Washington Wall Street Watch n°2024-31
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Le marché du travail ralentit
- L’inflation poursuit sa baisse
- Le Beige Book décrit une économie en ralentissement
Politiques Macroéconomiques
- Le président de la Fed annonce un changement à venir dans la politique monétaire
Services financiers
- La SEC réhausse les exigences de transparence des fonds communs de placement et formule des recommandations en matière de gestion du risque de liquidité pour les fonds ouverts
- La Fed et la FDIC publient leurs lignes directrices pour les plans de résolution des grandes banques américaines et étrangères
- La Fed publie les exigences de capital pour toutes les grandes banques
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Le marché du travail ralentit
Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation du marché du travail, publié le 2 août, les créations nettes d’emplois ont augmenté de +114 000 en juillet, en-deçà des attentes à +175 000 et de la moyenne au cours des 12 derniers mois (+215 000).
Le taux de chômage a augmenté à 4,3 % (après 4,1 %). Le taux d’activité a légèrement augmenté à 62,7 % (après 62,6 %), tandis que le taux d’emploi a reculé à 60,0 % (après 60,4 %). Le salaire horaire continue de ralentir en juillet, en progressant de +0,2 % (après +0,3 %) sur un mois et de +3,6 % (+3,9 %) sur un an.
Selon l’enquête JOLTS publiée le 4 septembre par le BLS, les ouvertures de poste (offres publiées par les entreprises) se sont établies à 7,7 M en juillet contre 8,1 M attendus et après 7,9 M (révisé de +0,3 M) en juin. Les cessations d’emploi (licenciements et démissions) ont progressé de +0,3 M, à 5,4 M, dont +0,2 M de licenciements et de +0,1 M de démissions.
L’inflation poursuit sa baisse
Selon la publication du BLS, l’indice des prix à la consommation (IPC) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) ont tous deux augmenté de +0,2 % en juillet (après -0,1 % et +0,1 % respectivement en juin). Les prix de l’énergie ont marqué le pas (0,0 %) mais ceux de l’alimentation ont progressé de +0,2 %. Dans la composante sous-jacente, l’inflation des services de logement a bondi, de +0,2 % à +0,4 % tandis que celle des véhicules d’occasion et celle de l’habillement ont poursuivi leur baisse, à ‑2,3 % et -0,4 % respectivement contre ‑1,5 % et -0,3 % en juin.
Sur douze mois glissants, l’inflation et sa composante sous-jacente ont continué de baisser à +2,9 % (après +3,0 %) et +3,2 % (après +3,3 %). L’inflation de l’énergie s’établit à +1,1 % (après +1,0 %) et celle de l’alimentation est restée stable à +2,2 %.
Selon les estimations du Bureau of Economic Analysis (BEA), l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle (Personal Consumption Expenditure – PCE) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) ont augmenté tous les deux de +0,2 % (après +0,1 % et +0,2 % respectivement en juin). Sur douze mois glissants, l’inflation et sa composante sous-jacente sont restées inchangées par rapport au mois précédent, à +2,5 % et +2,6 %.
Sur un mois, les prix des biens se sont stabilisés (0,0 % après -0,2 %) tandis que ceux des services poursuivent leur progression (+0,2 % après +0,2 %). Sur un an, l’inflation est de 0,0 % (après -0,2 %) pour les biens et de +3,7 % (après +3,8 %) pour les services. L’inflation énergétique et alimentaire marquent également le pas, à 0,0 % et +0,2 % respectivement sur un mois et à +1,9 % et +1,4 % sur un an.
Le Beige Book décrit une économie en ralentissement
Le Beige Book publié le 4 septembre, qui présente l’évolution économique dans les 12 districts régionaux de la Fed, dépeint une économie en net ralentissement.
L’activité a légèrement progressé dans 3 des 12 districts, et s’est stabilisée ou a reculé dans les 9 autres, soit 4 districts de plus que dans la publication du 17 juillet. La consommation et la production industrielle ont toutes deux reculé.
Le marché du travail est resté globalement stable mais quelques districts ont connu des réductions d’heures travaillées et d’effectifs. Les entreprises ont limité les recrutements en raison des perspectives économiques incertaines. La croissance des salaires s’est modérée. Toutefois, les entreprises soulignent toujours des difficultés de recrutement de la main d’œuvre qualifiée.
Politiques Macroéconomiques
Le président de la Fed annonce un changement à venir dans la politique monétaire
Le président de la Fed, Jerome Powell, a tenu un discours le 23 août à la conférence de Jackson Hole, intitulée « Reassessing the Effectiveness and Transmission of Monetary Policy ». Il a notamment présenté une évaluation de la situation économique et des implications pour la politique monétaire.
Selon J. Powell, le processus de désinflation a repris après avoir marqué le pas en début d’année. L’inflation s’établit désormais à +2,5 % en glissement annuel, ce qui confirmerait sa trajectoire baissière. Le marché du travail s’est nettement détendu avec un taux de chômage à 4,3 % qui a augmenté de près de 100 points de base par rapport à son plus bas niveau (3,4 % en avril 2023). Toutefois, J. Powell considère qu’il s’agirait d’une normalisation du marché du travail, et non d’une détérioration, car cette hausse résulterait non pas d’une hausse des licenciements mais d'une hausse de l'offre de travail.
Compte tenu des risques plus équilibrés entre l’inflation et l’emploi, J. Powell estime qu’il est temps que la Fed ajuste sa politique monétaire. Il a toutefois ajouté que le rythme et l’échéance de ces ajustements seraient fonction des données entrantes, de l’évolution de la situation économique et de l’équilibre des risques.
Services Financiers
La SEC réhausse les exigences de transparence des fonds communs de placement et formule des recommandations en matière de gestion du risque de liquidité pour les fonds ouverts
Le 28 août, la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a finalisé une règle réhaussant les exigences de transparence des fonds communs de placement (mutual funds) et pour certaines dispositions, des fonds cotés (exchange traded funds – ETFs). La règle intègre des recommandations en matière de gestion du risque de liquidité des fonds ouverts (open-end funds) afin de renforcer leur résilience en période de tension. La règle ne s’applique pas aux fonds monétaires, dont les règles de liquidité font l’objet d’une règle adoptée en juillet 2023.
Sous la nouvelle règle, les sociétés d’investissement devront déclarer à la SEC (Form N-Port), la liste de leurs participations sur une base mensuelle, au lieu de trimestrielle, et les rendre publiques sous 30 jours après la fin du mois, contre 60 jours après la fin du trimestre fiscal actuellement. Cette mesure vise à améliorer la fiabilité et l’accessibilité des données aux investisseurs. À ce titre, l’Investment Company Institute (ICI), qui représente les intérêts de la gestion d’actifs, souligne le risque d’apparition de stratégies de trading prédatrices (risk of predatory trading) sur les marchés, en lien avec la divulgation des stratégies des sociétés.
Par ailleurs, les fonds ouverts soumis à un programme de gestion du risque de liquidité devront communiquer à la SEC (Form N-CEN) des informations relatives aux prestataires sollicités pour remplir ces exigences (Liquidity Service Provider – LSP), notamment i) le nom, ii) les informations légales et la localisation du LSP, iii) si le LSP est affilié au fonds ou à ses conseillers, iv) les classes d’actifs pour lesquelles il a rendu un avis, et v) s’il a été embauché ou écarté pendant la période de reporting. Cette mesure vise à améliorer l’évaluation des pratiques de gestion des risques par la SEC.
Le texte inclut également un paquet de recommandations non contraignantes (guidance) en matière de gestion du risque de liquidité des fonds ouverts, perçu par les régulateurs comme une source de vulnérabilité importante, notamment à la suite de la forte perturbation des marchés en mars 2020. Cinq mesures sont proposées : i) l’évaluation périodique du risque de liquidité des fonds ; ii) la classification des actifs selon leur degré de liquidité ; iii) la mise en œuvre d’une exigence de détention d’actifs très liquides (actifs pouvant être liquidés sous 3 jours ouvrés sans impact significatif sur leur valeur de marché) ; iv) un seuil maximal de détention d’actifs illiquides (actifs ne pouvant être liquidés en moins de 7 jours consécutifs) de 15 % et v) un mécanisme de supervision par un conseil d’administration.
Ces mesures constituent une version allégée de la proposition de règle publiée en novembre 2022, suite à une forte opposition de l’industrie. La règle finale abandonne notamment la mise en place d’un mécanisme d’ajustement des prix (swing pricing) en cas de décollecte nette (rachats supérieurs aux souscriptions) ou de forte collecte nette (souscriptions nettement supérieures aux rachats), afin de limiter l’impact des périodes de tension sur les porteurs de parts.
Le délai de mise en conformité de la règle est fixé au 17 novembre 2025. Les sociétés d’investissement dont les actifs sont inférieurs à 1 Md USD auront jusqu’au 18 mai 2026 pour se conformer à la règle.
La Fed et la FDIC publient leurs lignes directrices pour les plans de résolution des grandes banques américaines et étrangères
Le 2 septembre, la Fed a publié deux recommandations (guidance) élaborées avec la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’autorité de résolution et de garantie des dépôts des banques, et destinées à aider les banques nationales et étrangères ayant plus de 250 Md USD d'actifs à développer davantage leurs plans de résolution.
Les banques concernées par ces recommandations sont celles de « catégorie II » au sens de la réglementation américaine (banques de plus de 700 Md USD d’actifs) et de « catégorie III » (banques de 250 à 700 Md USD d’actifs). Parmi les filiales des dix groupes étrangers potentiellement concernés, on dénombre quatre banques européennes (BNP Paribas, Barclays, Deutsche Bank, UBS) et des banques canadiennes et japonaises.
Pour mémoire, un plan de résolution présente la stratégie et les mesures prévues en cas de défaillance d’un établissement bancaire, dans le but d’assurer une résolution ordonnée. Les plans de résolution sont obligatoires en application du Dodd-Franck Act.
Les présentes recommandations décrivent les attentes des superviseurs en termes de contenu du plan, selon la stratégie choisie par la banque pour faire face à ses points clés de vulnérabilité, telles que la gestion du capital, la liquidité, la gouvernance et les capacités opérationnelles nécessaires en cas de résolution. Les plans de résolution doivent être remis de manière triennale par les établissements. Les lignes directrices précisent que la résolution privilégiée pour les banques étrangères est souvent une résolution menée par le pays d'origine et incitent les groupes étrangers à détailler les effets de la mise en œuvre des plans de résolution du groupe sur la filiale américaine.
Ces règles sont moins strictes que celles déjà mises en place en 2019 pour les huit banques américaines d’importance systémique (Global Systemically Important Banks – GSIB) dont les plans de résolution ont fait l’objet d’une évaluation publiée en juin 2024. Elles complètent des règles applicables depuis 2020 aux plus grandes banques étrangères (foreign banking organizations - FBOs).
La Fed publie les exigences de capital pour toutes les grandes banques
À la suite de la publication des résultats des stress-tests le 26 juin, la Fed a annoncé le 28 août les exigences finales en matière de capital pour toutes les grandes banques.
Les exigences de capital pour les grandes banques sont composées (i) d’une exigence minimale en capital identique pour chaque banque et fixée à 4,5%, (ii) d’un coussin de capital lié aux résultats du stress et d’au moins 2,5% et (iii) le cas échéant, d’une surcharge en capital pour les banques les plus grandes et les plus complexes (Global Systemically Important Banks – GSIBs).
Les exigences en capital ont globalement augmenté pour les GSIBs entre 2023 et 2024, en particulier du fait de la hausse du Stress Capital Buffer (SCB). Les augmentations les plus notables touchent les obligations en capital portant sur Bank of America (10,7 % d’exigences totales de CET1 en 2024, soit +1,2 point par rapport à 2023), JP Morgan (12,3 %, soit +0,9 point), Wells Fargo (9,8 %, soit +0,9 point) et Goldman Sachs (13,7 %, soit +0,7 point).
Pour rappel, la Fed avait intégré pour la première fois dans ses stress-tests des scénarios alternatifs incluant des chocs sur la liquidité et sur les activités de trading.
Le non-respect par une banque de l’exigence globale en capital publiée par la Fed entraîne des restrictions automatiques de distribution de dividendes et de paiements de bonus discrétionnaires.
Situation des marchés
Depuis le 1er août jusqu’au 5 septembre, l’indice S&P 500 est resté quasi inchangé (‑0,3 %, à 5 503) mais a très fortement fluctué (‑6 % du 1er août au 5 août, +8 % du 5 au 21 août puis -2% du 21 août au 5 septembre). Le VIX, une mesure de la volatilité implicite, a atteint le 5 août son plus haut niveau depuis 4 ans à près de 40.
Sur la même période, les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont fortement baissé, à 3,7 % (‑0,6 point et ‑0,4 point respectivement).
Les machés financiers ont connu d’importantes turbulences à la suite de la publication du taux de chômage (le 2 août), qui a suscité la crainte d’une récession imminente et d’un retard dans l’assouplissement de la politique monétaire. Dans ce contexte, les anticipations de baisse des taux directeurs se sont renforcées, notamment à la suite de l’intervention de J. Powell le 23 août, conduisant à la baisse des rendements obligataires. Toutefois, les demandes hebdomadaires d'inscription au chômage indemnisé et les ventes au détail publiées dans le courant du mois d’août ont été meilleures que prévu, permettant d’apaiser les marchés et d’effacer les pertes, avant une nouvelle baisse la première semaine de septembre à l’approche de la publication du rapport sur l’emploi du mois d’août.
Brèves
- Le 8 août, dans le cadre du procès de la plateforme d’échanges de crypto-actifs en faillite FTX, la U.S. District Court for the Southern District of New York a approuvé l’accord de justice conclu entre la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), le régulateur des marchés de dérivés, et FTX, dont l’entité juridique inclut le hedge fund Alameda Research. FTX devra notamment s’acquitter d’une amende de 12,7 Md USD pour indemniser les clients victimes de la plateforme, dont 8,7 Md USD de remboursements (restitution) et 4 Md USD supplémentaires de dédommagement issus des profits illégalement acquis par FTX (disgorgement).
- Le 2 août, les régulateurs financier (Fed, SEC, CFTC, CFPB, FDIC, FHFA, NCUA, OCC et le Treasury) ont conjointement publié une proposition de règle visant à harmoniser les données transmises aux agences par les établissements supervisés afin de promouvoir l’interopérabilité des informations financières entre régulateurs, en vertu du Financial Data Transparency Act (FDTA) de 2022.
- Le 3 septembre, la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a condamné six agences de notations à régler des amendes pour un montant total de 49 M USD. Moody’s (20 M USD), S&P Global Ratings (20 M USD), Fitch Ratings (8 M USD), HR Ratings (250 000 USD), AM Best (1 M USD) et Demotech (100 000 USD) étaient poursuivies pour des manquements importants (significant failures) sur la conservation et la préservation des communications électroniques de leurs employés. À l’exception de AM Best et Demotech, qui se sont engagés à d’importants efforts de mise en conformité auprès de la SEC, les agences devront faire appel à des consultants externes spécialisés.
- Le 8 août, le Nasdaq, deuxième plateforme boursière des États-Unis, a publié une proposition de règle visant à accélérer les procédures de retrait de la cotation de certains titres non conformes (‘penny stocks’) dont le prix de clôture, sur une période de 30 jours consécutifs, est inférieur au seuil minimal d’échange (Minimum Bid Price Requirement – MBPR) fixé à 1 USD. Sous la nouvelle règle, les sociétés concernées n’auront plus la possibilité de faire appel après l’expiration du délai de mise en conformité (période de 180 jours renouvelable une fois), et seront dès lors systématiquement suspendues de la cotation. La proposition de règle est soumise à l’approbation de la SEC, l’autorité des marchés financiers.
- Selon la 2ème estimation (semi-définitive) du BEA, la croissance du PIB réel a été revue à la hausse au deuxième trimestre 2024 à +0,7 % (+3,0 % en rythme annualisé contre +2,8 % lors de l’estimation préliminaire). Le changement résulte d’une révision à la hausse de la consommation privée, partiellement compensée par une révision à la baisse de l’investissement, notamment en propriété intellectuelle
- La Fed a publié le 5 septembre un appel à commentaires sur le fonctionnement opérationnel de la discount window, le dispositif de refinancement des banques.