Les transports urbains à Séoul : bilan et perspectives
La région métropolitaine de Séoul est la 4e aire urbaine au monde, avec 27 millions d’habitants. Les 32 millions de trajets qu’enregistre la ville quotidiennement sont un défi en termes de fluidification des déplacements, amplifié par l’étalement urbain actuellement observé et les incidences environnementales. En réponse, la ville et le gouvernement densifient et étendent le réseau de transports en commun, intègrent les enjeux de verdissement et misent fortement sur l’innovation technologique.
Un réseau de transport en commun très développé, mais qui n’est pas exempt de défis
Les habitants de Séoul plébiscitent les transports en commun, et notamment le métro, 3e au monde par l’étendue de son réseau. Sur les 32 millions de déplacements quotidiens enregistrés à Séoul, les transports en communs représentent 64 % des choix modaux des habitants. Ouvert dans les années 70, le métro est aujourd’hui le mode de transport le plus utilisé par les habitants de Séoul, avec 44% des déplacements à Séoul, le 5e métro au monde par sa fréquentation et le 3e par l’étendue de son réseau (après Shanghai et Pékin). Il comprend aujourd’hui 23 lignes et 662 stations, gérées par quatre opérateurs publics et privés. Après la voiture (27% des trajets), le bus est le 3e moyen de transport privilégié par les habitants de Séoul (20% des trajets), avec un parc de 7 380 bus desservant plus de 400 lignes.
Séoul fait aujourd’hui face à des enjeux de fluidification des déplacements, de rééquilibrage centre-périphérie et de contraintes environnementales. En 2023, les conducteurs à Séoul ont perdu en moyenne 100h dans les embouteillages. Certaines lignes du métro sont elles-mêmes régulièrement saturées, avec des taux d’occupation pouvant atteindre 193 % aux heures de pointe. En outre, alors que la population de Séoul intra-muros a décliné de 750 000 habitants en 10 ans, celle de sa banlieue a augmenté de 1,6 millions d’habitants, un report de la population sur fond de flambée des prix de l’immobilier, qui accentue la problématique de desserte. Enfin, la ville a identifié les transports comme un enjeu environnemental, que ce soit en termes de pollution que de transition bas-carbone, les transports étant la 2e source d’émission de CO2 de la ville (18 %).
La réponse à ces défis passe notamment par le développement de nouvelles infrastructures
La municipalité de Séoul renforce le maillage de transports en commun. La longueur des lignes du métro de Séoul a déjà doublé entre 2017 et aujourd’hui et, dans le cadre du plan « Seoul Traffic Vision 2030 » lancé en 2013, de nouvelles lignes de métro sont en construction et les lignes existantes sont prolongées. En outre, le tramway fera son retour à Séoul après 57 ans d’absence, avec une première ligne de 5 km et 12 arrêts prévue pour septembre 2025. Enfin, la municipalité de Séoul entend mieux exploiter le potentiel du fleuve Han, traversant la ville, avec le lancement d’un nouveau service de navettes fluviales hybrides en septembre 2024.
Le gouvernement coréen a initié deux grands projets ferroviaires en vue de fluidifier la desserte depuis Séoul des zones suburbaines et villes périphériques. Dès 2019, le gouvernement a fixé comme priorité de soutenir une meilleure répartition de la population entre Séoul et son agglomération, notamment en matière de transports. Fin mars 2024, le Président Yoon a inauguré le premier tronçon de la ligne A du Great Train eXpress (GTX), équivalent du RER francilien, qui devrait compter 6 lignes desservant 1,83 million de passagers quotidiens à horizon 2035, pour un investissement de 100 Md$. Son objectif est de réduire de moitié le temps de trajet entre Séoul et les villes périphériques et ainsi décongestionner la capitale tout en participant au rééquilibrage entre Séoul et les zones périurbaines. Par ailleurs, une loi spéciale sur la mise en souterrain des chemins de fer, promulguée en janvier, inclut un projet d’anneau métropolitain souterrain reliant deux villes de banlieue (Gyeongbu et Gyeongin) pour 2026.
Vers une meilleure intégration des enjeux environnementaux dans la mobilité urbaine
Séoul accélère la décarbonation de son réseau de bus. Après avoir converti l’ensemble de son parc de bus au gaz naturel en 2011, la ville mise maintenant sur le déploiement des bus électriques, avec l’ajout de 500 bus en 2023, portant leur nombre à plus de 1 000, une politique qui s’articule avec celle d’électrification du parc automobile individuel en circulation dans la ville. S’agissant de l’hydrogène, la Corée a annoncé en juillet 2024 avoir passé la barre des 1 000 bus hydrogène en circulation, la 2e flotte au monde après la Chine, et Séoul apparait comme la principale zone de déploiement, avec notamment une commande passée en 2023 par la ville à Hyundai pour la conversion de 1 300 bus vers l’hydrogène d’ici à 2026.
La municipalité souhaite s’appuyer sur les mobilités douces, notamment en rattrapant son retard dans le vélo, qui représente aujourd’hui moins de 2 % des déplacements domicile-travail ou domicile-étude. Séoul entend favoriser l’accès au vélo, au moyen de campagnes de communication et en procédant à une extension de 40 % du réseau de pistes cyclables d'ici à 2030. Des programmes de partage de vélos continuent de se développer, avec 2 600 stations libre-service comptabilisés en 2023. Par ailleurs, la ville a mis en place 8 nouvelles zones piétonnes en 2024 pour favoriser la marche.
De nouvelles politiques tarifaires ont été mises en place pour inciter les habitants à se reporter vers des modes de transport doux ou publics. La nouvelle « Climate Card », lancée en janvier 2024, entend favoriser l'utilisation des transports en commun (y compris de la nouvelle navette fluviale) et des vélos en libre-service, via un abonnement illimité mensuel (49$) et, dès juillet 2024, un abonnement hebdomadaire. L’introduction en 2024 du « K-Pass », un nouveau système de réduction pour les transports publics, devrait contribuer à favoriser des modes moins polluants.
L’innovation technologique au cœur de la stratégie de transports urbains
Séoul pourra bénéficier des programmes nationaux dans les véhicules autonomes et les nouvelles technologies pour optimiser le trafic et le transport public. Le développement de la conduite autonome, notamment pour les bus et les navettes, progresse, avec l’objectif de déployer des services de transport autonome à grande échelle d'ici 2030. En 2021, le gouvernement prévoyait 1 Md$ d’ici à 2027 à destination des acteurs privés Le gouvernement coréen continue aussi d’investir massivement (75 M$ en 2024, +46 % par rapport à 2023) dans les systèmes de transport intelligents (ITS), pour assurer une meilleure gestion du trafic. Les différents programmes gouvernementaux d’incitation à la R&D dans le domaine des véhicules électriques et hydrogènes devraient également avoir des retombées positives dans les transports publics.
Le ministère coréen des transports a déployé un plan pour la mobilité aérienne urbaine (UAM), visant à introduire des taxis volants à Séoul et dans d’autres villes centrales d'ici 2025. En 2022, le ministère a lancé le programme K-UAM Grand Challenge, en collaboration avec l’Institut de recherche sur l’aérospatial et 124 entreprises, pour coordonner les activités liées à l'UAM dans le pays. En avril 2024, la 1ère phase du projet a été achevée, avec une démonstration des opérations d’aéronefs électriques à décollage vertical. Les démonstrations de vols UAM à Séoul sont prévues pour 2024 et 2025.