu’au 28 mars 2025 afin d’éviter l’arrêt de celles jugées non-essentielles (shutdown). Une disposition créait par ailleurs un contrôle préalable de la citoyenneté américaine lors des élections. Enfin, le texte contenait des dépenses exceptionnelles pour le financement du programme sous-marin du Department of Defense et des dotations relatives aux aides et à la gestion des urgences liées aux catastrophes naturelles.
Le vote du texte avait déjà fait l’objet d’un report le 11 septembre. Certains représentants républicains demandaient que le budget provisoire prenne fin plus tôt, afin de pouvoir adopter le budget définitif avant le prochain Congrès (début janvier 2025), et d’autres soutenaient un financement militaire plus important. Les Démocrates, quant à eux, s’opposaient à la mesure relative au contrôle de la citoyenneté. Le 19 septembre, le chef de file des Démocrates au Sénat, Chuck Schumer (D-New York) a annoncé qu’il travaillerait avec M. Johnson sur un budget provisoire bipartisan.
Services Financiers
L’OCC, la FDIC et le DoJ durcissent leurs règles de contrôle des fusions bancaires
Le 17 septembre, l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), régulateur des national banks (banques qui disposent d’un agrément fédéral), a publié une règle visant à renforcer la transparence des procédures d’autorisation préalables aux rapprochements bancaires tout en renforçant l’environnement concurrentiel du secteur. Cette règle s’appuie sur la « loi sur les fusions bancaires » (Bank Merger Act, BMA).
Fidèle à la proposition initiale, cette règle finale prévoit de supprimer : (i) les dispositions relatives à la procédure d’examen accélérée (expedited review), qui permet d’accorder automatiquement une autorisation lorsque l’OCC n’intervient pas sur le dossier avant le 15ème jour suivant la clôture de la période de commentaires publics, et (ii) la procédure de constitution de dossier simplifiée (streamlined business combination application). L’OCC juge les effets limités pour les banques puisque (i) elle prend habituellement une décision explicite avant le délai prévu par la procédure accélérée, et (ii) requiert généralement plus d’informations que celles prévues par la constitution de dossier simplifiée.
De son côté, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), régulateur des banques autorisées par les Etats fédérés (state banks) non membres du système de la Fed, a mis à jour les modalités d’analyse des « facteurs statutaires » pouvant conduire à refuser une fusion. Elle estime notamment que : (i) les effets anticoncurrentiels de la fusion doivent être contrebalancés par un meilleur accès du public aux services bancaires; (ii) la solidité financière de l’entité issue de la fusion doit être supérieure à celle des entités prises séparément ; (iii) les risques pour la stabilité financière sont appréciés plus en profondeur pour les fusions supérieures à 100 Md USD.
Les deux membres d’affinité républicaine du comité exécutif de la FDIC, Travis Hill et Jonathan McKernan, ont voté contre cette règle, regrettant son biais anti-concentration.
Enfin, le Ministère de la Justice (DoJ) a également annoncé écarter l’application de lignes directrices prises en 1995 avec les agences fédérales, considérées comme désuètes, et privilégier à l’avenir ses orientations publiées en 2023, qui prennent en compte des phénomènes nouveaux comme l’émergence des fintechs.
Ces trois prises de position tirent les conséquences du décret présidentiel de 2021 par lequel le Président Biden avait souhaité « revitaliser la supervision des fusions » et prévenir les positions dominantes excessives. Les représentants des banques (BPI et ABA) fustigent un probable allongement des délais d’autorisation et la plus grande opacité et subjectivité de la procédure, qui dissuaderait davantage d’établissements candidats à la concentration. Le passage à l’échelle est pourtant incontournable selon eux pour affronter leurs défis actuels : respect des réglementations multiples, cybersécurité, innovation technologique et compétitivité vis-à-vis de fintechs moins régulées.
La SEC abaisse le pas de cotation minimal sur les marchés actions à 0,005 USD
Le 18 septembre, la SEC a finalisé une des règles de son programme de réforme visant à renforcer la concurrence et à mieux protéger les particuliers sur le marché actions.
La règle i) abaisse le pas de cotation minimal pour les actions dont le cours est supérieur à 1 USD, ii) réduit le plafond de frais d’exécution des ordres, et iii) impose de nouvelles exigences de transparence sur les ordres de faible quantité.
Au sujet des pas de cotation, la règlementation en vigueur jusqu’alors (rule 612) prévoyait un pas minimal de 0,01 USD pour les actions dont le cours est supérieur à 1 USD. La SEC a constaté que la taille du pas de cotation, trop large, nuisait à la concurrence et que de nombreuses transactions réalisées de gré-à-gré étaient exécutées avec des prix davantage décimalisés, contrairement aux ordres exécutés sur les bourses. Selon l’agence, cela aurait favorisé une proportion croissante des exécutions à s’opérer en dehors des bourses. Ainsi, sous la nouvelle règle, le pas de cotation minimal des opérations dont le spread moyen constaté au cours d’une période d’évaluation (Time Weighted Average Quoted Spread – TWAQS) est inférieur à 0,015 USD serait revu à la baisse, à 0,005 USD, sur toutes les places de marché. Pour les opérations dont le TWAQS est supérieur à 0,015 USD, le pas de 0,01 USD est inchangé.
La règle réduit également le niveau maximum des frais qui peuvent être prélevés pour exécuter un ordre à la meilleure cotation disponible (National Best Bid and Offer –NBBO). Ce plafond, fixé par la règle 610, est abaissé à i) 0,001 USD par action pour les actions dont le cours est supérieur à 1 USD, et ii) 0,1 % du prix de cotation par action pour les actions dont le cours est inférieur à 1 USD. Par ailleurs, la règle interdit aux bourses de facturer des frais ou de consentir des rabais dont le niveau ne pourrait pas être connu au moment de l’exécution de l’ordre. Les frais et rabais dépendants des volumes d’ordres transmis doivent être fixés et précisés au préalable aux donneurs d’ordres, afin que ceux-ci puissent anticiper leur effet sur l’exécution.
Enfin, la règle renforce les exigences de transparence concernant les ordres inférieurs à 100 actions cotées à moins de 250 USD (odd lots). La règle impose aux fournisseurs exclusifs de données (Securities Information Processors – SIP) de collecter des informations sur les odd-lots auprès des bourses et de les diffuser. Les informations incluent notamment les prix des meilleurs ordres d’achat et de vente pour les odd-lots disponibles sur l’ensemble des bourses.
La Healthy Market Association, une association de représentants d’investisseurs institutionnels, a salué la règle, dont les dispositions permettent d’améliorer les décisions de routage (routing decisions). La règle entrera en vigueur 60 jours après sa publication au registre fédéral. Pour les dispositions relatives à la réduction du pas de cotation et des frais d’exécution, le délai de mise en conformité à la règle est fixé à novembre 2025. Pour les exigences de transparence sur les odd lots, le délai est fixé à mai 2026.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +2,0 %, à 5 714 points, atteignant son plus haut niveau historique. Cette progression s’expliquerait notamment par une baisse de plus grande ampleur des taux directeurs de la Fed (50 points de base contre le pas habituel de 25 points de base) combinée à un discours rassurant de J. Powell sur l’état de l’économie américaine, des ventes au détail soutenues et le relèvement de l’indice de confiance des ménages.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans sont restés inchangés au cours de la semaine écoulée, respectivement à 3,6 % et 3,7 %.
Brèves
-Le 17 septembre, la société d’investissements BlackRock, la société de gestion spécialisée en infrastructure Global Infrastructure Partners (GIP), le hedge fund émirati MGX et Microsoft ont annoncé la création d’un fonds de 100 Md USD (Global AI Infrastructure Investment Partnership – GAIIP) visant à investir dans des centres de données (data centers) et dans les infrastructures énergétiques associées (supporting power infrastructure), afin de soutenir le développement de l’intelligence artificielle (IA) aux États-Unis et dans les pays partenaires.
-Le 17 septembre, le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), l’agence chargée de la protection des consommateurs en matière de services financiers, a publié un ensemble de recommandations (guidance) destinées aux autorités fédérales et des États compétentes en matière d’application des règles de protection de consommateurs (enforcers) afin de lutter contre les pratiques de certaines banques qui appliquent des frais de découvert (overdraft fees) sans l’autorisation explicite préalable des clients (phantom opt-in agreement). Ces recommandations participent à la lutte de long terme du CFPB contre les frais bancaires cachés ou abusifs (junk fees).